DECISION DU COMMISSAIRE
Evidence - Soupage à flotteur
Le remplacement d'éléments métalliques de soupage par des éléments en
plastique synthétique moulés d'une seule pièce n'est pas brevetable. Toutefois,
d'autres caractéristiques, notamment la combinaison d'un bras de flotteur in-
termédiaire et d'une vis de réglage du flotteur, ont été jugées brevetables.
Décision finale: Modifiée. Deux revendications ont été rejetées et deux
revendications ont été acceptées.
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La présente décision fait suite à la demande de révision adressée au Commissaire
des brevets au sujet de la décision finale qu'a rendue l'examinateur, le 10
mars 1976, sur la demande de brevet 200,608 (classe 137-29). La demande, déposée
le 23 mai 1974 au nom de Richard J. Yeagle, s'intitule "Soupapes d'humidifica-
teur". La Commission d'appel des brevets a tenu le 8 novembre 1977 une
audience à laquelle le demandeur était représenté par M. John Burke.
La demande porte sur une soupape d'arrivée d'eau du type employé dans les
humidificateurs. Le dispositif est constitué d'une pièce d'appui de soupage
qui est entièrement fabriquée en plastique synthétique, qui pivote autour
d'un axe transversal et qui est adaptée afin de recevoir une soupape rebondis-
sante. Les figures 1 et 3 illustrant le dispositif.
<IMGS>
Dans sa décision finale, l'examinateur a rejeté la demande parce qu'elle ne
portait pas sur un objet brevetable, compte tenu des antériorités suivantes:
Brevet canadien 897,073 4 avril 1972 Powers
105,006 30 avril 1907 Gray et al.
238,497 11 mars 1924 Sherwood
Le brevet Poers, propriété du demandeur, porte sur une soupape d'humidificateur
commandée par flotteur. Quelques-uns des éléments sont les mêmes que ceux
employés dans le dispositif sur lequel porte la présente demande. Les figures
5 et 6 ci-dessous illustrent le brevet Powers.
<IMGS>
Sherwood décrit une soupape d'arrivée d'eau pour réservoir de toilettes
et dont l'ouverture maximale est réglée par une vis de rappel montée sur le
bras du flotteur. La figure 1 du brevet Sherwood est représentée ci-dessous.
<IMG>
Le brevet Gray porte sur une soupape d'arrivée d'eau munie d'un flotteur
à niveau ajustable. Voici la figure 1 du brevet Gray.
<IMG>
Dans sa décision finale, l'examinateur déclare (notamment):
Le brevet Powers décrit une soupape commandée par flotteur
et servant à maintenir le niveau d'un liquide dans un
réservoir. Cette soupape comprend les mêmes éléments que celles
de la présente demande. Des plus, les éléments des deux
dispositifs fonctionnent de façon analogue.
La seule différence constitutive apparente entre le
dispositif montré dans la présente demande. De plus,
les éléments des deux dispositifs fonctionnent de façon
analogue.
La seule différence constitutive apparente entre le dispo-
sitif montré dans la présente demande et le dispositif du
brevet Powers est l'emploi d'une vis de réglage (numéro 174)
qui sert à déterminer un niveau souhaité de liquide dans le
réservoir.
L'emploi d'une vis de réglage à cet effet est bien connu,
comme on peut le constater dans les brevets Gray et al. et
Sherwood; par conséquent, il n'est pas jugé brevetable.
En outre, l'emploi d'un matériau différent pour la fabrica-
tion du dispositif montré et revendiqué n'est considéré comme
rien de plus que le choix d'un matériau connu puisque le
dispositif remplit son rôle de la même façon que le dispo-
sitif du brevet invoqué. Le choix d'un matériau différent et
connu pour la fabrication de l'appareil est considéré comme
découlant d'une compétence normale dans le métier.
Les arguments présentés par le demandeur dans sa lettre de
modification du 2 février 1976 ont été étudiées. Cependant,
malgré ces arguments, l'objection notée ci-dessus est retenue.
Le fait de combiner la bouche d'entrée d'eau et la coiffe dans
le but d'en faire un dispositif unitaire est tenu comme
une pratique habituelle découlant de l'exercice du métier.
Etant donné que les mêmes éléments sont présents sous la
même forme dans les deux dispositifs et qu'ils agissent en-
semble de la même façon en vue du même résultat, il n'est
démontré aucune amélioration brevetable du brevet déjà cité,
c'est-à-dire aucune amélioration qui ne découle de l'aptitute
normale d'un spécialiste du métier ou qui ne soit une améliora-
tion courante d'atelier.
Dans sa réponse, le demandeur déclare (notamment):
Le demandeur se permet d'observer que l'examinateur a
conclu incorrectement dans son rapport final que le
dispositif décrit dans le brevet Powers comporte les mêmes
éléments que le dispositif de la présente invention. Or,
comme le demandeur l'a indiqué ci-dessus, la présente inven-
tion comporte moins d'éléments que le dispositif Powers, a
une structure passablement différente et est construite
d'une seule pièce.
Le demandeur fait respectueusement remarquer que l'exami-
nateur commet une autre erreur en concluant que la vis de
réglage constitue la seule différence structurale entre le
dispositif Powers et celui de son invention. Bien que cette
différence structurale soit la seule qui, à première vue, est
évidente, un examen plus approfondi permet de constater
qu'il n'en est pas ainsi .
Dans sa décision finale, l'examinateur déclare, se référant
au dispositif du demandeur et à celui du brevet Powers:
"Etant donné que les mêmes éléments sont présents
sous la même forme et qu'ils agissent ensemble en
vue des mêmes résultats, aucune amélioration
brevetable n'a été apportée à l'invention décrite
dans le brevet cité..."
Le demandeur allègue que dans le cas présent, l'examinateur
n'a pas étudié à fond la question de l'évidence et ne s'est
certainement pas acquitté du fardeau qui lui incombe de
montrer qu'il y a évidence. Le demandeur a précisé les
différences de structure et de fonctionnement qui caracté-
risent son invention et qui sont contenues dans les revendi-
cations 1 à 4. De toute évidence, il n'y a pas d'éléments
identiques qui se présentent sous la même forme dans la
présente invention et dans celle du brevet Powers. De plus,
comme le dispositif de la présente invention est monopièce
et que le bras du flotteur pivote autour et d'un côté à
l'autre de l'armature en U ~e la soupape, le fonctionnement
des éléments de la soupape commandée par flotteur diffère de
celui du dispositif du brevet Powers. Les éléments du
dispositif revendiqué n'agissent donc pas ensemble de la même
manière puisque le pivotement comporte une différence. De
même, la soupape commandée par flotteur permet d'obtenir un
résultat supérieur à celui fourni par le dispositif du brevet
Powers étant donné que la présente invention permet une
réaction d'ouverture et de fermeture plus sûre et plus directe.
Nous avons étudié attentivement la procédure d'examen de la demande ainsi que
les renseignements utiles et les arguments présentés par M. Burke lors de
l'audience.
Il faut maintenant déterminer si le demandeur a apporté une amélioration
brevetable à la technique.
A notre avis, le dispositif Powers, breveté antérieurement par le même
demandeur, comporte plusieurs aspects similaires à l'invention revendiquée
aujourd'hui. Selon M. Burke, la demande apporte une amélioration à l'invention
du brevet Powers et à une autre qui l'a remplacée sur le marché. Lors de
l'audience, M. Burke a montré des modèles de la nouvelle soupape et du dispo-
sitif Powers.
Le demandeur a signalé entre autres que l'emploi d'une bouche d'arrivée et
d'une coiffe moulées d'une seule pièce représente une amélioration par rapport
au dispositif métallique Powers, qui comporte plusieurs éléments. Dans le
dispositif Powers, un déflecteur d'eau indépendant (voir le numéro 88 de la
figure 15) sert d'appui pivotant au support du flotteur (93) et fait dévier
l'eau qui pénètre par la bouche d'arrivée. Le demandeur, quant à lui, utilise
à ces deux fins une coiffe rétrécie. Le déflecteur du dispositif Powers est
un élément additionnel qui exige du temps supplémentaire pour la fabrication et
le montage. Ce temps est économisé grâce au dispositif monopièce du demandeur.
M. Burke a signalé une deuxième caractéristique du dispositif, soit le réglage
du flotteur. Il a montré combine la vis montée facilite le réglage du flotteur.
Il a établi une comparaison entre cette facilité d'ajustement et les difficultés
inhérentes à l'emploi d'une vis de réglage montée horizontalement comme dans
le dispositif Powers. Dans le premier cas, la vis est beaucoup plus accessible,
ce qui permet un meilleur ajustement.
Dans la décision finale, il est déclaré que l'unique différence constitutive
entre le dispositif Powers et le dispositif de la présente demande est la
vis no 174 qui règle le niveau du liquide dans le réservoir. On a évoqué
les brevets Sherwood et Gray afin de montrer l'emploi d'une vis aux fins du
réglage de la position du flotteur. Tous deux font mention d'une vis de
réglage pour établir la limite inférieure du flotteur ce qui, en fait, sert à
déterminer le débit maximal dans le réservoir. Au premier abord, ces citations
peuvent sembler pertinentes. Toutefois, comme la vis de réglage n'a dans ces
cas aucun effet sur le niveau du flotteur en position élevée, elle ne régularise
pas le niveau supérieur ou de fonctionnement du fluide. Par conséquent, nous
avons conclu que le dispositif moulé de bouche d'arrivée d'eau et de coiffe
combinées à la pièce en forme de U qui forme l'appui pivotant du bras du
flotteur, ainsi que la vis de réglage, représentent vraiment un progrès technique.
Voyons maintenant la première revendication:
Voici comment se définit notre soupape à flotteur résistant
à la corrosion, qui est conçue pour un humidificateur. Il
s'agit d'une armature moulée en plastique synthérique comprenant
une bouche d'arrivée d'eau est une coiffe combinées. Les parois
latérales opposées de la coiffe sont espacées, rigides et à peu
près parallèles. La soupapes est soutenue par une pièce monobloc
en plastique synthétique qui pivote autour d'un axe transversal
et est munie d'une languette droite adaptée pour recevoir une
soupape rebondissante s'ajustant à la bouche d'arrivée d'eau.
Le support de la soupape est constitué dans sa partie antérieure
de ladite languette, dont les bras parallèles pivotants sont
respectivement adjacents aux parois latérales opposées de la
coiffe et reliés à celle-ci par un pivot. Un bras de flotteur
monopièce en plastique synthétique pivote sur le support d'appui
autour d'un axe parallèle espacé. Des pièces joignent ce bras
et le support pivotant autour du premier axe. On peut ainsi
mouvoir la soupape afin de fermer la bouche d'arrivée d'eau.
Cette revendication décrit une armature monopièce qui pivote vers les parois
de la coiffe et un bras de flotteur monopièce en plastique qui pivote vers le
support de la soupape. Le remplacement des pièces métalliques du brevet Powers
par des pièces toutes fabriquées de plastique n'a aucun effet inattendu.
En ce qui a trait à l'évaluation de cette revendication, la décision de la Cour
de l'Echiquier du Canada dans Van Heusen v. Tooke Bros. Ltd., Ex.C.R. (1929)
89 à 97, est pertinente:
Le simple fait d'adapter une idée grâce à un moyen très
bien connu à des fins bien connues ou évidentes dans une
technique connue, sans ingéniosité, même s'il peut mener
à l'amélioration d'un article qui, une fois amélioré,
supplantera un article déjà commercialisé ne constitue pas
une invention.
Et à la page 99:
On ne peut soutenir une demande de brevet ni obtenir de
brevet pour la simple utilisation d'un dispositif connu à
une fin nouvelle si l'on n'a fait preuve d'aucune ingéniosité
pour surmonter de nouvelles difficultés. En effet, si cette
nouvelle utilisation ne démontre aucune ingéniosité de la
part du demandeur et que le dispositif, malgré de légères
différences, demeure analogue à l'antériorité par sa forme
et son but, on ne peut parler d'invention.
...
La fabrication en tout ou en partie d'un dispositif au
moyen de matériaux mieux adaptés à l'emploi que les
matériaux de l'antériorité ne constitue pas une invention
et n'est pas brevetable à moins que le mode de fonctionne-
ment ne soit modifié.
Il s'ensuit que le fait de substituer à un matériau, un autre matériau qui ne
modifie en aucune manière la fonction ou l'usage de l'antériorité ne mérite
pas l'attribution d'un monopole d'exploitation à moins que l'inventeur, grâce
à son ingéniosité, ne soit le premier à résoudre des difficultés pratiques (ou
à voir de nouveaux avantages). Voir également Sommerville Paper Boxes Limited
v. Cormier Ex. C.R. (1941) 49.
Nous sommes d'avis que la première revendication de même que la deuxième re-
vendication, qui en découle, doivent être rejetées. En effet, le demandeur
n'a fait que remplacer par du plastique les éléments métalliques de l'antériorité.
A notre avis, les revendications 3 et 4 sont acceptables parce que, comme nous
l'avons indiqué, elles décrivent des caractéristiques qui représentent un
progrès brevetable dans la technique.
Lors de l'audience, une revendication indépendante 4 a été présentée afin d'être
étudiée conjointement avec les revendications dépendantes 5 et 6. Nous croyons
que la revendication 4 modifiée contient les éléments essentiels de l'invention
et qu'elle doit être acceptée en remplacement de la revendication 4 refusée
antérieurement. Les revendications 5 et 6 sont également acceptables parce
qu'elles ajoutent des caractéristiques supplémentaires, notamment la butée ver-
ticale et le bras rigide dépendant de la face arrière de la languette.
En résumé, nous sommes d'avis que le demandeur a réalisé un progrès brevetable
dans la technique et recommandons que la décision de rejeter sa demande soit
abrogée. De plus, nous recommandons que la décision de rejeter les revendications
1 et 2 soit confirmée et que la décision de rejeter les revendications 3 et 4
soit rejetée.
Le président de la
Commission d'appel des brevets, Canada
G.A. Asher
Ayant étudié la procédure d'examen de la présente demande et les conclusions
de la Commission d'appel des brevets, je refuse, par la présente, les reven-
dications 1 et 2. De plus, j'ordonne que le refus des revendications 3 et 4
ainsi que le refus de la demande soient abrogés. L'objet de l'invention traité
par les revendications 4, 5 et 6 modifiées est également acceptable. Confor-
mément à l'article 44 de la Loi sur les brevets, le demandeur dispose de six
mois au cours desquels il pourra supprimer les revendications 1 et 2. Si le
demandeur supprime les revendications 1 et 2, il doit modifier les revendications
subséquentes, c'est-à-dire corriger leur numération et inclure l'objet qui
figure présentement dans les revendications 1 et 2. Les revendications 4, 5 et
6 modifiées peuvent également être soumises à condition que l'examinateur déter-
mine si elles satisfont aux exigences relatives à la forme et à la précision.
Le Commissaire des brevets,
J.H.A. Gariépy
Mandataire du demandeur
Smart & Biggar
B.P. 2999, Station D
Ottawa, Canada
Fait à Hull (Québec)
ce 30e jour de novembre 1977