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                      DECISION DU COMMISSAIRE

 

   Article 2 de la Loi sur les brevet: Méthode d'exploration sismique - programmes

                                           machine

 

La demande de brevet a trait à une méthode de traitement des données diagraphiques

à l'aide de programmes machine. Les revendications ont été rejetées parce qu'elles

portaient sur un objet non visé par la loi aux termes de l'article 2 de la Loi sur

les brevets. Il a été décidé que lies programmes machine, sous quelque forme que

ce soit ne sont pas brevetables lorsque l'innovation ne réside que dans le programme

ou l'algorithme.

 

Décision finale: Confirmée

 

Cette décision a trait à une demande de révision, par le commissaire des brevets,

de la décision finale de l'examinateur rendue le 7 juillet 1976 pour ce qui a trait

à la demande de brevet 096,284 (catégorie 349-19). Cette demande a été déposée le

22 octobre 1970, au nom de William Harold Ruehle sous l'appellation "Évaluation

continue de la vitesse". La Commission d'appel des brevets a tenu une audience le

8 septembre 1977 au cours de laquelle le demandeur était représenté par M. D.

Watson, conseiller de la reine. Assistaient également à cette audience M. E. Pascal,

de la même société, ainsi que M. Sherback, l'agent de brevets pour les États-Unis.

 

La demande de brevet porte sur une méthode d'exploration sismique selon laquelle

des signaux acoustiques sont produits, réfléchis à partir d'interfaces de sub-

surface, puis détectés. Ces signaux sont transformés en signaux électriques qui

sont convertis à leur tour sous une forme utilisable à l'aide d'un ordinateur.

 

Dans sa décision finale, l'examinateur a rejeté la demande de brevet parce qu'elle

portait sur un objet non visé par la loi, aux termes de l'article 2 de la Loi sur

les brevets. Il déclarait, entre autres, ce qui suit:

 

...

 

La présente demande de brevet divulgue, au moyen d'un ordinogramme,

(figure 3) un procédé de traitement automatique de données numériques

représentant les réflexions sismiques sur des traces enregistrées

afin d'évaluer la vitesse de transmission acoustique à l'aide d'un

ordinateur universel. Le procédé n'est en fait qu'un programme ordi-

naire de calcul permettant de résoudre un problème mathématique et de

produire les résultats sous la forme désirée (figure 5). Aucune

difficulté technique ne s'est présentée étant donné qu'aucune partie

du programme de calcul n'est décrite en détail dans la demande. Bien

 que le terme "programme" ne soit pas utilisé dans la description

 détaillée de la figure 3, on y trouve les termes "système, sous-système,

 technique et ensemble d'instructions", qui sont des expressions propres

 au langage de la programmation. La conclusion de l'exposé se lit comme

 suit: "Bien que l'application de la présente méthode puisse se faire

 à l'aide de plusieurs type courants d'ordinateurs, l'utilisation d'un

 ordinateur universel est préférable". Elle est coiffée du titre

 "Programme machine pour l'application de l'invention". La version

 officielle de ce programme en langage Fortran, qui faisait partie de

 la demande initiale, a été annulée par une lettre du mandataire le 12

 mai 1972.

 

 La décision du commissaire, dans le cas Waldbaum, visait les revendi-

 cations contenues dans le brevet canadien 909,986. Il est stipulé en

 effet, aux pages 4 et 5 de ce brevet, qu'un nouvel usage a été inventé

 pour les ordinateurs. Le registre J, qui servait auparavant à stocker

 une instruction, est utilisé par Waldbaum pour exécuter une opération de

 calcul. L'objet revendiqué, dans le cas Waldbaum, est donc le résultat

 de l'application d'un procédé technique à un appareil, celui-ci étant

 décrit dans un contexte donné. Dans le cas de la présente demande,

 l'ordinateur est utilisé pour traiter des données (sismiques) dans un

 cadre d'exploitation normale. L'objet de l'exposé, dans le cas Waldbaum,

 se rattache à la forme de la revendication. La revendication, dans le

 cas de la présente demande, porte essentiellement sur un programme,

 étant donné que l'exposé vise un procédé de programmation.

 

 ...

 

 A la suite de la décision finale, le demandeur a présenté une autre revendication

 (10a), dans laquelle il déclarait, entre autres, ce qui suit:

 

...

 

 Mémoire du demandeur

 

 a) Les revendications ne sont pas, comme le prétend l'examinateur,

 des revendications relatives à un programme machine.

 

 La jurisprudence, tant au Canada, au Royaume-Uni qu'aux Etats-Unis,

 démontre amplement que les revendications visant des procédés qui

 peuvent être appliqués en partie ou en entier par un ordinateur sont

 brevetables. Il ne faut pas confondre ces revendications et celles

 qui portent directement sur un programme machine. Il faut étudier

 l'objet réellement revendiqué afin de déterminer s'il s'agit d'un

 programme machine, en tant que tel, d'un procédé, ou encore, d'un

 ordinateur qui a été programmé. Les considérations d'ordre juridique

 pertinentes dépendront de l'objet revendiqué. Nous prétendons donc

 que l'examinateur se trompe en fondant son raisonnement sur une asser-

 tion fausse, à savoir que l'objet revendiqué est un programme machine

 même, alors que ce n'est évidemment pas le cas.

 

 La principale décision au Canada est celle que le commissaire a prise

 dans le cas Waldbaum et qui est rapportée dans la Gazette des brevets

 du 18 janvier 1972 à la page vii.

 

 ...

 

L'examinateur semble prétendre que le registre J, dans le cas de

l'invention Waldbau, n'est pas utilisé pour stocker une instructin

(c'est-à-dire un programme). L'invention de Waldbaum permettrait

en quelque sorte d'exécuter une opération de calcul sans recourir

à un programme. Or, il est évident que cette fonction de calcul ne

peut se faire ainsi. Par conséquent, lorsque l'examinateur affirme

que l'objet revendiqué dans le cas Waldbaum est le résultat de

l'application d'un procédé technique à un appareil, il ne tient compte

que d'une partie des revendications de Waldbaum. En outre, comme nous

l'avons mentionné ci-dessus, le cas Waldbaum comportait des revendi-

cations relatives à des procédés techniques, que le Bureau des brevets et

le commissaire ont jugées non assimilables à un programme machine et donc

conformes à l'article 2 de la Loi sur les brevets. Lorsque l'examina-

teur déclare que l'appareil de Waldbaum est décrit dans un contexte

précis, il ne tient pas compte du fait que les revendications de Wald-

baum ne se limitent pas uniquement à ce contexte. Dans le cas présent

cependant, les revendications du demandeur font entrer le contexte de

l'exploration sismique dans le cadre de l'objet revendiqué. Par con-

séquent, si le fait que le contexte soit inclu dans l'objet revendiqué

influe sur le caractère brevetable d'une invention, comme le prétend

l'examinateur, le demandeur dans le cas présent est donc en règle. Les

revendications du demandeur sont en fait plus facilement acceptables

que celles de Waldbaum. En effet, le demandeur a défini, dans ses

revendications, la technologie spéciale et l'utilisation finale de son

procédé, alors que, contrairement à ce que soutient l'examinateur,

Waldbaum ne l'a pas fait.

 

Nous considérons donc que l'examinateur n'a avancé aucune raison

logique pour déclarer non brevetable l'objet des revendications du

demandeur, étant donné que, de l'avis du commissaire et du Bureau des

brevets, les revendications de Waldbaum en matière de procédé sont

brevetables.

 

L'examinateur déclare ensuite:

 

"Dans le cas de la présente demande, l'ordinateur est

utilisé pour traiter des données (sismiques), dans un

cadre normal d'exploitation."

 

Cela est inexact. Si on exploite l'invention du demandeur, au moyen

d'un ordinateur analogique, celui-ci devra être conçu spécialement à

cette fin, conformément aux directives contenues dans la description

de l'invention du demandeur. Si un ordinateur universel est utilisé

il devra être programmé en conséquence. Ainsi programmé, il fonction-

nera conformément au programme...

 

 ...

 

Le demandeur présentait le 8 août 1977 un affidavit, au nom de M. James N.

Gailbraith, dans lequel il offrait une description technique complète des motifs

et de la "nature de l'invention". Nous traiterons de cette question plus tard.

 

Lors de l'audience, M. Watson a soutenu vigoureusement que les revendications,

à son avis, visaient bel et bien un objet brevetable. Il a fait une analyse

détaillée de la jurisprudence pertinente et s'est appuyé en grande partie sur elle

pour justifier le bien-fondé de ses revendications. Il a soutenu que "la juris-

prudence, tant au Canada, au Royaume-Uni qu'aux Etats-Unis démontre amplement que

les revendications visant des procédés qui peuvent être appliqués en partie ou en

entier par un ordinateur sont brevetables." M. Watson, pour justifier ses reven-

dications, a en outre insisté beaucoup sur une décision antérieure du commissaire

des brevets pour ce qui a trait au:x programmes machine, à savoir la décision

"Waldbaum" (Gazette du Bureau des brevets, le 18 janvier 1972 à la page VII).

 

Dans le cas, il a été décidé que, lorsqu'il y a invention,

1. les revendications visant un programme machine même ne sont

pas brevetables;

2. les revendications visant une nouvelle méthode de programmation

d'un ordinateur sont brevetables; et

3. les revendications visant un ordinateur programmé d'une nouvelle

manière sont brevetables.

 

A la lumière des récentes modifications de la loi régissant les brevets en matière

de programmes machine, nous pensons qu'il faut, à ce moment-ci, réévaluer les

conclusions ci-dessus. Il est en fait difficile de mettre fin aux incertitudes

qui se sont manifestées depuis le cas Waldbaum, car ces questions ont donné lieu

à de nombreux litiges dans un grand nombre de pays, et les règlements n'ont mal-

heureusement pas toujours été uniformes.

 

Nous jugeons donc nécessaire d'apporter certaines explications d'ordre général avant

d'envisager le problème que nous avons à résoudre.

 

On peut définir un programme machine comme étant cette partie d'un système informa-

tique qui peut être écrite ou imprimée sur papier dans un langage source alphanu-

mérique, enregistrée magnétiquement sur bandes ou enregistrée sur cartes perforées,

sous une forme acceptable par l'ordinateur. En d'autres termes, le programme

fournit les mots d'ordre au matériel informatique.

 

Pour notre propos, un ordinateur est un appareil qui est programmé pour exécuter

une série d'opérations précises, mais, généralement parlant, c'est le matériel

lui-même qui est habituellement désigné par les termes "ordinateur" ou "équipement

informatique".

 

De façon générale, un algorithme est un ensemble de règles ou de procédés permet-

tant de résoudre un problème grâce à un nombre limité d'opérations.

 

A notre avis, le programme lui-mêmes ne peut être breveté pour la raison fondamentale

suivante: il s'apparente, par sa forme, à un imprimé ou à un dessin, et si le

caractère de nouveauté ne réside que dans la signification intellectuelle de l'im-

primé ou du dessin, il n'est pas brevetable. A ce sujet, nous invoquons la demande

de la British Petroleum Co. Ltd (voir l'Official Journal of Patents, (1968)), dans

laquelle il est déclaré: ".., le contenu intellectuel d'une carte perforée

(programme machine) est absolument non brevetable. . . . ".

 

En somme, toute demande type portant sur un programme pose des difficultés. On y

décrit un algorithme permettant de résoudre le problème; puis celui-ci est converti

en un programme informatique proprement dit; enfin, les revendications sont for-

mulées ou présentées dans un langage obscur afin d'écarter toute objection visant

à prouver que l'objet de la demande est un algorithme ou un programme machine.

Nous estimons qu'un algorithme et un programme machine bien que leur élaboration

soit difficile en soi, ne sont que le fruit des aptitudes attendues d'un programmeur.

Ils ne sont pas, par conséquent, brevetables. Poussant notre raisonnement encore

plus loin, supposons qu'un programmeur ait utilisé son talent créateur pour conce-

voir un programme précis non évident. L'élément de nouveauté réside alors unique-

ment dans la signification intellectuelle de l'imprimé et n'est pas, à notre avis,

brevetable. Un grand nombre d'objets exigeant une activité créatrice considirable

ne sont tout simplement pas visés par l'article 2 de la Loi sur les brevets.

 

Compte tenu du fait que la décision en l'affaire Waldbaum ci-dessus s'appuyait sur

certaines décisions rendues antérieurement aux Etats-Unis, il nous semble opportun

d'étudier ces dernières à ce moment-ci étant donné, surtout, que l'article 2 de la

 

Loi canadienne est semblable à l'article 101 (Code 35) correspondant de la Patent

Act américaine et y prend appui. Aux Etats-Unis, l'historique du traitement des

programmes informatiques et des algorithmes peut être retracée à travers de

nombreuses décisions; mentionnons les suivantes comme exemples.

 

1) En l'affaire Prater et Wei - (159 USPQ 583) 20 novembre 1968.

Les revendications définissant essentiellement un algorithme ont été

acceptées parce que la US/CCPA (Cour d'appel des Douanes et des Brevets

des Etats-Unis) a jugé que, puisque la loi n'exige pas qu'une machine

agisse sur des substances physiques pour être brevetable, il ne con-

venait pas d'imposer pareille exigence au sujet d'un procédé. La

protection conférée par le brevet ne peut être refusée simplement parce

que la revendication portant sur le procédé pouvait être comprise

comme correspondant à un procédé exécuté mentalement au moyen d'instru-

ments comme un crayon et du papier. La Cour a jugé que, pour autant

qu'une suite d'étapes pouvant être exécutées sans intervention humaine

et appliquées à une technologie industrielle faisait l'objet d'une di-

vulgation, les revendications pouvaient être acceptées même si elles

correspondaient également à une méthode mentale.

 

2) En l'affaire Prater et Wei (162 USPQ 541) 14 août 1969.

La US/CCPA a jugé que si des revendications portant sur des appareils

et des procédés sont suffisamment générales pour inclure l'exploitation

d'un ordinateur numérique universel programmé, elles ne sont pas

nécessairement non brevetables; une fois qu'un programme a été chargé,

un ordinateur universel devient un ordinateur spécialisé qui, ainsi que

le procédé selon lequel il est exploité, peut être breveté à condition qu'il

possède les caractéristiques exigées de nouveauté, d'utilité et de non-

évidence. La divulgation d'un appareil qui exécute un procédé sans aucune

intervention humaine prouve que ce procédé n'entre pas dans la catégorie

des "procédés mentaux" exclus.

 

3) En l'affaire Bernhart et Fetter (163 USPQ 611) 20 novembre 1969.

La US/CCPA a jugé qu'une machine programmée de façon nouvelle et non

évidente est physiquement différente de la même machine non programmée.

Il est faux de décider que, si le caractère de nouveauté est véhiculé

par une expression qui n'existe pas dans une classe prévue par la Loi

l'invention entière n'est pas brevetable parce que tout le reste est

ancien. La Cour ne peut rejeter des brevets portant sur des machines

simplement parce que leur nouveauté peut être expliquée en fonction de

lois mathématiques et physiques.

 

4) En l'affaire Benson et Tabbot (169 USPQ 548) 6 mai 1971

Le US/CCPA a rejeté l'affirmation selon laquelle une méthode de traitement

des données n'est pas brevetable puisque l'ordinateur programmable n'est

qu'un outil de l'esprit et que la méthode a, fondamentalement, un carac-

tère "mental". Une méthode de traitement des données n'est pas considérée

comme "non prévue par la Loi" si elle se compose d'étapes qui peuvent

être exécutées par un ordinateur selon la méthode indiquée dans le mémoire

descriptif. Le procédé n'est utilisable qu'avec un ordinateur numérique.

 

5) Gottschalk (Commissaire des brevets) v. Benson, 20 novembre 1972

(1975 USPQ 673) U.S. Supreme Court.

 

Bien que les raisons sur lesquelles se fondent les jugements dans ce cas

ne soient pas définitives, nous constatons que la Cour Suprême des

Etats-Unis a jugé que, parce que la formule mathématique en question

n'avait pas d'applications pratiques importantes sauf dans le cadre d'un

ordinateur numérique, un brevet engloberait la formule mathématique elle-

même et, en pratique, porterait aussi sur l'algorithme. En d'autres termes,

la portée des revendications n'était pas limitée à un nouvel appareil ni à

une utilisation particulière d'un domaine de la technologie. Parce qu'on

ne peut breveter une idée, la Cour Suprême des Etats-Unis a renversé la

décision de la US/CCPA en l'affaire Benson et Tabbot (169 USPQ 548).

 

6) En l'affaire Christensen (178 USPQ 35) 31 mai 1973.

 

Les revendications portaient sur une méthode permettant de

déterminer, in situ, la porosité du sous-sol d'un terrain. Les données

étaient prélevées dans un trou de sonde et traitées dans un ordinateur

numérique par l'algorithme du demandeur. La US/CCPA a décidé que les

revendications relatives à une méthode comprenant les étapes connues

 et nécessaires de la cueillette des données et une étape finale consistant

à résoudre une équation mathématique avaient pour objet une question non

prévue par la loi.

 

7) En l'affaire Johnston (183 USPQ 172) 19 septembre 1974

Les revendications portaient sur un système informatique qui permet de

mémoriser les classes de mouvements, de les grouper et de les imprimer

sur un état du client. La US/CCPA a décidé que les revendications ne

portaient pas sur une façon de faire des affaires et qu'elles n'empêche-

raient pas autrui d'utiliser l'algorithme. Le Bureau des brevets améri-

cains a fait appel de cette décision auprès de la Cour Suprême (Affaire

Dan contre Johnston) (voir décision suivante).

 

8) Dann v. Johnston (189 USPQ 257) 12 mai 1975.

 

La Cour Suprême des Etats-Unis a renversé la décision de la US/CCPA.

Elle a décidé que les revendications étaient de nature évidente étant

donné la méthode utilisée antérieurement, qui était la méthode manuelle

normale de tenue des livres. Toutefois, la Cour Suprême a refusé

d'étudier la question de la validité de l'objet de la demande.

 

9) En l'affaire Chattfield (191 USPQ 730) 18 novembre 1976.

 

Les revendications portaient sur une méthode qui consistait à rassembler

des données pendant une période prédéterminée, à les évaluer et les faire

traiter par un ordinateur qui choisirait un de ses programmes pour ce

faire. La CCPA avait décidé que les revendications ne portaient pas sur

un algorithme ou un programme particulier et que l'algorithme n'était

qu'accessoire. Elle a décidé que la méthode était brevetable, mais deux

des cinq juges différèrent fortement d'opinion en s'appuyant sur le cas

Gottshalk contre Benson ci-dessus.

 

10) En l'affaire Noll (191 USPQ 721) 18 novembre 1976.

 

Les revendications portaient sur un appareil destiné à lire et à

convertir des données sur bande magnétique au moyen d'un ordinateur

et à extraire les données converties pour explorer la trame d'un CRT

(cathode ray tube tube cathodique). Le seul caractère de nouveauté

était le programme de conversion utilisé dans l'ordinateur. La CCPA

a décidé que les revendications portaient sur un appareil appartenant

à une technologie particulière et ne visaient pas l'algorithme. Comme

dans l'affaire Chattfield, la CCPA a décidé qu'il ne convenait pas de

disséquer une revendication pour trouver ce qui est nouveau puis, si

cette partie nouvelle n'est pas brevetable, de rejeter la revendication.

Là encore, deux des cinq juges furent d'avis contraire et l'exprimèrent

vigoureusement.

 

11) L'affaire Noll et l'affaire Chattfield (voir ci-dessus)

 

Le US Patent Office essaya de faire appel dans ces deux cas, mais

n'obtint pas d'ordonnance de certiorari parce que le délai d'appel était

expiré et que l'une des parties s'était retirée.

 

12) En l'affaire Deutsch (193 USPQ 645) 5 mai 1977.

 

Les revendications portaient sur une méthode permettant de gérer un

ensemble d'usines de fabrication à l'aide d'un ordinateur programmé.

La CCPA a décidé que le programme était accessoire et que les revendi-

cations pouvaient être acceptées. La CCPa a décidé que la revendication

ne visait pas directement une formule mathématique, un algorithme ou

un programme lorsqu'elle était considérée comme un tout.

 

13) En l'affaire Waldbaum (194 USPQ 465) 28 juillet 1977

 

Cette affaire était la contrepartie américaine de la cause canadienne

Waldbaum. Avant le cas Gottschalk contre Benson, la CCPA avait décidé

que ces revendications pouvaient être acceptées mais, ensuite, elle

changea d'avis et décida que les revendications constituaient, en effet,

des revendications portant sur l'algorithme lui-même.

 

14) En l'affaire Flook (195 USPQ 9) 4 août 1977.

 

Les revendications portaient sur une méthode par laquelle un ordinateur

était programmé pur traiter les données relatives à la production

d'hydrocarbures par catalyse et pour rajuster périodiquement les niveaux

d'alarme. La méthode revendiquée consistait fondamentalement à lire des

paramètres, à calculer de nouvelles valeurs d'alarme et à rajuster les

limites d'alarme. La CCPA a décidé que l'opération qui consiste à rajuster

les limites d'alarme après avoir trouvé la solution de l'algorithme fai-

sait que ces revendications n'étaient plus des revendications portant sur

un algorithme mais équivalaient à une simple utilisation d'un algorithme.

 

Le US Patent Office a obtenu une ordonnance de certiorari de la Cour

Suprême des Etats-Unis, et cette décision a été révisée (Parker contre

Flook No 77-642 novembre 1977).

 

15) En l'affaire DeCastelet (195 USPQ 439) 6 octobre 1977.

 

Les revendications portaient sur une méthode permettant de tracer des

courbes à partir de données fournies par un ordinateur programmé. Les

sorties d'ordinateur pouvaient être utilisées pour tracer un dessin ou

commander une fraiseuse. Les revendications ne mentionnaient pas

d'algorithme, d'équation ni de formule particulière mais le processus

comprenait un algorithme. La CCPA a décidé que l'opération postérieure

à la solution de l'algorithme doit démontrer que la méthode ne fait

qu'utiliser un algorithme et que la revendication ne porte pas sur

celui-ci. La CCPA a décidé que les revendications ne faisaient que

définir le traitement des données et n'établissaient pas que l'utilisa-

tion des équations n'était qu'une étape permettant d'obtenri un autre

résultat. Dans la méthode revendiquée, l'ordinateur ne faisait que

transmettre des signaux électriques représentant des résultats; ceci n'a

pas été considéré comme faisant partie du type d'activité postérieure à

la solution de l'algorithme qu'il faudrait pour renverser la décision

prise dans l'affaire Gottshalk contre Benson.

 

16) En l'affaire Richman (195 USPQ 340) 6 octobre 1977

 

Les revendications portaient sur une méthode qui permet de déterminer

le calibre de l'orifice de sortie du faisceau des radars et la vitesse

du vecteur. Les revendications comportaient une nouvelle étape de

rassemblement des données et une étape finale de résolution d'une

équation mathématique. La CCPA a décidé que les étapes nouvelles et

nécessaires de rassemblement des données ne rendaient pas la méthode

brevetable. Elle a également décidé que la méthode revendiquée était

essentiellement un calcul mathématique, même si elle était exprimée en

mots et non sous la forme d'une formule.

 

On peut constater qu'avant la décision de la Cour Suprême des Etats-Unis dans

l'affaire Gottschalk contre Benson, la CCPA estimait que des programmes informati-

ques et des algorithmes pouvaient être brevetés à condition qu'ils servent à une

technologie particulière, que leurs, applications soient limitées au traitement

par des machines et qu'ils soient nouveaux et non évidents. Cette position

s'appuyait en grande partie sur l'argument selon lequel un ordinateur numérique

universel programmé d'une façon particulière était un ordinateur différent d'un

ordinateur programmé d'une autre façon. Après le cas Gottschalk contre Benson,

la CCPA a semblé modifier sa position et considérer qu'un algorithme pouvait être

brevetable aux conditions suivantes:

 

a) que l'algorithme constitue un accessoire de la méthode

revendiquée et

 

b) qu'il y ait, après la solution de l'algorithme, une certaine

activité qui montre que l'algorithme a simplement été utilisé

et non inclus dans les revendications.

 

Cette position a été renforcée par la suite et exclut (tu dype d'activité envisagé

après la solution de l'algorithme) la "simple sortie des données vers des appa-

reils d'usage connu". Les étapes anciennes ou nouvelles de rassemblement des

données nécessaires ont également été exclues comme constituant un type d'activité

qui rendrait brevetable une revendication comprenant un algorithme.

 

La position actuelle de la CCPA peut être résumée de la façon suivante:

 

Les revendications qui portent essentiellement sur un calcul

mathématique ou qui décrivent un processus algorithmique et qui

effectivement englobent l'algorithme sont irrecevables, à moins

que ces revendications comprennent une activité postérieure à la

solution de l'algorithme qui montre que cet algorithme a été simplement

utilisé. Les étapes de rassemblement des données et de sortie des

données vers des dispositifs d'usage connu ne rendent pas les reven-

dications brevetables.

 

Toutefois, nous attendons avec intérêt la décision de la Cour Suprême des Etats-

Unis dans l'affaire Flook. Si cette cour suit ce que nous croyons être le fondement

de sa décision dans l'affaire Benson ci-dessus, la décision de la CCPA sera,

croyons-nous, renversée.

 

Divers appels présentés au U.K. Patent Appeal Tribunal (Cour d'appel des brevets

du R.-U.) ont établi la position du Royaume-Uni sur l'acceptabilité des algo-

rithmes ou des programmes informatiques.

 

1) Demande de Badger Co. Inc. 1971 RTC 36 à p. 40 27 fév. 1968

Les demandeurs voulaient faire breveter une méthode de conception

et de formage mécanique d'un dessin visible représentant un système

de canalisation dont les données alimentaient un ordinateur; les

données de sortie étaient finalement converties en un dessin

visible à l'aide d'appareils connus. Le Patent Appeal Tribunal a

décidé que la revendication, dans sa formulation actuelle, ne pouvait

entrer dans le cadre de la Loi, mais que des revendications d'une

certaine forme pourraient être acceptées. Le Tribunal a, par consé-

quent, examiné la forme plutôt que la substance de la revendication.

Il en résulta des revendications exprimées dans la forme apparaissant

dans le brevet Waldbaum.

 

2) Demandes de Slee et Harris (1966 RPC 194) 25 novembre 1965.

Les demandeurs voulaient faire breveter une méthode d'exploitation

d'un ordinateur au moyen d'un programme comprenant un certain nombre

d'opérations et caractérisé par le fait que l'une d'entre elles était

lancée avant que la précédente soit terminée. Le bureau des brevets

objecta que ceci ne constituait pas une invention nouvelle. Le

 

Patent Appeals Tribunal décida que des revendications exprimées

dans la forme: "un ordinateur programmé pour fonctionner", (comme

ci-dessus) et "les moyens de commander un ordinateur pour fonctionner"

(comme ci-dessus) seraient acceptables. Ainsi, le Tribunal concentra

son attention sur la forme et non sur le contenu des revendications,

et pu ainsi accepter des revendications du type apparaissant dans

l'affaire Waldbaum au Canada.

 

3) Demande de Gever (1970 RPC 91)

 

Les revendications principales portaient sur une méthode permettant de

préparer mécanographiquement un index de marques de fabrique à l'aide

de cartes perforées. On a refusé cette demande, alléguant qu'elle

portait sur un plan qui n'est pas brevetable. Le Patent Appeal Tribunal

décida que les revendications portant sur un moyen de commander à un

ordinateur d'exécuter le processus ci-dessus n'étaient pas acceptables.

Là encore, la forme des revendications fut décisive.

 

4) Burroughs Corp. Demande (1974 RPC 147) 30 juillet 1973.

 

Les revendications portaient sur une méthode de transmission des

données au moyen d'une liaison entre un ordinateur central et des ordi-

nateurs périphériques. Les revendications furent refusées parce que

leur objet n'était pas brevetable. Le Patent Appeal Tribunal décida

que si une revendication portait clairement sur une méthode permettant

d'utiliser un ordinateur modifié par un programme pour fonctionner d'une

façon nouvelle, elle était acceptable et que les programmes informati-

ques sous leur forme physique sont brevetables. Tant que le programme

est considéré comme moyen, il est brevetable.

 

Il apparaît clairement qu'au Royaume-Uni, si des revendications portant sur des

algorithmes et des programmes informatiques sont rédigés dans une forme particu-

lière, on considère qu'ils sont brevetables. Nous, toutefois, ne considérons pas

que la jurisprudence britannique l'emporte en ce qui concerne l'objet de l'invention

mentionné à l'article 2 de la Loi sur les brevets du Canada (Voir, Hoffmann-LaRoche

 contre le Commissaire - 1955 - S.C.R. 414 et Tennessee Eastman contre le

 Commissaire - 1972 - SCPR, 202). Nous remarquons également que la Loi canadienne

 sur les brevets n'a pas été conçues d'après la Loi britannique.

 

 En plus de considérer l'obligation légale de suivre la jurisprudence britannique,

 il convient également de considérer s'il est désirable d'agir ainsi. A cet

 effet, un comité britannique créé pour étudier le système et la loi des brevets

 (Banks Report Cmnd No 4407) a déclaré en substance ce qui suit en 1970:

 

 Un programme informatique, compris comme une série

 d'instructions destinées à commander la séquence des

 opérations d'un système de traitement de données, quelle

 que soit la façon dont il est exprimé (c'est-à-dire une

 méthode de programmation des ordinateurs, un ordinateur

 programmé d'une certaine façon et si la nouveauté ou la

 nouveauté présumée ne réside que dans le programme) n'est

 pas brevetable (soulignés ajoutés).

 

 De plus, nous trouvons que le nouveau "Patents Act" britannique 1977, chapitre

 37, Partie 1(2) vise des choses qui "ne sont pas des inventions" et comprend ce

 qui suit:

 

      c) un plan, une règle ou une méthode permettant d'exécuter

 un acte mental, de jouer un jeu ou de faire des affaires,

 ou un programme d'ordinateur (souligné ajouté):

 

 d) la présentation de l'information;....

 

Les tribunaux européens continentaux refusent généralement de breveter des appli-

 cations d'ordinateur. Par exemple, les cours autrichiennes ont eu à se prononcer

 sur des brevets et des applications dans trois cas et ont toutes rejeté les

 revendications (voir, par exemple, Austrian Patent Office Appeals Division,

 Déc. 12, 1967-1968 O Pat B1.39). La Loi française sur les brevets de 1970 exclut

 explicitement les programmes informatiques des matières brevetables. En Suisse

 et aux Pays-Bas, on ne peut breveter le logiciel parce qu'il constitue un "processus

 mental" (voir, par exemple, Swiss Federal Supreme Court "Dimensional Synthesis"

 décembre 12, 1972, 5-11C 448, 1974). Toutefois l'Allemagne accepte certaines

 formes de revendications portant sur des programmes informatiques.

 

 A l'article 52(2) c) et d) de la "Convention on the Grant of European Patents",

 nous trouvons également des restrictions identiques à celles de la Loi britanni-

 que mentionnée ci-dessus .

 

Parmi les pays où l'on applique le droit commun, l'Australie refuse d'accorder

la protection d'un brevet à des programmes informatiques. Cette attitude se

traduit dans sa jurisprudence. Dans trois cas (voir par exemple: N.V. Phillips

Gloeilampenfabrieken, 36 Official Journal of Patents, Trademarks and Designs

"/(" (1966), les tribunaux ont refusé d'accorder un brevet. Ils ont adopté

l'approche recommandée par le "Banks Report" mentionné ci-dessus. Ils ont allégué

le fait que la nouveauté ne résidait que dans le mode d'exploitation et qu'un tel

brevet limiterait le propriétaire d'un ordinateur qui ne pourrait utiliser ce

dernier de la manière la plus efficace après avoir investi des montants importants

pour l'acquérir.

 

Au Canada même, le Conseil économique a conclu qu'"il ne serait pas opportun

d'accorder au Canada la protection d'un brevet aux programmes d'ordinateur"

(Rapport sur la propriété intellectuelle et industrielle, jan. 1971, p. 109).

Cette position fut reprise dans le Document de travail sur la révision de la Loi

sur les brevets, au mois de juin 1976, dans lequel on a cherché, à la page 203,

à s'assurer que: "... tous les moyens d'obtenir des droits de -revet sur des

techniques de programmation de l'ordinateur soient écartés" (guillements ajoutés).

 

Comme nous l'avons mentionné auparavant, M. Watson a insisté, au cours de l'au-

dience, sur la décision canadiennes en l'affaire Waldbaum, ci-dessus. Nous devons

rappeler, toutefois, que dans cette cause, on a accepté les revendications

portant essentiellement sur un algorithme ou un programme machine en s'appuyant

principalement sur la décision de la U.S./CCPA en l'affaire Bernhart et Fetter.

Des décisions ultérieures de la U.S./CCPA et de la U.S. Supreme Court ont grande-

ment limité la portée de la décision en cette affaire. Par exemple, dans l'af-

faire Gottschalk contre Benson, ci-dessus, la U.S. Supreme Court a trouvé, inter

alia que les brevets relatifs à des procédés dont l'application se fonde sur des

principes ou des idées scientifiques n'ont été jugés valides que lorsque: 1) le

processus était exécuté à l'aide d'un appareil spécial conçu pour concrétiser

l'idée nouvelle et 2) la revendication portant sur le monopole d'exploitation ne

mentionnait qu'une utilisation ou un domaine particulier d'un art ou d'une tech-

nologie. Parce que, dans cette décision, les revendications n'étaits pas limitées

à un appareil nouveau ni à une utilisation ou une technologie particulière, la

U.S. Supreme Court a décidé qu'elles portaient sur l'algorithme lui-même et

n'étaient, par conséquent pas recevables en vertu du texte 35 U.S.C. 101. Dans

cette décision, la U.S. Supreme Court a également indiqué que, pour qu'un brevet

protège un procédé, celui-ci doit être associé à une machine ou à un appareil

particulier ou doit être utilisé pour transformer des articles ou des matériaux

en une "chose ou un état différents". De plus, comme nous l'avons indiqué, la

contrepartie de l'affaire Waldbaum aux Etats-Unis a été refusée, pour la deuxième

fois, par la CCPA elle-même.

 

Au Canada, il est bien établi que, lorsqu'un progrès brevetable a été fait dans

une certaine technique sous forme d'une idée ou d'un concept, les revendications

peuvent prendre la forme d'une application pratique nouvelle de cette idée ou de

ce concept. (Voir l'affaire Canadian Gypsum Co. Ltd. contre Gypsym Lime (1931)

Ex. C.R, at 187). Cette application doit, naturellement, être écrite dans la di-

vulgation mais le droit exclusif accordé doit être limité aux applications de

l'idée, du concept de l'invention qui ont été faites (voir l'affaire Farbwerke

Hoechst A.G. contre le commissaire des brevets (1962) 22 Fox Pat. C. 141 et 169).

En d'autres termes, les revendications doivent caractériser l'invention et défi-

nir les limites du monopole qui sera consenti.

 

Dans la réponse à la décision finale, il existe un argument (voir ci-dessus) fondé

sur le cas Waldbaum, ci-dessus, qui présume que ce cas constitue un précédent qui

nous lie. M. Watson l'a appelé "l'arrêt de principe canadien". Pour les raisons

données précédemment, nous ne sommes cependant pas satisfaits de tous les aspects

de la décision dans le cas Waldbaum, en raison de la jurisprudence plus récente.

Ainsi, nous ne sommes pas convaincus que le fait de programmer un ordinateur d'une

certaine façon produise un nouvel ordinateur ou le modifie de quelque façon que

ce soit. La programmation ne fait que créer une condition temporaire. Un ordina-

teur est, de par sa nature même, capable d'exécuter un certain nombre d'opérations

dans un ordre donné. Aucun programme ne peut faire exécuter à un ordinateur des

opérations qu'il n'est pas, de pas sa conception même, en mesure d'exécuter. Il est

en effet évident que les ordinateurs numériques universels sont conçus pour exécu-

ter tout programme, quel qu'il soit, dans la mesure où celui-ci respecte les con-

traintes physiques qui leur sont inhérentes. C'est même là la raison d'être des

ordinateurs numériques universels. En règle générale, les programmes sont un

type de produit que tout programmeur compétent peut produire par ses propres

moyens. La création d'un nouveau programme ne fait qu'ajouter une information

intellectuelle à ce qui existait déjà. A notre avis, toute invention dans ce

domaine ne peut être brevetée, que la revendication ait trait à un ensemble

d'instructions écrites sur la façon d'exploiter une machine ou à un support

d' informations.

 

L'article 2 de la Loi sur les brevets stipule qu'un brevet peut être délivré à

quiconque invente un objet qui se classe dans l'une des cinq catégories statu-

taires suivantes: réalisation, procédé, machine, fabrication ou composition de

matières. On pourrait pense, à la lumière de ce texte, que toute invention qui

peut être définie comme une façon d'exécuter quelque chose est un objet statutaire.

Or, aux termes de l'alinéa 3 de 1"article 28 de la Loi sur les brevets, certains

types d'inventions (par exemple les principes scientifiques ou les conceptions

théoriques) n'ont jamais été considérés comme des object brevetables. Un algo-

rithme, comme nous l'avons mentionné précédemment, est un ensemble de règles ou

de procédés destiné à résoudre un problème au moyen d'un nombre limité d'opérations

et, de façon générale, ne peut être assimilé à une conception théorique.

 

Il est cependant évident que toutes invention portant sur un système de régulation

d'un procédé industriel, dont le programme n'est qu'un élément accessaoire, peut

être brevetée. Le système de régulation d'un procédé industriel doit cependant

comprendre un appareil de conception nouvelle relié à un ordinateur qui contrôle

une fonction à la sortie d'un ordinateur. Dans ce cas, l'invention ne réside pas

uniquement dans le caractère de nouveauté du programme.

 

Passons maintenant à la présentation faite par M. Watson le 4 janiver 1977, c'est-

à-dire à l'affidavit dont il a été question précédemment et aux questions soulevées

lors de l'audience. Il y est mentionné, que l'invention porte sur une méthode

d'exploration sismique "et qu'elle n'est en soi pas un programme machine". Or,

la méthode permettant de tracter les données à l'aide d'un ordinateur numérique

est en réalité un programme machine ou, dans un sens plus général, un algorithme.

 

Il a sûrement fallu, pour préciser les données du problèmes et les rapports

mathématiques entre les divers paramètres, une connaissance de la géophysique,

mais l'élaboration subséquente d'un algorithme ou d'un programme fait partie des

fonctions normales de l'analyste et fait appel aux aptitudes qu'on attend de lui.

 

M. Watson woutient "qu'une revendication visant une méthode ou un procédé n'est

évidemment pas une revendication portant sur un programme". Cet argument présup-

pose que le terme "programme machine" ne désigne que la série même d'instructions

qui permet, en fin de compte, de commander l'ordinateur. Or, le "programme

machine" ne désigne que la série même d'isntructions qui permet, en fin de compte,

de commander l'ordinateur. Or, le "programme machine" comprend aussi la description

générale de la méthode utilisée pour résoudre le problème du demandeur. Il serait

peut-être préférable, lorsqu'il y a rejet d'une demande, d'utiliser conjointement les

termes "programme machine" et "algorithme", étant donné que la distinction entre

ces deux termes n'est pas très nette.

 

Lors de l'audience, M. Watson a analysé en détail la jurisprudence britannique

qui concerne le cas présent. Or, nous soutenons que celle-ci ne peut être utilisée

pour interpréter l'article 2 de la Loi sur les brevets. En outre, il se peut que

cette jurisprudence ne soit plus valable en raison des modifications que comporte

la nouvelle loi britannique sur les brevets ("British Patents Act") de 1977, et

dont il a été question précédemment. M. Watson a aussi fait appel à d'autres

jurisprudences, notamment les décisions pertinentes rendues aux Etats-Unis et dont

il a été question précédemment.

 

Il est mentionné dans l'affidavit que le procédé peut être mis en oeuvre à l'aide

d'un "appareil analogique spécial". L'auteur illustre (figure 10 de l'affidavit)

et décrit un appareil analogique. Le demandeur déclare à la page 6 de la présen-

tation (voir ci-dessus) que, "si on exploite l'invention du demandeur, au moyen

d'un ordinateur analogique, celui-ci doit être conçu spécialement à cette fin,

conformément aux directives contenues dans la description de l'invention du deman-

deur." Les diagrammes du devis ne sont cependant que la simple illustration du

mode d'application de la méthode proposée. Or, l'alinéa (1) de l'article 36 exige

une divulgation complète, claire, concise et précise qui permette à toute personne

compétente dans le domaine de fabriquer et d'exploiter l'invention. Nous ne con-

sidérons donc pas qu'il est suffisant de simplement divulguer une idée et un

programme pour ordinateur universel et d'affirmer ensuite que l'invention peut être

exploitée au moyen d'un appareil spécial. Nous nous étendrons davantage sur ce

sujet lorsqu'il sera question de la revendication qui s'y rapporte.

 

Nous avons souligné précédemment que, dans le cas Waldbaum, il a été décidé,

lorsqu'il y a invention, que:

 

1. les revendications visant un programme machine même ne sont pas

brevetables,

 

2. les revendications visant une nouvelle méthode de programmation

d'un ordinateur sont brevetables; et

 

3, les revendications visant un ordinateur programmé d'une nouvelle

manière sont brevetables.

 

Compte tenu de l'évolution des évènements depuis le cas Waldbaum, voici notre

position actuelle:

 

1. les revendications visant un programme machine même ne sont

pas brevetables;

2. les revendications visant une nouvelle méthode de programmation

d'un ordinateur ne sont pas brevetables;

 

3. les revendications visant un ordinateur programmé d'une nouvelle

manière, exposées sous quelque forme que ce soit et dont l'élément

de nouveauté réside uniquement dans le programme ou l'algorithme,

ne visent pas un object brevetable aux termes de l'article 2 de la

Loi sur les brevets;

4. les revendications portant sur un équipement informatique programmé

d'une nouvelle manière sont brevetables, si l'invention à breveter

a trait à l'appareil lui-même; et

5. les revendications portant sur une méthode ou un procédé exigeant

 l'utilisation d'un nouvel appareil conçu spécialement pour exploiter

une nouvelle idée sont brevetables.

 

Nous recommandons énergiquement au Commissaire des brevets d'adopter les critères

ci-dessus.

 

Le demandeur déclare, comme nous l'avons déjà mentionné, que son invention porte

sur une "méthode d'exploration sismique selon laquelle des signaux acoustiques

sont produits, réfléchis à partir d'interfaces de sub-surface, puis détectés".

Il nous reste toutefois à décider si l'objet des revendications est brevetable

aux termes de l'article 2 de la Loi sur les brevets.

 

Nous allons maintenant étudier chacune des revendications à la lumière de nos

principales conclusions. Nous reconnaissons avec l'examinateur, pour les raisons

données, que les revendications rejetées dans la décision finale ne définissent

aucunement l'objet brevetable. Nous allons toutefois analyser ces revendications

et exposer pour chacune d'elles les raisons du rejet.

 

La revendication 1 se lit comme suit:

 

Dans le domaine de l'exploration sismique, où les valeurs, à

intervalles périodiques, sur une série de traces sismiques repré-

sentent les réflexions de l'énergie sismique produite par plusieurs

sources espacées de signaux et réfléchie à partir d'interfaces

souterraines. Cette méthode permet

 

- d'introduire dans un ordinateur un ensemble de paramètres

indexé représentant les courbes des temps de propagation pour le

temps d'échantillonnage décalé par rapport au temps zéro sur la

série de traces sismiques en question,

 

- de détecter les réflections, dans ces traces, le long des courbes

des temps de propagation pour divers temps d'échantillonnage

itératifs décalés par rapport au temps zéro, et

 

- d'introduire dans l'ordinateur des signaux représentant la vitesse

acoustique correspondant à chaque courbe, dans la série de traces

mentionnée ci-dessus, pour divers temps d'échantillonnage itératifs

décalés par rapport au temps zéro.

 

Cette revendication porte sur une méthode qui consiste en une série d'opérations

caractérisant le déroulement de méthode. Même si l'on suppose que le "concept

d'exploration sismique" du demandeur soit en lui-même une nouveauté, le cadre

d'exploitation de ce concept (non brevetable en soi) ne remplit cependant pas,

à notre avis, les conditions permettant de breveter un objet aux termes de l'arti-

cle 2 de la Loi sur les brevets. L'invention n'exige pas l'utilisation d'un nouvel

appareil conçu spécialement pour l'exploitation de la nouvelle méthode. Le seul

élément de nouveauté qui existe réside uniquement dans le programme ou l'algorithme

et n'est, en fait, qu'une information intellectuelle. Bref, une méthode de

programmation d'un ordinateur ne peut être considérée comme un objet brevetable.

Nous pensons donc que cette revendication doit être rejetée. Les revendications

2 à 11, qui portent également sur des méthodes, doivent aussi être écartées pour

les mêmes raisons. Si ces méthodes exigeaient l'utilisation d'un nouvel appareil

conçu spécialement pour appliquer le nouveau concept, les revendications pourraient

être acceptes, s'il était prouvé due le "nouveau concept" représente un progrès

technique qui peut être breveté.

 

La revendication 10a, qui a été présentée le 4 janvier 1977, a un objet décrit

comme étant un appareil. Elle se lit comme suit:

 

Il s'agit d'un appareil destiné à l'exploration sismique,

par lequel des signaux représentant les traces des réflexions

de l'énergie sismique sont produits à partir de plusieurs

sources espacées et d'interfaces souterraines, et qui permet

 

- d'enregistrer, pour chaque signal de trace, une fonction de

contrôle correspondant à la vitesse acoustique propre au sous-sol

pour divers temps d'échantillonage itératifs décalés par rapport

au temps zéro,

 

- de détecter les réflexions, dans les signaux en question, pour

divers temps itératifs d'échantillonage décalés par rapport au

temps zéro et pour différentes vitesses acoustiques,

 

- de sélectionner la vitesse acoustique correspondant à la réfle-

xion maximale détectée au cours de l'étape précédente et

 

- de représenter, sous forme alphanumérique, la vitesse acoustique

sélectionnée, au moyen d'une courbe temps-distance représentant les

interfaces souterraines.

 

Cette revendication exige un appareil pour enregistrer les données, une unité de

traitement des données et un dispositif de traçage. Il nous semble que le demandeur

essaie de revendiquer une nouvelle application pratique de son idée. Toute

nouvelle application pratique doit cependant être décrite dans la divulgation. Le

fait qu'un ordinateur analogique d'usage spécial soit illustré dans l'affidavit

datée du 25 juillet 1977 n'y change absolument rien. S'il est vrai que l'ordina-

teur revendiqué est physiquement différent de tous les autres ordinateurs connus,

on peut se demander pourquoi le mémoire descriptif ne fait pas mention de ce fait

et n'explique pas en quoi cet ordinateur se distingue des autres. Nous croyons

plutôt que devant l'impossibilité de faire breveter une méthode de programmation

d'un ordinateur, on ait fait porter la revendication sur l'ordinateur lui-même

pour malheureusement se heurter à une objection tout aussi inévitable. En effet, le

mémoire descriptif ne comporte aucune description véritable d'un ordinateur. En

outre, aucun ordinateur qui y est mentionné (et non "entièrement décrit") n'est un

nouvel ordinateur et n'est mentionné comme tel. Cette revendication doit donc à

notre avis être rejetée.

 

En bref, nous ne sommes pas convaincus que les revendications 1 à 11 ainsi que

10A visent un objet brevetable aux termes de l'article 2 de la Loi sur les brevets.

En outre, nous ne trouvons, dans cette demande, aucun objet qui soit de nature

brevetable. Nous recommandons donc qu'elle soit rejetée.

 

Après avoir pris cette décision, nous avons été amenés à prendre connaissance d'un

article intéressant, intitulé "Dispositions types sur la protection du logiciel".

Cet article se trouve aux pages 271 et suivantes du numéro de décembre 1977 de

"Activité de l'OMPI". On y présente les conclusions de six années de recherches

effectuées par le Bureau international de l'OMPI grâce à la collaboration de spé-

cialistes. Le bureau envisage la possibilité d'un traité international pour la

protection du logiciel dans le secteur informatique. Un tel traité offrirait un

niveau de protection minimal en matière de logiciel et une façon, pour les Etats

signataires, de reconnaître "l'enregistrement ou le dépôt, à l'échelle interna-

tionale, du logiciel." Le dépôt ou les dispositions types auraient pour objet

d'assurer une forme de protection suffisante au logiciel.

 

Le président adjoint

Commission d'appel des brevets

 

J.F. Hughes

 

J'ai étudié l'instruction de cette demande et analysé soigneusement la décision et

les conclusions de la Commission d'appel des brevets. Je souscris aux recomman-

dations de la Commission d'a-pel et refuse de délivrer un brevet relativement à

cette demande. Le demandeur dispose de six mois pour interjeter appel de la

présente décision en vertu de l'article 44 de la Loi sur les brevets.

 

Le Commissaire des brevets

 

J.H.A. Gariépy

 

Fait à Hull (Québec)

le 28 février 1978

 

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