DECISION DU COMMISSAIRE
ARTICLE 36: Revendications de composés avec véhicules
Un demandeur qui a inventé un insecticide, un rodenticide ou un fongicide
nouveau et qui le revendique ne peut le faire s'il est mélangé à un véhicule.
Voir D.C. 296,310. Les décisions portant sur les numéros 464, 465, 466 46 467
sont essentiellement les mêmes.
******************************
La compagnie Rohm and Haas a déposé une demande dans laquelle elle revendique
certains rodenticides à base de carbamate de phényl pyridyle. La demande porte
le numéro de série 163836 (Classe 260/291.1) et les inventeurs sont James E.
Ware et autres.
Quelques-unes des revendications (1 à 11 et 38 à 50) qui ont trait à des composés
chimiques nouveaux et à leur méthode de fabrication et d'utilisation sont
considérées acceptables. Cependant, les revendications 12 à 37 ont été rejetées.
La demanderesse y revendique les mêmes composés que dans les revendications 1 à
11, mais dans un mélange avec des ingrédients non identifiés ou avec des véhicules.
Les revendications 1, 12, 23, 28, 30 et 32 serviront à illustrer ce qui est en
jeu (la revendication 1 étant représentative des revendications acceptables).
Nous avons également inclus une revendication 12 modifiée que présente maintenant
la demanderesse. Nous admettons que cette dernière définit plus clairement ce
que la demanderesse tente de revendiquer et nous l'utiliserons dans notre analyse
ci-après.
1. Un composé dont la formule est:
<IMG>
où X est choisi dans le groupe compose de -NO2, -CN,
-CF3, -SR, -SOR, -SO2R et -SO2NH2 où R est l'alcoyle
le plus faible.
12. Un produit rodenticide comprenant une quantité suffisante
d'un composé rodenticide, conformément à la revendication 1,
ou un mélange de ce composé.
23. Un produit rodenticide conformément à la revendication
12, où ledit produit est présenté sous forme d'appât et
comprend de plus un véhicule comestible.
28. Un produit rodenticide conformément à la revendication
23 où ledit véhicule comestible est tiré de mais entier
moulu, d'avoine coupée, de suce, de mélasse, de riz,
d'huile végétale, de sel, de fruits déshydratés, de farine
de poisson, de farine de déchets d'abattage, de blé, de
cire de paraffine et d'un polymère acrylique, et de mélanges
de ces ingrédients.
30. Un produit rodenticide conformément à la revendication
12 où ledit produit est présenté sous forme de poison de
piste.
32. Un produit rodenticide conformément à la revendication 30,
où ledit produit forme environ 0.75 à 100 pour cent du
poids, alors que les reste est un véhicule en poudre.
La revendication 12 proposée:
12. Un produit rodenticide comprenant une quantité suffisante
d'un composé rodenticide, conformément à la revendication 1,
ou un mélange de ce composé allié à une ou plusieurs substances
auxiliaires utilisées habituellement dans un tel produit.
Nous n'avons pas besoin de nous occuper de la structure des composés eux-mêmes,
ou de leurs propriétés chimiques. Qu'il suffise de dire que ces nouveaux
carbamates sont utiles pour exterminer les rats et les souris.
L'examinateur a rejeté les revendications concernant le produit, parce qu'elles
ne définissaient pas convenablement l'invention. Il était d'avis que l'invention
résidait dans les composés eux-mêmes, qui sont protégés par les revendications
1 à 11 et les autres revendications acceptables, et que les revendications 12 à
37 vont au-delà de ce qu'est l'invention. A tous égards, le rejet est comparable
à celui que la présente Commission a examiné précédemment dans la décision
Agripat rendue le 25 juin 1976, portant sur la demande 132421, qui a été publiée
dans la Gazette des brevets du 17 mai 1977, en commençant à la p. xvii. Cette
décision a été par la suite portée en appel devant la Cour fédérale du Canada
dans l'affaire Agripat c. le Commissaire des brevets qui a confirmé le rejet le
14 décembre 1977, au dossier portant le no du greffe A-589-76. Dans une
décision unanime, la Cour (Coram: les juges Heald, Urie et Ryan) a dit:
(Traduction)
Nous sommes tous d'avis que les affaires Farbwerke Hoechst
(1964 R.C.S. 49), les Brevets Sandoz (1974 R.C.S. 1336) et
Rohm & Haas (30 C.P.R. 113) ne peuvent se distinguer de la
présente affaire pour aucun motif valide. A notre avis, le
Commissaire a correctement interprété et appliqué les principes
établis dans ces affaires, pour autant qu'ils sont pertinents
relativement aux revendications 5 à 11 inclusivement. Par
conséquent, cet appel est rejeté avec dépens.
Par la suite, aucun appel n'a été interjeté devant la Cour Suprême
En dépit de ces développements, le 8 mars 1978, la demanderesse a demandé que
la Commission d'appel et le Commissaire révisent le présent rejet et donnent tous
les motifs de la conclusion à laquelle ils aboutiront. Ayant examiné l'instruc-
tion de cette demande, nous sommes convaincus que la décision dans l'affaire
Agripat est applicable mutatis mutandis à la présente espèce et par conséquent,
nous renvoyons la demanderesse aux motifs prononcés dans l'affaire Agripat.
Cependant, eu égard aux arguments très détaillés et très approfondis que la
demanderesse a présentés, nous détaillerons quelque peu nos précédents motifs.
Comme la demanderesse l'a déclaré (lettre du 4 février 1977, page 1), la question
fondamentale à trancher est de savoir si une demande de brevet qui contient des
revendications portant sur un composé ayant une utilité particulière peut aussi
contenir des revendications portant sur des produits qui incorporent ledit
composé à un ou plusieurs véhicules ou autres matières auxiliaires. L'examinateur
a rejeté ces revendications parce qu'elles ne définissaient pas convenablement
l'invention. Il s'est fondé sur les conclusions dans l'affaire Gilbert c. Sandoz
(1971) 64 C.P.R. 14 et 1974 R.C.S. 1336 (où elle est désignée comme Gilbert c.
Gilcross). Dans cette décision, il a été déclaré que les revendications portant
sur un composé pharmaceutique associé à un véhicule:
... ne peuvent constituer des revendications en ce qui concerne
toute étape inventive impliquée dans le mélange d'une substance
à un véhicule puisqu'une telle étape n'implique aucune invention.
Vide Commissaire des brevets v. Farbwerke Hoechst, 41 C.P.R. 9
(1964) R.C.S. 49, 25 Brevet Fox C. 99 (cité d'après la décision
de la Cour de l'Échiquier à la p. 35 et adopté par la Cour
Suprême à la p. 1339).
L'examinateur s'est appuyé également sur l'affaire Rohm & Haas c. Le Commissaire
des brevets (1959 R.C.E. 133), et il a déclaré:
(Traduction)
La question inventive réside dans les composés eux-mêmes, car
il n'y a pas d'autre invention dans le mélange des composés avec
des véhicules solides, liquides ou gazeux liquifiés. L'addition
de ces véhicules a simplement pour objet d'obtenir un mélange
utilisable. Il n'y a pas d'interaction entre les composés de
l'invention et ces véhicules; aucun résultat nouveau et inattendu
n'est obtenu en soi.
Le point principal de la thèse de la demanderesse est que le raisonnement
adopté par la jurisprudence citée ne doit pas être appliquée à la présente
invention, parce qu'il ne s'agit ras d'un produit pharmaceutique. La demanderesse
prétend que la Cour a été influencée par l'article 41 et qu'elle a donc penché
pour l'intérêt public, plutôt que pour celui du breveté. Cependant, nous ne
pouvons trouver aucun fondement à cette affirmation. Dans l'affaire Gilbert c.
Sandoz, par exemple, la Cour a déclaré qu'il n'y avait aucune étape inventive
impliquée dans le mélange d'une substance à un véhicule. En toute logique, cette
objection s'applique à toutes les substances, pharmaceutiques ou non. De fait,
dans la décision la plus récente (Agripat), l'invention était un pesticide, au-
quel l'article 41 ne s'applique pas. De même, dans l'affaire Rohm et Haas, la
substance était un fongicide. Nous ne croyons pas que nous devrions être tentés
de chercher au-delà des déclarations claires faites dans ces décisions, et d'y
chercher un sens caché ou des exceptions, comme nous y invite la demanderesse.
Nous n'acceptons pas non plus l'affirmation (traduction) "que la Cour Suprême
du Canada n'a pas pleinement compris la situation" (réplique p. 9) quand elle en
est venue à ses conclusions.
La demanderesse a prétendu que la Cour Suprême s'est contredite (traduction)
"semble être en contradiction directe" (l'expression utilisée) si l'on examine
l'affaire Commissaire des brevets c. Farbwerke Hoechst précitée) et ensuite
l'affaire Sandoz c. Gilcross, parce que dans un cas, la Cour suprême a dit que
le composé et le véhicule ne peuvent pas être revendiqués dans des brevets
séparés, alors que dans l'autre, elle a dit qu'ils ne peuvent faire l'objet d'un
même brevet. Nous ne voyons pas la contradiction. Dans l'affaire Hoechst, la
Cour n'a pas dit que le composé et le véhicule pouvaient être revendiqués dans le
même brevet quand elle a dit qu'ils ne pouvaient pas faire l'objet de brevets
séparés. Si l'on examine les deux décisions au regard l'une de l'autre, nous
sommes d'avis qu'elles retiennent le principe qu'il n'est pas pertinent de
faire les deux genres de revendications soit dans des brevets séparés, soit dans
dans le même brevet, quand la situation est analogue à celle qui était soumise
aux tribunaux et qui nous est présentement soumise. Ailleurs, dans la demande
finale de la demanderesse (p. 49), nous lisons:
(Traduction)
Nous soutenons qu'une personne versée dans la préparation
des rodenticides et dans la fabrication de produits rodenticides
pourrait aisément faire un choix convenable d'adjuvants connus
pour préparer le produit revendiqué, selon le genre particulier
de produit désiré.
Ceci démontre clairement qu'il n'y a pas d'étape inventive dans le mélange de
cette substance avec un véhicule et assujettit directement les revendications du
produit à l'interdiction exprimée dans l'affaire Gilbert c. Gilcross précitée.
Nous acceptons la prétention de la demanderesse selon laquelle la brevetabilité ne
doit pas çetre évaluée par rapport à une nouvelle matière que la demanderesse
elle-même décrit dans sa propre demande, au moins en ce sens que ce n'est pas en
soi une technique antérieure. Nous sommes également d'accord avec une grande
partie de ce qu'elle dit sur la façon dont il faut interpréter les revendications.
Mais nous ne pouvons admettre qu'elle puisse tout revendiquer dans sa divulgation
de l'invention, car les revendications doivent décrire l'invention elle-même et ne
pas aller au-delà. Le paragraphe 36(2) de la Loi sur les brevets édicte la limite
de ce que le demandeur peut revendiquer. Il exige que l'inventeur revendique
distinctement la partie qui constitue l'invention. Dans B.V.D. c. Canadian
Celanese (1837) R.C.S. 221 (à la page 221) par exemple, les revendications qui
allaient au-delà de l'invention ont invalidé le brevet. De même, dans Bergeron c.
DeKermor Electric, 1927 R.C.E. p. 181 à 187, nous lisons:
(Traduction)
Un homme ne peut apporter certains changements ou certaines
améliorations, qu'ils soient brevetables ou non à une machine
ou à un appareil connu et revendiquer ensuite tout l'appareil
comme son invettion.
Dans la susdite affaire, la Cour a cité également, en l'approuvant, le passage
suivant extrait de Nicholas, "on Patent Law":
(Traduction)
Quand l'invention a pour objet une amélioration (comme c'est le
cas en l'espèce), le breveté doit prendre soin de revendiquer
seulement l'amélioration et d'établir clairement et distinctement
en quoi cette amélioration consiste. Il ne peut prendre une
machine existante bien connue et, après y avoir fait quelques
légères améliorations, la placer devant le public et dire: "J'ai
fait une meilleure machine. Voici la machine à coudre d'untel, je
l'ai amélioré; voici la mienne; c'est une machine bien meilleure
que la sienne." Il doit déclarer distinctement en quoi consiste
son amélioration et revendiquer seulement celle-ci. (c'est moi
qui souligne).
Ce principe important de la Loi sur les brevets est établi depuis si longtemps
que nous en trouvons une citation datant d'il y a presque 100 ans, dans l'affaire
Moore v. Bennett (1884) 1 R.P.C. 129 à la p. 143:
(Traduction)
Quand une revendication porte sur une combinaison et un arrangement
général des différentes pièces d'une machine, si la Cour considère
que la combinaison n'est pas nouvelle, mais qu'il y a quelque
amélioration particulière d'une pièce particulière, la revendica-
tion selon laquelle toute la combinaison est nouvelle est infondée,
mais celle portant sur l'amélioration doit être accordée.
En revenant à l'espèce, nous constatons que les mélanges de rodenticides avec des
véhicules sont bien connus. La demanderesse a remplacé l'ancien rodenticide par
un nouveau, qui est brevetable en soi. Sa revendication doit donc se limiter à
cette "amélioration" par rapport à la technique antérieure.
Nous renvoyons également à l'affaire Dick c. Ellam's Duplicator Compas (1900)
R.P.C. 196 à 202, où nous lisons:
(Traduction)
... Je crois vraiment qu'il y a quelque chose dans l'invention,
et que cette invention aurait été brevetable si le titulaire du
brevet n'avait pas jeté son filet trop loin, comme les inventeurs
le font constamment, pour attraper des gens qui ne contrefont pas
l'invention réelle.
et à l'affaire Eli Lilly c. Marzone Chemicals, le juge Gibson, Division de première
instance de la Cour fédérale, 11 juillet 1977, à la p. 33:
Comme le dit la jurisprudence, cette disposition légale (le para-
graphe 36(2) édicte qu'un demandeur ne peut pas faire une revendi-
cation inspirée par la convoitise ou exagérée.
Aux termes de la loi américaine sur les brevets, on rencontre des objections
analogues dans des rejets fondés sur d'"anciennes combinaisons" ou comme on les
appelle aussi, des "combinaisons épuisées". Voir U.S. Manual of Patent Examining
Procedure, Sec. 706.03(j)). Un nombre considérable de décisions fondées sur la
loi américaine sur les brevets a jugé que quand un demandeur a amélioré un élément
d'une combinaison qui, en soi, est brevetable, il n'a pas le droit de revendiquer
l'amélioration en combinaison avec des éléments anciens si ceux-ci n'accomplissent
aucune fonction nouvelle dans la combinaison revendiquée. Voir notamment Ex Parte
Hall 680 Official Gazette, p. 5; Ex Parte Silverstern 125 U.S. Pat. Quarterly p.
238; Ex Parte MacNeil 100 O.G. p. 2178; In re Latican 162 O.G. p. 340; Ex Parte
Mumford 206 O.G. p. 873; Ex Parte Griffiths 1898 Decisions of the Commissioner
p. 233; Ex Parte Arbuckle 291 O.G. à 441 ou 1921 Commissioner's Decisions p. 85;
et l'affaire Grease Gun, Bassick v.. Hollingshead, 298 U.S. 15. Risdale Ellis,
dans son livre Patent Claims, Baker, Voorhis & Co., New York, 1949, a écrit à ce
sujet à la page 184:
(Traduction)
L'exclusion des revendications qui ajoutent simplement d'anciens
éléments à la combinaison formant l'invention réelle est fort bien
exprimé dans le syllabus de Ex Parte Griffith, 1898 C.D. 233,
qui se lit:
Un demandeur, après avoir obtenu les revendications qui
couvrent pleinement et adéquatement son invention réelle,
ne doit pas être autorisé à multiplier sans nécessité de
telles revendications par l'inclusion d'éléments connus qui
n'aident pas à produire un résultat nouveau, ou qui n'ajoutent
en aucune façon à la nouveauté brevetable de l'appareil."
Aux Etats-Unis, la plupart des décisions de principe sur les combinaisons épuisées
portent sur des inventions mécaniques, mais les principes qui y sont énoncés sont
clairement d'application générale.
La demanderesse a attiré notre attention sur l'affaire In re Bernhard and Fetter
(1969) 163 U.S.P.Q. 611 à 618 où la U.S. Court of Customs and Patent Appeals (C.C.P.A.)
a mis en doute les motifs adoptés à l'appui des rejets de combinaisons épuisées.
Toutefois, la C.C.P.A, est un tribunal de juridiction inférieure et ses observations
vont à l'encontre de nombreuses décisions de la Cour Suprême des Etats-Unis.
La demanderesse a fait valoir que les revendications rejetées ne vont pas au-delà
de l'invention réelle, puisqu'elles restreignent le domaine de l'invention et
qu'elles créent un monopole plus réduit que ne le font les revendications portant
sur le composé en soi. Ceci n'est cependant qu'une futile question de sémantique.
On pourrait également dire que ces revendications augmentent le monopole, puisqu'elles
incluent dans son domaine une matière supplémentaire (les véhicules) qui ne font pas
partie des revendications acceptables.
La demanderesse a soutenu que lorsque les autres éléments d'une combinaison forment
le cadre naturel de l'élément amélioré, l'ancienne combinaison est brevetable, et
nous a renvoyés au passage suivant de Ex parte Woodall, 40 U.S.P.Q. 131:
(Traduction)
Nous sommes d'avis que, dans la mesure où le fermoir inventé
par l'appelant n'a qu'une utilité particulière que si l'on s'en
sert avec une bande en retrait (c'est nous qui soulignons),
selon la revendication, il est pertinent de revendiquer la
combinaison de ce fermoir et de la bande, en dépit du fait que
des combinaisons similaires se trouvaient dans la technique an-
térieure. Lorsqu'un élément d'une ancienne combinaison est utile
dans diverses situations et qu'il n'est pas de nature à s'adapter
spécialement à une utilisation combinée, il convient, bien en-
tendu, de le rejeter en se fondant sur l'ancienne combinaison;
cependant, lorsque l'élément d'une combinaison n'est pleinement
utile que dans une telle combinaison et qu'il n'a pas une utilité
générale, nous ne croyons pas qu'il soit pertinent de décider que
cet élément ne doit pas être revendiqué dans la combinaison où il
trouve sa pleine utilité (c'est la demanderesse qui a souligné).
A cela, nous répondons que les composés nouveaus n'ont pas une utilité spéciale
seulement quand ils sont utilisés avec les véhicules. Comme le révèle la divulgation
de l'invention à la page 12:
... il n'y a pas de limite supérieure au montant du composé qui
peut être présent dans l',appât. Les rats, les souris et
les autres rongeurs acceptent si bien les composés de la
présente invention que même quant ils peuvent choisir entre
la ration de base non traitée et un appât entièrement
constitué de l'un des présents composés, ils ingèrent en tant
que rodenticides une quantité suffisante des composés...
(c'est nous qui soulignons).
Par conséquent, il est vain de prétendre que les composés n'ont une utilité
spéciale que s'ils sont employés avec les véhicules.
Dans un autre passage (p. 45 de la réponse finale), la demanderesse a déclaré:
Il appert du contenu de la décision officielle (même si,
dans son rapport, l'exami-nateur ne l'a pas dit textuellement)
que l'examinateur considère les compositions des revendications
12 à 37 inclusivement comme représentant quelque chose que la
demanderesse n'a pas inventé. Si telle est l'opinion de l'exa-
minateur, la demanderesse croit fermement qu'elle est indéfen-
dable et ne repose sur aucun fondement valide. L'examinateur
n'a pas accès aux dossiers complets concernant l'invention de
la demanderesse et n'en a pas la possession, il n'est donc pas
en mesure d'apprécier complètement ce que la demanderesse a (ou n'a
pas) inventé. Le seul dossier qui soit entre les mains de l'exa-
minateur, c'est le mémoire descriptif de la présente demande.
En même temps, la demanderesse a formellement fait, à la page 49, la déclaration
suivante (que nous avons déjà citée) qui démontre clairement que la demanderesse
ne pouvait avoir fait une invention en mélangeant les nouveaux composés avec des
véhicules:
Nous soutenons qu'une personne versée dans la préparation
des rodenticides et dans la fabrication de produits rodenticides
pourrait aisément faire un choix convenable d'adjuvants connus
pour préparer le produit revendiqué, selon le genre particulier
de produit désiré. Le choix des substances appropriées normale-
ment utilisées dans un tel produit, pour toute fin particulière,
et de la compétence de cette personne et ce choix n'exige pas de
sa part d'ingéniosité inventive. (c'est nous qui soulignons).
L'affaire Continental Soya c. Short Milling (1942) R.C.S. 187 a été citée comme
une instance où la Cour Suprême a approuvé des revendications tant pour une
substance nouvelle que pour un produit contenant cette substance et l'on a prétendu
que cette décision contredisait l'arrêt de la Cour Suprême dans Gilbert c. Sandoz.
Nous avons étudié en détail la décision Continental Soya et selon nous, elle n'aide
pas beaucoup la demanderesse. En comparaison avec l'affaire Gilbert, c'est une
vieille décision. La question alors soumise à la Cour était différente de celle
qui a été tranchée dans l'affaire Gilbert. Les revendications portant sur le pain
visaient un produit utilisé dans un procédé de boulangerie qui, en soi, avait été
jugé brevetable sur le plan de l'inventivité, alors que dans l'affaire Gilbert et
en l'espèce, il était admis qu'il n'y avait rien d'inventif dans le mélange des
substances et des véhicules. Dans l'affaire Continental, le pain a été considéré
comme une invention distincte de l'enzyme de blanchiment, et les deux inventions
ont fait l'objet de brevets distincts.
Dans l'Appendice B de sa demande du 4 février 1977, la demanderesse a cité des
déclarations tirées des décisions Sandoz et Burton c. Hewlett-Packard (1975) 17
C.P.R. (2e) 97 selon lesquelles il ne fallait pas invalider des brevets à cause de
simples considérations d'ordre technique. Nous sommes entièrement d'accord avec
ce principe mais, de toute évidence" les objections visant les revendications
relatives aux véhicules dans la décision Sandoz n'ont pas été tenues pour de
"simples considérations d'ordre technique". De même, nous pouvons lire dans
l'affaire Burton Parsons, à la p. 97:
(Traduction)
Dans l'affaire Commissaire des brevets c. Farbwerke Hoechst, cette
Cour a jugé que la dernière étape de la production d'une drogue sous
la forme d'un dosage n'est pas brevetable, parce qu'elle ne comporte
pas d'invention.
En tout cas, le rejet de ces revendications en l'espèce n'influe pas sur la validité
des revendications jugées acceptables, qui donnent à la demanderesse l'entière
protection à laquelle elle a droit.
Les questions relatives à la nécessité et à la pertinence de revendications
multiples ont été étudiées en détail dans l'affaire Agripat. Aux motifs invoqués,
nous nous contenterons d'ajouter deux références supplémentaires.
La première est l'affaire Christiani c. Rice, 1930, R.C.S. 443 à 461 (confirmée en
1931 R.P.C. 511) où il a été jugé qu'un brevet ne peut être converti en une invention
différente si les principales revendications sont rejetées. Cela appuie l'argument
de la demanderesse selon lequel si les revendications portant sur les composés
nouveaux, en soi, sont rejetées, la demanderesse peut alors utiliser les revendica-
tions concernant le produit pour protéger ce qui, conséquemment, viserait une
invention différente de celle définie dans les revendications principales. (Voir
aussi in Re May & Baker, 1948, R.P.C. 255 et 67 R.P.C. 23).
La deuxième affaire est celle de Eli Lilly c. Marzone Chemicals, Division de
première instance de la Cour fédérale, 11 juillet 1977 à la p. 34 (confirmée par
la Division d'appel de la Cour fédérale, 7 mars 1978) qui traite des préoccupations
de la demanderesse à l'égard des "curiosités scientifiques" invalidant ses reven-
dications sur le composé. Comme cela a été clairement dit dans la décision Eli
Lilly, pour qu'une défense d'absence de nouveauté soit déclarée bien fondée, la docu-
mentation doit fournir une description exacte de l'invention et divulguer une
(traduction) "utilité pratique" des composés. Il ne peut pas s'agit (p. 35) de
renvois à des documents, de brevets antérieurs ni de publication qui ne possèdent
pas réellement la (traduction) "réalité d'usage par le public". Il ne doit pas
s'agir (traduction) "de monceaux abandonnés de livres couverts de poussière qui
racontent l'histoire d'espoirs déçus et d'éclairs de génie méconnus". Nous sommes
d'avis que la divulgation d'une "curiosité scientifique" tombe dans cette catégorie.
Après avoir examiné tous les arguments de la demanderesse et y avoir répondu sort
dans la présente décision, soit dans celle d'Agripat qui l'a précédée, nous sommes
convaincus que la demanderesse n'a pas droit à un brevet et que c'est à bon droit
que les revendications 12 à 37 inclusivement ont été rejetées.
Le président de la
Commission d'appel des brevets, Canada
Gordon A. Asher
J'ai examiné l'instruction de cette demande et la recommandation du Bureau d'appel
des brevets. Je suis convaincu que la demanderesse n'a pas droit aux revendica-
tions 12 à 37 et par conséquent, je rejette les revendications 12 à 37 inclusivement.
La demanderesse dispose de six mois pour interjeter appel de cette décision aux
termes de l'article 44 de la Loi sur les brevets.
Le Commissaire des brevets
J.H.A. Gariépy
Mandataires de la demanderesse
Gowling & Henderson
Case postale 466, Station A
Ottawa, Ontario