DECISION DU COMMISSAIRE
EVIDENCE: Tapis gaufré
La demande revendique un procédé de fabrication d'un tapis imprimé et gaufré.
La technique mentionnée ne présente ni n'évoque le procédé de la présente
demande.
Décision finale: Réformée
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La présente décision porte sur une demande d'examen par le Commissaire des
brevets de la décision finale de l'examinateur, datée du 15 janvier 1976,
concernant la demande 143,410, classe 8-37. La demande a été déposée le 30 mai
1972 et s'intitule "Tapis imprimé et gaufré en registre". La Commission d'appel
des brevets a tenu une audience le 6 juillet 1977, à laquelle était présent
M. D. Watson, C.R., représentant le demandeur.
La présente demande porte sur le procédé de fabrication d'un tapis imprimé
et gaufré en registre. Plus précisément, le tapis passe par une série de
postes d'impression où un motif lui est appliqué au moyen des teintures contenues
dans les encres d'impression. A certains postes d'impression, les encres qui
fournissent les éléments du motif au tapis contiennent également un solvant
qui provoque le rétrécissement des fibres du tapis (lorsqu'il est soumis à la
vapeur) et donne au tapis un effet de gaufrage. Le tableau 1 ci-dessous
constitue une représentation du procédé utilisé:
<IMG>
Dans la décision finale, l'examinateur refuse les revendications en raison
des références suivantes:
Brevet canadien
335,836 19 septembre 1933 Dickie
Brevet américain
3,505,000 7 avril 1970 Shinmura
Dickie fait état de l'impression d'un tissu avec un agent de gaufrage. Le
gaufrage est réalisé par la suppression physique d'une fibre, plutôt que par
le rétrécissement chimique des fibres pour produire un dessin de crête ou de
seersucker sur les tissus à la pièce tricotés ou tissés. Les tissus ne sont
toutefois pas des tissus à poil. Les références feront l'objet d'un examen
plus détaillé plus loin.
Dans sa décision finale, l'examinateur énonce sa position (en partie) comme suit:
...
Shinmura et autres utilisent un poste d'impression où un
motif est imprimé sur le tissu. La pâte d'impression
renferme un agent de gaufrage qui peut rétrécir les fibres
du tissu. Suite à l'opération d'impression, le tissu est
soumis à la vapeur pour rétrécir les fibres. Le tissu est
ensuite lavé et séché.
Le rejet des revendications 1 et 2 comme évidentes en
raison des références appliquées lorsqu'elles sont considé-
rées par rapport à l'état de la technique, est par conséquent
maintenu.
La présumée invention du demandeur, telle qu'elle est
présentée dans les revendications, porte sur la combinaison
d'une opération d'impression en deux étapes suivie du passage
à la vapeur, du lavage et du séchage. L'opération d'impression
en deux étapes est une opération d'impression "en registre"
caractérisée par l'inclusion d'un agent de gaufrage chimique,
("un solvant",) dans la pâte d'impression lors de la deuxième
étape de l'impression.
L'impression de tissus (tels que les tissus à poil) avec un
agent de gaufrage est indiquée dans les deux brevets. Le
brevet de Dickie et autres enseigne que l'agent de gaufrage
peut être un solvant pour les fibres et aussi que l'agent de
gaufrage peut être combiné à un colorant. Les deux brevets
enseignent que pour provoquer le rétrécissement des fibres, le
tissu doit être soumis à des températures élevées, par exemple
passés à la vapeur (Shinmura et autres).
La technique de l'impression en registre, qui comprend
l'impression de divers motifs sur un tissu avec plusieurs
pochoirs ou rouleaux d'impression est bien connue. Puisque
l'impression d'un tissu, tel qu'un tissu à poil avec une
pâte renfermant un colorant et un solvant pour fibres est
connue (Dickie et autres), l'impression en registre d'un
tissu avec diverses pâtes colorées en plus d'une pâte
qui renferme aussi un solvant de gaufrage est réputée être
une combinaison évidente. Pour ce qui est de l'étape
unique du passage à la vapeur, l'on sait que la vapeur
peut être utilisée à la fois pour fixer les teintes sur
les tissus et pour produire l'effet de rétrécissement des
solvants pour fibres. Par conséquent, puisque le fait
de combiner le colorant et le "solvant" dans une pâte
d'impression est une technique connue, il est évident qu'il
faut employer une opération unique de passage à la vapeur...
Le demandeur dans sa réponse à la décision finale a dit ce qui suit (en partie):
...
Conformément aux enseignements de Shinmura et autres pour
produire le dessin gaufré de crête ou de seersucker sur
les tissus à la pièce tissés ou tricotés, une pâte
d'impression est appliquée au tissu. On attire l'attention
de l'examinateur sur le fait qu'il n'y a aucune évocation
de l'utilisation d'un solvant dans la pâte d'impression et
qu'il semble que la pâte agit tout simplement de manière à
rétrécir le tissu. La revendication 1 actuellement figu-
rant au dossier, va clairement plus loin qu'une telle
notion par l'utilisation de motifs imprimés en registre,
un des éléments du motif utilisant une encre d'impression
renfermant un solvant pour les fibres de tapis. Shinmura
et autres applique tout simplement la pâte et soumet ensuite
à la vapeur les tissus à la pièce tissée ou tricotés, ce
qui produit un effet de rétrécissement et aboutit à un
dessin de seersucker gaufré. Il n'est nullement question
d'utiliser soit des éléments de teinture ou des éléments
d'impression pour produire un motif et cette antériorité
citée ne mentionne pas l'application de la vapeur pour
rétrécir les fibres qui sont touchés par le solvant pour
produire l'effet de gaufrage dans les parties imprimées de
même que pour fixer la teinture dans un tapis. Shinmura
et autres réalise un type de tissu de crêpe tandis que le
procédé du demandeur produit un tapis possédant un motif
imprimé sur le tapis, le motif ayant des parties gaufrées
et des parties non gaufrées en registre. Shinmura et autres
ne se préoccupe pas de l'obtention d'un effet de gaufrage
dans les parties imprimées seulement, mais de l'obtention
d'un motif général au dessin de crêpe ou de seersucker dans
les tissus à la pièce tricotés. Comme il a été mentionné
auparavant, la référence Shinmura et autres porte sur un
traitement très spécialisé d'un tissu en particulier,
l'utilisation d'une pâte d'impression renfermant un benza-
mide appliqué aux fibres d'alcool de polyvinyle, et elle
est limitée à la réalisation d'un dessin de crête ou de
seersucker sur les produits de fibres d'alcool de polyvinyle
seulement. Par contraste, le procédé du demandeur porte sur
l'impression et le gaufrage de tissu de tapis qui, selon le
demandeur, relève d'une technique non analogue....
...
L'examinateur dans la décision finale a tenté de suggérer
que ce qui manque dans l'antériorité expressément citée
serait trouvé dans l'état de la technique non spécifiée,
toutefois, il est soumis qu'aucune antériorité ne
laisse croire qu'un élément du motif antérieurement
imprimé est imprimé en registre avec un deuxième
élément du motif sans que le motif antérieurement
imprimé soit fixé. Par le présent concept, le demandeur
a réalisé un tapis qui a un motif imprimé sur sa surface,
motif ayant des parties gaufrées et des parties non
gaufrées en registre, le tout dans une opération en un
seul passage. Le concept d'une opération en un seul
passage est réalisable seulement à la lecture de la
divulgation du demandeur et ne peut être trouvé dans
les références prop osées par l'examinateur, et ne
serait pas évident d'après l'état de la technique connue
du demandeur. Il est donc soumis que selon l'opinion du
demandeur, les revendications 1 et 2 actuellement
figurant au dossier, ne seraient pas rendues évidentes
en raison des références citées lors de comparaisons avec
l'état de la technique. Il est demandé que la décision
finale de l'examinateur soit réformée et retirée....
Nous avons soigneusement étudié L'instruction de la présente demande et les
observations intéressantes et informatives faites à l'audience par M. D.
Watson. Un certain nombre de modèles types du tapis ont aussi été présentés
â l'audience. La question à trancher est celle de savoir si le demandeur a
réalisé ou non une amélioration brevetable de la technique. La revendication
1 se lit comme suit:
Un procédé de fabrication d'un tapis ayant un motif
imprimé sur sa surface, le motif ayant des parties
gaufrées et des parties de dessin non gaufrées en
registre, comportant les étapes suivantes: l'impression
sur le tapis d'au moins un élément du motif, seulement
une teinture étant utilisée pour fournir l'élément du
motif, le déplacement du tapis à un second poste d'im-
pression où l'élément du motif antérieurement imprimé
est en registre avec le deuxième élément du motif à
imprimer, l'impression du deuxième élément du motif en
registre avec le premier élément de motif, une encre
d'impression renfermant un solvant pour les fibres du
tapis étant utilisée, puis après que tous les éléments
de motif ont été imprimés sur le tapis, l'application de
la vapeur au tapis pour rétrécir les fibres touchées par
le solvant pour produire un effet de gaufrage sur les
parties imprimées et pour fixer des teintures dans le
tapis, le lavage du tapis, puis le séchage du tapis pour
enlever l'eau ayant servi au lavage.
Il est tout d'abord important de noter que le mot "gaufrer" signifie (petit
Robert): imprimer sur (une étoffe) des motifs ornementaux en relief ou en
creux.
Le brevet Dickie, qui a été délivré en 1933, traite de matières telles que
l'acétate de cellulose avec la combinaison d'un liquide organique et d'un
sel inorganique ayant une action de solvant sur le dérivé de cellulose pour
attaquer une partie du dérivé de cellulose. Il sèche ensuite le tissu et
enlève le dérivé de cellulose. Dans ce brevet, l'effet est réalisé par
la suppression physique de fibres, plutôt que par le rétrécissement de fibres.
Nous ne sommes pas convaincus qu'il serait rapidement évident ou apparent
d'utiliser la technique de rétrécissement décrite dans la présente demande à
partir des données de ce brevet. La référence n'enseigne ni n'évoque le
procédé divulgué dans la présente demande.
Le brevet Shinmura porte spécifiquement sur le problème d'impression d'un
dessin de crêpe ou de seersucker sur des tissus à la pièce tissés ou tricotés.
L'effet de Shinmura n'est pas créé par la réduction de la hauteur verticale
de certains fils, comme dans la présente demande, mais par le rétrécissement
dans la direction horizontale dans laquelle la contraction de certains fils
dans cette direction horizontale resserre le tissu et fait en sorte que les
fils adjacents se gondolent par rapport au plan du tissu plat principal.
Les tissus de crêpe et de seersucker sont normalement des tissus pour vêtements
d'un poids relativement léger et sont habituellement faits par le tissage de
fils de torsions différentes, soit dans la direction de la chaîne ou dans la
direction de la trame. Le tissu est ensuite traité pour permettre aux diffé-
rentes torsions de s'imposer pour tirer le tissu de poids relativement léger
dans différentes directions, de façon à faire gondoler certaines parties par
rapport au plan principal du tissu relativement plat.
Des opérations chimiques servant à créer le crêpe et le seersucker sont
également connues, comme dans Shinmura, ou l'action chimique d'un agent de
rétrécissement resserre certaines parties de tissu et fait en sorte que d'autres
parties se gondolent par rapport au plan principal du tissu relativement plat,
de poids léger. Il s'agit d'un type d'action qui est complètement différent de
l'action de gaufrage obtenue par le demandeur.
En résumé, Dickie enseigne la suppression globale de pièces de tissu. Shinmura
enseigne clairement le traitement de produits tissés ou tricotés et non le
traitement de tissus à poil. En d'autres mots, les tissus sont différents de
ceux de Shinmura; le type d'action est différent; et le produit final est
différent.
La revendication 1 porte sur un procédé de production d'un tapis ayant un
motif imprimé sur sa surface, le motif ayant des parties gaufrées et des parties
non gaufrées. Une encre de teinture ou d'impression seulement est utilisée dans
le premier élément du motif; une teinture ou une encre d'impression renfermant
un solvant est utilisée sur un élément du motif par la suite; le tapis est
ensuite passé à la vapeur pour rétrécir les fibres touchées par le solvant, de
façon à produire un effet de gaufrage dans les parties imprimées et à fixer
des teintures. De plus, le demandeur se préoccupe uniquement d'un nouveau
procédé et non d'un nouveau produit. Le monopole recherché par le demandeur
est juste, selon nous, et ne dépasse pas les limites de l'invention.
Nous sommes convaincus que le demandeur a fait une amélioration brevetable de
la technique. Nous recommandons que la décision finale de refuser les revendi-
cations soit retirée.
Le président adjoint
Commission d'appel des brevets, Canada
J.F. Hughes
J'ai étudié l'instruction de cette demande et j'ai examiné soigneusement les
recommandations de la Commision d'appel des brevets. Dans les circonstances,
j'ai décidé de retirer la décision finale et de retourner la demande à l'exami-
nateur pour qu'il en reprenne l'instruction.
Le Commissaire des brevets
J.H.A. Gariépy
Agent du demandeur
Gowling & Henderson
C.P. 466, Terminal A
Ottawa (Ontario)
K1N 8S3
Fait à Hull (Québec)
ce 8e jour d'août 1977