DECISION DU COMMISSAIRE
Revendications larges appuyées par la divulgation - Article 36
Les revendications larges concernant des composés pharmaceutiques actifs ont
été refusées parce qu'aucun des composés simples correspondant aux huit radicaux
rejetés n'a été décrit entièrement dans la divulgation. Des revendications de
portée plus restreinte seraient acceptables.
Décision finale - Confirmée
**********************************
La présente décision concerne une demande de révision par le Commissaire des
brevets de la décision de l'examinateur datée du 1er décembre 1975 au sujet de
la demande 177,408 (Catégorie 206-239.14). Celle-ci a été déposée le 26 juillet
1973 au nom de Graham Durant et coll. et s'intitule "Cyanoguanidines". La
Commission d'appel des brevets a tenu une audience le 24 juin 1977, à laquelle
le demandeur était représenté par M. W. Mace. L'agent de brevets britanniques,
M. R.A.A. Hurst, assistait également à l'audience.
La demande concerne des composés pharmaceutiques actifs, notamment des cyanogua-
nidines, des compositions pharmaceutiques renfermant ces composés ainsi que des
méthodes quant à leur préparation.
Dans la décision, l'examinateur a rejeté les revendications 1 et 14 telles qu'elles
sont formulées, à cause de la présence dans la définition de "Het " de huit
radicaux définissant huit catégories de composés dont aucune n'est décrite dans
la divulgation. L'examinateur déclarait (notamment):
...
Les radicaux sont l'oxazole, l'isoxazole, le pyrazole, le
triazole, le thiadiazole, la pyrimidine, la pyrazine et la
pyridazine.
Les normes régissant la façon d'exposer la synthèse des composés
chimiques organiques ont été établies il y a plus de cent ans.
C'est la raison pour laquelle la chimie organique est l'une des
branches où les normes régissant les conditions de divulgation
complète prescrites par le Régime de brevets sont les plus connues,
les plus claires et les plus simples.
Le texte sur lequel se fonde le demandeur pour inclure les
huit catégories de composés rejetées dans les revendications 1
et 14 n'expose aucun objet revendicable si l'on en juge d'après
les décisions pertinentes des, tribunaux, dont la liste figure au
chapitre 9 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets.
Les composés visés par les radicaux rejetés ne sont pas décrits
de façon complète et on n'entrevoit leur utilité que par rapport
à leur relation structurale avec les composés réellement décrits.
Le demandeur est donc loin de répondre aux critères rigoureux
définis dans la jurisprudence pertinente notamment dans le domaine
imprévisible de la thérapeutique.
Le dilemme Vidal acopté au Canada, notamment dans l'affaire Rhône-
Poulenc, s'applique entièrement: les demandeur qui en savent
plus qu'ils n'en révèlent sur les huit catégories de produits
enfreignent les règles en matière de divulgation complète: par
ailleurs, les demandeurs qui n'en savent pas plus que n'en révèle
la divulgation, revendiquent une invention qui n'a pas été réalisée.
Dans sa réponse à la décision, le demandeur déclarait (entre autres):
Il n'existe aucun article de loi ou de règlement qui oblige
les demandeurs à inclure dans le mémoire descriptif toutes les
caractéristiques physiques des composés dont il est fait mention,
ni à soumettre les composés divulgués à des essais complets.
J'estime que le mémoire descriptif, notamment les radicaux
auxquels s'opposent l'examinateur, respectent entièrement les
prescriptions du paragraphe 36(1) de la Loi sur les brevets qui
stipule que le mémoire descriptif doit décrire d'une façon
exacte et complète l'invention et son application ou exploitation,
"telles que les a conçues l'inventeur" - le paragraphe 36(1)
n'oblige pas l'inventeur à divulguer en détail son invention.
J'estime que si l'inventeur "a conçu" les divers radicaux dans le
cadre de son invention, il est de son devoir de les divulguer
s'il envisage de les utiliser. Admettons par exemple que
l'inventeur ait conçu le radical imidazole mais ne l'ait pas
indiqué dans sa divulgation, aurait-il respecté les prescriptions
de la Loi sur les brevets si les essais subséquents auraient
montré qu'il s'agissait du meilleur radical? Le demandeur est
donc obligé de divulguer tous les éléments qu'il a conçus et
cette divulgation devrait lui permettre d'élaborer des revendi-
cations analogues.
J'affirme respectueusement que toutes les prescriptions de
la Loi sur les brevets ont été respectés tant dans la
divulgation que dans les revendications 1 et 14 rejetées
par l'examinateur. Le paragraphe 36(1) de la Loi a été
respecté car le demandeur a exposé dans le mémoire descriptif
l'invention telle que l'a conçue l'inventeur et a énoncé
clairement les phases successives du procédé de fabrication
des divers composés en insérant dans la divulgation divers
exemples notamment l'exemple 16. Le demandeur a respecté
les prescriptions du paragraphe 36(2) de la Loi en ce qui
a trait aux revendications 1 et 14 car celles-ci indiquent
clairement en termes explicites les choses ou les combinaisons
que le demandeur considère nouvelles. Le demandeur s'est par
ailleurs conformé aux prescriptions de l'article 2 concernant
la définition de "l'invention" en divulguant des compositions
présentant un caractère de nouveauté et d'utilité. De plus,
toutes les exigences de l'article 28 de la Loi ont été
respectées, le demandeur estimant que l'inventeur mentionné
est le premier inventeur de l'objet en question notamment de
celui visé dans les revendications 1 et 14. Après examen des
jugements soumis par l'examinateur, j'estime que ces derniers
sont inapplicables au cas présent. J'ai la ferme conviction
que l'application des principes figurant dans la demande
donnera des composés ayant tous la même utilité. S'il arrive
que l'on découvre plus tard certains composés ne présentant
pas l'utilité revendiquée, l'examinateur pourra alors contester
la validité des revendications concernant ces composés. Comme
je l'ai déjà mentionné, j'accepte cette conséquence et comme
je l'ai déjà déclaré, tous les composés divulgués et définis
dans les revendications 1 et 14 possèdent à ce que je sache,
l'utilité divulguée.
Il s'agit de savoir si la divulgation étaye les revendication 1 et 14. Nous
avons étudié soigneusement l'instruction de la présente demande et la remarque
faite à l'audience par MM. Mace et Hurst. La revendication 1 se lit comme suit:
Un procédé de fabrication d'un composé de la formule
<IMG>
ou R1 représente de l'hydrogène ou un alkyl inférieur et R2
un groupement de la structure
HeT - (CH2)m Z(CH2)n -
où HeT est un azote contenant un anneau hétérocyclique à
cinq ou six chaînons choisis parmi l'imidazole, la pyridine,
le thiazole, l'isothiasole, l'oxazole, lIsoxazole, le pyrazole,
le triazole, le thiadiazole, la pyrimidine, la pyrasine et la
pyrydazine, lequel anneau peut être remplacé par un alkyl
inférieur, par du trifluorométhyle, par de l'hydroxyle, par de
l'halogène ou par un amino; Z correspond au soufre, à l'oxygène,
au NH ou à un groupe méthylène; et m et n sont des nombres en-
tiers de 0 à 4 dont la somme correspond à un chiffre de 2 à 4;
dans lequel un amine de la formule
R2NH2
où R a la valence qu'on lui attribue ci-devant, est mis en
réaction avec un composé de la formule
(R3-Y)2C C-CN
où R2 a la valence qu'on lui attribue ci-devant, est mis en
réaction avec un composé de la formule
(R3-Y)2C N-CN
où R3 est un alkyl, un aryle ou un aralkyl et Y du soufre ou de
l'oxygène afin de donner un composé intermédiaire de la formule
N-CN
R2-NH-C
Y - R3
où R2, R3 et Y ont la valence qu'on leur attribue ci-devant,
lequel composé intermédiaire est ensuite mis en réaction avec un
amine de la formule
R1NH2
où R1 a la valence qu'on lui attribue ci-devant.
Nous n'avons rien à redire aux décisions (lesquelles ont d'ailleurs été
examinées à l'audience) concernant le besoin d'une divulgation comme l'a souligné
Thorson P. dans l'affaire Noranda Mines c. Mineral Separation R.C.P. 99 - volume
12; ni aux déclarations sur l'utilité extraites de la décision Boehringer Sohn
c. Bell Craig (1963) S.C.R. 410.
Il serait bon d'ajouter aux décisions soumises par le demandeur, les conclusions
auxquelles est parvenue dernièrement la Cour suprême du Canada dans l'affaire
Burton Parsons Chemicals c. Hewlett-Packard, 17 R.C.P. (2e) Partie 2, avril 1975,
pp. 97 et suivantes. En examinant si la portée des revendications de Burton
Parsons était plus large que l'invention, le juge Pigeon a souligné que:
Même si le tribunal doit interpréter les brevets comme tous
les autres documents juridiques d'ailleurs, il doit le faire
en tenant compte du fait qu'il s'adresse à un homme du métier
qui possède certaines connaissances (p. 104)
et plus loin
L'objet est évident pour l'homme du métier car les caracté-
ristiques des émulions et des sels en question sont bien
connues.
Il va donc de soi qu'il faut examiner soigneusement les éléments de la divulga-
tion qui intéressent les hommes du métier.
Les découvertes chimiques soulèvent souvent l'objection selon laquelle la portée
des revendications est trop large par rapport à la divulgation parce qu'elle
porte sur des domaines inconnus et inexplorés dans lesquels il est impossible
de prédire l'utilité de l'invention. Comme les revendications spéculatives
sont imparfaites, le droit que l'inventeur a de généraliser est des plus limité.
Ces revendications, si elles sont permises, peuvent créer des controverses
inutiles, entraîner des frais et nuire au progrès. Nous désirons surtout con-
naître les réalisations de l'inventeur plut8t que ses déductions. Nous allons
maintenant examiner les décisions concernant ces questions.
Dans l'affaire Hoechst c. Gilbert, (1966) R.C.S. 189, où on a revendiqué certains
médicaments, la Cour suprême du Canada s'est prononcée contre les revendications
excessives comme suit: (p. 194)
En s'attaquant à la validité des brevets en question,
l'avocat des défendeurs a bâti sa cause sur le fait que
personne ne pouvait obtenir un brevet valide pour une
hypothèse non prouvée dans un domaine inconnu. C'est ce
que l'appelant a essayé dans la revendication 1 de chacun
des brevets. On a essayé d'en étendre la portée comme dit
le juge Thurlow à "tous les sulphonyles mathématiquement
convenables de la classe" et par conséquent il y a eu sur-
revendication et invalidation de la première revendication
de chaque brevet.
Cette question a également été considérée dans Rhône-Poulenc c. Gilbert. (1968)
R.C.S. 950 à 953.
Dans l'affaire Steel Co. of Canada c. Sivaco-Wire and Nail, 11 CPR (2d) 153 à
195, nous trouvons l'expression "simple suggestion sur papier" pour qualifier
les brevets accordés pour des inventions qui n'ont pas été poussées plus loin.
Dans B.V.D. c. Canadian Celanese 1936 RC Ech 139 à 148, il a été déclaré qu'avant
de pouvoir se fonder sur une réalisation antérieure pour prévoir un brevet futur,
"on doit démontrer que l'invention a été présentée de telle façon au public que
personne ne peut la revendiquer comme sienne. Une amélioration, revendiquée à
titre d'invention, ne doit pas être jugée non brevetable tout simplement parce
qu'une réalisation antérieure en contient une vague esquisse". Il nous semble
qu'un corollaire de ce qui précède qui devrait être tout aussi valide voudrait
qu'une personne à qui on a déjà accordé un brevet n'aurait pas le droit de
revendiquer une invention qu'elle aurait peut-être prévue sans l'élaborer com-
plètement. La Cour suprême (1936 R.C.S. 221 à 237) en est venue à la conclusion
que le brevet B.V.D. était invalide parce que "les revendications dépassaient de
loin l'invention".
Dans Boehringer Sohn c. Bell Craig, 1962 R.C. Ech. nous trouvons:
... une demande de brevet qui prétend donner le droit exclusif
à plus que ce que l'inventeur a réalisé est également contraire
aux dispositions de la Loi ... (page 238)
et
... une demande qui comporte une revendication dont l'objet est
plus étendu que ce que l'inventeur a réalisé et qui prétend ac-
corder un droit exclusif pour plus que ce que l'inventeur a
réalisé et au moins dans la mesure où cette revendication est
concernée, à mon avis, le brevet n'est pas accordé en vertu de la
Loi et est donc obtenu illégalement .., une revendication qui est
invalide parce qu'elle porte sur plus que ce que l'inventeur a
réalisé est hors-la-loi et lie droit de propriété qui s'y rattache
doit être considéré comme nul et sans effet (page 241).
Le juge Thurlow a trouvé que la revendication était beaucoup trop étendue
parce qu'elle portait sur un grand nombre de substances dont seulement quelques-
unes avaient été préparées. La Cour suprême a souscrit à sa conclusion (1963
R.C.S. 410 à 412). Dans l'affaire Boehringer Sohn, il s'agissait bien de
substances pharmaceutiques dont les propriétés sont peut-être moins susceptibles
de prédiction que d'autres substances. chimiques et le groupe de composés revendi-
qué était des plus étendu. On en est. arrivé à des conclusions analogues dans
des circonstances similaires dans Hoechst c. Gilbert (1964) volume 1 R.C. Fch
410 et 1966 R.C.S. 189 ainsi que dans Re May and Baker (1948) 65 R.P.C. 255, (1949)
66 R.P.C. 8 et (1950) 67 R.P,C. 23. Dans le jugement rendu dans l'affaire Hoechst,
la Cour Suprême en a conclu "que personne ne pouvait obtenir un brevet valide
pour une pure hypothèse dans un domaine inconnu. Les dangers que comporte la
revendication excessive ont également fait l'objet d'une étude dans Société Rhône-
Poulenc c. Ciba (1967) 35 S.P.C. 174 à 201-205 et 1968 R.C.S. 950 où on a jugé
une revendication large invalide par ce que la majorité pies substances de la classe
n'avaient été ni fabriquées ni soumises à essai par personne. Toutefois, les
objections de cette nature ne sont pas limitées aux inventions de produits phar-
maceutiques ni même chimiques. Dans l'affaire Abraham Essau et coll. (1936) 49
R.P.C. 85, on a dit d'un appareil électrique ce qui suit:
Je crois que dans de telles circonstances, les brevetés
doivent réaliser que ce n'est pas la pratique du Bureau des
brevets de permettre des revendications larges et indétermi-
nées de nature spéculative et que s'ils ajoutent de telles
revendications â leur mémoire descriptif, ils doivent
s'attendre qu'elles soient refusées à moins qu'ils ne puissent
donner une description assez détaillée et complète pour les
étayer.
Voir également Rohm & Hass c. Le Commissaire des brevets, (1959) R.C. Ech. 153
où des revendications ont été refusées parce que leur portée était trop étendue
et allait au-delà de l'invention, Vidai Dyes c. Levenstein (1912) 29 R.P.V. et
demande Eastman Kodak's (1970) R.P.C. 548 à 561-563.
Le problème que nous avons à résoudre n'est pas particulier aux jurisprudences
canadienne ou britannique. Il a également surgi aux Etats-Unis, par exemple dans
l'affaire Stokal et coll., 113 USPQ 283 (1957).
Nous allons maintenant étudier la revendication 1. Il est clair que chaque
variation ou radical de HeT représente une catégorie et qu'il existe 12 représen-
tations de ce genre. Nous constatons toutefois qu'aucun composé correspondant
aux huit radicaux rejetés n'est décrit entièrement dans la divulgation (huit des
douze radicaux de la revendication 1 ont été rejetés). M. Mace en profite ici
pour souligner que la divulgation actuelle "enseigne une chose (comme le
souligne l'exemple 16), qu'un homme du métier peut facilement réaliser (l'in-
vention)." L'exemple en question énumère 13 composés, introduisant huit diffé-
rents hétérocycles qui sont ensuite ajoutés aux revendications comme les valeurs
de Het. M. Mace poursuit en déclarant que "l'exemple 16 répond aux normes de
description de la synthèse des composés chimiques organiques en ce qu'il montre
suffisamment de points et que les composés qu'il souligne, sont faciles à prépa-
ter." Il s'agit de savoir précisément si le texte accompagnant l'exemple 16 est
suffisamment explicite pour répondre aux prescriptions du paragraphe 36(1) de
la Loi sur les brevets.
Avant d'émettre nos conclusions, il serait bon d'examiner la décision rendue
dernièrement en Grande-Bretagne dans l'affaire Holland Madison c. Biorex (1970)
RPC 157, notamment les deux extraits dont le premier provient du plaidoyer du
breveté (p. 169):
Il est inévitable dans un cas de ce genre, que les
revendications larges soient contestées, mais la question
qui se pose est de savoir si l'inventeur doit se limiter aux
substances qu'il a réellement vérifiées et, s'il est auto-
risé à aller plus loin, jusqu'où il peut aller. S'il doit
se limiter aux substances qu'il a réellement vérifiées, il
ne lui sert à rien de les faire breveter car il permet ainsi
aux autres de s'en servir impunément pour les perfectionner.
Par ailleurs, si le breveté ne peut revendiquer davantage
d'éléments utiles qu'il n'en a vérifiés, sur quels critères
allons-nous nous fonder pour breveter une invention? Autre
chose importante à souligner, il y a tout un monde de dif-
férences entre l'élaboration d'une revendication très large
dans un domaine inexploré et l'élaboration comme c'est le
cas ici d'une revendication qui englobe des millions de compo-
sés dans un domaine exploré depuis tellement d'années qu'un
chercheur peut se fonder sur les travaux déjà effectués, pour
faire une prédiction raisonnable sur l'utilité de tous les
composés revendiqués. (Il est à noter que l'invention consiste
en l'insertion du radical CF3 à la position-2 d'un groupe bien
connu et "maintes fois vérifié" de composés existants).
Le second extrait est tiré du jugement même (page 193):
Où est donc la ligne de démarcation entre une revendication
dont la portée est excessive et une autre dont la portée ne
l'est pas? Je m'en remets ici à la déclaration de Sir Lionel
dans laquelle il demandait a'il était possible de faire des
prédictions véritables. S'il est po-sible pour le breveté de
faire une prédiction véritable et d'élaborer une revendication
dont la portée ne dépasse pas la prédiction, on doit breveter
son invention (nous soulignons).
Le dernier paragraphe résume brièvement les éléments que nous avons extraits
des décisions examinées plus haut. A notre avis, un demandeur devrait
pouvoir formuler une revendication en termes généraux sur un groupe de substances
semblables, qu'il n'est pas nécessaire d'avoir préparées ou vérifiées, sur
lesquels il pourrait se fonder pour émettre une prédiction dans le domaine visé.
Il importe aussi de souligner la décision rendue par la Cour fédérale (24
juin 1977) dans l'affaire Monsanto c. Commissaire des brevets, dans laquelle
Heald J. déclarait ce qui suit relativement à des revendications larges qui
n'étaient pas suffisamment étayées dans la divulgation:
Nous sommes tous d'avis que le Commissaire des brevets
a raison de refuser de breveter les revendications 9
et 16 figurant dans la demande. Le refus est justifié
car l'appelant n'étaye pas suffisamment dans sa divulga-
tion la vaste gamme de nouveaux composés revendiqués.
Il importe de souligner la déclaration de Jackett, C.J.
émise dans l'affaire Leithiser c. Pengo Hydra-Pull of
Canada Ltd., 17 C.P.R (2e) 110 selon laquelle le deman-
deur doit dans le mémoire descriptif, décrire d'une
façon exacte et complète l'invention et son application
ou exploitation, ainsi que la façon de réaliser le produit
de l'invention. La revendication 9 englobe un grand
nombre de composés. La revendication 16 englobe comme
la revendication 9, quelque 126 composés spécifiques
différents. Le mémoire ne décrit que trois d'entre eux.
Un chimiste expérimenté voit clairement à la lecture de
ces revendications qu'il lui manque certaines instructions
précises (différentes dans chaque cas) pour pouvoir
réaliser l'invention. Ces instructions sont absentes du
mémoire sauf en ce qui a trait aux trois composés spécifi-
ques dont nous avons fait mention plus haut.
Par ailleurs, le Commissaire a le droit d'apprécier
l'opinion du spécialiste qui veut que l'on puisse prédire
raisonnablement que tous les composés seront utiles, et
d'en arriver à un jugement ou à une opinion contraire en
se fondant sur les conclusions et les recommandations de
ses propres conseillers membres de la Commission d'appel
des brevets.
Si l'on applique le principe ci-dessus à la demande en question, il est tout-à-
fait clair comme nous l'avons mentionné, qu'aucun composé simple correspondant
aux huit radicaux rejetés dans la revendication 1, n'est entièrement décrit
dans la divulgation. L'exemple 16 énumère 13 composés introduisant huit hété-
rocycles différents qui sont ensuite ajoutés aux revendications comme valeurs de
Het. Autrement dit, la revendication est trop large et englobe huit catégories
de composés dont aucun n'est décrit dans la divulgation. Comme elle dépasse le
domaine de la prédiction raisonnable, nous recommandons sans hésitation son
rejet. La revendication 14 concerne un produit et comme sa portée est la même
que la revendication 1, nous recommandons aussi son rejet pour les mêmes motifs.
Dans la décision finale, le demandeur déclarait: "S'il arrive que l'on découvre
plus tard certains composés ne présentant pas l'utilité revendiquée, l'examina-
teur pourra alors contester la validité des revendications concernant ces
composés. Comme je l'ai mentionné, j'accepte cette conséquence..." Cet acte
de courage ne nous impressione pas plus qu'il faut, surtout qu'il est presque
impossible d'invalider des revendications étroites de portée limitée. Une
autre preuve selon nous que les revendications sont spéculatives. Un demandeur
ne doit pas chercher à monopoliser "un domaine inexploré de chimie organique
afin d'empêcher les autres chercheurs d'effectuer au cours de la durée du
brevet, des recherches afin de découvrir de nouvelles substances susceptibles
d'être utiles ou même plus utiles" (voir Farbwerke Hoechst c. Commissaire des
brevets (1966) Ex. C.R. à page 91).
En résumé, nous sommes convaincus que la divulgation n'étaye pas les revendications
1 et 14 car aucun composé simple correspondant aux huit radicaux rejetés n'y
est entièrement décrit. Nous recommandons que soit confirmée la décifion finale
rejetant les revendications 1 et 14. Nous admettrions toutefois celles-ci si
tous les radicaux de l'OXAZOLE" et de la "PYRIDAZINE" inclusivement y étaient
supprimés.
Le président adjoint de la Commission
d'appel des brevets
J. F. Hughes
J'ai étudié l'instruction de la présente demande ainsi que la recommandation
de la Commission d'appel des brevets. J'ai donc décidé de rejeter les
revendications 1 et 14 dans leur forme actuelle. Je m'engage à accepter les
revendications modifiées conformément aux exigences de la Commission. Le
demandeur dispose d'une période de six mois pour en appeler de la présente
décision aux termes de L'article 44 de la Loi sur les brevets.
Le Commissaire des brevets,
J.H.A. Gariépy
Fait à Hull (Québec)
ce 22e jour d'août 1977
Agent du demandeur
Gowling & Henderson
C.P. 466, Terminal A
Ottawa (Ontario)
K1N 8S3