DECISION DU COMMISSAIRE
Evidence: Chaise de secrétariat
Le demandeur utilise comme support du dossier de la chaise le fourreau inté-
rieur de l'assemblage à caoutchouc de torsion. L'état de la technique consis-
tait jusqu'alors à utiliser pour ce faire le manchon extérieur du caoutchouc
de torsion. Cette disposition permet de cacher les parties mécaniques à l'in-
térieur du siège mais il s'agit là d'une question de forme et non d'une inven-
tion.
Décision finale: Confirmée
************************
La présente décision porte sur une demande en révision présentée au Commissaire
des brevets au sujet de la décision finale prise par l'examinateur en date du
21 novembre 1975 en ce qui concerne la demande numéro 140,872 (Classe 155-48)
La demande a été déposée le 28 avril 1972 au nom de Bernard J. Fries sous le
titre "chaise". La Commission d'appel des brevets a tenu audience le 9 septem-
bre 1977, le demandeur étant représenté par M. A. Graham et ainsi que par M.
J. Mitchell (son représentant américain).
Dans cette demande le demandeur cherche à obtenir un brevet pour une chaise
de bureau à dossier inclinable. Il revendique plus précisément l'invention
d'une chaise de secrétariat équipée d'un dossier réglable pouvant s'incliner
par rapport au siège. Le dispositif permettant de régler et de limiter le
degré d'inclinaison est encastré à l'intérieur d'un renfoncement du siège
recouvert d'une enveloppe en plastique moulé qui cache aux yeux de l'obser-
vateur le mécanisme de fonctionnement de la chaise lorsqu'elle celle-ci est
vue de profil. Il s'agit donc d'une solution beaucoup plus esthétique que
lorsque le mécanisme est situé à l'extérieur de la chaise. Les figures 1 et 8
illustrent la demande.
<IMG>
Dans sa décision finale l'examinateur a refusé les demandes, estimant
qu'il ne s'agissait pas là d'une matière brevetable compte tenu de l'exis-
tence des brevets suivants:
Etats-Unis
3,111,343 19 novembre 1963 Pearson
Canada
669,631 3 septembre 1963 Lie
71,339 14 mai 1901 Frazer
Le brevet Pearson s'applique lui aussi à une chaise de secrétariat.
Le mécanisme de réglage de cette chaise est caché dans le support du siège
fixé à la base pivotante par l'intermédiaire d'un moyeu. Les figures 1 et
3 du brevet Pearson sont indiquées ci-dessous.
<IMG>
Le brevet Lie décrit une chaise de secrétariat dans laquelle un assemblage
par pivot et barre de torsion permet de contrôler l'inclinaison du dossier
de la chaise. Son invention est illustrée par les figures 3 et 6.
<IMG>
Le brevet Frazer s'applique à une chaise dans laquelle le dossier pivotant
et inclinable est réglé par un ressort à boudin monté sous le siège.
Dans sa décision finale, l'examinateur a déclaré (en partie):
Le brevet accordé à Frazer... présente un macanisme relativement plat
permettant de régler à l'avance le mouvement pivotant du dossier de
la chaise. Ce dispositif permet aussi de régler à l'avance les mouve-
ments du dossier vers l'avant et vers l'arrière.
Nous considérons qu'il est tout à fait évident de penser à recouvrir
la partie pivotante, peu esthétique, d'une coque en plastique simple-
ment surajoutée et dont l'usage est expliqué ainsi dans la réponse
du demandeur du 3 décembre 1973:
"L'enveloppe n'a rien à voir avec le mécanisme de réglage de la
chaise, elle ne sert qu'à le cacher; elle n'a absolument rien à
voir avec le fonctionnement du mécanisme de réglage de la chaise".
Le demandeur affirme que ce principe n'est en rien divulgué ou suggéré
par l'état antérieur de la technique.
Il est possible de répondre à cet argument que l'utilisation d'enveloppes
en tissus, en vinyl, en plastique moulé ou en métal est courante lorsqu'il
s'agit de cacher les pièces peu esthétiques et que cette utilisation n'est
en rien une invention.
Le fait de recouvrir la partie pivotante décrite dans le brevet de Frazer
ne produit qu'un résultat qui tombe sous le sens, soit l'amélioration de
l'aspect de la chaise lorsqu'elle est vue de profil, selon l'explication
donnée par le demandeur. Il ne s'ensuit pas pour autant un meilleur fonc-
tionnement ou même un fonctionnement différent de la chaise. En outre,
le brevet concédé à Lie montre à la figure 6 une chaise vue de profil dans
laquelle le système de réglage de la figure 3 est caché par le cadre-support
(12).
D'autres détails des revendications concernant le dispositif de torsion
pivotant revêtent un caractère évident si l'on considère que le brevet
Pearson fait état d'un dispositif de torsion avec caoutchouc ayant une
partie intérieure et une partie extérieure, le support du dossier étant
figé à la partie extérieure. L'utilisation d'un mentonnet dépassant de
l'étrier de montage du support de dossier est évidente si l'on considère
les butées dont fait état le brevet Lie. L'utilisation de butées en tant
qu'arrêt est bien connu.
Toutes les revendications sont en conséquence rejetées et considérées
comme non brevetables compte tenu des antériorités en l'espèce.
On ne peut considérer comme une invention le fait de simplement recouvrir
une partie mécanique peu esthétique. Les avantages présentés par une
enveloppe servant de couverture sont très bien exposés dans le brevet de
Pearson. Le demandeur argue du fait que les formes de cette enveloppe sont
adaptées à celles de la coque du siège. Toutefois, il ne s'agit là que
d'une question d'aspect et la conception esthétique n'est pas en soi breve-
table.
Dans ses réponses à la décision finale le demandeur a affirmé (entre autres):
En raison du fait que l'enveloppe décrite par la revendication 1
d'ordre général s'écarte de la configuration de la coque intérieure,
c'est elle qui définit la forme de la chaise. Au lieu d'épouser la
forme du dispositif de réglage de la chaise, ce qui en ferait une sim-
ple couverture, l'enveloppe extérieure utilisée dans la présente inven-
tion délimite en fait un logement caché permettant d'abriter le dispo-
sitif de réglage de la chaise. Il est possible d'installer le disposi-
tif de réglage dans ce logement puis d'y avoir accès par la suite lors-
que cela est nécessaire grâce à l'existence d'une ouverture pratiquée
dans l'enveloppe, indépendamment de la coque.
Ce principe n'est en rien exposé dans l'état antérieur de la technique.
L'examinateur déclare que les avantages d'une enveloppe sont très bien
exposés dans le brevet Pearson. Toutefois, Pearson n'emploie pas d'en-
veloppe, il se contente de faire appel à un dispositif de torsion clas-
sique dont le logement 3 présente une partie inclinée vers l'avant.
Le logement 3 est en lui-même indispensable au soutien du dispositif de
réglage. Le logement de soutien 3 du brevet Pearson est indispensable
si l'on veut que le dispositif de réglage fonctionne. Ce réglage n'est
pas indépendant du logement de soutien 3, ces deux éléments faisant en
fait partie intégrante du dispositif de réglage. Le logement 3
préfigure, et est en fait un logement de soutien du dispositif de réglage;
en outre, il est clairement visible sur la chaise de Pearson.
On peut en dire de même du brevet Lie. Le cadre 12 de la chaise Lie que
l'examinateur mentionne en passant ne ressemble certainement pas à une
enveloppe dont le profil s'écarte de la coque de la chaise afin de ména-
ger un logement encastré entre l'enveloppe et la coque. Ce logement encas-
tré n'existe pas dans le brevet Lie; en réalité le dispositif de réglage
de la chaise décrite par le brevet Lie est nettement visible lorsque cette
chaise est vue de profil (voir figure 3 et figure 6).
Le mécanisme de réglage de la chaise décrite par le brevet Frazer est
lui aussi nettement visible. Ce brevet ne décrit rien qui puisse se
comparer à une enveloppe paraissant servir de support au siège mais qui
dans les faits s'écarte de la coque servant réellement de support afin de
ménager un logement caché permettant d'abriter le mécanisme de contrôle
de la chaise.
...
Le principe qui consiste à fixer la partie intérieure sur le logement de
soutien, en permettant à la partie extérieure de tourner lorsque l'on in-
cline le système d'assemblage inclinable, et le fait de monter l'étrier
d'assemblage du dispositif inclinable à l'extrémité de la partie intérieure
entre les extrémités de la partie extérieure et du logement et non au-dessus
de la partie extérieure, n'est en aucune manière exposée par Pearson.
De la même manière on ne trouve rien dans le brevet Pearson qui ressemble
de près ou de loin à des mentonnets de butée dépassant des étriers de
montage inclinables afin de s'engager dans les plaques supérieures et infé-
rieures du support pivotant.
Par ailleurs, ces dispositifs ne figurent pas dans le brevet Lie. Le brevet
Lie s'applique à un dispositif de réglage de torsion totalement différent
qui fait appel à une barre de torsion et non à deux parties, l'une extérieure
l'autre intérieure, séparée par une garniture en caoutchouc. En outre le
dispositif de butée utilisé par Lie ne fait pas appel à des mentonnets dépas-
sant d'un étrier de montage mais plutôt à un étrier distinct fixé sur l'é-
trier de montage inclinable dont les rebords s'étendent entre les parties
supérieures et inférieures du support de pivot.
De la même manière le brevet Fraser n'est pas opposable aux carastéris-
tiques originales de la présente invention. Le brevet Fraser se conten-
te de divulguer un mécanisme archaïque à ressort à boudin.
Nous avons examiné la suite donnée à cette demande ainsi que les arguments
présentés lors de l'audience. Il s'agit de savoir pour la Commission si
la demande porte sur un perfectionnement brevetable compte tenu de l'état
de la technique ou si au contraire elle revêt un caractère évident. La reven-
dication 1 de la demande se lit comme suit:
Il s'agit d'une chaise perfectionnée composée d'un piètement, d'un
siège et d'un dispositif de réglage permettant de régler l'inclinaison
d'une partie au moins de cette chaise, le perfectionnement étant le
suivant: le siège se compose d'une coque interne et d'une enveloppe en
plastique moulé recouvrant au moins une partie de la coque; le disposi-
tif de réglage est fixé à la coque et peut fonctionner indépendamment
de l'enveloppe lorsqu'il est monté sur la coque; le profil de l'enveloppe
s'écarte vers le bas de celui de la coque, formant ainsi un logement encas-
tré entre les deux qui permet d'abriter le mécanisme de réglage désormais
caché au-dessous du siège, à l'intérieur, ce qui fait qu'il n'est plus
visible lorsque la chaise est vue de profil; l'enveloppe ainsi séparée
de la coque au-dessous du siège est munie d'une ouverture laissant le pas-
sage au piètement de la chaise; le piètement de la chaise passe par l'ou-
verture pour être fixé de manière fonctionnelle à la coque.
Le demandeur soutient que sa chaise est rendue plus esthétique par l'enveloppe
en plastique moulé qui recouvre par en dessous la coque du siège. Il affirme
que "l'utilisation d'une enveloppe s'écartant dans la pratique du profil de
la coque intérieure non visible afin de donner l'illusion qu'elle constitue le
fond de la chaise tout en ayant rien à voir avec le fonctionnement du système
de réglage de celle-ci," ne figure pas dans l'état antérieur de la technique.
Si l'on examine le brevet Pearson, nous trouvons à la colonne 1, ligne 45 ff.,
que "l'objet de la présente invention est en outre de disposer d'une chaise
du type de celle qui est décrite dans laquelle tous les réglages sont effectués
à l'aide de mécanismes qui pour la plupart sont cachés." L'enveloppe de couver-
ture de Pearson est suffisamment résistante pour servir de support au système
de fixation par torsion ainsi qu'au pivot de la chaise alors que l'enveloppe du
demandeur sert à cacher le mécanisme et répond avant tout à un but esthétique.
Une vue de profil de la chaise décrite par Pearson (figure 1) indique une chaise
"aux lignes harmonieuses" semblable à celle du demandeur.
Lors de l'audience le demandeur a soutenu avoir mis au point un nouveau
principe de construction des sièges. Ce principe porte sur un dispositif
de réglage par torsion du support de dossier dans lequel la partie inté-
rieure de torsion dépasse de la partie extérieure. La partie intérieure
est fixée sur le logement de support. Selon le demandeur il s'agit là
d'un dispositif donnant un "profil plat" lorsqu'il est utilisé avec l'envelop-
pe de couverture.
Lorsque l'on analyse la disposition du système de réglage de la torsion
on trouve les pièces suivantes:
1) une pièce tubulaire intérieure (ou manchon intérieur),
2) une pièce tubulaire extérieure (ou manchon extérieur), et
3) une partie cylindrique en caoutchouc placée entre (1) et (2) dans
le même axe que ceux-ci.
Dans la pratique la partie en caoutchouc adhère aux deux surfaces en contact
de sorte que les mouvements de rotation relatifs entre 1 et 2 lui transmettent un
effort de torsion.
La figure 14 du brevet Pearson représentée ci-dessous permet d'illustrer le
système de torsion employé.
<IMG>
Le manchon intérieur 20 est fixé à la chaise par les plaques 17. Un caoutchouc
de torsion cylindrique adhère fermement au manchon intérieur 20 et au manchon
extérieur 21. Le bras 24 qui supporte le dossier pivote autour du manchon exté-
rieur grâce aux moyeux 29. Un bras de torsion 23 est fixé sur le manchon 21
grâce à un adhésif approprié et une vis de réglage placée en 23(2) permet de ré-
filer la tension du dossier de la chaise.
Le demandeur estime qu'en montant l'étrier du dossier sur le prolongement des
extrémités du tube intérieur il lui est possible de les placer dans un même plan
et d'obtenir ainsi un profil plus plat. Cela serait vrai si un bras de torsion
n'était pas nécessaire. Toutefois, le demandeur entoure le manchon extérieur
d'un autre manchon destiné au bras de torsion comme le fait le brevet Pearson
(23 de la figure 14). En conséquence, étant donné que ce manchon destiné au
bras de torsion se trouve dans un plan qui entoure le manchon extérieur, c'est
lui qui dictera les dimensions du profil extérieur de la chaise. De ce point de
vue nous ne voyons aucune différence entre le dispositif du demandeur et celui
de Pearson.
Le demandeur signale une autre caractéristique importante qui selon lui permet
de conférer un profil plat à la chaise; c'est le recours à un support de pivot
se trouvant dans un même plan mais déplacé horizontalement par rapport au dispo-
sitif de torsion. La disposition brevetée par Lie prévoit elle aussi un support
de pivot déplacé horizontalement par rapport à l'unité de torsion. De la même
manière, le support de pivot est adjacent dans un plan horizontal au dispositif
de torsion et permet d'obtenir le même effet que le dispositif du demandeur.
Le demandeur insiste sur le fait que l'étrier de montage du dossier est équipé
d'un mentonnet dépassant du dispositif de torsion pour s'insérer dans la fente
ménagée dans le support du pivot, servant ainsi de butée. L'étrier de montage
du dossier décrit dans le brevet Pearson présente lui aussi deux extrémités en
saillie, semblables au mentonnet du demandeur, qui elles aussi permettent de limi-
ter la rotation du dispositif de torsion. La chaise de Lie utilise un étrier à
rebords qui s'engagent dans une plaque et servent de butée. Le dispositif de
butée du demandeur ne nous apparaît pas nouveau.
La revendication 1, qui est la seule revendication indépendante de la demande,
précise que le dispositif de réglage est fixé à la coque du siège et recouvert
d'une enveloppe. La fixation du dispositif de réglage au siège (solution adoptée
par le demandeur) ou à l'enveloppe (solution adoptée par Pearson) ne constitue
pas un résultat pouvant être qualifié d'invention. Toute personne qui regarderait
la chaise du demandeur de profil serait incapable de remarquer à quel endroit se
fixe le dispositif de réglage, comme il en serait incapable dans le cas de la
chaise de Pearson.
Aucune des autres revendications, qui dépendent toutes de la revendication 1,
ne rajoute quoi que ce soit de nouveau ou de brevetable à la revendication 1.
A notre avis les modifications structurelles revendiquées ici sont du type de
celles dont parle le juge Maclean dans l'affaire Niagara Wire Weaving v. Johnson
Wire Works Ltd. (1939) R.C. Ech, à la page 273:
De légères variations ou de petites modifications par rapport aux normes
de construction en cours, dans un domaine d'activités ancien, sont rare-
ment le signe d'une invention; il s'agit généralement d'améliorations évi-
dentes dues à l'expérience ou à l'évolution des besoins des utilisateurs.
Le juge poursuit à la page 276:
Aucune des démarches divulguées ici ne peut être qualifiée d'invention.
Il n'y a pas à mon avis une telle différence entre ce qui était connu aupa-
ravant et ce qui est divulgué... cet esprit inventif nécessaire à la confir-
mation d'un brevet. Si de tels brevets étaient confirmés, toute améliora-
tion de l'application pratique des connaissances courantes serait sérieuse-
ment contrariée.
En résumé nous sommes convaincus que les revendications ainsi que l'ensemble de
la demande ne divulguent pas de perfectionnement brevetable compte tenu de
l'état de la technique. Toute différence pouvant exister entre l'invention reven-
diquée et l'état antérieur de la technique est minime. Nous recommandons la
confirmation de la décision finale.
G.A. Asher
président
Commission d'appel des brevets, Canada
Après avoir étudié les arguments du demandeur ainsi que les conclusions de la
Commission d'appel des brevets, je rejette la demande. Tout appel éventuel en
vertu des dispositions de l'article 44 de la Loi sur les brevets devra être
interjeté dans un délai de six mois à compter de la date de cette décision.
J.H.A. Gariepy
Commissaire des brevets
Hull, Québec
le 13 octobre 1977
Mandataire du demandeur
Scott & Aylen
77 rue Metcalfe
Ottawa, Ontario