Brevets

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            DECISIONS DU COMMISSAIRE

 

Exposé insuffisant: Panneaux d'affichage à décharge gazeuse pour calculateurs.

L'invention consiste à ajouter des terres rares et des actinides aux isolants

d'électrodes d'afficheurs à décharge gazeuse tels que ceux utilisés sur les

calculateurs électroniques. Les revendications ne décrivaient que l'effet pro-

duit par un élément, alors qu'elles portaient sur toutes les terres rares et

tous les actinides. Ces revendications générales furent rejetées vu leur

caractère conjectural, hypothétique et convoiteux, et ce rejet fut confirmé.

L'examinateur rejeta aussi la demande parce que le demandeur avait omis de men-

tionner les dangers auxquels on s'expose en utilisant l'invention. Cette décision

fut renversée. Le texte de la demande est rédigé à l'intention d'un technicien

d'expérience qui serait au courant des dangers.

 

Rejet final: Confirmé, avec modifications.

 

***********************************

 

Deux demandes de Owens-Illinois, Inc., furent rejetées par l'examinateur en vertu

des articles 36 et 2 de la Loi sur les brevets, l'examinateur ayant jugé que les

exposés étaient insuffisants et qu'ils n'appuyaient pas les inventions revendi-

quées. La première demande, 148,888, classe 313-1, fut déposée le 8 août 1972,

et la seconde, 149,636, classe 313-1, le 17 août 1972. Les deux demandes portent

les noms des mêmes inventeurs, nommément Roger E. Ernsthausen, Donald K. Wedding

et al.

 

Les deux inventions portent sur un dispositif à décharge gazeuse utilisé, par

exemple, dans les panneaux de calculateurs électroniques qui affichent les

chiffres lus par l'utilisateur. Une décharge électrique produite entre les

électrodes, en milieu gazeux, allume les chiffres qui deviennent visibles. Ces

dispositifs sont bien connus, évidemment, et les inventions des demandeurs en sont

des améliorations. Aux isolants des électrodes, le demandeur ajoute un composé

comprenant une terre rare (dans 148,888) ou un actinide (dans 149,636). La

revendication 1 de chacune des demandes illustre ce dont il s'agit.

 

Revendication 1 (148,888): Dans un dispositif à décharge gazeuse contenant

au moins deux électrodes, où l'une de ces

dernières au moins est isolée du gaz par un

diélectrique, il y a amélioration lorsqu'au moins

un des diélectriques contient un composé d'au

moins une terre rare choisie parmi les éléments

La, Ce, Pr, Rd, Pm, Sm, Eu, Gd, Tb, Dy, Ho, Er,

Tm, Yb, Lu, Sc, et Y.

 

Revendication 1 (149,636): Dans un dispositif à décharge gazeuse contenant au

moins deux électrodes, où l'une de ces dernières

au moins est isolée du gaz par un diélectrique, il

y a amélioration lorsqu'au moins un des diélectriques

contient un composé d'au moins un des actinides

choisis parmi les éléments Ac, Th, Pa, U, Np, Pu,

Am, Cm, Bk, Cf, Es, Fm, Md, No, et Lw.

 

       Il est déclaré que l'addition de composés de terres rares ou d'actinides

       améliore les caractéristiques de vieillissement et la stabilité du dispositif,

       permet d'utiliser des tensions de fonctionnement plus faibles, et améliore la

       décharge électrique.

 

       L'objection de l'examinateur à la demande 148,888 est que le demandeur n'a fait la

       preuve que d'un seul composé, l'oxyde d'ytterbium (Yb2 0 3), produisant l'effet

       désiré, alors que la revendication couvre de nombreux autres composés et leurs

       combinaisons, dont 129 sont cités dans l'exposé, et qu'on n'a pas démontré qu'ils

       produisent (à l'exception de Yb2 0 3) l'effet désiré. L'examinateur juge que les

       revendications du demandeur sont conjecturales, hypothétiques et convoiteuses,

       et constituent une tentative d'appropriation d'un domaine inexploré. Il déclare,

       entre autres choses, que:

 

...

 

       ... On remarque que le demandeur n'a donné des résultats

       expérimentaux que pour un seul composé, c'est-à-dire l'Yb2 0 3,

       résultats qui sont présentés sous forme de graphique à la fin

       de l'exposé. Cette expérience semble être la seule sur laquelle

       la demande s'appuie. Le demandeur compare de façon plutôt géné-

       rale les avantages des sequioxydes par rapport aux bioxydes (voir

       page 12, paragraphe 2), mais cette comparaison ne repose sur aucun

       résultat d'expérience exposé.

 

       On remarquera en outre que le demandeur ne précise pas di les

       huit sels de lanthane, par exemple, cités à la page 7, donnent

       tous les mêmes résultats, ou si l'un quelconque d'entre eux donne

       les mêmes résultats que les oxydes de lanthane. Le demandeur ne

       dis pas si tous les composés cités aux pages 7 à 10 peuvent être

       appliqués par chacune des méthodes proposées à la page 10, aux

       lignes 10 à 22, ni si tous ces composés produisent 1'"effet béné-

       fique désiré" avec une épaisseur allant de 200 à 10,000 angströms

       (voir page 11, lignes 1 à 4). Il n'est pas non plus évident dans

       l'exposé que tous les composés cités par le demandeur peuvent

       supporter la température de scellement de 600.degree.F. En d'autres termes,

       le demandeur revendique un monopole d'utilisation sur d'innombrables

       composés, mais ne précise pas lesquels d'entre eux sont vraiment

       utilisables. On siat que les terres rares ont des propriétés très

       semblables, mais on ne peut en dire autant du grand nombre de

       composés, alliages et minéraux différents contenant ces terres rares.

 

       Nous maintenons que l'exposé d'utilité basé sur les expériences

       faites sur un seul composé (Yb2 0 3) est insuffisant pour démontrer

       l'utilité de plus d'une centaine d'autres composés mentionnés

       dans la revendication générale. Cette objection s'applique à

       toutes les revendications déposées jusqu'ici. En vertu de l'arti-

       cle 2 de la Loi sur les brevets, toutes les revendications sont

       donc refusées pour raison d'inutilité.

 

       Bien qu'on ne puisse s'attendre à ce que le demandeur

       ait expérimenté tous les composés auxquels il a pensé

       et qu'il a énumérés, on s'attend à ce qu'il ait expéri-

       menté un nombre suffisamment élevé de composés pour

       démontrer par des résultats cohérents que l'on peut

       supposer que l'on obtiendrait les mêmes résultats avec

       tous les autres composés...

 

...

 

       Pour sa part, le demandeur soutient que l'exposé justifie la revendication de

       l'invention dans toute son étendue, et qu'il est suffisant. Il se réfère aux

       listes des composés utilisables données aux pages 6-9 de l'exposé, en supposant

       vraisemblablement qu'ils peuvent être inclus dans la revendication s'ils sont

       mentionnés dans l'exposé. Il affirme de plus que "le demandeur croit fermement

       que tous les composés mentionnés dans les revendications sont utilisables ..."

       (3 février 1975); et que "en l'absence de preuve du contraire dans l'état actuel

       de la technique, le demandeur croit qu'il peut revendiquer à juste titre son

       invention dans toute son étendue." Il soutient de plus qu'il n'est pas nécessaire

       d'expérimenter "exhaustivement" une invention.

 

       Il est donc manifeste que nous devons déterminer d'abord si l'inventeur a

       véritablement réalisé l'invention telle que revendiquée, et en second lieu, si

       ce n'est pas le cas, s'il reste fondé à revendiquer toute l'étendue de l'invention

       mentionnée dans l'exposé.

 

       Nous remarquons d'abord qu'à la page 6 de l'exposé, aux lignes 11-17, deux des

       éléments, le scandium et l'yttrium, qui ne font pas partie des lanthanides, sont

       inclus par le demandeur parce qu'"ils ont parfois les mêmes propriétés que les

       lanthanides". On remarque aussi l'affirmation apparaissant au bas de la page 9,

       selon laquelle on "peut s'attendre " à ce que certaines des terres rares "puissent

       être utilisées".

 

       A l'audition, on demanda à M. Mace si les inventeurs avaient expérimenté l'un

       des composés autres que l'oxyde d'ytterbium pour voir s'ils étaient utilisables.

       Il répondit: "Je ne sais pas. Il n'était pas nécessaire d'expériementer

       d'autres composés."

 

Les déclarations des deux paragraphes précédents indiquent qu'une grande partie

de ce que le demandeur décrit est au mieux de nature conjecturale. Cette

conclusion est renforcée par l'absence de tout signe indiquant que, en date du

19 août 1971 (date de priorité de la présente demande), ou même après cette

date, le demandeur savait qu'un composé autre que l'oxyde d'ytterbium pouvait

être efficace. Le demandeur se réfère à certains brevets d'un concurrent (U.S.

3814970, 4 juin 1974; Br. 1411297, 22 octobre 1975, et Br. 1415779, 26 novembre

1975) pour démontrer que des composés d'autres éléments produiraient aussi le

même effet. Tous ces brevets furent délivrés après 1971, date du parachèvement

de l'invention du demandeur. Nous, ne pouvons pas évaluer si les revendications

de ces brevets sont trop étendues ou si elles sont valides. Ils ont été délivrés

aux termes de lois différentes sur les brevets, tandis qu'il s'agit pour nous de

délivrer des brevets canadiens aux termes de la loi canadienne sur les brevets.

Nous remarquons cependant que ces trois brevets ne portent que sur les oxydes

des éléments en question. Dans la présente demande, les revendications couvrent

toutes les sources possibles de ces éléments et toutes leurs combinaisons, qu'il

s'agisse d'oxydes, de nitrates, de sulphates, d'autres sels inorganiques, de sels

acides organiques, de composés complexes, d'alliages, etc. Comme on peut le

constater en consultant l'ouvrage de Mellor, "Comprehensive Treatise on Inorganic

and Theoretical Chemistry, Longman, (1967), vol. V, ch. 38", ces différents

composés se comptent par milliers. Si l'on considère les combinaisons et per-

mutations possibles de ces composés entre eux, et qui sont couvertes par la re-

vendication 1 (cette dernière ne se limitant pas à une seule source de terre

rare ou d'actinide), les nombres deviennent astronomiques et atteignent plusieurs

millions.

 

Dans son rapport final, l'examinateur a fait un examen approfondi de la juris-

prudence pertinente, y compris Hoechst v. Gilbert (1966) R.C.S. 189; Boeringer

Sohn v. Bell Craig (1962) R.C. de l'E. 201 et 1963 R.C.S. 410; in re May and

Baker (1948) 65 R.P.C. 255; Société Rhône-Poulenc v. Ciba (1967) 35 F.P.C. 174 et

1968 R.C.S. 950; in re Abraham Essau et al (1936) 49 R.P.C. 85 et Olin Matheson

v. Biorex (1970) RPC 157, et il n'est pas nécessaire de répéter ici les jugements

qui y sont exprimés. Depuis le rejet, la Cour d'appel fédérale a considéré le

rejet par le Commissaire de la demande 095945 dans le jugement Monsanto c.

Commissaire des brevets prononcé le 24 juin 1977. La cause soumise au Commissaire

et à la Commission d'Appel des brevets dans ce cas ressemble de près à la cause

présente. L'invention n'était pas un médicament, de sorte qu'il ne peut être

question des particularités attribuées par le demandeur aux techniques pharma-

ceutiques limitant l'application de cette décision à la présente invention,

limitations auxquelles nous ne pouvons souscrire de toute façon. Dans la cause

Monsanto, avant démontré qu'un composé était utile comme vulcanisateur de

caoutchouc, le demandeur réclamait un brevet aux mêmes fins pour 128 autres composés

énumérés dans l'exposé. Après examen de la jurisprudence citée ci-dessus, ainsi

que d'autres causes non considérées par l'examinateur dans le cas présent, le

Bureau des brevets déclara cette revendication trop étendue, jugeant qu'elle

dépassait les bornes raisonnables de prévision et qu'elle était de nature con-

jecturale. Le rejet fut confirmé par la Cour fédérale. Nous trouvons la présente

demande inacceptable pour les mêmes raisons et recommandons que les réclamations

soient refusées. Bien entendu, pour autant que nous puissions l'établir, le deman-

deur peut réclamer à juste titre un brevet limité à l'utilisation de l'oxyde

d'ytterbium.

 

Quant à l'affirmation du demandeur selon laquelle il est en droit de revendiquer une

invention aussi largement que l'état antérieur de la technique le permet, elle n'est

valide que lorsque l'invention a été réalisée et divulguée. Personne n'est en

droit de revendiquer quelque chose qu'il n'a pas inventé simplement par ce que cette

chose n'existait pas dans l'état antérieur de la technique, et nous devons donc

considérer que les commentaires du demandeur ont été faits avec ses limitations à

l'esprit. A ce sujet, nous renvoyons le lecteur à trois remarques faites dans

Van Heusen v. Tooke Bros. 1929 Ex. C.R. 89 à 96 et 97:

 

... Le titulaire d'Un brevet ne doit pas amplifier ses

revendications, mais revendiquer avec netteté ce qu'il a

inventé, et pas plus, c'est-à-dire quelque chose qui ne

serait que l'objet d'hypothêses et qu'une tentative pour

s'approprier quelque chose auquel il n'a pas droit.

 

... Il ne s'agit pas que l'exposé d'un titulaire de brevet

jaillisse de son imagination, il doit contenir la garantie

immédiate que ce qui a été réalisé, l'a été d'une façon

nouvelle pour la technique en question.

 

... Une invention ne doit pas avoir une valeur douteuse. Pour

inventer, il ne suffit pas d'exposer une chose dont on n'a

pas une vision nette.

 

La demande 149636 fut rejetée pour des raisons similaires. Dans la présente

demande, le demandeur revendique l'addition d'un actinide ou d'un composé

 

       d'actinide aux éléments diélectriques des électrodes. L'utilisation de l'un

       quelconque des actinides dans les dispositifs à décharge gazeuse n'est cependant

       démontrée d'aucune façon dans le cas présent. C'est pour cette raison que l'exa-

       minateur a déclaré que le demandeur tente de faire breveter une idée qu'il n'a pas

       transformée en invention pratique, et qu'il n'a fourni aucun indice pour démontrer

       que l'un ou l'autre des nombreux composés couverts par les revendications possèdent

       l'utilité qu'il leur attribue. D'après l'examinateur,

 

...

 

       il est évident que parmi le très grand nombre des actinides et

       de leurs composés, seuls certains d'entre eux abaisseront la

       tension de fonctionnement, amélioreront la thermostabilité,

       réduiront le temps de vieillissement, etc. Le demandeur n'a

       apparemment pas cherché à déterminer quels composés pourront être

       utilisés, et lesquels seront inutilisables. L'exposé ne contient

       aucun renseignement à ce sujet. Après l'expiration de la durée

       du brevet, le public devrait effectuer des travaux approfondis

       pour déterminer s'il y a des composés utilisables et les identi-

       fier. Le demandeur semble plus préoccupé d'obtenir une propriété

       aussi étendue que possible, s'étendant même à plusieurs éléments de

       la série des actinides qui n'ont pas été isolés jusqu'ici, et à

       ceux qui ont "une période radioactive très courte", que de consi-

       dérer l'intérêt du public, ce qui l'obligerait à faire un certain

       nombre d'expériences, à en divulguer les résultats et révéler quels

       éléments ou composés ont été trouvés utilisables.

 

       L'examinateur affirme aussi que, ayant déterminé que l'oxyde d'ytterbium produit

       des résultats utiles, le demandeur non seulement conjecture que les autres

       membres des terres rares sont effectifs, mais conçoit aussi l'idée d'obtenir un

       brevet pour la série des actinides; l'exa.minateur compare ensuite les deux

       demandes pour démontrer comment cette "invention sur papier" fut effectuée. Il

       déclare:

 

       Il semble donc à l'examinateur, au moment de rédiger le premier

       rapport, que quelque temps après le dépôt de la demande de brevet

       en coinstance 148888 qui revendique l'utilisation de la série

       entière des terres rares, le demandeur doit avoir conçu l'idée

       d'obtenir une protection conférée par brevet pour les éléments de

       la série des actinides et leurs composés qui pourraient, selon cette

       idée, procurer certains "résultats bénéfiques potentiels" si utilisés

       en "quantités bénéfiques prédéterminées" de la même façon que les

       terres rares et leurs composés. Le demandeur a alors préparé la

       présente demande en opiant, presque sans changement, les cinq pre-

       mières pages de l'exposé de la demande de brevet en coinstance, en

       énumérant ensuite les éléments de la série des actinides et leurs

       composés connus de lui, et, dans une troisième opération, en copiant

       d'autres parties appropriées de la demande en coinstance, avec

       l'insertion occasionnelle du mot "actinide", pour compléter les deus

       dernières pages du présent exposé. Le nouvel abrégé et les reven-

       dications ont été obtenus en remplaçant les terres rares par les

       actinides dans la demande en coinstance. Il n'y a aucune indication

       que le demandeur ait fait quoi que ce soit, avant de déposer la

       présente demande, pour perfectionner son invention prétendue ou pour

       considérer l'intérêt public. L'exposé ne comporte donc pas les carac-

       téristiques nécessaires à une véritable invention. Il a déjà été dit

 

       que la preuve de l'utilité de quelques membres d'une grande

       famille est une preuve insuffisante de l'utilité des autres

       membres. La preuve est encore plus insuffisante dans le cas

       présent, car on demande un monopole couvrant une grande famille

       d'éléments et de composés en entier sans présenter la preuve

       d'utilité d'un seul membre de cette famille.

 

       et rejeta l'ensemble de la demande en ces termes:

 

...

 

       Comme résultat de l'analyse détaillée qui précède, la présente

       demande est refusée dans son ensemble pour les raisons suivantes:

 

       A. Le présent exposé est inadéquat en ce qu'il ne contient aucun

       objet brevetable en comparaison de la demande de brevets en

       coinstance 148,888, et ne satisfait donc pas à l'article 36(1)

       de la Loi sur les brevets.

 

       B. La demande est basée seulement sur une idée non vérifiée, ce

       qui est contraire à l'article 28(3) de la Loi sur les brevets,

       et,

 

       C. En général, rien n'indique que le demandeur a réalisé une

       invention sérieuse.

 

       D. L'exposé ne contient aucune preuve d'utilité même pour un seul

       membre de la famille des éléments et composés pour lesquels on

       demande une protection conférée par brevet, ce qui ne satisfait

       pas à l'article 2 de la Loi sur les brevets.

 

       Dans ces décisions finales du 21 juillet, 1975, l'examinateur a expliqué en

       détail ses raisons de rejeter la demande. Il y déclare entre autres choses:

 

       On remarquera que dans les décisions de l'Office des brevets du

       19 septembre 1973 et du 7 novembre 1974, l'examinateur avait

       signalé l'absence manifesta de tout fondement expérimental pour la

       demande présente. Il est remarquable que, dans aucune de ces deux

       réponses, le demandeur n'a pu affirmer qu'il avait effectivement

       réalisé au moins une expérience, ou produire une seule preuve d'un

       résultat expérimental concluant. Ce manque évident de preuves

       concluantes ne fait que confirmer les hypothèses qu'aucune expé-

       rience n'a été effectuée avant la préparation et le dépôt de la

       demande.

 

       Dans les demandes de brevets présentées au Canada, il est normal

       d'inclure dans l'exposé la description de plusieurs exemples re-

       présentatifs des expériences, en donnant la nature exacte des com-

       posés, leur pourcnetage, les opérations, les gammes de température

       utilisées et les résultats expérimentaux obtenus. Les exemples

       donnant les meilleurs résultats représentent alors le meilleur

       mode tel que conçu par le demandeur et aussi requis par l'article

       36(1) de la Loi sur les brevets. Outre cela, l'examinateur a

       trouvé que, chaque fois que la question de la preuve de l'exploita-

       bilité était soulevée, le demandeur, particulièrement dans le cas

       d'une grande entreprise bien établie qui dépose rarement une demande

       pour une idée non éprouvée, présente invariablement une preuve

       d'expériences pratiques pour convaincre et satisfaire l'examinateur.

       Il va sans dire que, dans le présent cas, il aurait été beaucoup

       plus simple et convaincant de présenter des données expérimentales

       concrètes, s'il y en avait eu au lieu des arguments basés sur la

       page contestable 10 de l'exposé.

et:

 

Le présent exposé est incomplet et ne satisfait pas à

l'exigence de l'article 36(1) car il ne donne pas de réali-

sations privilégiées de l'invention prétendue. Le passage

pertinent de cet article dit: "s'il s'agit d'une machine, le

demandeur doit en expliquer le principe et la meilleure

manière dont il a conçu l'application de ce principe". (Les mots

ont été soulignés par nous). Dans le cas présent, la "réalisation

privilégiée" ou la "meilleure manière" correspondrait aux composés

d'actinides, ou combinaisons de composés, qui ont donné les

meilleurs résultats ou à tout le moins de bons résultats acceptables.

La divulgation de cette réalisation privilégiée n'est que le

minimum de considération que le demandeur doit au public en échange

du monopole étandu qu'il cherche à obtenir.

 

On remarquera que le demandeur mentionne dans l'exposé un grand

nombre d'actinides et de leurs composés. En plus des 15 éléments

de la série elle-même, les pages 6 à 8 de l'exposé mentionnent 54

composés et dérivés d'actinides, ce qui fait un total d'environ 60.

A la fin de l'exposé, le demandeur affirme que chaque actinide

peut être combiné à un ou plusieurs composés du groupe IIa, 6

d'entre eux étant mentionnés en tout. Ainsi, le nombre total de

combinaisons possibles est égal au nombre d'actinides multiplié par

lenombre d'éléments du groupe IIA, c'est-à-dire 60 x 6, nombre qui

dépasse 350. Selon la derrière missive du demandeur, page 6, lignes

19 et 20, toutes ces combinaisons sont utilisables. Il est à peu près

impossible que toutes ces combinaisons soient également utilisables,

et avec le même rendement.

 

et:

 

Dans Steel Co. of Canada v. Sivaco Wire and Nail Co., 11 C.P.R. (2d)

153, à la page 195, nous relevons l'expression "invention sur papier"

appliquée à des inventions qui n'ont pas été mises au point. Dans

Hoechst v. Gilbert (1964) Vol. 1, R.C. de l'E. 710 et 1966 R.C.S.

189, la Cour suprême décréta que "personne ne peut obtenir un brevet

valide pour une hypothèse n.on prouvée et non mise à l'essai dans un

domaine inexploré". La possibilité d'une réclamation exagérée fut

aussi examinée dans Société Rhône-Poulenc v. Ciba (1967) 35 F.P.C. 174

aux pages 201-205, et dans 1968 R.C.S. 950, où une revendication

étendue fur trouvée invalide parce que la majorité des substances de

la classe n'avait jamais été fabriquée ou mise à l'essai par quiconque.

A ce sujet, on remarque les raisons qui ont mené à l'introduction de

l'article 41 de la Loi canadienne sur les brevets en 1923, et l'article

38A du British Patent and Designs Act en 1919. L'article 38A fut mis

en vigueur pour remédier à un abus qui mena à la domination de l'in-

dustrie britannique des colorants par des intérêts étrangers qui avaient

obtenu des revendications étendues couvrant des substances chimiques

qu'ils n'avaient jamais fabriquées ou mises à l'essai, et qui utili-

sèrent par la suite ces revendications pour restreindre les activités

de leurs concurrents (Transactions of the Chartered Institute of

Patent Agents, vol. 62, p. 92).

 

Dnas le cas présent, l'examinateur a rejeté la demande en entier. Nous trouvons

les arguments de l'examinateur convaincants. Pour les raisons soulevées ci-dessus

contre la demande antérieure, nous croyons qu'il n'y a pas eu démonstration

suffisante d'une invention quelconque, qu'on n'a pas satisfait à l'article 36,

et, en nous appuyant sur les informations qui sont devant nous, que le demandeur

n'a fait que conjecturer sur une invention possible. Nous recommandons que la

demande soit refusée.

 

L'examinateur a aussi émis l'objection que le demandeur a omis de mettre en

garde l'utilisateur de l'invention prétendue contre les dangers encourus, et

d'indiquer les précautions à prendre. Comme le texte s'adresse à une personne

d'expérience dans ce domaine qui serait consciente des dangers radioactifs

encourus et qui connaîtrait les mesures à prendre, il ne nous semble pas nécessaire

de retenir cet objection de l'examinateur. La demande étant par ailleurs non re-

cevable pour d'autres raisons, il n'est pas non plus nécessaire d'approfondir ce

point.

 

Nous recommandons donc que les présentes revendications de la demande 148,888

soient refusées et que la demande 149,636 soit refusée dans sa totalité.

 

Le président de la

Commission d'appel des brevets, Canada

 

Gordon Asher

 

Ayant considéré l'instruction de le présente demande, je rejette maintenant la

demande 149,636 ainsi que les revendications de la demande 148,888 pour les

mêmes raisons que la Commission d'appel des brevets. Le demandeur dispose de six

mois pour en appeler de cette décision ou, en ce qui a trait à la demande 148,888,

pour restreindre les revendications à l'objet jugé admissible par la Commission.

 

Le Commissaire des brevets

 

J.H.A. Gariépy

 

Fait à Hull, Québec

ce 19ième jour de janvier 1978

 

Agent pour le demandeur

 

Gowling & Henderson

Box 466, Terminal A

Ottawa, Ontario

 

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