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                           DECISION DU COMMISSAIRE

 

EVIDENCE: Joint de dilatation de pipe-line

 

La présente demande porte sur un nouveau joint de dilatation de pipe-line ayant

un calibre uni. La réalisation invoquée, qui comportait des joints rigides, ne

montrait pas ou ne laissait pas entrevoir le progrès technique réalisé par la

présente demande.

 

Décision finale: rejetée

 

                        *******************************

 

La présente décision porte sur une demande d'examen au sujet de la demande

d'enregistrement 173,572, classe 285-29, par le Commissaire des brevets de la

décision finale de l'examinateur datée du 4 décembre 1975. La demande d'enregis-

trement a été présentée le 8 juin 1973 et s'intitule "joint de dilatation de

pipe-line ayant un calibre uni". La Commission d'appel des brevets a tenu une

audience le 22 juin 1977 à laquelle assistaient Monsieur R. Lafleur, représen-

tant du demandeur et Monsieur D.W. Bennett, l'inventeur.

 

La présente demande porte sur un joint de dilatation de pipe-line ayant un

calibre uni, et plus particulièrement un calibre uni qui servira à transporter

des mélanges boueux contenant des solides en suspension. La figure 3 ci-dessous

illustre bien ce dispositif:

 

<IMG>

 

Dans sa décision finale, l'examinateur a rejeté la demande d'enregistrement qui

ne comporte aucune amélioration brevetable par rapport aux antériorités suivantes:

Brevet canadien

301,308 le 17 juin 1930 Siegle

Brevet américain

3,090,437 le 21 mai 1963 Geer

 

Le brevet de Siegle porte sur des joints de pipe-lines et, en particulier, sur

des joints destinés à unir des tronquons de tuyaux en acier à des pipe-lines

transportant du pétrole et du gaz est qui doivent par conséquent posséder des

caractéristiques destinées à prévenir les fuites du contenu de la canalisation.

La figure 1 ci-dessous illustre cette invention:

 

<IMG>

 

La revendication 1 du brevet Siegle se lit comme suit:

 

Dans un joint de pipe-line, la combinaison d'un tronçon de

tuyau comprenant une cloche intégrale à une extrémité et une

surface conique effilée se prolongeant vers le centre à partir

de sa paroi extérieure et une surface progressivement courbée

s'étendant de l'extrémité inférieure de la surface effilée

jusqu'au calibre cylindrique de la canalisation, un deuxième

tronçon comportant une partie conique effilée vers l'intérieur

sur sa surface extérieure espacée d'une extrémité du tronçon et

une partie située entre l'extrémité de la zone effilée et l'ex-

trémité du tronçon courbé correspondant à la surface courbée de

la cloche, lesdites parties effilées et courbées du deuxième

tronçon du tuyau étant placées très près des surfaces correspon-

dantes de la cloche et les matériaux de soudage disposés par

autogène dans l'angle formé entre la surface extérieure de la

cloche périphérique du deuxième tronçon et servant à les unir.

 

Le brevet de Geer porte sur un raccord de conduites d'écoulement, de têtes de

puits sous-marins. La figure 4 ci-dessous illustre ce dispositif:

 

<IMG>

 

Dans cette décision, il a exposé (en partie) son point de vue comme suit:

 

Les deux brevets antérieurs démontrent clairement que le fait de

disposer des extrémités de tronçon de tuyaux effilés sur les

joints de pipe-line afin de réduire les pertes dues à la turbulence

et à la friction est bien connu dans la technique de construction

des pipe-lines. L'on considère que le fait de fournir la quantité

requise de conicité pour chacune des différentes demandes d'enre-

gistrement de ces joints de pipe-line est une connaissance évidente

et simplement prévue d'une .exploitation de la réalisation.

 

Dans une lettre datée du 6 octobre 1975, le demandeur soutient

que "tel que maintenant cité à nouveau dans la revendication in-

dépendante 1, ces deux angles sont petits, s'étendent sur une

importante partie des longueurs des manchons respectifs et sont

pratiquement égaux". Tel qu'énoncé dans la décision précédente du

Bureau, l'examinateur soutient qu'il est évident qu'un homme du

métier prévoira la quantité nécessaire de conicité pour chacune

des applications différentes de ces joints de pipe-line, c'est-à-

dire que tous les paramètres doivent être pris en considération;

les diamètres des pipe-line, le genre de fluide qu'ils transpor-

teront, les pressions, le volume du débit, etc....

 

Le demandeur soutient également que les pipe-lines des brevets

antérieurs ne transportent pas des mélanges boueux contenant des

solides en suspension. L'examinateur affirme de nouveau que le

genre de fluide à transporter est un facteur important dans la

conception des pipe-lines et que l'on en tient normalement compte

dans leur conception. Lorsqu'un pipe-line transporte un fluide

abrasif, il est reconnu dans l'exploitation de la réalisation que

l'on aménage un passage intérieur aussi uni que possible ce qui

indique de faibles angles de conicité dans un joint de téléscopage

s'il était nécessaire d'en faire un sur le pipe-line.

 

Dans sa réponse, le demandeur a (notamment) fait valoir son point de vue comme

suit:

 

Le brevet canadien no 301,308 porte sur un joint rigide ne comportant

aucune pièce amovible et n'est donc pas un joint de dilatation tel

que divulgué et revendiqué dans la présente demande d'enregistrement.

Ce joint est employé pour les oléoducs et les gazoducs et les prin-

cipaux problèmes qu'il doit corriger consistent à empêcher la fuite

des fluides qui y circulent et la corrosion causée par le soufre et

les divers constituants des fluides. Nulle part dans le brevet on ne

retrouve un enseignement ou une suggestion selon laquelle le joint

pourrait être employé dans les pipe-lines transportant des solides

en suspension. Par conséquent, le présent brevet n'a rien à voir avec

le problème du demandeur, d'est-à-dire une usure excessive du joint

causée par la turbulence dans les pipe-lines des solides dans le

mélange boueux qui agissent comme des pierres abrasives pour perforer

rapidement le joint. Ainsi, le titulaire du brevet canadien no

301,308 n'a jamais connu le problème auquel fait face le demandeur

et, évidemment, n'apporte pas ou ne propose aucune solution au pro-

blème du demandeur. En outre, à la lecture de la divulgation du

brevet, on s'aperçoit tout de suite que les surfaces effilées cri-

tiques du brevet sont les surfaces effilées 6 et 10 qui doivent être

rapporchées de façon à former un joint étanche. Ces surfaces effilées

ne peuvent être comparées aux surfaces effilées critiques de l'inven-

tion du demandeur. La partie profilée 8 du pipe-line, section 1 du

du brevet, et la partie chanfreinée no 16 du pipe-line,

section 2 du brevet, qui correspondent en fait aux parties

effilées critiques de l'invention du demandeur ne sont pas

des parties effilées au sens commun du terme, mais plutôt des

parties profilées...

 

...

 

Quant au rejet de l'examinateur au sujet de l'évidence, le

demandeur aimerait également souligner que si l'invention était

aussi évidente pour résoudre le problème comme il l'a fait,

pourquoi aucun joint de dilatation tel que divulgué par celui-ci

n'a-t-il jamais été mis sur le marché pendant les 45 années qui

ont suivi la délivrance du brevet précité? Les pipe-lines

transportent des solides en suspension depuis longtemps et, pour

autant que le sache le demandeur, personne n'a jamais mis sur le

marché un joint de dilatation semblable à celui conçu par lui même

et revendiqué dans la présente demande. Il faut également noter

que le demandeur, Grandview Industries Limited, fabrique des

pipe-lines depuis de nombreuses années. Si l'invention était si

évidente, cette industrie ou toute autre compagnie aurait mis sur

le marché il y a longtemps un joint de dilatation à celui divulgué

et revendiqué dans la présente demande. Pour autant que le sache

le demandeur, des tuyaux de caoutchouc ont servi de joints de

dilatation dans les pipe-lines transportant des solides en suspen-

sion.

 

...

 

La question délicate que doit trancher le Commissaire peut donc

être énoncée simplement. Les brevets enregistrés contiennent-ils

des enseignements qui permettraient ordinairement à l'homme du

métier de savoir comment résoudre le problème de l'érosion des

joints de dilatation utilisés pour les pipe-lines transportant des

solides en suspension? Comme on l'a déjà dit précédemment, nous

sommes d'avis qu'il faut répondre à cette question par la négative

puisque la réalisation antérieure ne comporte aucun enseignement ou

aucune suggestion qui ferait simplement allusion à la solution

proposée par le requérant. La réalisation antérieure citée par

l'examinateur porte sur des problèmes qui n'ont rien à voir avec le

problème de l'érosion auquel fait face le demandeur. Ces brevets

ne sont généralement d'aucune aide à un homme du métier ordinaire

pour résoudre son problème d'érosion. Le problème de l'érosion

aurait pu être causé par l'accumulation de matériaux solides dans

le joint et la déviation de l'écoulement normal du liquide dans

le pipe-line qui entraînerait une friction et l'érosion de la cana-

lisation. La solution indiquée à ce problème consisterait à

épaissir les manchons du joint de dilatation. Même en supposant

aux fins de la discussion que l'homme du métier se serait aperçu

que l'usure rapide du pipe-line était causée par la turbulence dans

la canalisation aux endroits où le diamètre du pipe-line change de

façon abrupte et que, par conséquent, tous les angles aigus doivent

être évités, il faut noter que le simple fait d'éliminer les angles

aigus ne correspond pas au joint de dilatation divulgué et reven-

diqué dans la présente demande...

 

Nous avons étudié attentivement la présente demande de brevet, ainsi que les

renseignements et les observations intéressantes présentés à l'audience par

 

Lafleur et Bennett. La question dont est saisie la Commission consiste à

déterminer si la demande porte sur un progrès technique brevetable. La reven-

dication 1 de cette demande se lit comme suit:

 

Un joint de dilatation de pipe-line ayant un calibre uni et

utilisé pour des pipe-lines dans lesquels circulent des mélanges

boueux contenant des solides en suspension comprenant:

 

a) un premier manchon ouvert aux deux extrémités et ayant une

partie effilée formée dans la paroi intérieure de l'une de ses

extrémités et se prolongeant à un faible angle par rapport à

l'axe du premier manchon et sur une partie importante de sa

longueur, de son diamètre intérieur jusqu'à son diamètre extérieur;

et

 

b) un deuxième manchon également ouvert aux deux extrémités et

dont la première partie possède substantiellement le même diamètre

intérieur que le diamètre extérieur dudit premier manchon, et

monté de façon téléscopique sur ladite extrémité du premier manchon,

une deuxième partie possédant substantiellement le même diamètre

intérieur que celui dudit premier manchon, et une partie inter-

médiaire se prolongeant à un faible angle par rapport à l'axe du

deuxième manchon sur une partie substantielle de sa longueur de

ladite deuxième partie jusqu'à ladite première partie du deuxième

manchon et dans lequel le faible angle du cône dudit premier man-

chon est substantiellement le même que le petit angle de dilatation

dans ledit deuxième manchon, donnant par le fait même un calibre

uni au joint de dilatation et ne comportant aucun endroit de

changement abrupt afin d'éviter qu'il y ait turbulence et qu'il en

résulte une usure du joint de dilatation causée par les solides

en suspension dans les mélanges boueux.

 

La difficultée "de résolution du problème de l'érosion des joints de dilatation

utilisés dans les pipe-lines transportant des solides en suspension" a clairement

été expliqué à l'audience. Les mots-clé peuvent très bien être les joints de

dilatation... Leur emploi a pour but d'éviter des turbulences dans les pipe-lines

qui provoqueront l'érosion des joints qui seront utilisés pour transporter des

solides en suspension. I1 est évidemment essentiel que le diamètre intérieur varie

dans une certaine mesure là où les deux tronçons du tuyau se chevauchent, mais

cette variation du diamètre peut être réalisée avec un minimum de turbulence

lorsque le joint se dilate ou se contracte. Au dire du demandeur, c'est 1à que

le progrès technique a été réalisé.

 

Un examen attentif du brevet de Siegle démontre que ce dernier s'intéressait à un

joint rigide ne comportant aucune pièce amovible et n'étant donc pas un joint de

dilatation. Siegle s'intéressait également à un problème différent, soit celui

des fuites dans les joints d'oléoduc et de gazoduc. Le brevet de Siegle ne

contenait rien sur un joint de dilatation pas plus que sur une usure excessive

du joint causée par une turbulence dans l'écoulement d'un fluide abrasif. A notre

avis, Siegle n'était pas aux prises avec le problème auquel fait face le demandeur

pas plus qu'il ne démontre ou ne propose de solution qui pourrait être utile au

présent demandeur.

 

Le brevet de Geer porte sur un raccord de pipe-line utilisé pour les oléoducs. Ce

raccord n'est pas utilisé dans les pipe-lines transportant des solices en suspen-

sion, le problème de l'érosion causé par des fluides abrasifs n'existe donc pas et

il en résulte naturellement qu'il n'apporte aucune solution. On voit clairement

que le raccord ne montre pas deux manchons montés de façon téléscopique. Ces

deux antériorités traitent de problèmes qui ne se rapportent pas directement au

problème de l'érosion auquel fait face le demandeur.

 

Les brevets cités peuvent, à première vue, sembler pertinents. Cependant, au moment

où la décision finale a été rendue, l'examinateur n'était pas avantagé par les

arguments et les explications présentées de façon succincte à l'audience. Nous

n'avons également aucune raison d'être en désaccord avec les points contenus dans

l'affidavit de l'inventeur, Monsieur Bennett, qui a été présenté à la Commission

après l'audience. Ces points étaient centrés autour des allégations selon lesquelles

il n'existe présentement sur le marché aucun joint de dilatation qui soit destiné

spécifiquement à prévenir l'érosion des joints de dilatation telle que soulignée

par le demandeur.

 

En résumé, nous sommes convaincus que le demandeur a réalisé un progrès technique

brevetable et nous recommandons que le rejet de la demande dans la décision finale

soit annulé. Après étude des revendications, nous estimons toutefois que la re-

vendication 1 devra définir le progrès technique avec plus de précision et être

modifiée pour comprendre la caractéristique selon laquelle le premier manchon du

joint de dilatation est monté de façon téléscopique "dans un contact à glissère

continu" avec le deuxième manchon (voir la ligne 12 de la revendication 1).

 

Le président adjoint de la

Commission d'appel des brevets, Canada

 

J.F. Hughes

 

J'ai procédé à l'examen de la présente demande et étudié la recommandation

de la Commission d'appel des brevets. Compte tenu des circonstances, j'annule

la décision finale et accepterai les revendications lorsqu'elles seront

modifiées comme le propose la Commission.

 

Le Commissaire des brevets

 

J.H.A. Gariépy

 

FAit à Hull (Québec)

ce 8e jour d'août, 1977

 

Mandataire du demandeur

 

Primak & Co.

240, boul. Hymus

Pointe-Claire (Québec)

H9R 1G5

 

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