DECISION DU COMMISSAIRE
Evidence: Dispositif visant à séparer les substances magnétiques et non magnétiques.
Les substances sont transportées sur une première courroie en direction d'un
séparateur magnétique qui retire les substances magnétiques et les dépose sur
une deuxième courroie. Un jet d'air nettoie les substances magnétiques. Le
rejet de certaines des revendications est confirmé pour cause d'antériorité.
Décision finale: Confirmée.
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La décision porte sur une demande de révision par le Commissaire des brevets de
la décision finale de l'examinateur, datée du 15 mars 1976, demande 178489
(classe 209-57). La demande a été déposée le 9 août 1973, au nom de Milbourn L.
Smith et al.; elle est intitulée "air à contre-courant et séparation magnétique
dans un trieur à rebuts déchiquetés". Le 10 septembre 1977, le demandeur a annulé
une demande d'audition présentée antérieurement.
La demande porte sur un dispositif visant à séparer les substances magnétiques
et non magnétiques. Celles-ci sont transportées sur une première courroie en
direction d'un séparateur magnétique qui retire les substances magnétiques et les
dépose sur une deuxième courroie; au cours de cette même opération, les substances
non magnétiques tombent entre les deux courroies de transport en raison de la
gravité. On utilise aussi un jet d'air dans le but de retirer d'infimes quantités
de substances non magnétiques de la deuxième courroie de transport. Celles-ci
sont déposées entre les deux courroies accompagnées des autres substances non
magnétiques. La figure 1 ci-dessous décrit clairement le présent dispositif:
<IMG>
Dans la décision finale, l'examinateur a rejeté les revendications 1 à 5, 12,
13, 26 à 31 parce qu'elles ne comportent pas d'éléments brevetables par rapport
aux brevets suivants:
Brevets canadiens:
656,031 15 janvier 1963 Colburn
651,237 30 octobre 1962 Soper
Colburn diculgue l'utilisation d'un dispositif de séparation mécanique reliant
l'espace compris entre deux courroies de transport et doté d'une entrée et d'une
sortie au même niveau. Il préconise l'utilisation d'un jet d'air pour éliminer
les infimes quantités de substances non magnétiques. La figure 6 ci-dessous repré-
sente cette invention:
<IMG>
Le brevet Soper divulgue un dispositif de purification des substances sur une
courroie de transport sans fin, à l'aide de techniques de séparation magnétique.
Le brevet Soper est cité dans le but de démontrer que la séparation de substances
à l'aide d'un dispositif magnétique est pratique courante. La figure 5 ci-dessous
représente cette invention:
<IMG>
Dans sa décision finale, l'examinateur a justifié habilement son point de vue.
I1 déclare notamment:
...
Les revendications 1 à 5, 12 et 13 se distinguent de
l'antériorité principale parce que la deuxième courroie de
transport (bien qu'elle ne soit pas nécessairement sans fin)
est située au même niveau que la première courroie, et dans
cette description, un dispositif (pas nécessairement un jet
d'ait) visant à retirer les substances non magnétiques (pas
nécessairement les rebuts de papier) y est décrit.
Les experts en la matière y remédieraient certainement. Il
est à prévoir que l'utilisateur de l'invention Colburn ne
dispose pas de l'espace suffisant pour utiliser une courroie de
transport à déchargement de haut en bas. Pour contourner ledit
problème d'espace, les spécialiestes dans le domaine auraient
tout simplement à substituer une courroie de transport sans fin
(voir la courroie 21 dans le dispositif de Soper et al.) Bien
qu'il ne s'agisse pas d'une méthode universellement connue, les
spécialistes connaissent certainement le principe du nettoyage
au jet d'air qui chasse les débris, et nous retrouvons ce
principe à deux endroits dans le système divulgué dans l'anté-
riorité principale (pour le jet d'air voir 80 et 95). Bien que
le demandeur soit allé deux étapes de plus que le dispositif de
Colburn, ces étapes sont tellement évidentes que n'importe quel
ouvrier qualifié utilisant ce dispositif envisagerait les mêmes
solutions s'il était aux prises avec un problème d'espace ou
d'autres problèmes comme la distribution de produits propres dans
un endroit éloigné.
Les revendications 1 à 5, 12, 13, 26 à 31 sont refusées pour les
motifs suivants: les distinctions qui y sont décrites par rapport
à l'antériorité principale seraient naturellement établies par
les experts en la matière. Il a été démontré que les instruments,
les systèmes et les principes illustrant les distinctions établies
par le demandeur ont été prévues dans les antériorités citées et
font partie d'usages connus. La première distinction est
représentée par l'existence et les diverses possibilités d'utili-
sation d'une courroie de transport sans fin, la deuxième, par
l'existence d'un jet d'air nettoyant dans le dispositif Colburn.
...
Dans sa réponse à la décision finale de l'examinateur, le demandeur a modifié
la revendication 1 et il déclare (notamment):
...
L'examinateur fonde son rejet sur la figur 6 du brevet Colburn.
La figure 6 illustre une paire de courroies de transport, 56b
et 75; une bobine 67b est intégrée à la courroie 75. La bobine
est reliée à une source de courant alternatif 68b.
La courroie 75 comprent divers éléments 78 aimantables; ceux-ci
recueillent les particules magnétiques dans l'ensemble des
substances 59b transportées sur la face supérieure de la
courroie 56b. Au moment où une zone de démagnétisation
est crée par/la bobine 67b, les particules tombent dans la
trémie 70b et ce, à l'aide du jet d'air dirigé à partir
d'une buse 80.
A noter que la face supérieure de la courroie 56b est entourée
d'un cylindre 61b qui est relié à une source d'énergie 63b, ce
qui crée un champ magnétique près de la bobine 62b [voir
description page 14, ligne 23 et suivantes du brevet canadien.)
Dans le brevet Colburn, les deux courroies de transport 56b et
75 sont assorties de dispositifs magnétiques, ce que l'on ne
retrouve pas dans le mémoire descriptif de la présente demande
ni dans la revendication 1 où il est précisé que la deuxième
courroie ne comprend pas de dispositif magnétique.
Dans sa décision finale, page 2 paragraphe 1, l'examinateur précise
que l'entonnoir 70b constitue un transporteur. Bien que le
demandeur ne conteste pas le fait que 70b puisse tenir lieu de
transporteur, on constate que la courroie de transport 56b n'est
pas au même niveau que l'entonnoir 70b de la présente revendication
1. De plus les deux courroies ne transportent pas de substances
dans la même direction. Comme l'indique clairement la figure 6,
le transport des substances à travers l'entonnoir 70b se fait à
angle droit par rapport aux substances transportées sur la courroie
56b.
A la figure 6, la raison d'être du jet d'air 80 diffère grandement
de celle mentionnée dans la présente demande soit celle de retirer
les substances. Le jet d'air 80 retire ainsi les substances du
transporteur 75. Le dispositif décrit dans la revendications 1
retire d'infimes parties de substances non magnétiques de la
deuxième courroie de transport.
La question qui se pose est de savoir si les revendications 1 à 5, 12, 13,
26 à 31 constituent un progrès technique brevetable. La revendication 1 modifiée
se lit comme suit:
Dispositif visant à séparer des substances aimantables des
substances non aimantables renfermant un premier dispositif
mobile pour transporter lesdites substances le long d'une
première courroie, un deuxième dispositif mobile servant au
transport, sans aimant, adjacent à la première courroie et
utilisé pour le transport desdites substances le long d'un
deuxième oculoir pré-déterminé, habituellement au même niveau
que le premier; lesdites courroies (la première et la deuxième)
transportent lesdites substances le long desdits couloirs (le
premier et le deuxième) habituellement dans la même direction;
l'appareil est doté de dispositifs magnétiques entre la première
et la deuxième courroie de transport visant à retirer lesdites
substances aimantables de même que d'infimes parties desdites
substances non aimantables du premier dispositif de transport
et elle est déposée sur la deuxième courroie de transport, le
deuxième dispositif visant à retirer lesdites infimes parties
du deuxième dispositif de transport.
Nous avons étudié attentivement le déroulement de cette demande ainsi que les
points et les opinions soulevés par le demandeur. Nous constatons cependant que
la réponse à la décision finale contient de nombreux points qui justifient des
distinctions par rapport aux autres inventions. Nous devons toutefois tenir
compte que dans le cas d'une invention brevetable, celle-ci doit présenter en plus
du caractère de la nouveauté, celui de l'ingéniosité (voir Micro Nordstrom vs
Comer (1942) R.C.E. p. 135). Il aurait donc lieu d'analyser l'antériorité citée,
d'évaluer son effet cumulatif (voir De Frees and Betts Machine Co. vs D.A. Acc.
Ltd. 25 Fox Pat. C. 58 à 59) et d'essayer de déterminer par la suite s'il existe
des points brevetables dans les revendications rejetées.
Après avoir fait l'étude de l'invention de Colburn, nous estimons que le principe
de base, soit de séparer des substances non magnétiques en les faisant circuler
sur une courroie de transport en direction d'un séparateur magnétique qui à son
tour retire les substances magnétiques de l'ensemble est un principe déjà connu.
L'utilisation de jets d'air à des fins de nettoyage etc., n'est pas nouvelle.
(Ex: voir jet d'air 80 à la figure 6 ci-dessus). Nous avons constaté que tous
les éléments essentiels sont déjà connus. Tout progrès technique brevetable doit
donc se situer au niveau d'une nouvelle combinaison d'éléments dont la réalisation
a nécessité une somme importante d'ingéniosité. Nous devons par conséquent
examiner minutieusement les revendications sur la combinaison d'éléments et ce,
en fonction de la difficulté et de l'improbabilité de justifier une invention à
la suite de regroupement d'éléments connus. En dernier lieu, il s'agit de détermi-
ner si la combinaison est manifeste ou pas.
Le demandeur déclare notamment "... à la suite d'une analyse du genre de celle
pratiquée par l'examinateur, il est impossible d'en arriver à une autre
conclusion que celle-ci: aucun système n'est digne de mériter le titre d'inven-
tion." Par contre, les faits contredisent cet énoncé car l'examinateur a
reconnu que les revendications 6 à 11 et 14 à 25 sont légitimes.
Le demandeur souligne que dans le brevet Soper, les courroies de transport
ne sont pas au même niveau et qu'elles ne déplacent pas de substances dans
la même direction. Dans cette invention, l'utilisation de courroies de
transport sans fin est démontrée dans le cas de séparation de substances magné-
tiques. Nous estimons qu'il importe peu que les courroies de transport soient
au même niveau ou pas, car l'association conceptuelle y est évidente. Les
hommes de métier n'éprouveraient aucune difficulté à rendre un dispositif de
ce genre utilisable.
Le demandeur soutient que dans son système, le jet d'air agit à titre de séparateur
par opposition à l'air expulsé de la buse 80 qui sert à des fins de dégagement.
A notre avis, il s'agit tout simplement d'un problème de sémantique. Dans
l'antériorité citée, le jet d'air retire des particules de la surface de la
courroie tandis que dans la présente demande, celui-ci sert à retirer des particu-
les des substances magnétiques transportées sur la courroie. S'il s'avérait
nécessaire d'y retirer les particules de poussière, le brevet Colburn fournirait
des solutions précises à ce problème (voir dispositif du jet d'ait 80 - figure
6 - ci-dessus).
Le demandeur déclare ne pas comprendre pourquoi l'examinateur a cité l'invention
Soper. Il s'agissait d'illustrer les usages connus dans ce domaine. Soper
divulgue un moyen de purifier les substances transportées sur une courroie sans
fin à l'aide de séparateurs magnétiques.
Le demandeur a abordé le problème d'espace que pose l'invention Colburn, c'est-à-
dire la longueur. Il prétend à juste titre qu'une trémie serait préférable.
Imaginons un problème de hauteur dans le dispositif Colburn en prétendant qu'il
n'y a pas assez d'espace pour la partie inférieure de 70b, les experts en la
matière solutionneraient ce problème de différentes manières. Ils pourraient
incliner 70b, le remplacer par un déversoir profilé en forme de "U" ou à la
manière de Soper (figure 5), utiliser une courroie de transport sans fin. Il
s'agit de méthodes utilisées actuellement, et les hommes de métier n'ont pas
besoin d'avoir recours à l'ingéniosité.
Nous allons maintenant analyser les réclamations. La première porte uniquement
sur deux courroies de transport sans fin, parallèles, coplanaires fixées en vue
d'une rotation codirectionnelle et séparées par un espace. Un transporteur
magnétique circule au-dessus de cet espace afin de retirer les substances magné-
tiques de la première courroie de transport et de les déposer sur la deuxième.
Un jet d'air est utilisé pour séparer les substances non magnétiques (entre autres
les particules bloquées) des substances magnétiques que l'on trouve sur la deu-
xième courroie de transport. Les substances non magnétiques transportées sur la
première courroie sont déversées dans l'espace. Le demandeur souligne d'autres
points, entre autres le fait que les substances sont transportées dans la même
direction ou, en d'autres termes, les courroies de transport sont au même niveau.
Dans l'antériorité ci-dessus mentionnée, nous avons étudié les systèmes de
courroies sans fin, c'est-à-dire trois courroies de transport actionnées ensemble
et dotées d'au moins un espace et d'un dispositif (jet d'air) fixé sur une des
courrroies à des fins de nettoyage. Dans l'invention Colburn, l'une des princi-
pales distinctions se situe au niveau de l'une des courroies de transport qui
déverse les substances dans un entonnoir. Le fait de substituer une courroie de
transport sans fin à la place d'un entonnoir est uniquement une question de goût.
Dans l'invention Soper, une courroie sans fin transporte les particules magnétiques
jusqu'à un espace prévu pour l'emmagasinage. Il existe une autre différence au
niveau du système de nettoyage au jet d'air; ce principe de nettoyage est
universel et, dans la présente demande, il est tout simplement disposé d'une autre
manière.
A la suite de la présente analyse, nous ne sommes pas convaincus que la revendi-
cation 1 constitue un progrès brevetable. A notre avis, cette demande ne justifie
aucun degré d'ingéniosité. On ne peut accorder un brevet uniquement pour faciliter
la tâche des hommes de métier lorsque ceux-ci disposent déjà des moyens nécessaires.
A notre avis, nous ne pouvons usurper les droits des hommes de métier dans ce
domaine pour accorder un monopole en fonction des principes énoncés dans la reven-
dication 1. Nous recommandons le rejet de la revendication 1.
Les revendications 2 à 5, 12 et 13 directement ou indirectement rattachées à la
revendication 1, suggèrent des modifications de conception et de structure. Les
motifs évoqués dans le rejet de la revendication 1 demeurent les mêmes pour ces
revendications qui sont aussi rejetées.
Les revendications 26 à 31, directement ou indirectement rattachées à la
revendication 1, précisent différentes méthodes de séparation magnétique.
Celles-ci n'agrémentent en rien la revendication 1 et ne justifient nullement
une combinaison brevetable. Ces revendicatins sont aussi rejetées.
Nous sommes convaincus que les revendications 1 à 5, 12, 13, 26 à 31 ne
divulguent aucunement un progrès technique brevetable. Nous recommandons que
soit confirmée la décision de l'examinateur de rejeter les revendications.
Le président adjoint
Commission d'appel des brevets
J.F. Hughes
J'ai analysé la présente demande et je souscris aux recommandations de la
Commission d'appel des brevets. Je refuse donc de concéder un brevet pour les
revendications 1 à 5, 12, 13 et 26 à 31. J'accpete cependant les revendications
6 à 11 et 14 à 25. Le demandeur a six mois pour annuler les revendications
rejetées et présenter la modification appropriée; il peut aussi en appeler de la
présente décision, conformément aux dispositions de l'article 44 de la Loi sur
les brevets.
Le Commissaire des brevets
J.H.A. Gariépy
Daté à Hull (Québec)
ce 20e jour d'octobre 1977