DECISION DU COMMISSAIRE
Objet: Article 2 - Rééducation orthophonique
La demanderesse a cherché à faire breveter un texte servant à la rééducation
orthophonique et destiné à être lu par les patients pour exercer leurs cordes
vocales. Une revendication en vue d'obtenir la protection conférée par le droit
d'auteur a déjà été présentée. On a conclu que la "méthode" d'enseignement
revendiquée n'était pas brevetable. On a pris en considération la brevetabilité
des méthodes et des procédés, le problème de savoir si les revendications pour
un procédé pouvaient être présentées à nouveau et les distinctions existant
entre la protection conférée par le droit d'auteur et celle qui est conférée par
le brevet.
Rejet final: Confirmé
**************************************
Le 31 mai 1978, la Commission d'a-pel des brevets a tenu une audition pour
examiner le rejet final de la demande 159,203, catégorie 35-41. Elle avait été
présentée le 18 décembre 1972 par Mme Betty Young Dixon et était intitulée
Speech Instruction Method. A l'audition, l'auteur de l'invention était
représenté par M. Don Morrow.
La demande fait état d'une nouvelle technique pour améliorer la voix d'un individu
au moyen d'une série d'exercices vocaux. La revendication originale 1 comporte
une description de l'objet de l'invention rejeté par l'examinateur:
(TRADUCTION)
1. Une méthode d'éducation orthophonique comprenant les
étapes suivantes:
a) provoquer une toux soutenue provenant de la partie
inférieure du diaphragme et accompagnée d'une sensation
de retrait de celui-ci vers l'intérieur et le bas et causant
une expansion vers l'extérieur involontaire et automatique
des muscles entourant le diaphragme afin de créer une
colonne d'air tussigène continue le long du larynx;
b) énoncer une série prescrite de structures articulatoires
audibles faisant appel à une réaction semblable à la toux
provoquée décrite en a) afin de pouvoir accrocher ces
structures au diaphragme et de s'en servir pour que le
diaphragme puisse supporter entièrement ces structures."
Les revendications et la demandes elle-même ont été refusées au motif qu'elles
ne visaient pas l'objet approprié au sens de l'article 2 de la Loi sur les brevets.
Depuis le rejet, la demanderesse a proposé des modifications à la divulgation,
aux revendications et au titre afin d'essayer de mieux définir son invention.
Le titre maintenant proposé est Speech Training Apparatus and Method. Les reven-
dications 1, 16, 20, 35 et 38 des cinquante-deux revendications soumises par la
demanderesse sont caractéristiques.
(TRADUCTION)
"1. Matériel destiné à améliorer la voix humaine et/ou la
prononciation des mots, c'est-à-dire un texte comprenant une
série de groupes de mots structurés dont chacun est caractérisé
par le choix d'une structure de staccato dominante qui se
retrouve au moins une fois dans la presque totalité au moins
des mots de la série de groupes de mots structurés; aucune unité
de cette série n'a la même structure de staccato dominante,
chacune est divisée au moyen d'une première catégorie de marqueurs
en plusieurs unités rythmiques de mots, les structures de staccato
dominantes dans chaque série de groupes de mots structurés sont
identifiées et visuellement mises en relief au moyen d'une seconde
catégorie de marqueurs et la série de groupes de mots structurés
est choisie et disposée de façon à donner une séquence de struc-
tures de staccato progressivement reliée.
16. Une méthode pour améliorer la voix humaine et/ou la pronon-
ciation des mots comprenant la lecture à haute voix du texte défini
dans la revendication 1, 2 ou 3.
20. Une méthode pour améliorer la voix humaine et/ou la pronon-
ciation des mots comprenant la lecture à haute vois d'un texte dans
lequel figure une série de groupes de mots structurés qui sont
disposés dans une série séquentielle consistant en des groupes de
mots structurés caractérisés par une structure sonore dominante et
retenue et en des groupes de mots structurés caractérisés par un
son dominant marqué par une voyelle; chaque groupe de mots structurés
est divisé en plusieurs unités de mots et comprend la façon de marquer
les pauses entre les unités de mots, ce qui modifie l'état habituel du
système respiratoire et phonétique tel qu'il est défini aux présentes
en assujettissant le système à chacun de ces sons dominants.
35. Une méthode pour mettre au point un texte destiné à améliorer
la voix humaine et/ou la prononciation des mots dans lequel figure
a) une série prédéterminée de groupes de mots structurés,
progressivement reliés, dont chacun est caractérisé
respectivement par unes structure de staccato dominante,
une structure retenue ou une voyelle qui, dans la série,
produit un effet mécanique sur le système respiratoire
et phonétique et qui modifie l'état habituel de celui-ci;
b) un son dominant donnant la façon d'indiquer chaque
structure ou voyelle dominante;
c) une pause donnant la façon d'indiquer, dans un groupe
particulier de mots structurés, les endroits où la répéti-
tion du groupe de mots. structurés doit être interrompue.
38. Une méthode pour améliorer la vois humaine et/ou la
prononciation des mots comprenant l'utilisation d'un appareil
destiné à la lecture sonore de l'enregistrement d'une série de
groupes de mots structurés disposés dans une série séquentielle
consistant en des groupes de mots structurés caractérisés par une
structure sonore dominante de staccato, en des groupes de mots
structurés caractérisés par une structure sonore dominante et
retenue et en des groupes de mots structurés caractérisés par un
son dominant marqué par une voyelle; chacun de ces groupes de mots
structurés est divisé en plusieurs unités de mots et comprend la
façon de marquer les pauses entre les unités de mots, ce qui modifie
l'état habituel du système respiratoire et phonétique tel qu'il est
décrit aux présentes en assujettissant le système à chacun de ces
sons dominants."
M. Morrow a expliqué que la demanderesse, en apportant ces modifications,
voulait faire valoir que l'invention qu'elle cherchait à faire protéger était
moins une méthode de rééducation orthophonique qu'un matériel destiné à améliorer
la voix humaine. Les revendications de cette méthode telles qu'elles sont pré-
sentées actuellement portent sur la façon d'utiliser le matériel.
M. Morrow a également présenté de nombreux affidavits témoignant de l'efficacité
de l'invention qui a permis d'améliorer la voix de nombreuses personnes. En
outre, à l'audition et dans ses observations écrites; il a présenté une série
d'arguments solides sur les raisons pour accepter les dernières revendications.
Les programmes d'exercices vocaux et la rééducation orthophonique sont évidemment
bien connus. L'amélioration que Mme Dixon a apportée aux techniques précédentes
consiste à utiliser une série de mots, dont certains produisent des sons de
staccato, afin de développer 1e diaphragme. Expliquée de la façon la plus simple
possible, la revendication 1 a trait à certains mots appropriés figurant sur une
page ou dans un manuel et disposés. de telle manière que, lorsque le patient les
répète vigoureusement, ils exercent son diaphragme et améliorent sa voix. Cet
exercice peut être mis sur bande magnétique, disque ou autre matériel d'enregis-
trement. Selon les directives filgurant dans le manuel d'instructions intitulé
"Verses for Voice", où se trouvent les exercices, que Mme Dixon a fait protéger
par le droit d'auteur en 1970-1971, la fatigue, le stress, les émotions, la
nervosité, les malaises ou la maladie influent sur les résultats. Toutefois,
ces exercices sont efficaces pour résoudre des problèmes de langage tels qu'un
accent trop prononcé, le bégaiement, le nasillement, un débit trop rapide et le
marmonnement qui sont causés par un resserrement de la gorge et des muscles inter-
costaux. Cela s'est traduit par une amélioration du revenu chez de nombreuses
personnes qui ont accédé à des postes de responsabilité, qui se sont faits offrir
un rôle au cinéma, etc. Par exemple, une serveuse travaillant au restaurant
Yellowfingers, à New York, s'est fait des pourboires plus nombreux à la suite de
ces exercices. Ils ont à ce point améliorer sa voix qu'il lui était devenu plus
facile de bavarder avec les clients, ce qui avait pour effet de les mettre à
l'aise et dans de bonnes dispositions d'esprit et, par conséquent, de susciter
leur générosité. Nous sommes donc convaincus que clans de nombreux cas ces
exercices de la voix aident à la rééducation orthophonique et qu'ils contribuent
à améliorer la situation financière de ceux qui les suivent.
Lors du rejet, l'examinateur a soutenu que l'invention ne pouvait faire l'objet
d'une application industrielle, qu'elle se rapportait à une méthode de rééducation,
qu'il s'agissait d'une série de directives et d'exercices pour faire tousser, en
fait tous des éléments qui ne sont pas brevetables. Il a également allégué que
l'invention faisait appel à des aptitudes professionnelles ou personnelles et que
ce cas n'était pas visé par l'article 2. L'examinateur a prétendu que l'invention
ne se rapportait pas aux affaires, à l'industrie ou au commerce dans le sens que
l'on donne habituellement à ces termes, qu'elle était essentiellement non écono-
mique et qu'elle ne pouvait faire l'objet de contrôles ou de reproduction du fait
que les résultats différaient selon les personnes traitées. Pour appuyer son
opinion voulant que ces revendications n'étaient pas brevetables, l'examinateur a
cité l'affaire Lawson c. Le commissaire des brevets 62 C.P.R. 107.
M. Morrow a soutenu au nom de la demanderesse qu'il était possible, en vertu de
l'article 2, de faire breveter "toute réalisation, tout procédé... présentant le
caractère de la nouveauté et de l'utilité" et que l'invention en question était
une réalisation ou un procédé présentant le caractère de la nouveauté et de
l'utilité. Il a distingué la présente affaire de l'affaire Lawson (supra) au
motif suivant:
(TRADUCTION)
"Pans les motifs de jugement de l'affaire Lawson c. le commissaire
des brevets (1970) 62 C.P.R. 101, on a dit que le savoir-faire
professionnel ne pouvait faire l'objet d'un brevet en précisant,
à titre d'exemple, qu'un chirurgien qui mettrait au point une
nouvelle méthode pour pratiquer un certain type d'opération ne
pourrait pas obtenir la propriété exclusive de cette méthode ou
un droit sur celle-ci. On comprend pourquoi la mise au point d'une
telle méthode ne saurait être brevetable lorsqu'on considère que la
réussite de l'opération dépend des aptitudes intellectuelles et
manuelles du chirurgien. Toutefois, les instruments ou les appa-
reils confus pour le traitement des humains ou des animaux, comme
ceux qui sont employés lors d'une opération chirurgicale, sont
brevetables. La méthode de rééducation visée par la présente inven-
tion ne fait pas appel à des aptitudes intellectuelles ou manuelles,
c'est-à-dire à des aptitudes professionnelles ou personnelles de
l'éducateur ou de l'auteur de l'invention pendant l'application de
la méthode, mais plutôt à l'exécution d'un ensemble de directives
et à l'application du procédé établi conformément à la méthode
définie. L'aptitude professionnelle de l'éducateur n'entre plus
en ligne de compte à partir du moment où la méthode est utilisée
par le patient et ce dernier est le seul à participer à son
application. Dans le manuel de l'Office des brevets, on suggère
qu'un procédé qui repose entièrement sur des aptitudes
professionnelles ou personnelles telle qu'une méthode
d'exercice et d'éducation n'est pas brevetable, mais on ajoute
que le matériel et les instruments utilisés au cours de
l'application de cette réalisation le sont. La demanderesse
soutient que la méthode revendiquée ne fait pas appel à
l'aptitude professionnelle ou personnelle de l'éducateur, mais
plutôt au matériel fourni au patient sous forme de directives
afin de lui indiquer la façon de procéder et l'ordre des
opérations à suivre pour atteindre les résultats désirés."
Après avoir considéré l'affaire Lawson et l'analyse approfondie de l'article 2
à laquelle a procédé le juge Kerr dans Tennessee Eastman c. Le Commissaire des
brevets 62 C.P.R. 117 (confirmée par 1974 R.C.S. 111), nous sommes convaincus que
l'examinateur avait tout à fait raison de rejeter les revendications dont il était
saisi. Nous croyons utile de citer les extraits suivants de l'affaire Lawson
(p. 109):
(TRADUCTION)
"Je tiens pour acquis que toute réalisation et fabrication
présentant le caractère de la nouveauté et de l'utilité ne sont
pas nécessairement visées par l'article 2d de la Loi.
Dans l'affaire Farbwerke Hoechst Aktiengesellschaft Vormals
Meister Lucius & Bruning c. Le Commissaire des brevets (1962),
39 C.P.R. 105 à la p. 124, 22 Fox Pat. c. 141, P. Thorson a jugé
qu'on devait attribuer aux: mots utilisés dans la définition du
terme "invention" leur sens ordinaire de façon que dans les cas
où une "réalisation", une "fabrication" ou le "perfectionnement"
d'une invention présente:
(TRADUCTION)
"... le caractère de la nouveauté et de l'utilité, ils
soient considérés comme une invention au sens de la
définition et, par conséquent, brevetables en vertu de
la Loi, sans que l'on ait à se demander si l'invention a
fait appel à de l'ingéniosité ou même s'il s'agissait
simplement d'une amélioration pratique ou encore d'un
simple perfectionnement des réalisations antérieures."
L'affaire ayant été portée en appel, la Cour suprême du Canada a
refusé de souscrire à l'opinion de P, Thorson citée précédemment.
Dans Le Commissaire des brevets c. Farbwerke Hoechst, 41 C.P.R. 9 à
la page 17, (1964) R.C.S. 49, 25 Fox Pat. C. 99, le juge Judson a
déclaré ce qui suit:
(TRADUCTION)
"... Jusqu'à ce qu'on soulevât la question dans les
motifs rendus par la Cour de l'Échiquier, personne n'a
jamais remis en question le principe voulant que l'inven-
tion soit un attribut essentiel de brevetabilité."
Il est donc évident qu'on doit attribuer aux mots de l'article 2d
une portée limitée.
La question essentielle est de savoir si le mot "réalisation", qui
figure dans la définition, comprend un procédé visant à délimiter
un lopin de terre et si la division d'un terrain en lots dont les
limites sont marquées par des lignes incurvées ayant la forme
d'une flûte à champagne constitue une "réalisation" ou une "fabri-
cation", au sens de l'article 2d).
Une réalisation ou une opération est un acte ou une série d'actes
occasionnés par l'effet d'un agent physique sur un objet matériel
et qui engendre chez ce dernier des modifications de nature ou
d'état. C'est une notion abstraite, en ce sens qu'elle peut faire
l'objet d'une analyse de l'esprit, mais c'est également une notion
concrète, en ce qu'elle consiste dans l'application d'un agent
physique à un objet matériel et qu'elle se révèle ensuite aux sens
par le biais d'un objet ou d'un instrument.
Au début de l'application de la Loi sur les brevets, on
considérait qu'une invention devait être vendable et qu'à
moins que le nouveau mode d'opération qu'elle comportait ne
créât un produit nouveau, elle n'était pas brevetable.
Cependant si le nouveau mode d'opération avait pour effet de
créer un produit nouveau, l'invention brevetable était alors
le produit et non l'opération par laquelle il avait été conçu.
On confondait la fin avec les moyens. Toutefois, il est
maintenant admis que si l'invention est le moyen et non le
résultat, l'inventeur a droit à un brevet sur le moyen."
et: (Traduction)
"D'après la conclusion de l'extrait qui précède, il est évident
que les aptitudes professionnelles ne sont pas brevetables. Un
chirurgien qui mettrait au point une méthode permettant de prati-
quer un certain type d'opération ne pourrait pas obtenir la
propriété exclusive de cette méthode ou un droit sur celle-ci.
Un avocat qui aurait imaginé une façon particulière de contre-
interroger ou de plaider ne pourrait pas non plus exiger de ses
imitateurs qu'ils lui demandent un permis.
Il me semble qu'une méthode visant à délimiter et à lotir des
terrains fait appel à l'habileté de l'avocat et du notaire ainsi
qu'à celle de l'expert en planification et de l'arpenteur. Il
s'agit d'une réalisation qui relève du domaine professionnel et
non de l'adresse ou du savoir-faire manuel.
Par conséquent, je conclus que la méthode mise au point par le
demandeur pour lotir des terrains n'est pas une réalisation au sens
de l'article 2d)."
et: (Traduction)
"Le mot "fabrication" suggère l'idée de création. Par conséquent,
il est difficile de concevoir un procédé de fabrication sans que ce
dernier ne donne lieu à un produit vendable. Ce procédé doit ap-
porter des modifications à la nature ou à l'état des objets."
et: (Traduction)
"Lors du rejet de la présente demande, le commissaire des brevets
a conclu, en plus des objections déjà citées, que l'objet de
l'invention exposée dans la demande n'était en essence qu'un simple
plan pour délimiter les terres. Compte tenu du fait que, selon moi,
l'application d'un plan de lotissement à une grande étendue de
terrain n'en modifie pas la nature, j'estime que la conclusion du
commissaire était bien fondée.
Pour appuyer son point de vue, le commissaire s'est référé à
l'affaire Re Application for a Patent by E.S.P. (1945), 62 R.C.P. 87.
Il s'agissait d'une demande portant sur un brevet intitulé "Improve-
ments in building constructions" et qui se rapportait à la disposition
en rangée ou en terrasse de maisons contigües. Après avoir fait
ressortir les avantages économiques (soulignement ajouté) qu'offrait
la disposition des maisons en rangée, le mémoire descriptif mention-
nait alors comme inconvénients le fait qu'elles ne contribuent pas,
en général, à embellir les villes et qu'elles assuraient relativement
peu d'intimité, les occupants étant exposés des deux côtés à la vue
des voisins. L'objectif était d'éliminer ces inconvénients tout en
conservant les avantages que comporte la construction des maisons en
rangée.
La revendication qui nous intéresse se lit ainsi:
(Traduction)
"Une construction comprenant plusieurs immeubles contigus
qui forment un seul pâté, à savoir des immeubles disposés
alternativement à l'avant et à l'arrière, c'est-à-dire
qu'un immeuble est situé à l'avant d'une ligne centrale
commune tracée par un toit continu commun à tous les
immeubles, à une distance identique à celle qui sépare
l'immeuble contigu et adjacent situé en retrait de cette
ligne centrale commune."
L'examinateur compétent a déclaré ce qui suit:
(Traduction)
"Il ressort clairement de la présente revendication ainsi
que de la description et des dessins que la prétendue invention
n'est en essence qu'un simple plan ou qu'une simple conception
d'architecte en vue de disposer des maisons individuelles en
rangée. L'Office des brevets n'a jamais eu coutume de consi-
dérer ces plans ou dessins comme "une méthode de fabrication
présentant le caractère de la nouveauté" au sens de l'article
93 de la Loi. Selon moi, ce serait soumettre le talent
créateur de l'architecte dans l'exercice de sa profession à des
contraintes injusges que de concéder un brevet pour une telle
méthode. M. Armstrong a prétendu que la méthode de disposition
des immeubles comportait un nouveau principe de construction,
mais il m'est impossible de souscrire à ce point de vue. On
n'a même pas allégué, à l'égard de cette méthode de construction,
l'existence d'un caractère de nouveauté et ces maisons indivi-
duelles disposées en rangée ne diffèrent pas des autres, que ce
soit au niveau de la mécanique ou de la construction. Les seuls
avantages qu'on a fait valoir à l'égard de cette façon de
disposer les immeubles consistaient dans un embellissement de
la ville ou du quartier dans lequel se trouvent les maisons
ainsi disposées et dans l'assurance d'une plus grande intimité
pour les occupants des maisons individuelles. D'après moi,
ces questions relèvent du domaine de l'architecte plutôt que
de celui-ci du fabricant."
Le raisonnement de l'examinateur compétent, dans la mesure où il
s'applique aux faits analogues de la présente demande, me semble
préférable à celui qui a été adopté par la Commission d'appel des
États-Unis.
Il serait également utile de se référer aux extraits suivants de l'affaire
Tennessee Eastman (supra) (62 C.P.R. 117):
"Le motif pour lequel le commissaire a refusé d'accorder un
brevet à la demanderesse est que la méthode de réunion chirurgi-
cale de tissus visée par les revendications de ladite demande,
ne peut pas faire l'objet d'un brevet en vertu du par. d) de l'art.
2 de la Loi sur les brevets, parce qu'elle n'est ni une réalisation
ni un procédé au sens dudit paragraphe."
et (Traduction)
"L'avocat de l'intimé a allégué, entre autres raisons, que la
méthode n'aviat aucun lien avec les affaires, le commerce ou l'in-
dustrie ou encore avec les réalisations manuelles ou de production,
mais qu'il s'agissait plutôt d'une méthode chirurgicale reliée au
traitement du corps humain et qui, à ce titre, était essentiellement
non économique et du domaine des beaux-arts; par conséquent, elle
n'était pas brevetable."
et (Traduction)
"Dans une décision très récente en date du 7 avril 1970, l'affaire
Lawson c. le commissaire tics brevets (62 C.P.R.) pages 109 et 110 le
juge Cattanach a dit ce qui suit:
(Traduction)
"Une réalisation ou une opération est un acte ou une série
d'actes occasionnés par l'effet d'un agent physique sur un
objet matériel qui engendre chez ce dernier des modifications
de nature ou d'état. C'est une notion abstraite, en ce
sens qu'elle peut faire l'objet d'une analyse de l'esprit,
mais c'est également une notion concrète en ce qu'elle
consiste dans l'application d'un agent physique à un objet
matériel et qu'elle se révèle ensuite aux sens par le biais
d'un objet ou d'un instrument.
"En tenant pour acquis qu'il s'agit d'une demande visant à
faire breveter une méthode et que cette "méthode" est
synonyme de "réalisation", je dois maintenant déterminer si
l'invention alléguée est une réalisation au sens de l'article
2d).
Puis, il a cité l'extrait suivant de National Research Development
Corpn's Application (1961) R.P.C. 135, à la p. 145 dont les motifs
ont été prononcés par le juge en chef Dixon:
(TRADUCTION)
"Le point essentiel est qu'un procédé, pour être brevetable
au sens du Statute of Monopolies, doit présenter certains
avantages matériels, en ce sens que le procédé doit se ranger
dans la catégorie des beaux-arts (voir Virginia-Carolina
Chemical Corporations Application (1958) R.P.C. 35, à la
page 36), c'est-à-dire que son apport pour le pays doit être
du domaine économique. (Il se peut fort bien que l'on exclut
de la notion d'invention les méthodes chirurgicales et les
autres procédés de traitement du corps humain parce que cette
question est considérée, dans son ensemble, comme essentielle-
ment non économique; voir Maeder c. Busch (1938) 59 C.L.R. 684,
à la page 706.)"
Il a jugé que la méthode qu'il avait eu à examiner était une
réalisation relevant du domaine professionel et non une réalisation
manuelle et qu'elle n'était donc pas une réalisation au sens de
l'article 2d). Il a clairement établi que cet article devait avoir
une portée limitée."
et: (Traduction)
"Dans l'affaire Maeder c. Busch (1938), 59 C.L.R. 684, la High Court
d'Australie a eu à examiner un procédé d'ondulation permanente des
cheveux. Le juge Dixon a posé la question suivante: "La découverte
ou l'improvisation d'un simple procédé ou d'une simple méthode pour
traiter une quelconque partie du corps humain peut-elle être breve-
table?" Aux pages 705 à 707, il a répondu ainsi:
(Traduction)
"... pour être brevetable, une invention doit se rapporter à une
réalisation. L'un des jugements les plus détaillés à cet égard
est peut-être l'un des plus anciens. Dans l'affaire Boulton c.
Bull (1975) 2 BI.&. à la p. 492: 126E.R. à la p. 666), le juge
en chef Eyre a déclaré ce qui suit: "On a reconnu dans la
plaidoirie présentée devant le tribunal que le terme "fabrication"
qui figure dans la Loi avait une portée étendue, qu'il s'appliquait
non seulement aux choses fabriquées, mais aussi aux procédés de
fabrication, aux principes utilisés dans les procédés nouveaux et
aux innovations qu'apportent ces principes. Poursuivons dans le
même sens. Nous pouvons classer dans la catégorie des objets
fabriqués, d'abord la création d'objets nouveaux telle que la
fabrication d'articles considérée dans son sens le plus ordinaire,
puis toutes les inventions mécaniques, qu'elles soient conçues
pour produire des résultats nouveaux ou non, car un nouveau
mécanisme, par exemple, est sans contredit un objet fabriqué.
Nous pouvons classer dans la catégorie des procédés de fabri-
cation toute façon nouvelle et artificielle de travailler avec
les mains ou avec des instruments d'usage courant ainsi que les
nouveaux procédés utilisés dans quelque domaine que ce soit et qui
produisent des résultats utiles au public. "Toutefois, l'objectif
final est de produire ou de traiter une entité ou encore d'agir
sur celle-ci. 'L'affectation d'objets déjà existants à un usage
nouveau, lorsqu'elle relève de l'esprit d'invention, est souvent
brevetable bien qu'il n'y ait pas à proprement parler production
d'un objet nouveau. Cependant, dans tous les cas l'invention
doit pouvoir se rapporter et s'appliquer à une chose concrète.
Une pure idée ne saurait être brevetable" (Edmunds et Bentwich,
Copyright in Designs, 2e ed. (1908), pp. 20 et 21). Dans la
présente affaire, ce ne sont que les cheveux eux-mêmes qui sont
concernés. Les produits chimiques existent déjà. L'emploi de
ceux-ci, l'application de la chaleur et la manière d'air ne
constituent rien d'autre qu'une méthode, un procédé, un traitement
ou un mode d'opération. Peut-on considérer que la pousse des cheveux
répond à la condition suivante, c'est-à-dire que le processus sera
relié de quelque façon aux réalisations de production? Elle fait
partie des fonctions du corps humain et jusqu'ici aucun des procédés
prothétiques utilisés pour traiter l'une des parties du corps de
l'homme n'a pu faire l'objet d'un brevet. En effet, dans l'affaire
Re C.A.W's Application (1914) 31 R.P.C. 235, lord Buckmaster, en
tant que conseiller périodique, a jugé qu'on ne pouvait faire
breveter une méthode permettant de débarrasser le corps humain de
la présence du plomb. Dans le domaine de la chirurgie, il serait
difficile de distinguer, au niveau de la brevetabilité d une in-
vention, entre une opération abdominale et une opération de déridage.
On établit une distinction entre l'application d'un procédé ou d'une
méthode de traitement à une partie du corps humain dans le but d'en
améliorer l'apparence ou l'état et des procédés qui peuvent faire
l'objet d'une invention brevetable, tant au niveau des objectifs que
des résultats. Le but est de modifier un état ou une condition, les
traits où les attributs qui appartiennent à une personne, de manière
temporaire ou permanente. Les résultats peuvent se traduire par
une amélioration de son état physique ou une plus grande fierté de
son apparence. Il est difficile de fonder une quelconque distinction
juridique sur les motifs ou le but de la personne qui opère ou qui
traite ou sur la profession qu'elle occupe. Il importe peu qu'elle
agisse dans le cadre d'unes profession, d'un art, d'un commerce ou
d'une entreprise. Le but du titulaire d'un brevet et de ceux qui ont
l'intention d'utiliser le procédé peut être purement commercial.
Le procédé peut être destiné à servir dans des affaires ou des
commerces ordinaires tels que les salons de coiffure ou de beauté.
Par ailleurs, le but peut être de soulager la souffrance par la
chirurgie ou des traitements, mais non de produire ou de contribuer
à produire des objets de commerce. Aucune substance matérielle ou
aucune chose pouvant être soumise au commerce ou contribuer aux
réalisations de production n'est produite par le procédé ou grâce à
celui-ci."
et: (Traduction)
"Peu de temps après, la Cour d'appel de Nouvelle-Zélande a été
saisie de cette affaire de procédé d!ondulation permanente des
cheveux dans la cause Maeder v. 'Ronda" Ladies' Hairdressing Salon
and Others, (1943) N.Z.L.R. 122 dans laquelle le juge en chef Myers
et le juge Johnston (le juge Kennedy n'a pas exprimé d'opinion) ont
jugé que pour être brevetable, un procédé devait au moins avoir un
rapport. quelconque avec la production d'un objet de commerce."
et: "A mon avis, la présente méthode n'entre pas dans le domaine des
réalisations manuelles ou de production et, lorsqu'on l'applique au
corps humain, elle ne produit pas un résultat qui se rattache aux
affaires, au commerce ou il l'industrie, ni un résultat qui est
essentiellement économique. L'adhésif lui-même peut faire l'objet
d'un commerce, et le brevet pour le procédé, s'il est concédé, peut
aussi être vendu et la licence de son emploi peut être vendue contre
une rémunération en argent, mais il ne s'ensuit pas que la méthode
et ses résultats se rattachent au commerce ou sont essentiellement
économiques au sens dans lequel on a employé ces expressions dans des
jugements en matière de brevets. La méthode fait essentiellement
partie du domaine professionnel du traitement chirurgical et médical
du corps humain, même si à l'occasion elle peut être appliquée par
des gens qui n'oeuvrent pas dans ce domaine. En conséquence, je
conclus que, dans l'état actuel de la Loi sur les brevets du
Canada et de l'étendue de ce qui est sujet à un brevet, comme l'in-
dique la jurisprudence que j'ai citée, et qui fait autorité, la
méthode ne constitue pas une réalisation, un procédé ou perfectionne-
ment d'une réalisation ou d'un procédé au sens du paragraphe d) de
l'article 2 de la Loi sur les brevets."
Nous-mêmes sommes convaincus que le procédé en question "n'entre pas dans le
domaine des réalisations annuelles ou de production". Des avantages économiques
peuvent y être liés indirectement, tout comme l'exercice de la médecine procure
des avantages économiques indirects à la fois au chirurgien, sous forme d'honoraires,
et au patient dont l'amélioration de la santé se répercute sur son revenu; toutefois,
ainsi qu'il a été jugé dans l'affaire Tennessee Eastman, il ne s'agit pas de
résultats qui se rattachent au commerce ou sont essentiellement économique au sens
dans lequel on a employé ces expressions dans des jugements en matière de brevets."
Nous croyons également que la méthode fait appel essentiellement à la compétence
professionnelle qu'on a jugée comme non brevetable dans la même décision. Nous
avons déjà fait observer que les résultats atteints étaient variables et qu'ils
dépendaient de la personne, de son état de santé et de son émotivité.
Dans son affidavit (paragraphe 6) Mme Dixon mentionne ce qui suit: (Traduction)
"Il n'y a aucune raison pour qu'à l'aide du guide seul et en l'absence de toute
instruction personnelle, on ne puisse pratiquer cette méthode de façon efficace.
Toutefois, l'affidavit de M. Fryer comporte ce qui suit:
(Traduction)
"(Mme Dixon) est très inquiète en raison des aspects délicats
de la rééducation orthophonique et de l'importance qu'elle
revêt aux yeux de nombreuses personnes. Si la technique que
contient ce manuel rouge devait être volée et appliquée à tort
et à travers par des gens insuffisamment formés, cet ouvrage très
utile subirait un tort irréparable."
Dans les affidavits de Belinda Bauer et de Joanne Mellia, on fait également ressortir
l'importance de l'aide personnelle et des directives fournies par Mme Dixon pour
parvenir à de bons résultats. Dans d'autres affidavits, on parle de la compétence
de celle-ci en tant qu'éducatrice et monitrice. Nous sommes donc convaincus que
cette méthode d'éducation dépend surtout de la compétence professionnelle de
l'instructeur.
En vertu des revendications présentées le 30 mai, M. Morrow suggère maintenant qu'on
mette l'accent sur ce qu'on appelle un "dispositif d'exercices" et la méthode de
l'utiliser plutôt que sur une méthode d'éducation de la parole. Comme nous l'avons
déjà indiqué, le dispositif est, dans sa forme la plus simple, une page ou un guide
d'instructions tel que "Verses for Voice" dont il a déjà été question. M. Morrow
prétend due ces instructions sont brevetables, car il s'agirait d'une méthode
d'éducation particulière et il se fonde sur le jugement rendu par le Patent Appeal
Tribunal du Royaume-Uni dans Pitman's Application (1967) R.P.C. 646. Il a fait
observer que la demande de Pitman avait donné lieu à la délivrance d'un brevet
aux Etats-Unis (3407515, le 20 octobre 1968) et au Royaume-Uni. Il a également
attiré notre attention sur l'existence d'un brevet, délivré le 20 décembre 1972 en
Australie à Mme Young (no 50,297), dont les revendications portant sur sa méthode
étaient semblables à celles qui sont actuellement déposées au Canada et avaient
été admises. En outre, il a fourni une transcription de la décision rendue par
le Patent Appeal Tribunal du Royaume-Uni dans l'affaire Matter of the Application
of Betty Young Dixon, 1e 20 mai 1976, dans laquelle on a refusé la demande cor-
respondante de Mme Dixon au Royaume-Uni.
Dans l'affaire Pitman, Sir Isaac Pitman a revendiqué une méthode améliorée d'ensei-
gnement de la prononciation des mots qui consistait à transmettre visuellement au
lecteur l'accent, les inflexions et les variations appropriés lors de la lecture
d'un texte. La revendication 1 se lit ainsi:
(Traduction)
"Une feuille imprimée ou une photo comportant un ou plusieurs
mots utilisant l'écriture alphabétique dont le caractère
habituel d'imprimerie est modifié par l'utilisation de carac-
tères relativement plus gros pour accentuer certaines syllabes
ou certains mots et de caractères relativement plus petits pour
les syllabes ou les mots atones. L'emplacement de chaque
caractère ou des groupes de caractères formant une syllabe change
par rapport à l'axe moyen de la phrase écrite, selon la nature
de l'inflexion que requiert la prononciation à voix haute des
mots."
Voici un exemple de ce qui pourrait figurer sur cette feuille:
Tableau 2
THERE are FOUR ASPECTS of LEARNing a FOreign LANguage. FIRST
of ALL, Every ONE WANTS to be Able to LIsten to it with UNderSTANDing
and THEN be Able to SPEAK it and be UNderSTOOD. THEN, of COURSE,
THEY WANT to be Able to READ it and ALSO to WRITE it.
Le Patent Office du Royaume-Uni a refusé la demande au motif qu'il s'agissait
simplement de la disposition de mots sur une feuille. Citons l'extrait suivant:
"La présente objection se fonde sur une ancienne directive
tirée du Law Officers et remontant à 1899, citée dans le jugement
Fishburn's Application (1940) 57 R.P.C. 245, à la page 246, lignes
49 et suivantes. Elle se lit ainsi: "En général, on peut refuser
une demande de brevet dans tous les cas où ... le matériel ne
consiste qu'en une feuille imprimée, un billet, un coupon ou quel-
que chose d'équivalent et où l'invention alléguée ne consiste qu'en
une disposition de mots sur cette feuille ou en quelque chose
d'analogue." D'après plusieurs jugements rendus par la suite et
qui ont constitué des précédents, il est clair que cette règle est
sujette à certaines exceptions. L'une d'elles, établie dans
l'affaire Fishburn's Application elle-même et que l'on retrouve
à la ligne 15 de la page 247, concerne le cas ou l'objectif véri-
table visé par une disposition particulière de mots imprimés sur
une feuille "est de répondre à des fins mécaniques". On trouve des
exemples de cette exception dans l'affaire Cooper's Application
(1902) 19 R.P.C. 53 dans laquelle une demande de brevet a été
admise à l'égard d'une feuille imprimée sur laquelle on avait laissé
des espaces pour faciliter la lecture lorsque la feuille
était repliée, ainsi que dans l'affaire Fishburn dans laquelle
des renseignements étaient imprimés en double sur un billet et
disposés de telle manière que lorsque ce dernier était divisé
soit sur le sens de la largeur soit sur le sens de la longueur,
chaque section laissait voir les renseignements. Un autre exemple
se trouve dans American Optical Co.'s Application (1958) R.P.C. 40
à 45. Dans cette affaire, une demande avait été acceptée à l'égard
d'un film sur lequel les images avaient été déformées d'une certaine
façon. Lorsque le film était montré à l'aide d'un projecteur et
d'un écran techniquement adapté, les images étaient normales.
Parmi les cas où l'on a refusé une demande relative à des feuilles
imprimées ou à quelque chose d'équivalent, on peut citer Johnson's
Application (1902) 19 R.f.C. 56, affaire dans laquelle l'invention
alléguée consistait en une feuille comportant certains renseigne-
ments imprimés destinés à l'application d'un système spécial de
correspondance commerciale, ainsi que l'affaire C's Application
(1920) 37 R.P.C. 247 qui se rapportait à une notation musicale
dans laquelle les dièses et les bémols contrastaient avec les
notes naturelles, car ils étaient imprimés dans des couleurs,
des formes, des dimensions, des nuances et sous une apparence
différentes."
A l'audition, l'agent a conclu que le caractère de nouveauté de l'invention
alléguée consistait à imprimer les syllabes de telle manière qu'elles donnassent
des renseignements autres que ceux qui sont donnés au lecteur lorsqu'elles étaient
imprimées de la façon habituelle. Il a jugé que ces autres renseignements étaient
de nature purement intellectuelle et il s'est refusé à faire une distinction
entre la demande de Pitman et celle de l'affaire C's Application (supra).
En appel, le Patent Appeal Tribunal a infirmé cette décision et l'a différencié
de C's Application au motif que les feuilles de Pitman avaient un but fonctionnel
lorsqu'elles étaient utilisées avec des distaphones.
M. Morrow a soutenu que la demande de Mme Dixon devait être acceptée à moins que
l'on réussit à établir une distinction entre la présente affaire et Pitman.
Nous croyons pouvoir établir cette distinction. Le texte de Mme Dixon n'est pas
un dispositif mécanique qui produit des effets fonctionnels. Selon nous, il ne
peut servir à des fins mécaniques. Nous ne croyons pas que l'appareil vocal du
corps humain soit un dispositif mécanique au sens où on l'entend dans le domaine
des brevets. Sinon tous les ouvrages littéraires ou autres pourraient être
brevetables en plus de pouvoir bénéficier de la protection du droit d'auteur, car
lorsqu'ils sont lus à haute vois, ils produisent des effets sur le système vocal
humain.
Nous en arrivons maintenant à la décision du juge Whitford, le 20 mai 1976,
devant le Patents Appeal Tribunal du Royaume-Uni. Dans la plaidoirie qu'il a
présentée au nom de l'appelant, M. Jeff a décrit l'invention alléguée, avec
beaucoup de justesse, croyons-nous, comme (Traduction) "... un traitement relati-
vement complexe en soi. Elle comprend un nombre considérable d'exercices, une
technique pour tousser, etc." (page 9 de la transcription du procès, soulignement
ajouté).
Le conseiller du commissaire a soutenu qu'il s'agissait d'une méthode ou d'un
procédé. Voici un extrait de ses propos:
"Bien entendu, le résultat est de nature physique, en ce
sens que la voix s'améliore lorsqu'elle est ainsi exercée.
On peut dire la même chose d'une méthode destinée à développer
la rapidité d'un quilleur, car elle l'aide à devenir un joueur
plus habile et plus rapide. On a déjà présenté de nombreux
autres procédés ou méthodes. La position du tiers arrière au
football, conçue dans les années 30, constituait une méthode ou
un procédé, mais il serait absurde de prétendre que le gérant
de l'équipe qui en est l'auteur aurait pu obtenir un brevet lui
assurant l'exclusivité de la méthode. Il y aurait eu deux types
d'arbitres: un arbitre judiciaire et l'arbitre responsable de
la partie."
La Cour a examiné les approches plus souples dont on fait preuve les tribunaux
du Royaume-Uni au cours des dernières années dans les affaires re Swift's Appli-
cation 1962 R.P.C. 37, National Research Development Corporation 1961 R.P.C. 134,
Cementation Company Limited's Application 1945, 62 R.P.C. 151, re Palmer's
Application (1970) R.P.C. 598, ainsi que Schering A.G.'s Application (1971, R.P.C.
334) (arrêts que nous avons tous examinés nous-mêmes à plusieurs reprises, voir,
par exemple, l'affaire in re IMC Chemicals Application, page xiv de la Gazette
des brevets, 20 décembre 1977). Les tribunaux du Royaume-Uni ont rejeté la
demande présentée en Grande-Bretagne, mais M. Morrow prétend que le jugement du
Royaume-Uni a porté sur des revendications semblables aux revendications rejetées
par l'examinateur et non sur les revendications déposées maintenant. Toutefois,
nous constatons que la Cour s'est aussi demandée (traduction) "si, en fait, le
mémoire descriptif n'indiquait pas une méthode de fabrication sur laquelle il
aurait été possible de fonder une revendication." Les conclusions de la cour se
lisent ainsi:
"Si nous examinons la revendication qui a la plus grande
possibilité d'être acceptée, du moins en ce qui concerne le
demandeur, c'est-à-dire la revendication 31, nous constatons
qu'elle se rapporte à un texte imprimé comportant une méthode
d'éducation de la parole telle que celle qui est revendiquée,
Par exemple, dans la revendication 19. Il s'agit d'un texte
imprimé contenant un grand nombre de mots dont chacun porte
principalement sur an son que l'on répète, d'un texte imprimé
indiquant à l'élève comment se servir de son diaphragme pour
soutenir certaines structures, s'il m'est permis d'employer
ce terme auquel semble tenir le demandeur, que l'élève doit
énoncer dans un ordre séquentiel, de soulignements pour atti-
rer en tout temps son attention sur la structure particulière
qu'il doit énoncer, ainsi que de marques indiquant la meilleure
façon de séparer en groupes de mots rythmés la série de mots qui
doivent être énoncés dans un ordre séquentiel, bien qu'en fait
le choix de certains sons particuliers, à un moment quelconque,
et la séparation de la série de mots en certains groupes
rythmés ne fassent pas du tout partie de l'invention reven-
diquée.
Il m'est impossible, tout. comme il l'a été pour l'examinateur
principal, je crois, de trouver dans une demande de ce genre
un début même de démarches qui puisse resembler d'une manière
quelconque au type de démarche que l'on a jugé appropriés
d'entreprendre à l'égard des revendications qui figurent dans
l'affaire Pitman's Application. Je suis bien conscient qu'il
serait fort souhaitable d'étendre la protection conférée par
les brevets à tous les domaines d'activité dans lesquels
l'habileté et l'adresse de l'homme pourraient être mises à
profit, mais je crois qu'on doit se rendre compte qu'il y a
des limites. Si je fais allusion à la protection de l'habileté
et de l'adresse de l'homme lorsque celles-ci peuvent être mises
à profit, c'est que cette idée provient d'une cause très connue
et assez ancienne. Je crois utile de rappeler que cette idée a
été émise dans le contexte d'une demande qui concernait ce qui
pourrait être décrit, sans risque d'erreur, comme une affaire
purement commerciale.
Je crois que l'examinateur principal a conclu, à raison, que
la demande dont je suis saisi n'expose rien qui puisse être
protégé par la loi actuelle, nonobstant l'approche plus souple
dont on a fait preuve à l'égard des problèmes relatifs aux
méthodes de fabrication qui ont surgi au cours des dernières
années. Par conséquent, il faut rejeter l'appel."
Comme dans les décisions précédentes nous avons jugé que nous devions nous
abstenir d'aller aussi loin que les décisions britanniques, il ne nous paraît pas
opportun de prendre maintenant le contre-pied de ce que nous avons affirmé.
La requérante s'est reportée à une décision du commissaire dans l'affaire in re
Eward Fitz, P.O.R., 4 juin 1975, p. viii, mais nous ne voyons pas la pertinence
de cette comparaison. Il s'agissait d'une méthode de mesure différant ainsi de
l'invention de la demanderesse.
L'examinateur, quant à lui, s'est reporté à l'affaire In the Matter of an
Application for Patent by C, 1920 R.P.C. 247 dans laquelle on a refusé une demande
de brevet à l'égard d'une nouvelle méthode d'écriture de notes pour le piano.
Cette affaire nous a été utile.
La présente affaire soulève certaines questions quant à savoir si ce qui peut
bénéficier de la protection conférée per le droit d'auteur peut également être
brevetable ou enregistré comme dessin ou modèle industriel. D'après nous, chacune
des lois qui protègent les différentes formes de propriété intellectuelle est
autonome et distincte et le matériel pouvant bénéficier de la protection conférée
par le droit d'auteur n'est pas brevetable, car la Loi sur le droit d'auteur
serait alors superflue. Cela ne signifie pas qu'une même idée ne puisse donner
lieu à des réalisations ou à des aspects différents, dont certains peuvent être
protégés par une loi et d'autres, par une autre, mais plutôt qu'une même réalisation
ne peut être protégée par deux de ces lois, car lorsqu'un brevet sur une réalisation
expire, dix-sept ans après la délivrance, il doit être possible à quiconque de
copier cette réalisation. Cependant, si cette réalisation devait également faire
l'objet de la protection conférée par le droit d'auteur, l'auteur pourrait alors
continuer d'empêcher la copie de cette réalisation de son vivant et cinquante ans
après son décès, dans le cas où il y aurait des ayants cause. Or, c'est ce que
Mme Dixon vise à obtenir. Dans cette demande, elle cherche à obtenir la protection
conférée par le brevet pour la meure réalisation dont elle a déjà revendiqué la
protection conférée par le droit d'auteur (voir la page titre de "Verses for Voice",
l'une des pièces produites). Il est impossible d'accorder une double protection
l'égard du même objet. Nous estimons que les revendications relèvent, d'après
leur nature, du domaine du droit d'auteur et non de celui des brevets et que les
revendications antérieures de Mme Dixon relatives à la protection conférée par le
droit d'auteur l'empêchent de présenter des revendications d'une autre nature.
Par conséquent, nous sommes convaincus que l'examinateur avait raison de rejeter
la demande et recommandons que le rejet soit confirmé. Bien entendu, nous recon-
naissons l'importance de la contribution de Mme Dixon à la rééducation orthophonique
et nous ne mettons pas en doute la valeur de cette contribution. Nous désirons
également féliciter M. Morrow pour l'habileté et la sincérité avec laquelle il a
représenté son client dans cette affaire très difficile.
Le président de la
Commission d'appel des brevets
Gordon Asher
Après avoir examiné l'instruction de cette demande et les recommandations de la
Commission d'appel des brevets, je rejette cette demande au motif qu'elle ne répond
pas aux conditions de l'article 2 de la Loi sur les brevets. Je fonde une décision
sur l'article 42 de la Loi sur les brevets et attire l'attention de la demanderesse
sur l'article 44 de la Loi.
Le Commissaire des brevets Fait à Hull, Québec
le 9 août 1978
Représentant de la demanderesse
J.H.A. Gariépy Smart & Biggar
C.P. 2999, succursale D, Ottawa, Ontario