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                     DECISION DU COMMISSAIRE

 

EVIDENCE: Vis de serrage filetée

 

La demande concerne une vis de serrage filetée améliorée. Il a été jugé qu'elle

représente un progrès brevetable dans la technique.

 

Decision: Annulée - On propose d'accepter une revendication.

 

               *******************************

 

La présente décision porte sur une demande d'examen par le Commissaire des

brevets de la décision de l'examinateur datée du 25 juin 1975 et se rapportant à

la demande 149,369 (catégorie 85-46). Cette demande a été déposée le 14 août 1972

au nom de Geoffrey Dreger et s'intitule "Mécanisme de filetage".

 

La Commission d'appel des brevets a tenu une audience le 23 mars 1977 à laquelle

M. D.G. Finlayson représentait le demandeur. Était également présent, M. G. Dreger,

l'inventeur.

 

La demande concerne une vis filetée pouvant être enfoncée dans des matériaux à

faible densité. Le corps de la vis comporte un filet coupant dont l'angle de

l'hélice est considérablement plus grand que l'angle du sommet. La figure suivante

illustre la vis filetée:

 

                       <IMG>

 

Dans sa décision, l'examinateur a rejeté la demande pour manque d'objet breve-

table, compte tenu des antériorités américaines suivantes:

 

2,350,346                      6 juin 1944            Gaskell

2,380,724                     31 juillet 1945          Crooks

2,742,074                     17 avril 1956            Rosan

 

Les revendications 1 à 5 ont été retirées. L'ancienne revendication 6,

maintenant devenue la revendication 1, est la seule revendication à l'étude.

 

Le brevet de Gaskell divulgue une vis filetée ayant un filet dont l'angle de

l'hélice est de 35  et l'angle du sommet de 15 . La figure 1, ci-dessous,

illustre l'invention en question.

 

                             <IMG>

 

Le brevet de Crooks concerne une vis de serrage en bois. Le filetage de la

vis a un pas prononcé d'environ 4 à 8 filets au pouce. Cette invention est

illustrée ci-dessous (fig. 1):

 

                       <IMG>

 

Le brevet de Rosan porte sur une vis amovible d'assemblage qu'on utilise avec

une vis de serrage.

 

Dans sa décision, l'examinateur déclarait notamment (seules les observations

relatives à l'ancienne revendication 6, maintenant devenue revendication 1,

nous intéresse):

 

 ...

 

La revendication 6 porte essentiellement sur les

caractéristiques présentées dans les revendications

1 à 5. Son rejet est, par conséquent, fondé sur les

mêmes motifs que ceux qui sont mentionnés ci-dessus.

 

La demande est rejetée pour manque d'objet brevetable,

compte tenu de l'antériorité.

 

Après étude de la réponse du demandeur du 10 janvier 1975,

nous maintenons que les angles des filets de la

divulgation (30À et 15À), que la différence est insigni-

fiante d'un point de vue pratique. En outre, Gaskell

résoud le même genre de problème comme il est indiqué

aux lignes 39 et suivantes de la colonne 2: "la face

a'attaque du filet étant inclinée par rapport à la verti-

cale suivant un angle plus grand que les filets conven-

tionnels, la vis peut donc être enfoncée dans le bois au

moyen d'un petit couple, tandis que la face arrière du filet

qui ressemble à un filet trapézoïdal permet à la vis de mordre

dans le bois ou dans un matériau semblable lorsqu'on l'enfonce

à force, éliminant ainsi la possibilité de se casser". Bien

que l'explication du demandeur ne soit pas aussi précise que

celle de Gaskell susmentionnée, on voit facilement qu'il s'agit

du même objet et qu'il n'y a pas de différence importante

entre les angles des filets.

 

Les caractéristiques de la vis-taraud du demandeur sont bien connues;

on se sert d'ailleurs de ce genre de vis dans l'industrie. Même si elles

avaient été revendiquées, elles n'auraient rien apporté à la brevetabi-

lité du dispositif. Par conséquent l'argument du demandeur comme quoi

"Rosan n'a jamais mentionné une vis-taraud...(et) ceci élimine le brevet

le brevet de Rosan comme étant une antériorité à la revendication 1" ne

s'applique pas.

 

Les espaces entre les filets ont été étudiés dans les trois antério-

rités. Ainsi, Crooks reconnaît qu'"un nombre restreint de filets par

pouce est important pour qu'une vis tienne solidement, pour autant

que la fibre du bois entourant la queue de la vis ne soit pas trop

fendue". En outre, Crooks fait état de vis dont la tête est faite de

bakélite, de fibre ou de métal et le cylindre est en bois ou en

plastique, mais il nementionne pas le rapport entre la profondeur et

le pas des filets. Gaskell déclare: "La vis comporte des filets 4

dont le pas est, de préférence, de l'ordre de huit filets au pouce."

Rosan précise que le pas des filets de sa vis est de 1.54 à 1.125 fois

plus grand que leur profondeur, tandis que le pas de la vis du deman-

deur est de 2.2 à 3 fois plus grand que la profondeur du filet. Rosan

qui doit surmonter essentiellement le même problème que le demandeur,

augmente la profondeur des filets et diminue leur largeur, élargissant

ainsi la distance entre les filets.

 

Etant donné l'évidence de l'objet de la divulgation et son manque

de niveau inventif par rapport à l'antériorité, la présente

demande est rejetée.

 

Dans sa réponse à la décision, le demandeur s'exprimait comme suit (notamment):

 

 ...

 

Le demandeur prétend que l'examinateur a fondé son rejet de

l'unique revendication mentionnée sur un ensemble de détails

tirés par diverses antériorirtés, dont celle de Rosan qui ne

porte pas sur l'objet du brevet de Crooks et Gaskell. Le

dispositif de Rosan concerne plus particulièrement une

bague d'arrêt à diamètre réduit pour pièce rapportée

et ladite pièce rapportée.

 

Il semble également que malgré la popularité de l'angle

de l'hélice et de l'angle du sommet de Gaskell, ainsi

que du pas de Crooks au cours des années 1944-1945, rien

ne prouve ou ne suggère que ces deux éléments isolés pou-

vaient être combinés; en outre quelque 10 à 12 années

plus tard, il n'est pas plus évident que la profondeur

du filet de Rosan peut être modifiée afin d'incorporer

les angles du filet ou la taille du pas des deux

antériorités. Le demandeur soutient que l'examinateur

n'a fait que rassembler de nombreux éléments isolés qui

ont été brevetés à intervales très éloignées et que depuis

la dernière de ces antériorités, plus de dix ans se sont

écoulés avant que la présente invention concernant une

combinaison précise ait été élaborée, en réponse à la

demande empressée d'un certain nombre d'industrie

d'obtenir l'objet dont il est question.

 

...

 

Le demandeur est d'avis que l'opinion prima-facie de

l'examinateur relativement à la non brevetabilité de

la demande doit être modifiée et qu'il devrait plutôt

conclure que suffisamment d'éléments ont été divulgués et

revendiqués à l'appui d'un brevet, compte tenu des

prérequis suivants: plus de dix ans se sont écoulés

depuis la dernière antériorité pertinente et le besoin

évident de la solution du demandeur, tel qu'étayé par

les demandes qu'ont faites au demandeur des spécialistes

de l'utilisation de vis de serrage filetées.

 

Le demandeur affirme que le fait de refuser toute

protection à la vis qu'il définit avec précision et

concision dans une seule revendication, contrevient aux

principes généraux d'une lettre patente pour un monopole

restreint et est contraire aux lois canadiennes relatives

à la concession de brevet pour des revendications

nouvelles et utilitaires, en réponse à des besoins précis.

 

Nous avons étudié attentivement les arguments habiles et intéressants

présentés à l'audience par MM. Finlayson et Dreger. Ils ont tentés de

démontrer qu'ils avaient fait preuve d'ingéniosité en créant la présente

vis de serrage. Nous ne contestons aucunement le raisonnement de la juris-

prudence dont a discuté M. Finlayson. Les cadres d'exécution étaient tout

aussi enjoués et fermes dans leurs tentatives de démontrer le manque de

niveau inventif. Nous avons également examiné les points soulevés dans

l'affidavit par l'inventeur, M. Dreger, qui soit dit en passant, est vice-

président dela Recherche et du développement du demandeur (T. L. Robertson

Manufacturing Co. Ltd.). Nous reviendrons sur certains de ces points.

 

Quelque temps après l'audience, le demandeur a également soumis à la

Commission un mémoire et des échantillons de vis de serrage.

 

La question est de savoir si le demandeur a effectué un progrès brevetable

dans la technique. Nous nous empressons d'ajouter que dans le cas présent,

il est difficile de répondre à une telle question. La revendication 1

(autrefois, revendication 6) se lit comme suit:

 

Une vis filetée destinés à être enfoncée dans des

matériaux de faible densité, soit environ 15 à 60

livres au pied cube, comportant un pied d'un diamètre

prédéterminé, un seul filet externe continu et cou-

pant dont l'angle de l'hélice est de 30  et l'angle

du sommet de 15À; la profondeur dudit filet compte

pour 30 à 40 p. cent du diamètre dudit pied, et les

espaces entre les filets sont de 2.2 à 3 fois plus

grand que ladite profondeur du filet.

 

Le demandeur prétend que l'examinateur s'est fondé sur une mosaique de

brevets pour rejeter la brevetabilité de sa demande. Cependant, nous sommes

convaincus que l'effet cumulatif de l'antériorité devrait être étudié pour

déterminer le niveau inventif d'une demande (voir DeFrees and Better Machine

Co. c. D.A. Acc. Ltd., 25 Fox P.C. 58 à 59).

 

Au cours de l'audience, on a déterminé qu'il y avait, sans aucun doute, un

problème à résoudre. Ceci est bien expliqué dans l'affidavit de M. Dreger.

Le problème consistait fondamentalement en l'élaboration d'une vis de serrage

améliorée destinée à être utilisée dans des matériaux à faible densité. Il

reste, cependant, à déterminer si le problème a été résolu de façon inventive.

L'inventeur a donc entrepris de concevoir une vis de serrage qui répond aux

critères suivants:

 

1. Une vis de serrage filetée, en métal, d'un

genre qui ressemble aux vis à vois ou aux

vis-taraud destinées à être enfoncées dans

des matériaux fabriqués et à faible densité

et non dans des matériaux utilisés depuis

toujours, tels que le bois ou le contreplaqué.

 

2. Un dispositif de serrage, comme celui décrit

ci-dessus, pouvant être enfoncé dans des

matériaux à faible densité, ainsi que dans tout

autre matériau utilisé depuis longtemps.

 

3. Un dispositif de serrage qui n'exige pas de trous

percés au préalable et utilisé dans n'importe

lequel des matériaux susmentionnés.

 

4. Un dispositif de serrage semblable à ceux utilisés

depuis longtemps, mais plus solide.

 

5. Un dispositif de serrage pouvant être fabriqué

avec l'équipement dont on se sert de nos jours,

mais avec moins d'outils et aussi rapidement.

 

Après étude du brevet de Rosan, il est clair que les filets de la vis n'ont

pu être faits qu'à partir d'une pièce vierge, ce qui ne se voit habituelle-

ment pas lorsqu'ils sont faits par roulage. Ce genre de vis exigerait

également qu'on perce un trou avant de l'y enfoncer.

 

Le brevet de Gaskell montre effectivement une vis filetée dont la face d'at-

taque des filets est inclinée suivant un angle de 35 , tandis que la face

arrière l'est à 15 . Ces angles sont essentiellement les mêmes que ceux de la

présente demande. La différence fondamentale réside dans le fait que le

demandeur continue son filet jusqu'à l'extrémité de la vis, et termine par un

bout pointu. Le dispositif de Gaskell, par contre, a une extrémité arrondie

et exige qu'on perce un trou avait de l'enfoncer, ce qui n'est pas le cas pour

la présente demande.

 

Il est évident que Crooks reconnait que "un nombre restreint de filets au

pouce est un facteur important pour qu'une vis tienne solidement, pour autant

que la fibre du bois entourant la queue de la vis ne soit pas trop fendue".

Ceci ne représente bien entendu qu'une seule des caractéristiques de la présente

invention. Toutefois, pour enfoncer la vis de Crooks, il faut également percer

un trou au préalable.

 

Au cours de l'audience, il a été mentionné que la présente vis est très

résistante, surtour lorsqu'elle est utilisée dans les veines d'extrémité des

bois durs, et s'introduit sans qu'on ait à percer un trou au préalable.

 

L'inventeur et ses experts-conseils ont jugé cette caractéristique inattendue.

Nous avons également étudié le succès commercial de la présente vis de

serrage qui s'est traduit par "l'achat d'approximativement 1 million de vis

LO-ROOT (présente vis de serrage) par mois", et ce par une seule société. Ce

détail est intéressant à noter mais ne démontre pas nécessairement qu'un niveau

inventif a été atteint.

 

Au premier coup d'oeil, l'on pourrait croire que la vis de serrage divulguée

est évidente compte tenu de l'antériorité. Toutefois, dans les circonstances

actuelles, nous ne sommes pas persuadés qu'il serait naturel pour un spécia-

liste dans ce domaine de combiner les éléments isolés des trois antériorités

afin de créer la présente vis de serrage (LO-ROOT), pouvant être fabriquée

grâce aux techniques de roulage actuelles qui n'exigent pas qu'on perce des

trous au préalable, et être introduite dans une vaste gamme de matériaux. Les

éléments isolés sont les suivants: l'angle aigu du filet assymétrique, le

diamètre relativement petit du pied et la distance entre les filets par rap-

port à leur profondeur. Le filet assymétrique se continue également jusqu'à

l'extrémité de la vis. Il y a également lieu de noter que les deux brevets

constituant les antériorité fondamentales ont été concédés en 1944 et en 1945,

tandis que de la présente demande a été déposée en 1972. Le demandeur prétend

également que "l'invention découle de nombreuses expériences et essais de

prototypes de vis de serrage qui ont toutes été fabriquées par roulage et qui

comportaient chacune des angles et des espaces de filets différents".

 

A notre avis, l'examinateur a habilement présenté son point de vue et nous

convenons que l'antériorité citée est liée de très près à la question en litige.

Toutefois, l'examinateur ne pouvait connaître certains des points qui ont été

soulevés à l'audience et dont on a longuement discuté. De toute façon, nous

remarquons que le demandeur a annulé cinq des six revendications rejetées dans

la décision de l'examinateur. Ceci prouve, du moins en partie, le bon-fondé

de la décision. Au début, nous avons mentionné que la question à l'étude

était difficile à trancher, d'une part parce que l'antériorité citée par

l'examinateur était pertinente et semblait en général contenir les caracté-

ristiques fondamentales de chacun des brevets et, d'autre part, en raison

de la difficulté qu'il peut y avoir à trouver un progrès brevetable dans une

vis de serrage. Nous ajoutons, cependant, que l'audience a grandement aité à

recommander, au Commissaire des brevets, une solution de rechange à la décision

rendue.

 

Ayant étudié tous les arguments portés à l'attention de la Commision, nous

sommes forcés de conclure, mais non sans hésitation, que le demandeur a effectué

un progrès brevetable dans la technique. Nous sommes d'accord avec le deman-

rieur pour dire que ce progrès porte sur l'angle aigu du filet assymétrique situé

sur la queue de la vis-taraud. Bien entendu, ce filet doit se continuer jusqu'à

l'extrémité de la vis et la profondeur du filet doit être calculée en fonction

de la longueur des espaces entre les filets et du diamètre de la vie. De plus,

nous remarquons que le diamètre du pied de la vis n'est qu'un plus petit que la

partie non filetée de la queue; ainsi, à mesure que la vis s'enfonce dans le

bois, il y a très peu ou pas du tout de contraintes qui s'exercent sur le bois.

Nous sommes d'avis que cette caractéristique contribue à faire de la présente

vis de serrage un élément utile à introduire dans les veines d'extrémités de

bois durs, par exemple.

 

Au cours de l'audience, on a largement débattu la question à savoir si la re-

vendication 1 (autrefois revendication 6) fait clairement état de ce que le de-

mandeur prétend être le progrès de la technique. Nous estimons qu'elle n'est

pas claire du tout et qu'elle devrait plutôt mentionner qu'il s'agit d'une

vis-taraud. De plus, il est essentiel de préciser que l'angle aigu du filet

unique continu et assymétrique se prolonge sur une partie au moins de la queue

de la vis et jusqu'à son extrémité. Cette revendication devrait également

indiquer le diamètre de la queue au-dessus du filet comme étant essentielle-

ment le même (ou légèrement plus grand) que le diamètre du pied.

  En résumé, nous sommes convaincus que la demande constitue un progrès

  brevetable dans la technique. Elle est de niveau suffisamment inventif pour

  que le Commissaire ne puisse refuser qu'on lui concède un brevet (cf Crossley

  Radio Corporation c. Canadian General Electric (1936) R.C S. 551 à 560).

 

  nous recommandons, par conséquent, que soit confirmée la décision de l'examina-

  teur de rejeter les revendications, mais que soit annulée la décision de rejeter

  la demande et enfin que soit modifiée la revendication 1, (autrefois revendi-

  cation 6), comme on le propose ci-dessus

 

  Le président adjoint de la

  Commission d'appel des brevets, Canada

 

J.F. Hughes

 

  J'ai étudié l'instruction de la présente demande, ainsi que les recommandations

  de la Commission d'appel des brevets. Vu les circonstances, j'estimq que le

  demandeur a effectué un progrès brevetable dans la technique J'annule donc

  la décision de rejeter la demande et accepterai la revendication 1 (autrefois

  revendication 6) lorsqu'elle aura été modifiée suivant les directives de la

  Commission. Le demandeur dispose de six mois pour la modifier ou en appeler

  de la décision aux termes de l'article 44 de la Loi sur les brevets

 

  Le Commissaire des brevets

 

  J.H.A. Gariépy

 

  Fait à Hull (Québec)

  ce vingt-septième four de mai 1977

 

  Mandataire du demandeur

 

  Meredith & Finlayson

  77, rue Metcalfe

  Ottawa (Ontario)

 

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