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                        DECISION DU COMMISSAIRE

 

Section 36: Etude insuffisante - Sels métalliques bactéricides

 

On a refusé une revendication de la demande car elle était trop générale et

elle portait sur des composés décrits nulle part ailleurs et non vérifiés.

En outre, le requérant ne pouvait déclarer avec certitude que tous les composés

de cette catégorie seraient efficaces. Toutefois, une revendication d'une portée

moins générale, en rapport avec ce qui était déjà connu dans cette science,

serait acceptable.

 

Demande rejetés, modifications suggérées.

 

                               **************************

 

La demande de brevet 139,601, catégorie 260/308.5, déposée le 13 avril 1972

par Rohz and Haas, mandataire de George A. Miller et de Ernest D. Weiller, porte

sur les sels métalliques complexes de type 3-isothiazolones. Ces sels complexes

sont utilisés comme fongicides et bactéricides. La revendication 1 de la demande

a été rejetée par l'examinateur parce qu'elle était imprécise et que sa partie

descriptive àété jugée insuffisante, c.-à-d. parce qu'elle n'était pas conforme

à l'article 36 de la Loi sur les brevets. On a également rejeté la revendication 8

(pour d'autres raisons), mais le requérant a annulé les effets de ce rejet en

retirant cette revendication. On ne s'est pas opposé aux revendications 2-26,

qui restent dans la demande.

 

Une audience visant à étudier la question a eu lieu le 24 mai 1978; alors, M.

George Fisk, assisté par M. Frank Pole, représentait le requérant devant la

Commission d'appel des brevets.

 

La revendication refusée est la suivante:

1. Un sel métallique complexe dont la formule est la suivante:

 

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où Y est un atome d'hydrogène, un groupe alkyle substitué ou non

substitué comptant de 1 à 18 atomes de carbone, où le groupe alkyle

substitué est choisi parmi le groupe des radicaux suivants: hydro-

xylalkyle, haloalkyle, cyanoalkyle, alkylaminoalkyle, dialkylami-

noalkyle, arylaminoalkyle, carboxyalkyle, carbalkoxyalkyle, alkoxyal-

kyle, aryloxyalkyle, alkylthioalkyle, arylthioalkyle, haloalkyoxyalkyle,

morpholinoalkyle, pipéridinoalkyle, pyrrolidonylalkyle, carbamoxyalkyle

et isothiazolonylalkyle; un groupe alkényle substitué ou non substitué

comportant de 2 à 18 atomes de carbone, où le groupe alkényle est un

groupe haloalkényle; un groupe alkényle substitué ou non substitué

de 2 à 18 atomes de carbone, où le groupe alkényle substitué est un

groupe haloalkényle; un groupe cycloalkyle substitué ou non substitué

de 3 à 12 atomes de carbone, comportant un cycle de 3 à 8 atomes de

carbone, où le groupe cycloalkyle est choisi parmi un groupe composé

des radicaux suivants: méthylcyclohexyle, diméthylcyclohexyle, trimé-

thylcyclohexyle, éthylcyclohexyle et halocyclohexyle; et un groupe

arylalkyle substitué ou non substitué comportant jusqu'à 10 atomes de

carbone, où le groupe arylalkyle subsitué est choisi parmi le groupe

suivant: haloarylalkyle, nitroarylalkyle, (C1-C4) alkylarylalkyle et

(C1-C4) alkylarylalkyle et (C1-C4) alkolxyarylalkyle; ou un groupe aryle

substitué ou non substitué comportant jusqu'â 10 atomes de carbone, où de

groupe aryle est choisi parmi le groupe suivant: haloaryle, cyanoaryle,

nitroaryle, (C1-C4) alkylaryle, (C1-C4) alkylacylaminoaryle, (C1-C4)

carbalkoxyaryle et sulfamylaryle; où R est un hydrogène, un halogène ou

un groupe alkyle (C1-C4); sinon, R et R' peuvent être remplacés par un

anneau benzénique pouvant être substitué par un ou plusieurs halogènes

groupes nitro (C1-C4), alkyle, cyano, (C1-C4), alkoxy, M est l'une des

cations suivants, cadmium, calcium, chrome, cobalt, cuivre, fer, plomb,

lithium, magnésium, manganèse, mercure, nickel, argent, sodium, strontium,

étain ou zinc, ou un complexe formé par le cation et l'ammoniac ou un amine

organique, X est un anion formant un composé avec le cation M, a est un

nombre entier de valeur 1 ou 2 et n'est un nombre entier correspondant

pour l'anion X à la valence du cation M.

 

Après une simple lecture de cette revendication, on constate que celle-ci porte

sur des myriades de composés différents. La question est de savoir si ce nombre

de composés est excessif.

 

Dans sa décision finale, l'examinateur a expliqué les objections en ces termes:

 

Le rejet de la revendication 1 est maintenue pour la raison

que l'utilisation de l'expression "substitué" lui donne une

portée indéfinie. Comme l'ont précisé d'autres décisions du

Bureau, les seuls substituants des groupes hydrocarbures qui

sont décrits dans la divulgation sont les halogènes. Les

références au paragraphe du milieu de la page 3 du modificatif

du let juin 1976 en rapport avec des substituants autres que

des halogènes décrits sur les pages 3 à 9 constituent une simple

énumération. On n'y trouve pas de constances physiques, de

données spectroscopiques ou de comptes rendus établissant

l'utilité des hydrocarbures non substitués par des halogènes.

Donc, il n'existe aucune preuve que les composés mentionnés

aient déjà été synthétisés, car l'identification est

insuffisante. En l'absence de ces données, on peut conclure

que le requérant revendique une invention qu'il n'a pas

faite, ou, s'il l'a faite, qu'il ne satisfait pas aux

exigences d'une divulgation complète. Si le requérant a synthétisé

tous les composés de la divulgation qui sont revendiqués (par la

revendication 1), il ne donne pas toutes les informations

nécessaires pour exploiter ou utiliser avec succès son invention.

Si tel n'est pas le cas, aucune revendication valide peut être

justifiée par la description incomplète fournie dans la présente

divulgation. La revendication 1 est donc rejetée.

 

Il croit que le sens de "groupes alkyles substitués" dont il est question aux

lignes 2 et 3 de la revendication doit s'entendre des groupes alkyles substitués

par des halogènes.

 

Dans sa réponse écrite, le requérant soutient que:

 

Le requérant a décrit son invention en donnant les formules

chimiques des composés décrits par la revendication 1. Aucune

des exigences de la Loi sur les brevets n'exige que l'utilité

soit prouvée, ou qu'il ait preuve dans la demande que les composés

mentionnés aient été réellement préparés. L'examinateur n'est

donc pas justifié d'exiger légalement ce qu'il appelle des "facteurs

d'identification" comme les constantes physiques ou des données

apectroscopiques. La divulgation fournie par le requérant est

adéquate pour l'expert qui désire s'assurer des composés visés

par cette invention et il n'est pas évident que celui-ci aurait

besoin de données spectroscopiques ou de constantes physiques.

 

L'article 36(1) exige seulement que le requérant décrive adéquatement

et complètement l'invention et ses propriétés ou son utilisation, en

utilisant des termes non abrégés, clairs, concis et exacts, de

façon à permettre à toute autre personne versée dans l'art ou la

science en question de préparer, de fabriquer, de mélanger, de

combiner ou d'utiliser l'invention. Dans cette section, il n'est pas

exigé que le requérant fasse la preuve de l'utilité de l'invention,

ni qu'il fournisse des données étrangères, comme par exemple des

constantes physiques des composés visés par l'invention. Le simple

fait que l'examinateur croie que certains des composés visés par

l'invention n'aient pas été synthétisés ne devrait pas suffire à

priver le requérant de toute la protection à laquelle il a droit.

 

A l'audience, M. Fisk a basé son intervention sur des brevets canadiens antérieurs

des requérants, les brevets no 866,828 et 889,812, délivrés respectivement le 23

mars 1971 et le 4 janvier 1972. Dans ces brevets, les composés de type

3-isothiazolone sont revendiqués, à titre de composés distincts des complexes

de sels métalliques qui font l'objet de la présente demande. Ces brevets,

a-t-il déclaré, montrent bien que cette famille de composés était connue

antérieurement dans la documentation des brevets et en outre, il est connu qu'ils

possèdent les mêmes propriétés biocides que les complexes métalliques (bien qu'ils

ne soient pas aussi stables que ceux-ci). En formant les complexes métalliques

de composés connus, on augmente leur stabilité. Les requérants pouvaient

donc supposer raisonnablement, selon M. Fisk, après avoir découvert qu'ils

pouvaient améliorer la stabilité de certains des composés en formant les

complexes métalliques, que tous lea autres (ou la plupart de ceux-ci) pourraient

être améliorés par la formation de leur complexe métallique. On souligne que les

composés de départ étaient connus et que ces composés, tout comme leurs complexes

métalliques, possèdent les mêmes propriétés bactéricides. M. Fisk explique que

ces considérations servent à distinguer la présente demande de celle qui a été

étudiée dans le cas Monsanto c/ Commissaire des brevets, dossiers du Bureau des

brevets, 25 avril 1978, affirmé par la Cour d'appel fédérale le 24 juin 1977,

et présentement en appel devant la Cour suprême.

 

Dans le cas Monsanto, nous avons rejeté certaines revendications trop extensives

et dont la portée dépassait le domaine des prévisions raisonnables. Dans le cas

Monsanto, le requérant avait démontré que trois composés distincts étaient efficaces,

mais il tentait d'en revendiquer 126.

 

Pour établir une autre distinction par rapport au cas Monsanto, M. Fisk a souligné

le fait que le requérant avait décrit 56 complexes différents, dont les substituants

de l'anneau étaient répartis sur une gamme dont les extrêmes étaient représentés

par des substituants fortement électropositifs et fortement électronégatifs. Il

a aussi produit une déclaration des l'un des deux inventeurs dans laquelle le Dr.

Miller affirme, entre autres, que la formation des complexes métalliques des

composés augmente leur stabilité et par conséquent, leur utilité, qu'un chimiste

compétent n'éprouverait aucune difficulté àformer les complexes métalliques et

enfin, qu'il ne voyait pas pourquoi tous les composés revendiqués n'auraient pas

la même activité bactéricide étant donné leur structure de base identique.

 

Pour ce qui est de l'accent placé sur les composés soumis aux essais (56), nous

remarquons que 56 sur plusieurs milliers représente un rapport becucoup plus

faible que 3 sur 126, comme dans le cas Monsanto. l'ar ailleurs, pour évaluer

l'utilité de ces exemples à démontrer qu'ils s'appliquent à tout le groupe des

composés, il faut étudier la gamme que représentent les exemples donnés. En

d'autres termes, si tous les exemples étaient situés dans une petite partie du

domaine revendiqué, il se pourrait qu'ils ne suffisent pas à démontrer qu'il est

raisonnable de revendiquer le domaine entier. Par ailleurs, s'ils étaient

répartis de manière judicieuse sur tout le domaine, ils pourraient être suffisants.

 

M. Fisk a aussi mentionné de nombreux cas à l'appui de son affirmation selon

laquelle un requérant n'est pas tenu d'étudier chaque composé possible d'un groupe

revendiqué s'il existe une probabilité raisonnable que tous les composés soient

efficaces. Voici quelques-uns des cas cités:

 

Burton Parsons c/ Hewlett Packard S.C. 1975, 17 C.P.R. (2d) 97

Mineral Separation c/ Noranda Mines 1950 S.C.R. 36

Leonhardt c/ Kallé (1895) 12 R.P.C. 103

Olin Matheson c/ Biorex (1970) R.P.C. 157

Demande de la Mobil Oil Corporation 1970 Fleet Street Reports 265

 

Notre problème consiste alors à décider si le requérant peut "prévoir raison-

nablement" que toute la famille de composés revendiqués est efficace. A cet

effet, il faut tenir compte de l'interdiction de revendiquer trop de composés

de façon théorique, qui a été étudiée sérieusement pour la décision Monsanto, cf.

ci-dessus, et élaborée dans la jurisprudence comme dans les cas Hoechst c/

Gilbert (1966) S.C.R. 189; Rhône-Poulenc c/ Gilbert (1968) S.C.R. 950, p. 953;

Steel Co. of Canada c/ Swaco Wire and Nail 11 C.P.R. (2d) 153, p. 195; B.V.D. c/

Canadian Celanese (1936) Ex. C.R. 139, p. 148 et 1936 S.C.R. 221, p. 237;

Boehringer Sohn c/ Bell Craig 1962 Ex. C.R. 201; Hoechst c/ Gilbert (1964) Vol. 1,

Ex. C.R. 710 et 1966 S.C.R. 189; In re May et Baker (1948) 65 R.P.C. 255, (1949)

66 R.P.C. 8 et (1950) 67 R.P.C. 23; Société Rhône-Poulenc c/ Ciba (1967) 35 F.P.C.

174 pp. 201-205 et 1968 S.C.R. 950;. In re Abraham Esau (1936) 49 R.P.C. 85;

In re Shell Development (1947) 64 R.P.C. 151; Rohm & Hans c/ Commissaire des

brevets 1959 Ex. C. R. 153; Vidol Dyes c/ Levenstein (1912) 29 R.P.C. 245;

et Demande d'Eastman Kodak 1970 R.P.C. 548, pp. 561-563. Il est aussi intéressant

d'étudier la décision américaine In re Stokal et al 113 U.S.P.Q. 283 (1957) et

la récente décision japonaise de la Cour supérieure de Tokyo Farbwerke Hoechst

the Director of the Patent Office, relatée dans l'International Review of Industrial

Property & Copyright (iiC) Vol. 8, Mo. 8, 1977, p. 566.

 

Compte tenu de ces différents facteurs, nous concluons qu'il peut être admissible

de considérer comme une prévision raisonnable le fait que les composés décrits

dans des brevets antérieurs portés à notre attention, c.-à-d. les brevets

canadiens no 886,828 et 889,812, et les brevets E.-U. no 364,910 et 3523121,

seraient plus stables et efficaces si on les transformait en complexes métalliques;

nous recommandons donc que le requérant soit autorisé à faire des revendications

de portée identique dans la présente demande. Selon les connaissances techniques

antérieures, on savait que ces composés possédaient des propriétés bactéricides.

Ils comportent tous le même noyau isothiazolone et il a déjà été reconnu que les

caractéristiques bactéricides de ces composés non complexés ont été démontrées de

façon satisfaisante dans les brevets déjà délivrés.

 

Toutefois, nous constatons que la portée de la revendication 1, qui a été rejetée

est de beaucoup supérieure à celle qui a été décrite antérieurement et les arguments

de M. Fisk selon lesquels ces composes sont déjà connus ne tiennent pas. Etant donné

que les limites des connaissances antérieures sont dépassées, nous soutenons que la

revendication dépasse les limites dea prévisions raisonnables et constitue une

revendication théorique exagérée, et nous recommandons qu'elle soit rejetée en

conséquence.

 

La portée des revendications des brevets antérieurs était déjà très large. La

revendication 1 de la présente demamde élargit encore ce domaine sans apporter de

preuve acceptable que les composés du domaine élargi sont efficaces. A l'audience,

M. Fisk a basé son argumentation sur une proposition selon laquelle la revendication

1 ne vise que des dérivés métalliques de composés déjà décrits dans des brevets

délivrés. Ses propres termes étaient les suivants:

 

Il s'agit d'une catégorie de composés bien connus, qui ont

été décrits dans un brevet canadien antérieur au dépôt de

la présente demande.

 

Conséquemment, nous croyons devoir restreindre la revendication 1 aux composés

décrits antérieurement. Une revendication ainsi restreinte serait basée sur des

prévisions raisonnables et elle serait vraisemblablement acceptée

 

Gordon A. Asher

Président

Commission d'appel des brevets, Canada

 

Après étude du cas de la présente demande et des recommandations de la Commission

d'appel des brevets, je rejette par les présentes la revendication 1, conformément

à l'article 42 de la Loi sur les brevets. Si la revendication 1 est amendée

conformément aux suggestions de la Commission, elle sera jugée acceptable. Le

requérant dispose de six mois pour apporter la modification recommandée ou pour

agir conformément à l'article 44.

 

J. A. Brown

Commissaire intérimaire des brevets

 

Donné à Hull, Québec

ce 20e jour de juillet 1978

 

Agent du requérant

Gowling & Henderson

C.P. 466, succursale A

Ottawa, Ontario

 

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