DECISION DU COMMISSAIRE
Articles, 2, 28 et 36: Rayon mortel
La description du laser accompagué d'une décharge Tesla ne fournit pas tous
les renseignements nécessaires pour que les autres intéressés puissent réaliser
l'invention; la description ressemble plutôt à un énoncé théorique. Le deman-
deur n'a pas fourni le modèle demandé. La demande a été présentée par "X"
(nom légal de l'inventeur).
Décision finale: Confirmée.
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La présente décision porte sur une demande de revision par le Commissaire des
brevets, de la décision finale de l'examinateur, datée du 28 avril 1977, au
sujet de la demande no 213,113, classe 317-3. La demande a été déposée le 6
novembre 1974 par un certain monsieur "X", nom légal d'un citoyen canadien qui
habite à Kingston (Ont.). L'invention revendiquée est un rayon mortel produit
par un émetteur amplificateur à haute tension équipé d'un laser. L'émetteur
comprend un serpentin inducteur auquel on a fixé une coupole sphérique. Le laser
est placé au centre de la coupole (voir figure 1 ci-dessous).
<IMG>
Dans sa décision finale, l'examinateur a rejeté la demande pour cause de non-
fonctionnement, conformément aux articles 2 et 36(1) de la Loi sur les brevets.
Les motifs qui ont justifié sa décision sont les suivants:
Le rejet fondé sur l'article 36(1) est encore justifié. En
raison des restrictions du laser, l'élément compensatoire aurait
pu constituer un point important de l'invention revendiquée, mais
sa description n'est pas complète. Aux pages 18 et 19, le
demandeur déclare: "La portée et la puissance réelles d'un
laser peuvent restreindre son pouvoir d'ionisation à une distance
de quelques kilomètres; dans la présente invention, un laser de
ce genre peut facilement y être fisé". Le demandeur ne fait
ici aucune distinction entre les radiations thermiques et les
radiations photo-ionisatrices. Les renvois indiqués au mémoire
descrptif énoncent carrément que la portée et la puissance réelles
du laser peuvent restreindre son pouvoir d'ionisation à une
distance de quelques kilomètres. Si le demandeur persiste à
prétendre que le mémoire descriptif renferme tous les renseigne-
ments nécessaires, il doit nous indiquer où dans son mémoire, l'on
trouve une description de l'élément compensatoire mentionné à la
page 19. dans sa lettre du 20 janvier 1976 (page 3) le demandeur
mentionne la ligne 24 de la page 4 et la ligne 26 de la page 5.
Cette partie du mémoire descriptif traite des restrictions du
laser mais non de mesures compensatrices. Aux pages 4 et 5, nous
ne retrouvons aucune distinction entre les radiations thermiques
et les radiations photo-ionisatrices qui pourrait justifier la
prétention du demandeur dans sa lettre du 19 mai 1976.
Le rejet de la demande se fonde aussi sur l'article 2 (définition
d'un brevet) car l'invention revendiquée ne serait pas en mesure
de fonctionner. A la page 3, le demandeur déclare: "Peu importe
si la portée de mon invention atteint 5 mètres ou 50,000 mètres.
Cette portée qui semble être le seul point en litige n'a rien à
voir avec le fonctionnement de mon invention ni son caractère
brevetable." On ne partage pas du tout ce point de vue. Il va de
soi que la portée d'un "rayon mortel" constitue un point important
lorsqu'il faut déterminer si le dispositif peut fonctionner par
rapport à une cible donnée. Pour s'assurer que le demandeur a
inventé un "rayon mortel" utilisable dans un rayon qui en vaut la
peine, celui-ci doit nous indiquer quel laser, parmi ceux qui
existent, pourrait engendrer une photo-ionisation suffisante pour
diriger la décharge de l'instrument Tesla.
La demande est aussi rejeté parce qu'elle ne renferme aucun
élément brevetable. Le demandeur n'a pas parlé d'aucun laser en
particulier que l'on pourrait adjoindre au système Tesla. L'inven-
tion revendiquée par le demandeur ne constitue donc pas un progrès.
Le demandeur s'efforce de faire breveter un principe connu, soit
celui de faire passer une décharge électrique dans un gaz dont
l'ionisation, le long du parcours de la décharge, est assurée par
photo-ionisation. Le caractère évident de ce principe n'écarterait
pas le caractère brevetable de l'invention si les moyens d'y parvenir
étaient entièrement divulguées. Le demandeur n'a pas précisé quel
laser connu pourrait engendrer un "rayon mortel" d'une portée utile.
La demande repose donc sur un principe connu.
Dans sa réponse à la décision finale, le demandeur a déclaré ce qui suit (extrait):
Mon invention repose uniquement sur la revendication de
l'utilisation combinée d'un émetteur Tesla (émetteur ampli-
ficateur à haute tension) et d'un laser afin de contourner le
problème de leurs restrictions respectives lorsqu'il s'agit
de transmettre l'énergie sur une longue distance et d'en
arriver à fournir la suramplification d'énergie nécessaire à
un rayon mortel.
Si mon invention ne peut fonctionner, alors comment se fait-il
qu'elle soit rejetée parce qu'elle traite d'un principe connu?
Les objections formulées par l'examinateur me semblent contra-
dictoires car mon invention fonctionne ou ne fonctionne pas du
tout. L'examinateur reconnaît que les principes sur lesquels
repose mon invention ne sont pas erronés; l'objection principale
semble provenir d'un élément abordé dans ma revendication: la
portée du rayon mortel. L'examinateur soutient "qu'il va de soi
que la portée du rayon mortes constitue le facteur principal pour
déterminer s'il peut fonctionner par rapport à une cible donnée",
est-ce que cette affirmation signifie que si la portée atteint
500 mètres et que la cible se trouve à 600 mètres, mon invention
ne peut être qualifiée de rayon mortel, même si le dispositif
permet d'atteindre des cibles à 400 mètres? Dans mes revendica-
tions, je ne parle nullement de la portée de mon dispositif et je
ne comptais pas du tout traiter de cette question car je sais qu'un
rayon mortel dont la portée n'atteint que 5 mètres ne peut consti-
tuer qu'une arme très dévastatrice. Le ministère de la Défense
nationale a analysé la question de la portée du rayon et ses
spécialistes en sont venus à la conclusion suivante: "la portée
éventuelle de votre dispositif n'est pas assez étendue pour
répondre aux besoins militaires". On ne m'a fourni aucune réponse
lorsque j'ai demandé quelle devrait être la portée idéale au sens
militaire. D'après ce que je peux comprendre, le Ministère
rechercherait un "rayon mortel" dont la portée permettrait de
détruire les missiles de l'ennemi en plein vol, et même de
traverser l'atmosphère terrestre, exigences qui dépassent de
beaucoup les possibilité de mon invention. Personne n'a formulé
d'objections quant au caractère évident de mon invention: Nos
spécialistes ont porté une grande attention à l'analyse de votre
invention"; elle n'a pas été rejetée non plus pour raisons de
non-fonctionnement: "Si vous possdez un modèle de votre invention,
nos spécialistes aimeraient en faire l'examen afin de déterminer
si le ministère de la Défense nationale ne pourrait pas y avoir
recours éventuellement en augmentant ses possibilité d'application";
il s'agit d'extraits d'une lettre rédigée le 13 mai 1975 par John A.
Allen, pour le compte du sous-ministre de la Défense nationale.
La portée d'un rayon mortel est subordonnée à la conception de
chaque dispositif et à l'énergie transmise au circuit émetteur
ainsi qu'au laser. Il va de soi qu'un laser dont les moyens de
propulsion sont insuffisants ne peut diriger un rayon mortel sur
des cibles dont la portée est hors d'atteinte; il se peut aussi
qu'un laser dont la puissance de propulsion est très élevée ne
puisse fonctionner comme rayon mortel même si la cible est atteinte.
Par contre, dans mon invention, le laser a pour but de produire un
faisceau d'air ionisé entre le point de décharge et la cible;
l'énergie nécessiare au "rayon mortel" serait transmise le long
du faisceau d'air ionisé comme une décharge du circuit émetteur.
Si le laser n'assure pas l'ionisation complète du faisceau d'air
compris entre la cible et le point de décharge, le passage du point
de pression maximale (voltage) le long du faisceau permettra
l'ionisabion de l'air qui entoure ce faisceau et accroîtra ainsi
son diamètre, conservera le faisceau d'air ionisé engendré par le
laser, et favorisera l'ionisation des électrons entrechoqués
sur le faisceau, à un point qui se trouve derriére le laser
(voir page 22).
Dans la décision finale de l'examinateur, l'un des points soulevés en vertu de
l'article 36(1) de la Loi sur les brevets, exige du demandeur qu'il indique où
dans son mémoire descriptif il parle du phénomène compensatoire mentionné à la
page 19 (ligne 4). A cette question, le demandeur a répliqué que la réponse
se trouve à la page 22 (lignes 17 à 30) de son exposé. Après analyse de ce
passage, nous constatons que l'auteur a voulu dire ce qui suit: le passage du
voltage le long du faisceau d'air ionisé permet aussi l'ionisation de l'air qui
entoure le faisceau et accroît ainsi son diamètre. Par contre, l'auteur déclare
à la page 19, que la longueur du faisceau ionisé restreint la portée du laser. Nous
reconnaissons que le laser a pour but de produire l'ionisation pour transmettre
le voltage le long du faisceau ionisé: l'ionisation doit donc précéder le voltage.
Dans son mémoire descriptif, le demandeur sous-entend que le voltage peut compen-
sec les faiblesses du laser, et accroître la longueur du faisceau de décharge
au-delà de l'ionisation engendrées par le laser. Par contre, nous ne trouvons
aucune description précise de ce phénomèn e. Dans la présente demande, nous nous
intéressons à l'acheminement d'un rayon d'énergie en direction d'une cible donnée.
Ce phénomène s'intitule "rayon mortel". Le demandeur prétend que le fruit de son
invention est un instrument avec lequel on peut diriger l'énergie électrique sur
une cible éloignée. Un expert en la matière doit pouvoir en arriver aux résultats
escomptés. S'il échoue, le dispositif manque donc d'utilité au sens de la Loi sur
les brevets, car on ne peut le faire fonctionner. Prenons l'exemple de Northern
Electric v. Browns Theatre (1940) R.C.E. 36 à la page 56 où le juge déclare:
Pour être brevetable, une invention doit représenter un
avantage aux yeux des utilisateurs. Dans le contexte de
l'invention, l'utilité se mesure en valeur industrielle.
On ne peut accorder ma brevet dans le cas d'un dispositif
ou d'un ensemble sans valeur. Dans le présent cas, le
demandeur revendique l'invention d'un objet qui manque
d'utilité car son fonctionnement ne correspond pas du tout
aux besoins qui ont mené à sa conception."
Voir aussi. Raleigh Cycle v Miller, (1946) 63 R.C.R. 113 à la page 140 où il est
déclaré:
En d'autres termes, la protection s'achète avec la
promesse de résultats. Elle ne doit pas résister à la
promesse non respectée d'engendrer les résultats. (Traduction)
Dans Union Carbide v Trans Canadian Feeds (167) 49 CPR 29, la Cour déclare ce
qui suit:
Je conclus que la présente demande est sans valeur car l'objet
de la revendication n'est pas utile au sens des brevets. (Traduction)
Dans l'affaire Le Rosair Appollo (1932) 49 RPC, la Cour en est venue à la
conclusion suivante: lorsque l'on a la preuve que la théorie exposée pour justi
fier un brevet présente des failles, on ne trouve aucune utilité justificatrice
de l'invention. (Nous soulignons)
Et en dernier lieu, voir Wandscheer v Secard (1946) R.C.E. page 112 et (1948)
R.C.S. page 1:
Pour évaluer l'utilité d'une invention, il faut s'assurer
qu'elle respecte les objectifs pour lesquels elle a été créée,
et qu'elle fait preuve d'utilité au moment où le brevet est
accordé, et ce, conformément aux buts décrits par le demandeur
du brevet. (Traduction)
La décision finale comporte une autre exigence "pour pouvoir déterminer si le
demandeur a inventé un "rayon mortel" utilisable dans un rayon donné, celui-ci
doit nous indiquer quel laser à son sens, peut produire la photo-ionisation..."
En réponse à cette exigence, le demandeur déclare qu'il a "résisté aux demandes
de l'examinateur l'enjoignant de nommer un laser en particulier ou de déterminer
l'énergie nécessaire à un laser pour engendrer un rayon mortel; ceci me permet de
restreindre mes affirmations à une certaine classe de laser ou à une certaine
portée d'énergie...". En vertu de l'article 36 de la loi sur les brevets, le
demandeur doit "décrire d'une façon exacte et complète l'invention et son appli-
cation ou exploitation, telles que les a conçues l'inventeur, et exposer clairement
les diverses phases d'un procédé, ou le mode de construction, de confection, de
composition ou d'utilisation d'une machine."
A notre avis, un expert en la matière ne pourrait pas "fabriquer, construire,
composer ou utiliser" l'invention revendiquée à partir de la description fournie
dans le mémoire descriptif présenté par le demandeur.
La question de la possibilité de faire fonctionner une invention a fait l'objet
de contestations devant les tribunaux. Dans Minerals Separation v Noranda Mines
Ltd., (1947) R.C.E. 306, le juge déclare à la page 316:
Le mémoire descriptif d'une invention doit comprendre deux
descriptions: l'invention et le fonctionnement ou l'utili-
sation de cette invention. Il doit s'agir d'un compte-rendu
de l'inventeur, et dans les deux cas, la description doit être
complète et exacte. L'objet de cette exigence s'explique par
le fait qu'une fois la période du monopole expirée, les in-
téressés peuvent, uniquement à partir de données descriptives,
en arriver aux mêmes résultats que ceux obtenus par l'inventeur
au moment où il a présenté sa demande. (Traduction)
Et à la page 317:
Lorsqu'il est dit que le mémoire descriptif doit être rédigé
de manière qu'une fois la période du monopole expirée, les
intéressés puissent, uniquement à partir de données descriptives,
en arriver aux mêmes résultats que ceux obtenus par l'inventeur,
nous devons insister sur le fait que lorsqu'on parle des
intéressés, nous entendons les experts en la matière, car les
données descriptives d'un brevet s'adressent à ces mêmes personnes.
(Nous soulignons). (Traduction)
Pour évaluer le caractère utile d'une invention revendiquée, il faut vérifier si
en suivant les directives données dans le mémoire descriptif, nous obtenons les
mêmes résultats que ceux mentionnés par le demandeur. Dans la présente demande,
nous sommes convaincus que l'objet de la description et de la revendication ne
peut être qualifié d'utile car il est impossible de faire fonctionner le disposi-
tif et d'obtenir un résultat qui justifierait sa conception. Le demandeur n'a pas
respecté les exigences des articles 2 et 36 de la Loi sur les brevets.
De plus, nous avons constaté que le demandeur n'a pas fourni le modèle exigé par
l'examinateur, conformément à l'article 40 de la Loi sur les brevets. Pour
expliquer cette situation, le demandeur allègue qu'il ne dispose actuellement
d'aucun moyen qui lui permette du réaliser son invention à une échelle convenable.
De plus, nous constatons (le demandeur l'indique d'ailleurs dans sa réponse) que
le ministère de la Défense nationale a aussi demandé à l'inventeur du'il fournisse
un modèle de son dispositif pour que les spécialistes puissent "l'examiner". Nous
sommes donc portés à croire que l'invention conçue par le demandeur ne constitue
qu'une simple conception théorique et, en vertu de l'article 28(3) de la Loi
sur les brevets, il ne doit pas être délivré de brevet pour ce genre d'invention.
Par conséquent, la Commission recommande due la décision finale de l'examinateur
de rejeter la demande soit confirmée.
Le président,
Commission d'appel des brevets, Canada
S.D. Kot
G.A. Asher membre
Après analyse détaillée de la présente demande, je souscris aux conclusions
de la Commission d'appel des brevets. Par conséquent, je refuse de concéder
un brevet pour cette demande. Le demandeur dispose de six mois au cours desquels
il pourra en appeler de la présente décision, conformément aux dispositions de
l'article 44 de la Loi sur les brevets.
Le Commissaire des brevets,
J.H.A. Gariépy
Datée à Hull (Ouébec)
ce 25e jour de septembre 1978
Agent du demandeur
X
C.P. 1598
Kingston (Ont.)
K7L 5C8