DECISION DU COMMISSAIRE
Rejet: Juxtaposition - Appareil pour l'extraction du café.
Certaines des revendications ont été rejetées parce qu'elles portaient sur
une juxtaposition. Les éléments de ces revendications sont cependant
combinés de façon à former un ensemble unitaire de façon plus expéditive
et auquel chacun des éléments a contribué. Ces revendications portent sur
une combinaison.
Décision finale: Infirmée
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La présente décision porte sur une demande de révision par le Commissaire
des brevets de la décision finale de l'examinateur, datée du 21 décembre 1976,
au sujet de la demande no 133, 588 (classe 99-22). La demande a été déposée
le 31 janvier 1972 au nom de Neophytos Ganiaris et est intitulée "Fabrication
d'une boisson".
La demande porte sur un procédé et un appareil pour produire des extraits de
café sous forme liquide ou solide. En ce qui a trait à la présente décision,
nous ne nous préoccupons que de l'appareil. Cet appareil comprend des dispositifs
permettant de séparer les extraits liquides de café des solides précipités, de
transférer le liquide dans des bacs collecteurs, d'acheminer le liquide de ces
bacs vers un cristalliseur dans lequel il y a formation de glace, séparer la
glace du liquide concentré, et traiter le liquide de façon à en faire du café
solide soluble.
Dans la décision finale, l'examinateur a rejeté les revendications no 8 à
10 "parce qu'elles revendiquent une juxtaposition non brevetable". Dans sa
décision, l'examinateur a déclaré, notamment:
Les revendications no 8 à 10 sont rejetées parce qu'elles
revendiquent une juxtaposition non brevetable. Bien que le
procédé revendiqué par le demandeur soit inventif et brevetable,
je soutiens que l'assemblage de ce système ne constitue pas une
invention supplémentaire. Dans son exposé, le demandeur décrit les
antériorités, y compris la retenue de l'extrait de café frais
pour précipiter les goudrons, la séparation du précipité par
centrifugation, la congélation partielle de l'extrait de café
clarifé et la séparation de l'extrait concentré des cristaux de
glace. L'ensemble d'appareils nécessaires à ce processus est
également réputé une vieille combinaison. La formation de
quantités excessives de mousse de liqueur de café stable durant la
séparation du goudron et la congélation partielle constitue le
problème à résoudre. En guise de solution, le demandeur a décourvert
que s'il maintient l'extrait à une certaine température, après la
séparation du goudron, pendant une période plus longue que celle
nécessaire à la précipitation du goudron au repos, il n'y a pas de
moussage excessif au cours des étapes subséquentes. Le demandeur
expose également un diagramme afin d'illustrer davantage (page 4,
ligne 9) le nouveau procédé et revendique la création du diagramme
comme une invention en soi, indépendamment du procédé.
Il est cependant avéré que la simple juxtaposition mécanique d'appareils
ordinaires dans le but de mettre en application un procédé donné est
une preuve de dextérité plutôt que d'ingéniosité inventive. En
d'autres termes, un procédé brevetable ne donne pas nécessairement
un caractère brevetable à un groupe d'appareils connus qui permet à
l'exploitant d'utiliser le procédé en question. Pour qu'un système
d'appareils soit brevetable, son effet total doit être différent de
la simple somme des effets de chacun des appareils. La différence
qui est le résultat d'une corrélation et d'une cooperation uniques
d'appareils connus ou nouveaux est le nouveau résultat unitaire qui,
s'il existe, donne un caractère brevetable à la combinaison de deux
appareils ou plus.
Cette même objection a été soulevée lors de l'instruction de la présente
demande, et le demandeur a été invité à démontrer le résultat unitaire
de la combinaison exposée dans les revendications no 8 à 10. Dans sa
réponse, le demandeur déclare que le résultat unitaire est la capacité
du système d'exécuter le procédé inventif. Pour étayer ses arguments,
le demandeur a cité une décision du Commissaire et surtout un paragraphe
pertinent à la page 7 de cette dernière. Il n'y a aucun conflit entre
les principes de cette décision et les motifs du présent rejet. Dans les
deux cas, il est clairement établi que seules sont brevetables les
combinaisons qui n'ont pas un caractère d'évidence et dans lesquelles
des éléments connus ou nouveaux fonctionnent ensemble de façon à donner
un résultat nouveau et unitaire qui n'est attribuable à aucun des éléments
pris individuellement. Cependant, le demandeur ne décrit que la simple
juxtaposition d'appareils connus pour appliquer un procédé donné qui a
un caractère d'évidence et ne produit pas de nouveau résultat unitaire.
Les appareils des revendications no 8 à 10 ne sont pas brevetables.
Dans sa réponse relative à la décision finale, le demandeur a déclaré,
notamment:
Dans la décision finale, l'examinateur a rejeté les revendications
no 8 à 10 parce qu'elles sont supposées revendiquer "une juxtaposition
non brevetable". Cela est la réitération du rejet déjà mentionné dans
la décision officielle du 12 avril 1976, et ce rejet est complètement
défait par les arguments présentés par le demandeur dans sa réponse
déposée le 12 juillet 1976. L'objection est essentiellement contra-
dictoire avec les conclusions de la Commission d'appel des brevets,
dans la décision du commissaire relativement à la demande précédente
du demandeur, no 055,622.
D'après le passage extrait de la page 7 de la décision du
Commissaire dans cette dernière cause, il est clair qu'avant
que l'examinateur puisse rejeter uner revendication parce
qu'elle ne porte pas sur une combinaison brevetable, il doit
prouver le manque de nouveauté et d'ingéniosité inventive, et
cela ne peut se faire que par rapport aux antériorités.
Dans la demande no 055,622, il a été mentionné que la
preuve du manque d'ingéniosité inventive par rapport aux
antériorités n'avait pas été faite et que le rejet ne pouvait
donc pas être confirmé. La même situation existe dans le cas
actuel. L'examinateur n'a pas établi son rejet des revendications
no 8 à 10 par rapport aux antériorités; le rejet n'est donc pas
valable.
Dans sa décision finale, l'examinateur a déclaré que "bien que le
procédé revendiqué par le demandeur constitue un élément inventif
et brevetable, je maintiens que l'assemblement de ces appareils ne
constitue pas une invention additionnelle", et d'après cela, il
semblerait que l'examinateur considère que pour être brevetable,
les revendications du demandeur portant sur des appareils devraient
présenter une invention distincte de celle exposée dans les
revendications portant sur le procédé. Selon le demandeur, le
rejet provient d'une certaine confusion de la part de l'examinateur.
Il est complètement faux de dire que dans une demande comme celle-ci
contenant à la fois les revendications portant sur le procédé et celles
portant sur les appareils, ces dernières revendications devraient
exposer une "invention additionnelle" par rapport aux revendications
qui portent sur le procédé. En fait, ces deux groupes de revendications
représentent des aspects différents de la même invention.
La décision finale établit dans l'avant-dernier paragraphe que
"seules sont brevetables les combinaisons dans lesquelles des
éléments connus ou nouveaux :fonctionnent ensemble de façon à
produire un résultat nouveau et unitaire qui n'est attribuable
à aucun des éléments pris individuellement, ces combinaisons ne
devant pas être évidentes. Cependant, le demandeur ne décrit
que la simple juxtaposition d'appareils connus pour appliquer un
procédé donné." Nous faisons toutefois remarquer qu'étant donné
que les revendications no 8 à 10 de la demande portent sur un
appareil spécialement conçu pour appliquer le procédé de la
revendication no 1 et que, étant donné que le procédé revendiqué
a été considéré comme étant brevetable, il s'ensuit presque
automatiquement que les revendications portant sur l'appareil
spécialement conçu pour appliquer ce procédé doivent également
être brevetables. La décision finale fait mention "de simples
juxtaposition d'appareils connus pour appliquer un procédé donné",
et c'est là l'erreur de raisonnement de l'examinateur. Le procédé
en question n'est pas un procédé "donné", mais plutôt le procédé
inventif exposé dans les revendications no 1 à 7 du demandeur.
La décision finale est totalement fausse puisqu'elle semble considérer
le procédé revendiqué comme une antériorité dont les revendications du
demandeur portant sur des appareils devraient se distinguer pour être
brevetables.
L'examinateur a indiqué que les revendications no 1 à 7 relatives à la fabrication
d'un extrait de café portent sur un sujet brevetable. Il s'ensuit donc que le
produit d'un tel procédé est un produit nouveau ou amélioré, ou un ancien
produit fait d'une façon plus expéditive. La revendication no 2 est repré-
sentative et se lit comme suit:
Un procédé pour fabriquer un extrait de café qui consiste
à maintenir un extrait liquide contenant de 10 à 30 % des solides
de café à une température allant de 30 à 60.degree.F assez longtemps pour
précipiter les goudrons ou autres solides, à traiter le liquide
pour en retirer les matières solides, à maintenir le liquide entre
32 et 100 F pendant au moins 5 heures au repos, à soumettre
le liquide à un traitement dans un cristalliseur pour y former
de la glace, à séparer la glace du liquide qui contient alors
30 à 50 % de solides de café et à sécher à froid le liquide
pour faire du café solide soluble.
Dans la décision finale, l'examinateur a rejeté les revendications no 8 à 10
parce qu'elles revendiquent une "juxtaposition non brevetable". La
revendication no 9 est représentative et se lit comme suit:
Appareil pour fabriquer un extrait de café comprenant au
moins un bac collecteur primaire, une centrifugeuse en forme
de godet, un dispositif pour acheminer l'extrait de café liquide
du bac collecteur primaire à la centrifugeuse en forme de godet,
au moins un bac collecteur secondaire, un dispositif pour acheminer
l'extrait liquide de de la centrifugeuse en forme de godet dans ledit
collecteur secondaire dans lequel il sera maintenu au repos durant
au mojns deux heures à une température entre 32 et 100 F, un
réservoir d'alimentation, un dispositif pour acheminer l'extrait
liquide du collecteur secondaire au réservoir d'alimentation, un
cristalliseur, un dispositif pour acheminer le liquide du réservoir
d'alimentation au cristalliseur, une centrifugeuse du type panier
perforé, un dispositif pour acheminer le mélange glace-liquide du
cristalliseur à la centrifugeuse du type panier perforé.
La question qui préoccupe la Commission est donc de savoir si les revendications
no 8 à 10 portent ou non sur une simple juxtaposition d'éléments. Si oui, il
est évident qu'elles manquent d'ingéniosité inventive. Mais, si nous trouvons
qu'elles portent effectivement sur une combinaison réelle, le caractère brevetable
d'une telle combinaison dépendra entièrement de l'état de la technique antérieure.
Autrement dit, s'il s'agit d'une simple combinaison nouvelle qui manque d'ingé-
niosité inventive, cela ne porte pas sur un élément brevetable.
Une juxtaposition peut être considérée comme un mécanisme ou un agencement
d'éléments donnant chacun son proper résultat, mais n'ayant aucun résultat
unitaire propre à l'arrangement en soi (voir Smith c/ Goldie (1883) 9 R.C.S. et
Barton c/ Radiator Specialty Co. of Canada Ltd. (1965) 29 Fox Pat. C. 89 à 96).
Le simple fait d'aligner des éléments un à la suite de l'autre sans produire
de résultat commun ne peut pas en faire une combinaison brevetable (voir Durable
Electric Appliances Co. Ltd. c/ Rendrew Electric Products Ltd. (1928) R.C.S. 8).
Un bon exemple d'une juxtaposition est le simple crayon noir muni d'une gomme
à effacer à une de ses extrémités.
La qualité essentielle d'une combinaison est que tous les éléments qui la
composent doivent être combinés de façon à donner un résultat auquel chacun
des éléments contribue. C'est sur ce principe qu'est fondée la définition
et la compréhension du terme combinaison dans la Loi sur les brevets (voir
Baldwin International Radio Co. of Canada Ltd. c/ Weston Electric Co, Inc.
(1934) R.C.S. 94 à 101), ou cet extrait de la cause British United Shoe
Machinery Co. Ltd. c/ A Fussell & Sons Ltd. (1908) 25 C.P.R. 631 à 657: "...
une collection de parties communicantes pour arriver à (ce que l'on pourrait
appeler) un résultat simple et non complexe". Cette phrase a été citée dans la
cause Baldwin c/ Weston susmentionnée.
Le résultat produit par la combinaison doit donc être ce que l'on pourrait appeler
un résultat commun ou unitaire, dans le sens que tous les éléments de la combinaison
sont reliés les uns aux autres de telle sorte que chacun d'eux contribue à sa
façon à donner ce résultat (voir Riddell c/ Patrick Harrison & Co. Ltd. (1957)
17 Fox Pat. C. 83). La combinaison peut toutefois donner un résultat nouveau,
ou un ancien résultat "de façon plus commode, plus économique ou plus utile"
(voir Baldwin c/ Western susmentionnée).
Dans Wandscheer c/ Sicard Ltd. (1948) R.C.S. 1 à 4, le juge Taschereau a déclaré:
"Une combinaison peut effectivement constituer le sujet d'un brevet valable même
si elle n'est qu'une simple juxtaposition d'éléments connus. Mais cette
juxtaposition doit produire une invention efficace et utile, absolument
nouvelle." Cette combinaison doit évidemment donner un résultat unitaire.
Dans la cause bien connue du brevet sur la machine à fabriquer des saucisses
Williams c/ Nye (1890) 7 C.P.R. 62, nous constatons qu'il porte sur une machine
à hacher la viande et à l'introduire dans des boyaux pour faire des saucisses.
Les parties de la machine qui servent à hacher la viande et à remplir les
boyaux étaient déjà connues et le brevet en question portait sur la réunion de
deux pièces en un mécanisme. A la Cour d'appel, le juge Kekewich a soutenu que
"le brevet était une combinaison de choses anciennes le plus simplement possible,
qu'il n'y avait pas suffisamment d'élément inventif... (c'est nous qui soulignons)."
Lors de l'appel à la Chambre des Lords, le juge Lopes a déclaré que le
brevet manquait "d'ingéniosité inventive". Le brevet a donc été refusé pour
manque d'ingéniosité inventive, mais le tribunal l'a toutefois considéré comme
une combinaison, bien que non brevetable, et non une juxtaposition.
Dans le cas qui nous intéresse, nous trouvons que le demandeur a produit un
résultat unitaire (un extrait de café) de façon plus expéditive, parce que
les revendications portant sur le procédé sont jugées acceptables puisqu'elles
ont surmonté' une difficulté des procédés précédents. Les éléments, voir la
revendication no 9 précitée, sont combinés de façon à donner un résultat auquel
participent tous les éléments (voir Baldwin c/ Weston susmentionnée). De plus,
une combinaison peut constituer les sujet d'un brevet valable même si ce n'est
qu'une simple juxtaposition d'éléments connus, mais qui a "le caractère indispensable
de nouveauté' (invention)". Voir Wandscher c/ Sicard susmentionnée.
Nous ne devons donc pas hésiter à dire que les revendications no 8 à 10 portent
sur une combinaison dans laquelle tous les éléments contribuent à leur façon
à produire un résultat unitaire, mais nous ne disons pas qu'il s'agit nécessairement
d'une combinaison nouvelle, et encore moins qu'elle nécessite un certain degré
d'ingéniosité inventive. Ces conditions essentielles doivent être déterminées
d'après les antériorités, et ce n'est pas ce qui préoccupe actuellement la
Commission.
Nous ne sommes toutefois pas d'accord avec le demandeur lorsqu'il dit que
l'appareil est nécessairement brevetable puisque le procédé l'est Il semble
même d'après les caractéristiques techniques qu'il n'y a aucun changement par
rapport aux antériorités, mais le changement ou l'amélioration réside dans la
découverte "des temps de retenue spécifiques" des différentes étapes du procédé.
En résumé, nous sommes convaincus que les revendications no 8 à 10 portent
sur une combinaison véritable et nous recommandons que le refus de ces
revendications contenu dans la décision finale soit rejeté.
Le Président adjoint
Commission d'appel des brevets
J.F. Hughes
J'ai étudié l'instruction de la présente demande et je suis d'accord avec
les recommandations de la Commission d'appel des brevets. Je rejette donc
la décision finale et renvoie la demande à l'examinateur pour complément
d'instruction.
Le Commissaire des brevets
J.H.A. Gariépy
Fait à Hull (Québec)
Le 26 avril 1978
Agents de brevets du demandeur:
Smart & Biggar
Case postale 2999, Succursale D
Ottawa, Ontario