DECISION DU COMMISSAIRE
Sujet: Cosses de fils électriques.
Les extrémités de fils électriques sont chauffées de façon à former des gouttes en
fusion. Celles-ci deviennent des modules piriformes sous l'effet de la tension
superficielle et de la force de gravité. Les nodules peuvent alors être profilés de
façon à former des connecteurs facilement attachables. La revendication 1, qui
portait sur le nodule piriforme, fut refusée à cause des références citées, des
connaissances acquises et des phénomènes physiques en cause dans la formation de
cette configuration. Une revendication portant sur l'application nouvelle de l'in-
vention, qui comprend l'opération consistant à déformer le nodule piriforme solidi-
fié pour obtenir une cosse fourchue à l'extrémité du conducteur, fut jugée recevable.
Dispositions finales: Confirmées
***********************
La présente décision porte sur une requête de révision par le Commissaire des brevets,
des dispositions finales de l'examinateur, datées du 29 mars 1976, quant à la
demande 171,595 (Classe 26-134). La demande fut déposée le 11 mai 1973 au nom de
Gideon A. DuRocher et al., et porte sur la terminaison et la ligature de conducteurs
électriques. La Commission d'appel des brevets a tenu une audition le 16 novembre
1977 où le demandeur fut représenté par M. D.N. Deeth.
La demande porte sur la fabrication de cosses à l'extrémité de fils électriques.
L'extrémité du fil est chauffée jusqu'à ce que l'on obtienne une masse fondue
piriforme déterminée par l'effet combiné de la tension superficielle et de la force
de gravité sur la gouttelette. La cosse peut aussi être profilée de façon à former
un connecteur, pour que le fil puisse être facilement attaché à une borne. L'in-
vention est illustrée aux figures 1 et 10 ci-dessous:
<IMG>
Dans ses dispositions finales, l'examinateur a refusé les revendications 1 à 14 et
18 à 21 parce qu'elles ne correspondaient pas à la définition d'un sujet breve-
table vis-à-vis des références américaines suivantes:
3,684,474 15 août 1972 Chisholm
3,561,084 9 février 1971 Sims
3,397,451 20 août 1968 Avedissian et al.
Chacune des références citées décrit la méthode permettant d'obtenir un nodule de
métal à l'extrémité d'un fil en maintenant l'axe longitudinal du fil verticalement,
en chauffant l'extrémité inférieure du fil jusqu'à ce qu'il fonde et forme un
nodule d'un diamètre supérieur à celui du fil, puis en enlevant la source de chaleur
avant que le nodule fondu ne s'échappe de l'extrémité du fil. Après la solidifi-
cation, on obtient un nodule bulbeux solide à l'extrémité du fil.
Nous remarquons cependant que l'on ne peut tenir compte de la demande de brevet
de Chisholm, le demandeur ayant produit une copie certifiée de sa demande déposée
aux Etats-Unis le 18 mai 1972.
Dans ses dispositions finales, l'examinateur disait ceci (en partie):
Dans la revendication 1, le demandeur fait état de l'effet combiné
des forces de gravité et de tension superficielle. Ces forces et
leurs effets n'ont pas été discutés dans les références. Ce sont
cependant des forces naturelles qui agissent sur la partie fondue du
fil. Qu'elles soient mentionnées ou non, ces forces sont présentes
et déterminent la forme du métal dès le commencement de la fusion.
Dans tous les cas, la forme du nodule est déterminée par la tension
superficielle ainsi que la densité du métal fondu et ressemblera à
une goutte buste avant la formation du col et la dissociation d'avec
le fil. On ne peut expliquer facilement la raison pour laquelle
cette forme n'a pas été illustrée de façon précise dans les références.
On remarquera cependant, qu'un dessinateur utiliserait un compas pour
tracer cette forme et pourrait prendre un soin plus ou moins grand
pour obtenir un profil en forme de goutte. Il est évident qu'on a
apporté plus de soin à représenter cette forme dans la figure 1 du
brevet de Sims que dans les deux autres références, Même les dessins
du demandeur sont quelque peu imprécis dans leur représentation (figures
1, 19, 22, 23, 24 et 26); la partie inférieure de ces dessins est
hémisphérique alors qu'aucune partie d'une goutte réelle n'est vraiment
sphérique, et il n'y a aucune représentation appropriée de la partie
supérieure où la courbure s'inverse, qui est caractéristique d'une
goutte.
Comme les références indiquent comment chauffer l'extrémité d'un fil
pour obtenir un nodule en fusion de diamètre supérieur au diamètre du
fil, et qu'elles n'indiquent pas comment empêcher la formation d'une
goutte de forme naturelle, les nodules formés, de cette façon auront
la forme d'une goutte.
En plus des connaissances citées dans les références, le
demandeur a inclus dans la revendication 1 une description
de ce qui se produit naturellement avec la méthode. Ceci ne
donne aucune distinction brevetable à la revendication. La
définition additionnelle des revendications 2, 7 et 20 est
immédiatement apparente dans chacune des références citées qui
présagent les revendications 1, 2, 7 et 20.
L'utilisation d'oxygène ou d'un gaz inerte, tel qu'expliqué dans
les revendications 3, 4 et 21, est une technique bien connue et
ne donne aucune distinction brevetable aux revendications. De
même, l'utilisation de conducteurs à brins multiples, tel que
mentionné dans les revendications 5 et 6, n'est p as une amélioration
présentant le caractère d'une invention par rapport à l'état anté-
rieur de la technique où l'on utilise des conducteurs à brin unique.
L'utilisation d'un arc électrique pour faire fondre le fil, tel que
mentionné dans les revendications 8 à 11, est bien connue en
technique. Tous les aspects mentionnés ci-dessus sont connus des
personnes d'expérience et celles-ci doivent savoir utiliser ces
méthodes. De plus, de la façon dont elles sont utilisées par le
demandeur, ces méthodes ne donnent aucun avantage imprévu lui per-
mettant de prétendre à une manifestation d'ingéniosité ou de
nouveauté brevetable. Les revendications 3 à 6, 8 à 11 et 21 sont
rejetées car elles ne présentent aucune amélioration brevetable
par rapport aux connaissances courantes et à la compétence normale
d'un technicien en ce qui ai trait à chacune des références citées.
...
En réponse aux dispositions finales., le demandeur a apporté des modifications
mineures aux revendications 1 et 2 et présenté les arguments suivants:
...
L'un des avantages particuliers de l'invention réside dans le
fait qu'avec cette méthode" le nodule piriforme, illustré à la
figure 1, 31 ou 32, se point doucement à la partie dénudée ou
non fusionnée du conducteur. Il n'y a donc pas d'angles aïgus
dans la terminaison; en présence de tension, ceux-ci peuvent
occasionner une rupture car ils ont tendance à concentrer les
lignes de tension. Cet aspect est aussi discuté à la page 10 d
de la demande, aux lignes l4 à 25.
Dans une entrevue accordée par l'examinateur aux représentants
du demandeur, on examina si la méthode mise de l'avant dans les
revendications donnerait les résultats désirés avec tous les
métaux. On remarquera tout d'abord que la nouveauté de l'in-
vention ne réside pas dans la nature du métal utilisé. L'invention
est une méthode nouvelle pouvant donner de meilleures terminaisons.
La nature du métal utilisé ne fait pas partie de l'invention. Les
demandeurs ont utilisé divers métaux et n'ont trouvé aucun métal
ne pouvant être utilisé avec cette méthode. En plus des modifica-
tifs proposés ci-dessus, nous avons clarifié la revendication en
précisant que le métal est ordinairement solide à la température
ambiante.
...
Sims et Avedissian ne mentionnent pas que l'on peut former un
nodule piriforme en prolongeant le chauffage au-delà de l'étape
initiale, tel que requis par la revendication 1. Ainsi, la boulette
19 et le corps 14 que l'on obtient temporairement avec des
méthodes d'Avedissian et de Sims ont une forme sphérique, comme
on le constate sur l'échantillon inclus de fil recourvert en
blanc. Si, contrairement à Avedissian et Sims, les extrémités
en boulette obtenues temporairement étaient utilisées comme
terminaisons, ces terminaisons sphériques auraient un angle
prononcé entre la boulette ou le corps et la partie non fondue
du fil. Ceci est une source de problèmes et concentre les tensions
dans les angles formés, ce qui donne une terminaison de longueur
réduite.
Dans le brevet de Sims, le corps 14 est aplati pour réaliser le
contact de liaison avec le filament 10 et la borne de filament
12, puis est sectionné de son fil 16. Dans le brevet d'Avedissian,
la boulette 19 est aplatie pour former un contact de liaison avec
une pastille 12. Il n'est nullement question dans ces deux brevets
de déformer l'extrémité solidifiée du conducteur pour obtenir une
cosse fourchue, comme les cosses des figures 4 à 18 du demandeur,
tel que requis par la revendication 2 de ce dernier.
En conséquence, le demandeur considère que l'invention, telle que
revendiquée dans la revendication 1 et celle qui en découle,
procure une solution avantageuse et ingénieuse aux problèmes de la
fabrication d'une terminaison à l'extrémité d'un conducteur. Cette
solution n'est ni décrite ni suggérée dans aucune des références.
Il faut déterminer si oui ou non les revendications en question mettent en cause un
progrès brevetable dans la technique. La revendication 1 modifiée se lit comme suit:
Méthode de terminaison d'une extrémité d'au moins 1 conducteur
électrique métallique normalement solide à température ambiante,
consistant à maintenir ledit conducteur dans une position telle
que l'extrémité en question se trouve pratiquement dans un plan
vertical avec son extrémité libre au bas, à chauffer ledit con-
ducteur à son extrémité libre jusqu'à la température où le métal
se fusionne à ladite extrémité libre, à continuer ladite opération
de chauffage dudit conducteur pour une période de temps telle qu'un
nodule se forme, et à continuer le chauffage jusqu'à ce que les
forces combinées de la gravité et de la tension superficielle
transforment le nodule métallique fondu en une masse fondue piri-
forme plus grosse suspendue au dit conducteur, à discontinuer le
chauffage dudit conducteur avant que la force de gravité agissant
sur ladite masse fondue ne sépare cette dernière du dit conducteur,
et à solidifier ladite masse fondue, formant ainsi un nodule piri-
forme plus gros à l'extrémité libre dudit conducteur.
A l'audition, M. Deeth a soutenu que la revendication 1, la seule revendication
indépendante, porte sur un sujet brevetable.
Nous remarquons que le chauffage de l'extrémité d'un fil métallique pour obtenir
une portion de forme bulbeuse (nodule) à l'extrémité du fil, est une technique
connue. Le brevet cité (Avedissian) utilise une flamme pour chauffer l'extrémité
inférieure d'un fil (par exemple, de l'or) et former une boulette ou nodule à
l'extrémité du fil. La figure 5 de ce brevet est reproduite ci-dessous.
<IMG>
Sims (brevet américain 3,561,084) chauffe aussi un fil d'or pour former un
nodule. Dans ces deux références, on chauffe l'extrémité d'un fil pour y
former un nodule. La grosseur et la forme du nodule dépendent de la quantité
de chaleur fournie et d'autres facteurs que nous allons examiner.
On sait que la forme prise par un ensemble de molécules à l'état liquide, sous
l'effet de la tension superficielle, est sphérique si l'ensemble se trouve
dans un champ gravitationnel nul. Autrement dit, par suite de l'existence de
la tension superficielle, un liquide prend la forme qui minimise sa surface,
c'est-à-dire la forme sphérique. D'autre part, si le liquide se trouve dans un
champ gravitationnel, par exemple le champ gravitationnel terrestre, le poids
du liquide s'ajoute à la force de tension superficielle, A ce sujet, nous citons
un extrait de l'ouvrage de R.T. Weidner, "Elementary Classical Physics", page
445:
Avec une sphére de rayon r, les effets de la tension
superficielle sont proportionnels à la surface 4 r 2,
mais le poids, qui est proportionnel à la masse du liquide,
est proportionnel au volume ~ r3 . Le poids varie donc comme
r3 , tandis que les forces de tension superficielle varient
comme r2 . A mesure que le rayon ou la grosseur de la goutte
de liquide augmente, le poids devient de plus en plus impor-
tant par rapport à la tension superficielle.
Il est donc évident que, lorsque la grosseur d'un nodule augmente, la forme
initiale de ce dernier, qui est sphérique à toutes fins utiles, change sous
l'effet du champ gravitationnel. Nous n'avons pas d'image représentant un fil
de cuivre chauffé comme il en est question dans le présent brevet, mais nous
avons par contre une série de photographies prises à grande vitesse des étapes
successives de la formation d'une goutte de lait à l'extrémité d'un tube verti-
cal ("College Physics" par F.W. Sears - Addison-Wesley Publishing Company, Inc.
Reading, Massachussetts, U.S.A., page 258):
<IMG>
Nous réalisons que nous avons affaire ici à deux substances différentes. Nous
savons cependant que la grandeur de la tension superficielle dépend de la
nature du liquide et du matériau dont est constituée la paroi. Les photos
illustrent ce qui se produit lorsque la force de gravité devient plus grande que
la tention superficielle. Le demandeur ne peut revendiquer la paternité de
l'une ou l'autre de ces formes naturelles connues.
A l'audition, M. Deeth a souligné l'importance d'une extrémité piriforme ayant
un filet entre le fil et le nodule. Ceci est à l'avantage du demandeur et
d'Avedissian car ils font tous les, deux état de nodules ayant un diamètre
supérieur au diamètre supérieur au diamètre du fil. La forme des nodules pro-
duits dépend de leur grosseur et de leurs poids. Dans les trois demandes de
brevet, les fils sont maintenus verticalement et l'extrémité est chauffée
jusqu'à ce qu'il se forme un nodule. Comme les opérations de base sont les mêmes,
toute variation étant due à la nature du métal, sa densité, sa tension super-
ficielle, son humectabilité, ainsi que le débit et la durée de l'application de
la chaleur au fil. Lorsqu'un nodule commence à se former, son évolution corres-
pond aux étapes bien connues de la formation d'une goutte. En supprimant la
chaleur au moment approprié, on peut obtenir un nodule ayant l'une ou l'autre
des formes prises par une goutte durant sa formation.
Le demandeur a insisté sur la nécessité d'obtenir un filet pour réduire les
tensions, mais les deux références font état de tels filets et ces filets appa-
raissent naturellement dans la formation des gouttes. De toute façon, le
demandeur n'a pas représenté de tels filets dans ses dessins.
Nous examinerons maintenant les revendications. Les revendications 15, 16 et 17
n'ont pas été refusées dans les dispositions finales.
La revendication 1 porte essentiellement sur l'orientation verticale du fil
métallique, du chauffage de l'extrémité inférieure du fil, et de l'arrêt du
chauffage lorsque l'on a obtenu un nodule de la forme désirée. Nous ne croyons
pas que ces opérations constituent un sujet brevetable, compte tenir des références,
des connaissances générales en la matière, et des phénomènes physiques discutés
précédemment. Le demandeur n'a pas découvert la forme revendiquée; il n'a fait
qu'observer qu'il pouvait obtenir cette forme qui servait à ses fins. Les
chercheurs précédents dans ce domaine arrivaient au même résultat. Nous croyons
que cette revendication doit être refusée.
La revendication 2, qui dépend de la précédente, a été modifiée en réponse aux
dispositions finales. Elle vise maintenant la nouvelle application pratique de
l'invention qui comprend l'opération de déformation du module piriforme solidifié
pour donner une cosse fourchue de forme désirée à l'extrémité du conducteur.
Cette revendication devrait être remaniée et présentée comme nouvelle revendica-
tion 1.
Les revendications 3 à 14 et 18 à 21, qui dépendent directement ou indirectement
de la revendication 1, portent sur des aspects tels que l'application de la
chaleur et le type de chauffage, la composition du fil et l'utilisation de dif-
férents métaux. Ces revendications n'ajoutent aucune caractéristique brevetable
à la revendication 1 refusée et ne peuvent être acceptées. Elles seraient cepen-
dant acceptables si elles découlaient de la nouvelle revendication 1.
En résume, nous recommandons la confirmation de la décision prise dans les dis-
positions finales de refuser les revendications 1 à 14 et 18 à 21, mais que la
revendication 2 modifiée soit acceptée si elle est présentée de façon appropriée
comme nouvelle revendication 1.
J.F. Hughes
Président adjoint
J'ai révisé la présente demande et suis d'accord avec la recommandation de la
Commission d'appel des brevets. En conséquence, je refuse d'accorder un brevet
aux revendications 1 à 14 et 18 à 21, mais j'accepterais une revendication 2
modifiée présentée de façon appropriée comme nouvelle revendication 1. Le
demandeur dispose d'une période de 6 mois pour soumettre une modification appro-
priée, ou pour en appeler de ma décision selon la disposition de l'article 44
de la Loi sur les brevets.
Le Commissaire des brevets
J.H.A. Gariépy
Agent pour le demandeur
Ridout & Maybee
111 Richmond St. W.
Toronto, Ontario
Fait à Hull, Québec
ce 20e jour de décembre 1977