DECISION DU COMMISSAIRE
BASEE SUR LA DIVULGATION: Monture de pare-brise pour motoneiges
Le pare-brise comporte une feuille moulée de matériau souple transparent munie
d'une série de pattes de montage disposées le long de sa rive inférieure. Les
revendications ne doivent pas nécessairement se limiter, tel que l'exige la
décision finale, à la réalisation choisie, mais peuvent définir l'invention
décrite de manière aussi large que le permet la technique antérieure.
Décision finale: révoquée
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La décision a trait à une demande de révision, par le Commissaire des brevets,
de la décision finale de l'Examinateur en date du 13 décembre 1977, concernant
la demande 210,954 (classe 296-41). La décision a été déposée le 8 octobre 1974
au nom de Jérome Bombardier et est intitulée "Monture de pare-brise". La présente
demande porte sur un pare-brise de motoneige comportant une feuille moulée faite
de matériau souple et transparent, munie d'une série de pattes de montage disposées
le long de sa rive inférieure. Les pattes de montage portant des rallonges
latérales souples susceptibles d'être glissées dans l'étroite rainure ménagée
dans la cloison pare-feu de la motoneige. La figure 5 ci-dessous fait état d'une
réalisation de cet agencement:
<IMG>
Dans sa décision finale, l'examinateur a refusé les revendications 1, et 3 à 8
parce que l'objet revendiqué n'est pas exposé en termes distincts et précis de
manière à "être soutenu de façon adéquate par le mémoire descriptif". Il
argumente que "puisque le mémoire et les dessins décrivent et montrent spécifi-
quement un seul type de patte de fixation, les revendications, afin d'être
adéquatement soutenues par le mémoire de la présente, doivent décrire distincte-
ment et de manière suffisamment détaillée ladite patte de fixation, de sorte que
la patte revendiquée soit la même que celle qui est divulguée".
L'Examinateur, poursuivant l'argument, déclare ... "Il est indubitable qu'il
existe un grand nombre de façons de produire ou de fabriquer une patte de fixation
possédant des caractéristiques de verrouillage analogues à celle que révèle la
présente demande, ce que le demandeur n'a pas réussi à faire dans le mémoire de
la présente demande telle qu'elle a été déposée au départ. Le demandeur a
révélé, avec force détails, un seul type de ladite patte et, par conséquent, il
ne peut revendiquer rien de plus que le type en question..."
Dans sa réponse à la décision finale, le demandeur a tablé sur ses arguments du
2 juin et du 31 octobre 1977. Dans sa lettre du 2 juin, il déclare, entre autres
choses, ce qui suit:
...
Dans le quatrième paragraphe de la lettre officielle,
l'Examinateur résume quelques-unes des caractéristiques de
la réalisation choisie de l'invention, laquelle est divul-
guée conformément aux exigences de la Loi sur les brevets.
Comme il est indiqué à la ligne 4 de la page la, cette
réalisation est divulguée "'uniquement à titre d'exemple".
Rien, dans la Loi ni dans la pratique, ne peut justifier
l'Examinateur de suggérer, tel que le libellé de sa lettre
officielle semble le laisser entendre, que les caractéristiques
particulières de la réalisation, utilisée à titre d'exemple,
devraient constituer les limites précises de la portée de
l'invention revéndiquée. Comme une étude du mémoire descriptif,
pris dans son ensemble, le fera nettement ressortir, le principe
général de l'invention du demandeur ne se limite en aucun sens
aux détails de configuration spécifiques de la réalisation di-
vulguée à titre d'exemple. S'il n'en était pas ainsi, un
brevet serait virtuellement sans objet puisqu'il ne protégerait
rien de plus que l'exacte configuration révélée, de sorte qu'un
tiers pourrait, sans plus, se prévaloir des fruits de l'inven-
tion brevetée sans contrefaire le brevet.
...
La suggestion voulant que si toutes les pattes de fixation
étaient faites conformément à la revendication, aucune des pattes
individuelles n'offrirait de résistance à l'enlèvement, va
clairement à l'encontre du libellé de la revendication, laquelle
renferme un exposé détaillé de la nature souple et compressible
de la partie intermédiaire de la patte, de sorte qu'on peut la
comprimer de manière à en réduire la largeur globale, la passer
dans la fente pour la laisser revenir ensuite à sa forme dévelop-
pée initiale de manière à former un raccord amovible entre le
pare-brise et les rainures de montage.
Par conséquent, nous alléguons que le refus de la
revendication 1 est tout à fait injustifié et devrait être
révoqué. Le demandeur ne dispute pas la validité du prin-
cipe qui veut qu'une revendication soit entièrement soutenue
par le mémoire descriptif, et ne doive pas avoir une portée
plus large que l'invention divulguée. Cela, cependant, est
bien loir de l'affirmation de l'Examinateur qui soutient
que la revendication devrait se limiter aux détails de con-
figuration spécifiques de la réalisation choisie qui est
révélée.
...
Dans la réponse du 31 octobre 1977, il déclarait également ce qui suit:
...
Dans le paragraphe qui relie la page 2 à la page 1 de la lettre
officielle du 3 août 1977, l'Examinateur fait remarquer que la
revendication 1 ne fait aucune mention de la rainure verticale
(23) et déclare ce qui suit:
"En l'absence de ladite rainure, la partie à double courbure
ne pourrait être façonnée dans la feuille de plastique. En
l'absence de ladite rainure il serait impossible de comprimer
et de caler lesdites pattes de fixation comme il est illustré
aux figures 3 et 4. En l'absence de toute définition de la
rainure verticale, dont il est question à la revendication 1, et
en raison des limitations citées, la revendication explicite une
patte dont le caractère fondamental ne peut se comparer à celui
de la patte divulguée."
Le demandeur concède que la rainure verticale (23) est essen-
tielle à la réalisation spécifique illustrée aux dessins de la
demande. Cependant, l'Examinateur, a plusieurs reprises, a
perdu de vue le fait que la revendication 1 ne se limite pas aux
détails exacts de la réalisation révélée. L'Examinateur souligne
qu'en l'absence de la rainure, "la partie en double courbure ne
pourrait être façonnée". Il importe peu que cette déclaration
soit exacte ou non. La revendication 1 ne fait pas état de "par-
ties en double courbure" mais expose plutôt (se référer aux lignes
10-12) que la patte de fixation est munie d'une partie intermédi-
aire" où la patte se prolonge latéralement pour délimiter une
zone dont la largeur globale est accrue", par rapport aux extré-
mités dont l'épaisseur est uniforme.
Dans le même ordre d'idée, la suggestion énoncée dans l'extrait
ci-devant cité, soit que l'absence de la rainure verticale dans
la revendication 1 indique une patte dépourvue du caractère fonda-
mental de la patte révélée, est absurde. Le caractère fondamental
de la patte révélée est qu'il permet de monter le pare-brise sans
qu'il soit nécessaire d'avoir accès à la partie inférieure, sous la
motoneige où sont ménagés les rainures de montage, de sorte qu'au
moment où la patte est insérée, la partie intermédiaire de la
patte est comprimée afin de glisser dans la rainure étroite, et
revient ensuite à sa forme initiale pour retenir le pare-brise en
place.
...
La Commission doit donc établir si les revendications 1 et 3 à 8 sont soutenues
ou non par le mémoire descriptif.
Il nous faut d'abord expliquer que l'objet principal d'une revendication
consiste à délimiter l'étendue du monopole au regard duquel protection est
accordée, et que c'est dans le mémoire qu'il faut chercher la description de
l'invention (voir, Baldwin Int. Radio of Canada c. Western Electric Co. (1933)
Ex. R.C. 13). Il a également été décidé dans l'affaire de Riddel c. Patrick
Harrison (1956-1960) Ex. R.C. 213 à 253, "... qu'un inventeur n'est pas tenu
de limiter ses revendications à ce qui a été décrit de manière spécifique dans
le mémoire descriptif et illustré dans les dessins connexes," mais qu'il peut,
dans la mesure de son invention, la revendiquer d'une manière aussi vaste qu'elle
peut être interprétée normalement. par les personnes versées dans le métier."
D'autre part, une revendication ne peut avoir une portée si large qu'elle empiète
sur la technique antérieure.
L'invention est résumée dans le mémoire descriptif tel qu'il a été déposé, à
compter de la ligne 4 de la page 1, où l'on peut lire:
Il s'agit, selon l'invention, d'un véhicule ludique comportant
une feuille moulée faite de matière plastique transparente,
ledit pare-brise comportant une section centrale intégrante
à deux rallonges incurvées vers l'arrière, et dont la rive
inférieure est conçue pour s'engager dans une partie du
corps du véhicule, ladite rive inférieure étant munie de
dispositifs de fixation afin de former un raccord amovible
entre le pare-brise et le véhicule, lesdits dispositifs de
fixation comportant un certain nombre de pattes disposées à
intervalles de long de ladite rive inférieure et se prolongeant
vers le bas, chaque patte étant généralement de forme plate et
essentiellement disposée sur un plan commun avec la zone du
pare-brise qui lui est continue, ladite patte étant faite de
matériau souple et munie d'une rallonge latérale espacée de la
rive inférieure du pare-brise tout en s'étendant parallèlement
à ladite rive inférieure du pare-brise, l'agencement étant tel
que ladite rallonge latérale peut être comprimée de manière à
passer dans une étroite rainure de montage ménagée dans le
véhicule, et qu'une fois passée dans ladite rainure elle peut
revenir à sa forme initiale pour former un raccord amovible
entre le pare-brise et la rainure de montage.
La revendication 1 se lit comme suit:
Un pare-brise pour un véhicule ludique, comportant une
feuille moulée faite de matière plastique transparente, ledit
pare-brise étant muni d'une section centrale intégrante à deux
rallonges latérales incurvées vers l'arrière, et également muni
d'une rive inférieure conçue pour s'engager dans une partie du
corps du véhicule, des dispositifs de fixation disposés sur
ladite rive inférieure afin de former un raccord amovible entre
le pare-brise et le véhicule, lesdits dispositifs de fixation
comportant un certain nombre de pattes disposées à intervalles
le long de la rive inférieure et se prolongeant vers le bas,
chaque patte étant généralement disposée sur un plan commun à
la zone du pare-brise qui lui est contiguë, chaque dite patte
étant faite de matériau souple et comportant une
première zone d'épaisseur uniforme et contiguë à la rive
inférieure du pare-brise, une zone intermédiaire contiguë
à la première zone où la patte se prolonge latéralement pour
délimiter une zone dont la largeur totale est accrue par
rapport à ladite première zone d'épaisseur uniforme, et une
partie libre comportant une deuxième zone d'épaisseur uni-
forme disposée sous la partie intermédiaire, lesdites première
et seconde zones d'épaisseur uniforme étant généralement d'a-
lignement parfait l'une par rapport à l'autre, lesdites première
et seconde surfaces de transition se prolongeant verticalement
selon un angle par rapport à l'orientation verticale des côtés
opposés de ladite partie intermédiaire jusqu'à chacun des
première et seconde zones respectives, la partie intermédiaire
étant elle-même compressible à une largeur globale lorsqu'elle
est insérée dans une rainure plus étroite que la largeur globale
par interaction des rives de la rainure et desdites première et
seconde surfaces de transition respectives, pour reprendre sa
forme développée lorsqu'elle est extraite des rives de la rainure,
pour former un raccord amovible entre le pare-brise et la rainure
de montage.
Le demandeur poursuit en disant que "l'invention sera décrite d'une manière
plus détaillée, à titre d'exemple seulement, en rapport avec les dessins
connexes..." En d'autres mots, le demandeur entreprend maintenant de présenter
une réalisation préférentielle de l'invention, mais il n'est toutefois pas tenu
de limiter sa revendication pour délimiter ladite réalisation préférentielle.
Si un homme du métier peut faire varier le type de patte pour aboutir à l'inven-
tion décrite, ce sans avoir à exercer ses facultés créatrices, les revendications
peuvent alors décrire l'invention d'une façon aussi large que le permet la
technique antérieure.
Nous ne sommes pas d'accord avec l'Examinateur qui dit que "le mémoire descriptif
et les dessins ne décrivent et n'illustrent spécifiquement qu'un seul type de
patte de fixation..." Ci-devant, dans une description de l'invention, le deman-
deur a présenté une description sommaire de la patte "... la patte étant faite
d'une matière souple et munie d'une rallonge disposée et s'étendant parallèlement
à la rive inférieure du pare-brises, l'agencement étant tel que ladite rallonge
latérale peut être comprimée de manière à être glissée dans l'étroite rainure de
montage ménagée dans le véhicule, pour reprendre, une fois passée dans ladite
rainure, sa forme développée initiale de manière à former un raccord amovible
entre le pare-brise et la rainure de montage", ce qui constitue clairement une
description très large d'une pattes de fixation, qui à notre avis, peut être
produite de diverses manières sans qu'il soit nécessaire de faire appel à une
ingéniosité inventive. Quoi qu'il en soit, l'Examinateur déclare ce qui suit dans
sa décision finale, et sur ce point nous sommes d'accord: "Il est indubitable
qu'il existe un grand nombre de façons de produire ou de fabriquer une patte de
fixation possédant des caractéristiques de verrouillage analogues à celle que
révèle la présente demande; ..." Qui plus est, les revendications n'ont pas
à "décrire distinctement ladite patte..." Les revendications, comme nous
l'avons déjà dit, doivent déterminer les limites de l'étendue du monopole de
l'invention; la patte n'est rien plus qu'une partie de ce qui peut être une idée
ou un principe inventif. Toutefois, nous suggèrons qu'il serait plus approprié
d'utiliser le mot "épaisseur" que le mot "largeur" dans la revendication 1.
Nous ne sommes pas convaincus que le refus des revendications 1, et 3 à 8, pour
manque de fondement dans le mémoire descriptif exprimé dans la décision finale,
soit justifié. Nous recommandons que la décision finale soit révoquée et la
demande retournée à l'Examinateur pour la reprise de l'instruction.
Le président adjoint de la
Commission d'appel des brevets du Canada
J.F. Hughes
Nous avons examiné l'instruction de la présente demande et souscrivons aux
recommandations de la Commission d'appel des brevets. Par conséquent, nous
révoquons la décision finale et retournons la présente à l'Examinateur pour la
reprise de l'instruction.
Le Commissaire intérimaire des brevets,
J.A. Brown
Mandataire du demandeur
Smart & Biggar
Casier postal 2999, Station D
Ottawa (Ontario)
Fait à Hull (Québec)
le 4 juillet 1978