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                       DECISION DU COMMISSAIRE

 

EVIDENCE: Groupe de fibres optiques.

 

L'invention consiste en un assemblage mobile particulier de fines

fibres optiques disposées sur un ruban porteur. L'agencement mobile

facilite l'alignement des fibres de sorte qu'elles peuvent être

jointes les unes aux autres. La technique sur laquelle l'Examinateur

a fondé sa décision n'a aucun rapport avec le problème, et la solution

adoptée n'était pas évidente.

 

Décision finale: Confirmée en partie - les revendications modifiées

                 ont été admises.

 

                       ******************************

 

La présente décision a trait à une demande de révision, par le Commissaire

des brevets, de la décision finale de l'Examinateur en date du 28 septembre

1976, concernant la demande numéro 161,365 (classe 88-97). La demande a

été déposée le 16 janvier 1973, au nom D'Enrique A.J. Marcatili, et est

intitulée "Groupe de fibres optiques". La Commission d'appel des brevets

a entendu l'appel le 10 mai 1978. M. E. Gale représentait le demandeur à

l'audition; M. M. DePicciotto, agent de brevets américain était également

présent.

 

La demande porte sur un agencement mobile particulier de fibres optiques

montées sur un ruban porteur. L'agencement mobile assure l'alignement précis

des fibres ce qui en facilite la liaison et le raccordement. Les fibres

optiques peuvent être définies comme élément diélectrique à âme solide ou

liquide servant de guides d'ondes à fréquences optiques. La figure 1A fait

état de cet agencement:

 

                            <IMG>

 

La revendication 1 de la demande se lit comme suit:

 

   Un groupe de fibres optiques comportant: un premier

ruban sur lequel sont montées et s'étendent longi-

tudinalement plusieurs fibres optiques, lesdites

fibres étant montées sur ledit premier ruban de

manière à permettre le déplacement transversal de l'axe

des fibres.

 

Dans la décision finale, l'Examinateur a refusé les revendications (1 à 9) pour

"manque d'invention" par rapport aux brevets américains suivants:

 

1,859,988                 24 mai 1932               Schemmel

2,361,374                 31 octobre 1944           Abbott

3,272,063                 13 septembre 1966         Singer, fils

 

Le brevet de Singer, en l'occurrence l'antériorité principale, a trait à des

baguettes de fibres optiques sur substrat composite. Dans la réalisation choisie,,

on utilise une paire d'éléments porteurs de fibres optiques. Les éléments

porteurs sont dotés chacun d'une surface plane, parallèle l'une à l'autre, et

séparées par un espace dans lequel les fibres optiques sont insérées. Une fusion

appropriée est engendrée entre les éléments de support et les fibres optiques.

Cette invention est illustrée ci-après:

 

                                <IMG>

 

Le brevet de Schemmel a trait à un conduit électrique comportant une paire de

fils électriques disposés parallèlement et fixés sur un ruban. Les rives du

ruban sont repliées sur les fils et sont fixées sur la partie apparente du ruban

entre les fils. La figure 3 dudit brevet fait état de cette invention:

 

                          <IMG>

 Le brevet d'Abbott porte sur un agencement à conducteurs électriques isolés.

 Les conducteurs électriques sont passés dans des couloirs parallèles, sur un

 plan commun,à travers une machine à enduire dans laquelle les conducteurs sont

 pris entre deux couches de matière thermoplastique.

 

 Dans sa décision finale, l'Examinateur déclarait, entre autres choses, ce qui suit:

 

  ...

 

 Les revendications 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7 y sont une fois de

 plus rejetées par manque de brevetabilité par rapport à la

 baguette de fibres optiques conductrices de lumière, révélée

 par le brevet de Singer (fils), en raison de l'évidente

 substitution de l'agencement d'éléments conducteurs d'énergie

 disposés indépendamment, tel qu'il est décrit dans le brevet

 de Schemmel, par l'agencement plus compact des éléments con-

 ducteurs d'énergie du brevet de Singer (fils) afin d'aboutir

 au groupe de fibres optiques défini dans les présentes revendi-

 cations.

 

 La revendication 1 principale du demandeur se compose de décla-

 rations qui ne touchent que la disposition des conducteurs

 d'énergie en forme de fils allongés sur une bande-support.

 

La revendication 1 ne fait aucune référence aux propriétés ou

 aux caractéristiques qui différencient l'objet nouveau et

 ingénieux présentement revendiqué de ce qui est évident en raison

 de la technique invoquée.

 

 Bien que, dans sa réponse, le demandeur argumente la brevetabilité

 de la revendication 1 en s'appuyant uniquement sur la matière

 décrite dans son mémoire, la matière en question ne paraît pas

 dans la revendication et l'on ne peut par conséquent dire qu'elle

 détermine l'étendue de l'invention alléguée.

 

 Compte est tenu des remarques du demandeur, au bas de la page 1,

 concernant le brevet de Singer (fils). Bien que ces remarques

 soient pertinentes dans le contexte du mémoire de Singer (fils),

 elles sont jugées n'avoir aucun lien avec la définition et la

 portée de la revendication 1 du demandeur. A cet égard, que

 Singer (fils) ait été préoccupé ou non de l'imperfection de son

 groupe de fibres, le fait n'a aucun rapport avec la vaste termino-

 logie exposée dans la revendication 1 du demandeur.

 

 Il est évident que Singer (fils) était conscient du choix de

 "l'absence de fusion" dont il disposait, ce à la lumière de son

 mémoire descriptif où il traite des diamètres excessivement grands

 et petits des brins de fibres, ainsi que dans sa revendication 2

 où il passe sous silence la fusion ainsi que l'imperfection des

 groupes de fibres.

 

 Etant donné ce qui précède, il est évident qu'une bande sur

 laquelle sont disposées plusieurs fibres optiques d'une manière

 qui permet le déplacement transversal des fibres, ne peut être

 jugée comme constituant matière inventive ou progrès technique

 brevetable.

 Dans sa réponse à la décision finale, le demandeur déclarait notamment:

 

 ...

 

 Le mémoire descriptif du demandeur révèle des groupes de fibres

 optiques, comme on peut mieux les voir illustrés aux figures

 1A et 1B des dessins. Les groupes sont généralement faits d'un

 certain nombre de fibres optiques disposées en rangées parallèles

 sur un plan commun. Ces fibres sont supportées par un ruban

 porteur sur lequel elles sont fixées au moyen d'un ruban de re-

 couvrement (tel celui illustré à la figure 1B).

 

 Le problème que résout l'invention est celui de la liaison ou du

 raccordement des fibres, indispensable si les groupes de fibres

 doivent être utilisés à titre de guides d'ondes à fréquences

 optiques sensiblement de la même façon que les conducteurs et

 guides d'ondes métalliques sont utilisés à des fréquences plus

 basses. Cependant, on sait bien qu'il est passablement difficile

 de raccorder des fibres optiques étant donné qu'il est essentiel

 que les fibres soient parfaitement alignées avant que la liaison

 ne soit faite, afin d'éviter qu'il se produise des pertes de

 lumière inadmissibles au point de jonction. Tel qu'il est énoncé

 dans l'introduction du mémoire descriptif du demandeur, si l'on

 considère que le diamètre de l'âme des fibres peut aller de

 quelques microns à quelques mils, et qu'une erreur d'alignement

 d'aussi peu que la moitié du diamètre peut entraîner une perte de

 couplage de 3 décibels, l'ampleur du problème nous paraît évidente.

 

 Les fibres optiques révélées dans le mémoire sont de nature à

 surmonter ce problème d'alignement, de concert avec l'appareil,

 tel qu'en font état les figures 3, 5, 7 et 8. L'appareil force les

 fibres des groupes contigus à venir s'aligner parfaitement au

 moyen d'une plaquette rainurée de façon appropriée. Cependant,

 les fibres des groupes de fibres doivent permettre le déplacement

 transversal de l'axe des fibres, afin que la plaquette puisse

 aligner correctement les extrémités des fibres. Ainsi donc, la

 capacité de translation axiale est une caractéristique essentielle

 des groupes de fibres de la présente invention.

 

 L'invention peut s'appliquer indifféremment aux fibres optiques à

 âme solide ou à âme liquide, et un procédé spécial est exposé ici

 concernant les fibres à âme liquide (figures 8 à 10).

 

...

 

 L'argument pertinent a été analysé par le détail ci-devant. Bien

 qu'il soit de mise de s'appuyer sur les antériorités de domaines

 analogues, il conviendrait de se demander si, de fait, les domaines

 présentent une analogie avec les problèmes résolus par le demandeur.

 Dans le cas qui nous occupe, il n'en est pas ainsi pour les raisons

 énoncées ci-devant, du fait que la méthode de raccordement de

 conducteurs électriques n'a rien de commun avec celle du raccorde-

 ment de fibres optiques. Bien qu'il n'existe aucun précédent en

 jurisprudence pour étayer la proposition qui suit, il est raisonnable

 de prétendre que certains domaines techniques sont analogues,

 lorsqu'une personne versée dans un de ces domaines est en mesure de

 se rendre immédiatement compte que certains problèmes similaires

 peuvent se retrouver dans un autre domaine.

 

De plus, nous croyons qu'une personne versée dans la

technique des fibres optiques ne songerait pas à rechercher,

dans la technique des conducteurs électriques, la solution au

problème soulevé par le raccordement des fibres optiques,

puisqu'il est reconnu que le haut degré de précision indispen-

sable à leur assemblage ne s'impose pas dans le cas des

conducteurs électriques. Par conséquent, ces techniques ne

sont pas analogues.

 

...

 

La Commission doit donc déterminer si les revendications décrivent ou non un

progrès technique brevetable. Dans sa décision finale, l'Examinateur n'a rejeté

que les revendications, et s'est intéressé à l'étendue du monopole de l'invention

décrite dans les revendications.

 

Lors de l'audition M. Gale a fortement argumenté que les revendications portaient

clairement sur une matière brevetable. Il a également discuté et déposé une

nouvelle proposition de revendication 1 en déclarant qu'il était disposé à

considérer d'autres modificatifs appropriés s'ils s'avéraient nécessaires. La

revendication en question sera étudiée plus loin.

 

Nous avons attentivement examiné les antériorités invoqués, et nous avons constaté

que le demandeur apporte au problème des solutions inexistantes dans les brevets

invoqués. Le problème "résolu par l'invention se rapporte à la liaison et au

raccordement des groupes de fibres optiques, solution qui s'impose si les groupes

de fibres doivent servir à titre de guides d'ondes à fréquences optiques". Il

est bien connu que le raccordement de fibres optiques présente des difficultés

considérables étant donné la nécessité d'aligner parfaitement les fibres avant

qu'il ne soit possible de les assembler si l'on veut prévenir toute perte inadmis-

sible de lumière au point de jonction. Il faut se rappeler que les fibres optiques

sont dotées d'une âme dont le diamètre peut aller de quelques microns à quelques

mils. I1 s'ensuit qu'une légère erreur d'alignement sera la cause d'une perte de

couplage considérable.

 

Le brevet de Singer est la seule antériorité qui ait trait aux fibres optiques,

sans toutefois s'intéresser au raccordement de ces fibres; il est clair que

Singer ne décrit pas l'invention qui fait l'objet de la présente demande; la

description de son invention, comme nous l'avons dit précédemment, est entièrement

différente de celle de la présente demande. En fait, cette technique s'écarte de

l'invention du demandeur puisqu'elle prescrit de fixer les fibres solidement en

place. Par contre, l'invention du demandeur prescrit, entre autres choses,

l'assemblage mobile des fibres sur un ruban porteur. Les brevets de Schemmel

et d'Abbott portent sur une technologie différente, à savoir des "conducteurs

métalliques", et sont simplement d'intérêt général. L'alignement précis de fibres

métalliques ne présente aucune difficulté et les raccordements peuvent être

réalisés simplement en torsadant les extrémités des fils sans avoir à les abouter.

 

L'Examinateur, comme nous l'avons déjà dit, a porté son attention sur l'étendue du

monopole de l'invention décrite dans les revendications. Il n'a pas rejeté la

demande. Nous concluons, sans hésiter, que la présente revendication 1, susmen-

tionnée, la seule revendication indépendante, ne décrit pas l'étendue du monopole

en termes précis et appropriés à ce qui, à nos yeux, est l'invention décrite dans

le mémoire et illustrée par les dessins. Par exemple, elle réfère à un "premier

ruban" sans indiquer d'aucune manière combien d'autres rubans sont présents. De

plus, l'expression "assemblée sur" n'établit pas, à notre avis, l'étendue du

monopole de l'invention décrite dans le mémoire. Nous avons considéré cette re-

vendication parce que M. Gale, lors de l'audition, a argumenté qu'elle décrivait

un objet brevetable. Nous sommes d'opinion que cette revendication devrait être

refusée, et à cet égard, le refus de l'Examinateur est maintenu.

 

Nous allons maintenant examiner la revendication 1 qui a été discutée à l'audience.

En voici la teneur:

 

   Un groupe de fibres optiques comportant un premier ruban

sur lequel sont montées et s'étendent longitudinalement

plusieurs fibres optiques, lesdites fibres étant montées

sur le premier ruban de manière à permettre le déplacement

de l'axe des fibres, facilitant ainsi l'alignement des

fibres par rapport aux fibres correspondantes d'un autre

groupe de fibres identique.

 

Par téléphone, nous avons suggéré à M. Gale d'apporter quelques changements d'ordre

mineur à cette revendication, parce que, à notre avis, cette dernière restait

toujours imprécise: par exemple, la référence à un premier ruban et le terme

"assemblées" sur, devaient être précisés par les mots ".... par adhérence limitée..."

Nous recommandons également que, dans les circonstances, le résultat fonctionnel

devrait être inclus dans la revendication, à savoir "afin de faciliter la liaison

ou le raccordement des fibres". Ceci, à notre avis, décrit plus clairement le

perfectionnement de la technique.

 Le 25 mai 1978, M. Gale, donnant suite à notre discussion, a déposé une

 nouvelle revendication 1 qui se lit comme suit:

 

 Un groupe de fibres optiques comportant plusieurs fibres

 optiques montées sur un ruban porteur, et disposées

 parallèlement par rapport à un plan commun, lesdites

 fibres formant un assemblage mobile fixé par adhérence

 limitée sur ledit ruban de manière à permettre le parfait

 alignement des fibres avec les fibres d'un autre groupe

 de fibres identique afin de faciliter la liaison ou le

 raccordement desdites fibres.

 

 Le demandeur a suggéré d'apporter d'autres modifications d'ordre mineur au

 mémoire, ainsi qu'aux revendications subordonnées, afin que le tout corresponde

 à la revendication 1 modifiée. Nous recommandons que ces modificatifs soient

 également acceptés.

 

 Etant donné les circonstances, point n'est besoin de discuter plus longuement

 puisqu'à notre avis, les revendications proposées décrivent maintenant la portée

 du monopole à l'égard duquel protection doit être accordée, et réfutent l'objection

 d'évidence avancée contre les revendications originales par l'Examinateur.

 

Le Président adjoint de la

 Commission d'appel des brevets, Canada

 

 J.F. Hughes

 

Nous avons revisé l'instruction de la présente demande et souscrivons aux consta-

 tations de la Commission d'appel des brevets. Par conséquent, nous sommes

 disposés à admettre les modificatifs approtés à la demande, en date du 25 mai

 1978, lorsqu'ils seront déposés en bonne et due forme. La demande est retournée

 à l'Examinateur.

 

 Le Commissaire des brevets

 

 J.H.A. Gariépy

 

 Mandataire du demandeur

 

 Kirby, Shapiro, Curphey & Eades

 77, rue Metcalfe

 Ottawa, Ontario

 

 Fait à Hull (Québec)

 le 12 juin 1978

 

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