DECISION DU COMMISSAIRE
EVIDENCE: Dispersion de fibres dans une bouillie aqueuse
L'usage de fibres d'amiante comme uniques agents de dispersion dans une
bouillie de fibre de verre n'est pas suggéré dans l'antériorité.
Décision: annulée
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La présente décision concerne une demande de révision par la Commissaire des
brevets de la décision de l'Examinateur du 5 mars 1976 au sujet de la
demande 184,363 (catégorie 6-212). Celle-ci a été déposée le 26 octobre 1973
au nom de William J. Plichta et coll. et s'intitule "Procédé de dispersion de
fibres dans une bouillie aqueuse".
La demande porte sur un procédé de dispersion de fibres dans une bouillie
aqueuse en utilisant des fibres d'amiante comme agent de dispersion.
Dans sa décision, l'examinateur a rejeté toutes les revendication parce qu'elles
ne portaient pas sur un perfectionnement brevetable étant donné l'antériorité
suivante:
Brevet américain 3,007,841 7 novembre 1961 Briener et coll.
Le brevet Brimer porte sur des tampons d'humidificateur pour appareils de
climatisation. Ces tampons sont faits à l'aide d'un procédé de fabrication
du carton et d'un presse-pâte conventionnel, et sont composés de fibres
d'amiante brutes, de masse de remplissage faite de particules absorbantes,
de fibres minérales, et d'un liant résineux, dans lesquels ces divers com-
posants sont mélangés avec de l'eau. La revendication 1 du brevet se lit ainsi:
"Un tampon d'évaporation pour humidificateur incorporé
à un climatiseur et qui se compose d'un tampon absorbant
comprenant une partie inférieure et une partie supérieure;
les deux parties sont accrochées au-dessus d'un récipient
d'eau dont l'eau est pompée par la partie inférieure du
tampon jusqu'à sa partie supérieure sous l'influence d'un
courant d'air chaud; ce tampon absorbant a une résistance
à la traction, lorsque saturé d'eau, d'au moins 39 livres
par pouce carré mesuré dans le sens de l'appareil. Ce
tampon absorbant est composé de fibres feutrées disposées
en feuilles, lesquelles sont formées d'un mélange comportant
de 15 à 35% du poids de fibres d'amiante, 20 à 40% du poids
de remplissage de particules absorbantes provenant d'un
groupe composé de terres de diatomées, de perlite et de
silicates de calcium hydratés et de mélanges de ces composés,
30 à 60% du poids de fibres minérales provenant d'un groupe
composé de laine de laitier, de laine de verre et de fibre de
verre et de mélanges de ces composés, et 0.5 à 2.5% de liant
résineux,
Dans sa décision, l'examinateur a déclaré (notamment):
Les revendications 1 à 5 sont à nouveau rejetées parce que
l'invention sur laquelle porte la présente demande a déjà été
divulguée dans le brevet américain 3,007,841. Ce brevet décrit
à la colonne 2, aux lignes 23 à 26 et 68, de même qu'à l'exemple
5, un procédé de formation d'une bouillie aqueuse en incorporant
une multitude de fibres de verre et une multitude de fibres
d'amiante et en agitant. La seule autre restriction explicite de
la revendication 1 est celle de la taille des fibres de verre.
Il est clair qu'étant donné que les fibres utilisées par Briener et
coll. sont broyées, elles sont d'une longueur telle qu'il leur
faudra un agent de dispersion et qu'une part importante d'entre
elles se situera dans la limite de 0.25 à 2 pouces. L'utilisation
d'un liant et la restriction sur la qualité des fibres d'amiante
sont également présentes.
Le présent demandeur revendique un procédé en deux étapes soit,
généralement parlant,
(a) formation d'une bouillie aqueuse comportant des
fibres d'amiante;
(b) brassage de cette bouillie jusqu'à ce que les
fibres de verre se soient dispersées d'une
façon uniforme.
D'autres restrictions portent sur les longueurs limites des fibres de
verre, les pourcentages limites par poids à sec des fibres d'amiante
de même que sur leur qualité et l'usage d'un liant.
La principale antériorité citée, le brevet américain 3,007,841,
divulgue ce même procédé selon lequel il faut former une bouillie
aqueuse puis la brasser jusqu'à l'obtention d'une dispersion uniforme.
Les matériaux utilisés sont les mêmes sauf en ce qui concerne les
terres de diatomées du remplissage, dans ledit brevet. Les données
concernant la longueur des fibres de verre, le type de liant et la
quantité de fibres d'amiante se recoupent dans le brevet et la présente
demande.
Dans, sa réponse, le demandeur déclare, notamment:
Le brevet Briener et coll. porte sur une feuille d'amiante,
plus particulièrement sur un tampon d'humidificateur obtenu à
l'aide de la méthode conventionnelle de fabrication du carton.
En plus de l'amiante, le produit comprend des fibres minérales
provenant d'un groupe composé de laine de laitier, laine de
verre, fibre de verre et autres produits semblables, et de
mélanges de ces divers produits. Plus précisément, dans sa
liste de composants, Briener et coll. révèlent un mélange aux
proportions suivantes: de 15 à 35% du poids de fibres d'amiante,
20 à 40% du poids de remplissage de particules, 30 à 60%
du poids de fibres minérales autres que les fibres d'amiante
et de 0.52 à 2.5% du poids d'un liant résineux.
On notera que le brevet Briener ne mentionne pas l'usage d'un
agent de dispersion et encore moins l'usage de l'amiante comme
agent de dispersion. En fait, dans la plupart des cas, il n'est
pas nécessaire d'utiliser un tel agent dans le procédé
conventionnel de fabrication du carton. En ce qui concerne
celui qui est décrit dans le brevet Briener, il est plus que
probable qu'on n'y utilise pas d'agent de dispersion puisque le
pourcentage maximum de fibres utilisées, autres que l'amiante,
est de 60% du poids. Quoi qu'il en soit, le brevet Briener ne
mentionne en aucune façon l'usage de fibres d'amiante comme agent
de dispersion ni comme étant essentiellement l'unique agent de
dispersion. Ce brevet ne dit pas que la dispersion est nécessaire
ni que l'agent de dispersion doit être la fibre d'amiante, comme
il est dit dans la revendication 1 de la demande.
Il s'agit donc de savoir si les revendications portent sur un perfectionnement
technique brevetable.
La revendication 1 se lit ainsi:
Un procédé de dispersion des fibres de verre dans une bouillie
aqueuse, ledit procédé consistant en les étapes suivantes:
(a) formation d'une bouillie aqueuse comportant:
(i) un grand nombre de fibres de verre d'une longueur
et d'un nombre tels qu'il est nécessaire
d'utiliser un agent de dispersion dans ladite
bouillie, et
(ii) un agent de dispersion consistant essentiellement
en un grand nombre de fibres d'amiante; et
(b) brassage de ladite bouillie pour disperser lesdites fibres de verre.
En examinant la décision de l'examinateur, nous constatons que les revendications
ont été rejetées à cause du brevet Briener pour les raisons suivantes: (a)
le procédé Briener "quoiqu'il ne le mentionne pas, n'exclut pas l'utilisation
de fibres d'amiante pour disperser les fibres de verre dans une bouillie
aqueuse." Ce à quoi le demandeur réplique que l'examinateur se livre à de
pures conjectures qui ne sont pas fondées sur ce que dit Briener, et (b) les
fibres de verre sont d'une longueur égale à celles du demandeur ou se situent
dans les longueurs limites qu'il donne.
Le brevet Briener porte sur des produits d'amiante tels que les tampons
d'humidificateur pour climatiseurs. Ces tampons sont fabriqués à l'aide
d'uh procédé conventionnel de fabrication du carton. On lit dans la colonne 2,
lignes 23 et suivantes: "Des fibres d'amiante brutes, un remplissage de
particules absorbantes, de la fibre minérale et un liant résineux sont mélanges
avec de l'eau dans un batteur conventionnel pour former une bouillie dont le
carton est constitué." Dans la colonne 4, lignes 21 et suivantes, on trouve
l'exemple 5:
On a fabriqué un carton, dont les caractéristiques physiques
figurent à la colonne 5 du tableau ci-dessus, sur un presse-
pâte ordinaire et par un procédé ordinaire de fabrication, à
partir d'une bouillie composée de 20% du poids de fibres d'amiante
du groupe 5, 28% du poids de terres de diatomées, 50% du poids
de fibres de verre broyées et 2% du poids d'un liant de résine
acrylique.
Voyons maintenant le principal point en litige, soit l'utilisation de fibres
d'amiante comme agent de dispersion. Le demandeur soutient qu'il a découvert
que les fibres d'amiante peuvent être utilisées comme unique agent de dispersion
des fibres de verre dans une bouillie où des fibres sont d'une longueur telle
qu'il faut recourir à un agent de dispersion. Par contre, d'après l'examinateur,
il n'y aurait pas de raison de croire que Briener et coll. "ignorait que les
fibres d'amiante qu'il utilisait comme élément essentiel de son produit avaient
ces caractéristiques spéciales". Selon l'examinateur et bien que cela ne soit
pas mentionné dans le brevet Briener, l'utilisation de fibres d'amiante avec des
fibres de verre dans une bouillie aqueuse suffit à prouver que le breveté
connaît parfaitement leurs propritétés comme agent de dispersion. Briener
mentionne les terres de diatomées comme additif à la bouillie dans la fabrication
de son produit. Le demandeur, quant à lui, mentionne une bouillie de fibres
de verre d'une longueur et d'un nombre tels qu'il est nécessaire d'utiliser un
agent de dispersion et il précise que cet agent est la fibre d'amiante. Nous
ne trouvons nulle part dans le brevet Briener de mention comme quoi les fibres
d'amiante sont utilisées comme unique agent de dispersion dans une bouillie de
fibres de verre. De plus, il se pourrait que la fibre d'amiante n'ait été
utilisée que comme liant pour les terres de diatomées.
L'autre point en litige est que les fibres de verre du brevet sont d'une
longueur semblable ou se situent dans les longueurs limites fondées par le
demandeur. Cette remarque nous semble hors de propos puisqu'il n'est pas
mentionné que les fibres d'amiante, de quelque taille qu'elles soient,
peuvent être tuilisées comme uniques agents de dispersion dans une bouillie
de fibres de verre.
Le jugement de la Cour suprême dans l'affaire The King c. Uhlemann Optical Co.
(1951) 15 CPR 99 nous semble pertinent à cette décision: "... il ne se trouve,
dans les publications antérieures, rien de vraiment essentiel concernant l'in-
vention et qui soit nécessaire ou pertinent à son fonctionnement effectif et à
son utilité réelle". (Nous soulignons)
La revendication 1 porte sur un procédé de dispersion des fibres de verre dans
une bouillie aqueuse où les fibres d'amiante sont utilisées comme unique agent
de dispersion. Il n'y a rien à ce sujet dans l'antériorité. Nous croyons donc
qu'il s'agit là d'un perfectionnement technique brevetable. Nous recommandons
que la revendication 1 soit acceptée. Il s'ensuit que les revendications 2 à
5, qui en dépendent directement ou indirectement, peuvent aussi être acceptées.
En résumé, nous sommes convaincus qu'il ne se trouve, dans l'antérioté, rien de
vraiment essentiel concernant l'invention et qui soit nécessairement ou pertinent à
son fonctionnement effectif et à son utilité réelle (voir: The King c. Uhlemann,
supra). Nous recommandons que le rejet soit annulé.
Le président intérimaire
Commission d'appel des brevets
J.F. Hughes
J'ai examiné l'instruction de la présente demande de même que la recommandation
de la Commission d'appel des brevets et décidé de rejeter la décision et de
renvoyer la demande à l'examinateur qui l'instruira à nouveau.
Le Commissaire des brevets
J.H.A. Gariépy
Fait à Hull Quebec
ce 5 mai 1977
A.E. MacRae & Co.
C.A. 806, Succursale B
Ottawa Ontario