DÉCISION DU COMMISSAIRE
ÉVIDENCE: Dispositif d'ancrage à cheville
On connaît l'utilisation d'un élément extenseur conique qui s'adapte à la
paroi intérieure de la cheville expansible. Le dispositif du demandeur possède
un corps cylindrique dont la surface extérieure est lisse dans sa partie
expansible pour améliorer la capacité de fixation par rapport aux réalisations
antérieures dont les surfaces extérieures étaient nervurées ou striées. L'évi-
dence présentée lors de l'audience, après la décision finale, a mis en évidence
des avantages inattendus de la nouvelle cheville.
Décision finale: Renversée
*********************************
La présente décision concerne une demande de révision par le Commissaire des
brevets de la décision finale de l'examinateur en date du 12 janvier 1976 au
sujet de la demande 152,192 (classe 85-5.3). La demande, qui s'intitule
"Cheville à écartement", (Straddling Dowel) a été déposée le 20 septembre 1972.
La Commission d'appel des brevets a tenu une audience le 17 août 1977 à laquelle
assistait M. G. Ralston, représentant du demandeur.
La demande porte sur un dispositif d'ancrage du genre à cheville à écartement
utilisée pour fixer la pointe d'un boulon dans un trou percé dans le roc ou le
béton. La cheville présente une surface extérieure lisse et une surface
intérieure conique et elle possède un élément extenseur tronconique. La figure
suivante montre un dessin de la cheville du demandeur.
<IMG>
Dans sa décision, l'examinateur a refusé la demande parce qu'elle n'apportait
aucune amélioration brevetable par rapport aux brevets suivants:
Canada 818,833 29 juillet 1969 Williams
Belgique 564,476 28 février 1958 Berbaustahl
Angleterre 1,186,035 2 avril 1970 Fischer
Etats-Unis 1,000,715 15 août 1911 Caywood
2,616,328 5 novembre 1952 Kingsmore
3,042,961 10 juillet 1962 Tieri
2,479,075 16 août 1949 Martin
3,042,094 3 juillet 1962 Liljeberg
Le brevet Williams porte sur un dispositif d'ancrage pour le boulonnage de toit,
muni d'une tige filetée, d'un élément extenseur conique dont le filetage
intérieur reçoit la tige filetée et d'une cheville expansible dont la paroi
latérale intérieure appuie normalement sur la paroi latérale de l'élément
extenseur. On peut voir ici les figures 1 et 6 du brevet Williams:
<IMGS>
Le brevet Caywood porte sur une cheville d'ancrage à insérer dans un trou foré
dans un mur. On peut voir ci-après la figure 1 de sa demande de brevet.
<IMG>
Les brevets Fischer et Bergbaustahl concernent tous les deux un boulon
de fixation qui permet l'ancrage dans un trou. La partie expansible comporte
des dentelures périphériques qui l'assujettissent à la paroi de la cavité.
On voit ici la figure 4 du brevet Fischer.
<IMG>
Le brevet Kingsmore propose un dispositif d'ancrage dont la partie noyée prend
son expansion au moyen d'un boulon qu'on y insère. On peut voir ci-après la
figure 3(a) du brevet.
<IMG>
Les brevets Liljeberg et Martin portent tous deux sur des dispositifs d'ancrage
pour boulons dont la partie femelle filetée utilise un dispositif extenseur
à vis de blocage pour retenir un boulon creux en place.
Le brevet Tieri porte sur une charnière de monture de lunettes munie d'un
cylindre déformable expansible comme axe.
Dans sa décision finale, l'examinateur donna les raisons suivantes (entre
autres) pour motiver son rejet:
...
Le brevet Caywood fait mention d'une cheville expansible dont
la partie centrale est cylindrique, la tête conique est plus
grande et la pointe a une surface extérieure conique, comme dans
le cas du dispositif du demandeur. La partie expansible porte
des rainures sur sa surface extérieure et est munie d'une
cavité pyramidale destinée à recevoir un coin-extenseur; ces
deux dernières caractéristiques sont différentes de celles du
dispositif du demandeur.
Le brevet Kingsmore rappelle le dispositif du demandeur du fait
que la pointe est arrondie, donc réduite; l'angle de la cavité
tronconique de la cheville est légèrement différent de celui de
l'organe extenseur et la partie centrale de la cheville est
cylindrique, lisse ou nervurée, comme le montre la figure 3a.
La cheville de Tieri, comme le montre particulièrement la figure
2, rappelle celle du demandeur du fait que sa portion centrale est
cylindrique, sa pointe est cylindrique tout en étant de diamètre
réduit, sa tête conique est plus grande et la cavité est conique.
Cependant, le dispositif de Tieri n'est pas rainuré et l'organe
extenseur est cylindrique, au contraire du dispositif du demandeur.
Dans le brevet Martin, il s'agit d'une vis de blocage qui est
formée d'un trou conique dans une cheville et d'un organe extenseur
tronconique qui s'y ajuste, ce qui est l'une des principales ca-
ractéristiques du dispositif du demandeur.
Liljeberg utilise la caractéristique mentionnée ci-dessus pour
une vis de blocage et des rainures radiales dans la partie
expansible de la vis.
Le brever Fischer fait état d'un boulon d'ancrage dont les
caractéristiques sont communes à celles du dispositif du demandeur,
soit des rainures dans la partie expansible de la cheville et la
pointe conique de l'organe extenseur qui s'ajuste au resserrement
conique de la cheville.
Le brevet Bergbaustahl propose un boulon de toit dont l'extrémité
filetée est tronconique et conçue pour s'ajuster à la cavité
filetée et conique de la cheville pour former un ensemble avec
l'extrémité de ce boulon. La cheville est rainurée et la surface
des extrémités est biseautée.
Le brevet Williams porte sur un dispositif d'ancrage de toit qui
utilise un boulon expansible conique dont le mouvement axial,
lorsqu'il est entraîné par une tige filetée, sert à évaser la
cheville expansible rainurée dont la surface extérieure cylindrique
est lisse; la cheville possède une cavité conique dont l'angle est
le même que celui du cône. Ce brevet mentionne, à la page 1,
paragraphe 3:
"Des problèmes se sont posés dans les cas où la roche
était tendre ou élastique ou quand la prise du
béton n'était pas terminée."
...
A la suite de la décision finale, le demandeur a remis une déclaration assermen-
tée dont voici un extrait:
Dans sa décison officielle du 12 janvier 1976, en haut de la
page 2, l'examinateur résume les mentions du demandeur en six
(6) lignes.
Il s'agit là d'une simplification excessive de l'invention
qui possède les caractéristiques définies textuellement dans
la demande de brevet. Réduire à six (6) lignes une demande
de brevet qui comporte deux (2) pages fait que le processus
de rédaction et le cheminement d'une demande de brevet perdent
leur signification.
S'il était possible de définir en six (6) lignes une invention
complexe de ce genre, le travail serait grandement simplifié
pour les agents et les examinateurs. L'expérience démontre
qu'il n'est pas possible de simplifier à ce point une invention.
Quel avantage peut-on tirer à rédiger des demandes de brevets
si l'examinateur doit par la suite tout simplement ne pas en
tenir compte? Si un juge de la Cour fédérale devait agir ainsi
dans une poursuite relative à un brevet, les raisons motivant
son jugement seraient sérieusement critiquées en appel. Ainsi,
il est instructif de comparer le texte du haut de la page 2 de
la décision du 12 janvier 1976 à celui qui figure au bas de la
page 1 jusqu'au milieu de la page 2 de la décision du 7 mai 1975.
On remarquerait alors que dans la décision du 7 mai 1975,
l'examinateur a choisi dix (10) caractéristiques distinctes de
l'invention. Dans la décision plus récente du 12 janvier 1976,
l'examinateur n'en a choisi que deux (2).
De la présente, les décisions simplifient toutes deux à outrance
et ne tiennent pas compte de la formulation des demandes de
brevet. Néanmoins, des deux décisions, celle du 7 mai 1975
est certainement préférable.
...
De plus, on note que ces quatre renvois ne sont cités que pour
mettre en évidence la caractéristique de similitude des angles
de cône. Les autres caractéristiques de l'invention du demandeur
ne sont pas mentionnées. La présente a pour seul but de fragmenter
les brevets pour produire une synthèse de l'invention du demandeur.
Nulle part dans l'un ou l'autre de ces brevets; n'est-il fait
mention qu'une caractéristique peut être adaptée d'un brevet à
un autre. Rien non plus ne laisse suggérer qu'une caractéristique,
par exemple l'utilisation d'angles de cônes similaires, représente
une amélioration par rapport aux dispositifs expansibles antérieurs.
Les brevets mentionnés en dernier lieu sont tout simplement des
documents choisis par l'examinateur aux seules fins d'appuyer
un argument préconçu. C'est là une façon tout à fait erronée
d'aborder la question des brevets. Il a souvent été établi que
toutes les réalisations antérieures doivent être examinées pour
déterminer s'il existe des améliorations brevetables dans toute
invention au moment où celle-ci est réalisée.
Dans le présent cas, l'examinateur n'a rien fait de tout cela.
Après avoir lu et bien compris la demande de brevets du demandeur,
il s'est tout simplement rendu aux archives du bureau des brevets
et a choisi les brevets qui lui ont semblé porter sur les mêmes
dispositifs que ceux que comportent l'invention du demandeur.
Nous avons étudié minutieusement cette demande et tenu compte des remarques
détaillées faites par M. Ralston lors de l'audience.
La question qui se pose à la Commission est de savoir si le demandeur a
apporté une amélioration brevetable aux antécédents cités.
Selon le demandeur, son dispositif fournit une plus grande résistance à
l'extraction que celle des dispositifs antérieurs grâce aux caractéristiques
suivantes:
1) l'angle de la cavité de la partie expansible de la cheville
est le même que celui de l'organe expanseur tronconique.
2) La surface extérieure de la partie expansible de la cheville
est lisse, sans nervures ni rainures.
3) La pointe de la partie expansible est d'un diamètre réduit de
façon à ce que cette partie expansible de la cheville n'entre
pas en contact immédiat avec la roche jusqu'à ce que l'organe
extenseur ait été introduit profondément dans la partie
expansible de la cheville.
Pour la première caractéristique, soit un organe extenseur conique qui s'adapte
à la paroi intérieure de la cheville, nous considérons qu'il s'agit là d'un
moyen bien connu pour écarter la partie expansible de la cheville. Ce moyen
est d'ailleurs utilisé dans les brevets Fischer, Bergbaustahl, Caywood et
Kingsmore.
L'utilisation d'une surface extérieure cylindrique et lisse dans la partie
expansible de la cheville était, au dire du demandeur, un facteur important
pour augmenter la capacité de fixation. Il soutenait que les nervures ou des
rainures utilisées par les dispositifs antérieurs sur la surface extérieure de
la partie expansible provoquent des pointes de fatigue qui écrasent la paroi
intérieure du trou, réduisant ainsi la capacité de fixation. En étudiant le
dispositif de Williams, nous constations que son boulon d'ancrage de toit
possède une surface extérieure lisses qui doit être comprimée contre la paroi
intérieure du trou, mais Williams n'indique pas si cela augmente la capacité
de fixation. Il semble que Williams ait tenu compte du dispositif d'ancrage de
toit antérieur dont le cône extenseur traverse toute la cheville et il a conçu
un épaulement dans la cheville pour remédier à ce problème. Le brevet délivré
à Williams concerne un ancrage d'un autre genre qui est écarté depuis l'intérieur
du trou par un organe extenseur se dirigeant vers la surface du trou à l'encontre
de ce que préconise la présente demande où l'organe extenseur s'éloigen de la
surface du trou. Cependant, le principe de la surface extérieure cylindrique
et lisse est évident.
La troisième caractéristique sur laquelle le demandeur insiste est la partie
du diamètre extérieur réduit à l'extrémité de la partie expansible. Le brevet
Tieri mentionne l'utilisation d'un diamètre réduit dans sa cheville cylindrique
déformable mais il s'agit là d'une construction â cheville rivetée. Nous ne
trouvons aucun diamètre réduit comparable dans tout le reste des réalisations
antérieures.
Une déclaration assermentée de M. Christian Giesler (ingénieur chez Hilti)
accompagnait la demande de révision. Selon cette déclaration, la plus grande capacité
de fixation de la cheville du demandeur résulte de la combinaison des trois ca-
ractéristiques mentionnées ci-dessus. Cependant, la déclaration assermentée ne
comportait aucune donnée d'essais confirmant que la capacité de fixation serait
accrue et, lors de l'audience, on demanda à M. Ralston de fournir ces données.
Nous avons maintenant reçu ces renseignements et les avons étudiés avec les dé-
clarations assermentées et les arguments présentés lors de l'audience.
Les nouvelles données semblent confirmer que le pouvoir de fixation moyen de la
cheville du demandeur est de 12 à 58% plus élevé que celui des chevilles à
rainures ou à nervures. Pour expliquer ce point, nous reproduisons le tableau
suivant tiré du HILTI International Technical Information Bulletin NR667-13, page
4, section 5.1:
Dimension Capacité de fixation moyenne
HKD TZD
1/4W (M6) 2100 lb (950 kgf) 1320 lb (600 kgf)
5/16W (M8) 3000 lb (1350 kgf) 2400 lb (1100 kgf)
3/8W (M10) 4300 lb (1950 kgf) 3850 lb (1750 kgf)
1/2W (M12) 6400 lb (2900 kgf) 5000 lb (2300 kgf)
5/8W (M16) 8000 lb (3650 kgf) 7150 lb (3250 kgf)
3/4W (M20) 13000 lb (5900 kgf) 10500 lb (4800 kgf)
Nous concluons que la surface cylindrique extérieure lisse avec les surfaces
intérieures similaires dans la partie expansible et un diamètre réduit de la pointe
du cylindre améliorent en effet la capacité de fixation.
La demande 1 a été modifiée à la suite de la décision finale. Cette demande
se lit maintenant comme suit:
Une cheville à écartement composée d'un manchon métallique
muni d'une tête et d'une pointe qui est insérée en premier
dans un trou destiné à recevoir la cheville; un trou
traverse le manchon de la pointe à la tête; ledit manchon
possède une partie expansible qui va de la pointe et en
direction opposée de celle-ci de manière à ce que la
paroi dudit manchon puisse être écartée pour s'accrocher à
la paroi intérieure du trou; ledit manchon porte, sur une
longueur donnée depuis sa pointe, des rainures axiales dont la
longueur détermine la longueur de la partie expansible du
manchon; la cheville comprend un organe extenseur qu'il faut
insérer depuis la tête dans la cavité intérieure continue et
qu'il faut déplacer, dans cette cavité, vers la pointe pour
provoquer l'écartement; l'amélioration réside dans le fait que
la cavité continue du manchon a la forme d'un tronc de cône
dont la partie réduite se trouve à la pointe et à la partie la
plus grande, légèrement plus près de la tête que l'extrémité
des rainures mentionnées; la surface extérieure de la partie
expansible dudit manchon est cylindrique et lisse; une partie
dudit organe extenseur a une forme tronconique dont l'extrémité
se trouve à l'arrière de sa pointe la plus rapprochée de la
pointe de la cheville dont il provoque l'expansion dans sa
partie expansible; la partie tronconique dudit organe extenseur
possède un angle correspondant à celui de la partie tronconique
de la cavité de la pointe du manchon, de façon à permettre audit
organe extenseur de s'adapter étroitement à la surface corres-
pondante de la cavité avant d'être poussé sur ladite surface vers
la pointe dans ladite cavité et ainsi assurer une expansion
régulière de la partie expansible dudit manchon jusqu'à un
diamètre plus grand qui est essentiellement le même pour toute
la partie expansible; après l'insertion dudit organe extenseur
dans la cavité, la longueur de la partie tronconique dudit
extenseur étant une partie de la longueur de la cavité tronconique
de la pointe de façon à ce que ledit extenseur, avant son intro-
duction dans la cavité vers cette pointe pour en provoquer
l'expansion, la pointe de l'extenseur tronconique se trouve à
une certaine distance de la pointe de la cheville, la partie qui
sépare la pointe et la tête dudit manchon et comprend la partie
expansible qui est de forme cylindrique; la partie extrême de la
surface extérieure dudit manchon, qui se situe entre la pointe et
la surface cylindrique de ladite partie centrale est séparée de la
partie cylindrique par une rainure radiale concave qui laisse une
partie cylindrique de rayon moindre qui, lors de l'expansion,
empêche la pointe d'être élargie à un diamètre supérieur à celui
de la cavité intérieure; la surface extérieure de la partie extrême,
juste avant la pointe, n'est pas plus longue que la distance qui
sépare la pointe dudit organe extenseur et la pointe du manchon
lorsque l'organe extenseur est en contact avec la cavité conique
sans être enfoncé dans ladite pointe; enfin, le plan du mentonnet
de la partie cylindrique, au point o~ elle rejoint ladite partie
cylindrique forme un angle avec cette dernière.
Cette revendication comprend les dispositifs dont nous venons de discuter.
L'examinateur canadien ne disposait pas des nouvelles données concernant la
résistance à l'extraction quant il a évalué la brevetabilité. A la lumière
de ces données, nous concluons qu'il existe un certain degré d'incertitude et
que la nouvelle réclamation 1 prévient les objections de la décision finale.
Par conséquent, nous recommandons que la réclamation 1 modifiée soit acceptée
ainsi que les réclamations 2, 3 et 4 conséquentes.
Le président de la
Commission d'appel des brevets, Canada
G.A. Asher
Ayant étudié le cheminement de cette demande, les modifications proposées et
les nouveaux résultats de test fournis par le demandeur, j'ordonne que la demande
soit retournée à l'examinateur. L'étude devrait être reprise parce que les
modifications annulent les objections antérieures de l'examinateur.
Le Commissaire des brevets
J.H.A. Gariépy
Mandataire du demandeur
G.A. Rolston
C.P. 2075
20 Eglinton Avenue West
Yonge-Eglinton Centre
Toronto (Ontario)
M4R 1K8
Fait à Hull, Québec
ce 18e jour de novembre 1977