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                          DECISION DU COMMISSAIRE

 

DIVULGATION NON ETAYEE: La demande (revendications 15 à 17) décrit certains

chromones polyhydroxyle-phényle, connus sous les noms de Silymarin I, II, III, IV.

 

Les revendications 15 à 17 ont été rejetées vu le manque d'invention par rapport

à leur étendue. La modification proposée en vertue de la Règle 52 a également

été rejetée étant donné qu'elle s'appliquait à "un objet" nouveau.

 

Décision: Confirmée

 

La décision concerne une demande de révision par le Commissaire des brevets de

la décision de l'examinateur datée du 20 mars 1975 portant sur la demande 053,025

(catégorie 260-373.3). Cette demande a été déposée le 29 mai 1969 au nom de

Rolf Madaus et s'intitule "méthode visant à récupérer le polyhydroxyphényle."

La Commission d'appel des brevets a tenu une audience le 17 novembre 1976 à laquelle

M. K.P. Murphy représentait le demandeur.

 

La demande décrivait certains chromones polyhydroxyle-phényle, connus sous le nom

de Silymarin, qui ont des propriétés pharmacologiques valables permettant de les

utiliser comme stabilisateurs de la structure cellulaire et comme régulateurs du

métabolisme. Les revendications concernent:

 

a) un procédé à récupérer les chromones polyhydroxyphényle

(revendications 1 à 9);

 

b) des chromones polyhydroxyphényle lorsque ceux-ci sont produits grâce

au procédé de la revendication 1 (revendication 10);

 

c) le procédé des revendications 1 à 7 suivi de la séparation des

Silymarin II et III des chromones polyhydroxyphényle (revendications

11 à 12);

 

d) les Silymarin II et III lorsque ceux-ci sont produits grâce aux

procédés des revendications 11 et 12 respectivement (revendications

13 et 14); et

 

e) une composition thérapeutique comprenant un mélange de Silymarin I,

II, III et IV et d'un véhicule pharmaceutique acceptable (revendi-

cations 15 à 17).

 

Il a noté que les Silymarin I et IV étaient connus avant la présente demande et

que les Silymarin II et III sont des composés nouveaux (voir les lignes 7 à 10

à la page 2 de la lettre du demandeur datée du 29 avril 1974). Les revendications

1 à 14 ont été jugées admissibles.

 

Les revendications 15 à 17 ont été rejetées étant donné que "la composition thé-

rapeutique des revendications 15 à 17 qui se rapporte supposément à un mélange

synergistique de Silymarin I, II, III et IV et d'un véhicule pharmaceutique

acceptable, n'est pas étayée par la divulgation".

 

Dans cette décision, l'examinateur a traité d'un certain nombre de causes portant

sur les prescriptions de l'article 36(1) de la Loi sur les brevets. Il déclarait

(notamment):

 

...

 

.... La divulgation ne précise pas que le concentré formé de

Silymarin I, II, III et IV (les Silymarin I et IV étaient connus

avant la prétendue invention) se révèle plus actif que ce à quoi

l'on pourrait s'attendre de l'ensemble des propriétés de chacun

des Silymarin. La divulgation ne fait aucunement mention de

synergie inattendue, ou ne comporte aucun détail au sujet du fonction-

nement, de l'utilisation ou de l'effet de l'invention. Il est évident

que l'article 36(1) n'a pas été observé.

 

  ...

 

Pour ce qui est des preuves qu'on nous présente actuellement (une

copie de la demande allemande acceptée du demandeur 1,923,082 qui

porte un numéro différent des deux autres demandes de priorité

unioniste de la présente demande) alléguant qu'il y a réellement

invention, nous nous reportons à la déclaration du président de la

Cour de l'Échiquier dans Riddell c. Patrick Harrison 1956-60 Ex. C.R.

213 à 225:

 

...ce qu'il faut étudier dans une cause de brevet,

c'est l'invention telle qu'elle est décrite dans la

divulgation et définie dans les revendications plutôt

que celle qui est exposée dans les preuves produites".

 

Le demandeur prétend que "ce qui constitue une invention en Allemagne de

l'Ouest en constitue également une au Canada". Nous en convenons, mais

aimerions souligner que les lois canadiennes régissent toutes les

exigences relatives à une démarche inventive, ainsi que toute divulgation

d'une invention.

 

Dans sa réponse à la décision, le demandeur a avancé les arguments suivants:

 

      a) les compositions exposées dans les revendications 15 à 17 sont évidemment

   soutenues par la divulgation. Les lignes 12 à 14 de la page 11 de la

   divulgation décrivent des comprimés, des comprimés ou capsules enrobées de

   sucre contenant du Silymarin incorporé à un véhicule, le tout destiné à être

   administré par voie orale, à des fins thérapeutiques;

 

      b) il semblerait que les revendications ont été rejetées pour manque de fondement

   compte tenu de l'absence du terme "synergie";

 

      c) la synergie n'est qu'une explication scientifique de la façon d'obtenir un

   effet pharmacologique bénéfique;

 

      d) L'article 36(1) n'oblige pas le demandeur à fournir une explication scienti-

   fique du fonctionnement de son invention;

 

      e) on estime que les termes employés dans la divulgation, à savoir activité

   surprenante et considérablement plus grande équivalent essentiellement à la

   "synergie";

 

      f) on demande que soit modifiée la divulgation afin d'y insérer, à la ligne 27

   de la page 3, le paragraphe suivant:

 

   Un autre aspect de l'invention consiste à fournir une composition

   thérapeutique comprenant un mélange de Silymarin I, II, III et IV

   et d'un véhicule acceptable. Pour faciliter son administration

   orale, cette composition peut être présentée en comprimés ou en

   capsules contenant chacun un total de 35 mg de Silymarin I, II, III

   et IV.

 

   En outre, que la divulgation soit modifiée (à partie de la ligne 10

   de la page 6b) pour y introduire le paragraphe suivant:

 

   La composition thérapeutique de l'invention, formée d'un mélange de

   Silymarin I, II, III et IV se révèle plus actif que ce à quoi l'on

   pourrait s'attendre de l'ensemble des propriétés de chacun des

   Silymarin. Par exemple, lorsque les propriétés pharmacologiques

   des quatre composants de Silymarin et le mélange ont été mis à

   l'épreuve sur des animaux (souris), on a obtenu une protection

   complète en utilisant 150mg/kg de Silymarin I; 250 mg/kg de Sily-

   marin II; 150 mg/kg de Silymarin III comparativement à 30 mg/kg de

   mélange de Silymarin I, II, III, et IV;

 

      g) le demandeur pourrait également introduire le tableau figurant dans les colonnes

   5 et 6 du brevet correspondant 1,923,082 de l'Allemagne de l'ouest par rapport

   à laquelle la présente demande revendique la priorité en vertu de la Convention

   internationale.

 

h) on estime que l'introduction de ce tableau est admissible en vertu des dispo-

   sitions pertinentes de la Loi et des Règles telles que les ont interprétés les

   tribunaux canadiens; et

 

      i) à l'appui de cette opinion, le demandeur se réfère au brevet canadien 779,890

   concédé à Sandoz Patents Ltd. (Jules R. Gilbert Ltée c. Sandoz Patents Ltd.

   (1970) C.P.R. Vol. 64, page 14).

 

Nous avons attentivement étudié les arguments adroits et intéressants avancés par

M. Murphy au cours de l'audience.

 

La question est de savoir si la divulgation étaye réellement une invention de

l'étendue des revendications 15 à 17. La revendication 15 se lit comme suit:

 

Une composition thérapeutique comprenant un mélange de Silymarin

I, II, III et IV et un véhicule pharmaceutique acceptable.

 

L'emploi du terme "synergie" a été longuement débattu. Le demandeur prétend que

la demande a été rejetée parce qu'il n'avait pas précisé que le mélange était de

nature synergistique. Toutefois, nous estimons que la question de savoir si le

terme "synergie" a été employé est peu importante. Ce qu'il nous importe vraiment

c'est de déterminer si le demandeur a démontré dans sa divulgation que le mélange

des composés entraînait un effet synergistique.

 

Nous sommes convaincus que le demandeur a décrit l'utilité du mélange. Il pré-

tend toutefois, que "la composition thérapeutique de l'invention, formée d'un

mélange de Silymarin I, II, III et IV se révèle plus actif que ce à quoi l'on

pourrait s'attendre de l'ensemble des propriétés de chacun des Silymarin..."

prime abord, nous pourrions probablement dire que si le demandeur avait convenable

ment divulgué son invention, il aurait obtenu un résultat nouveau et inattendu qui

présente des caractéristiques originales par rapport aux composés uniques.

 

Cependant, ce qui nous intéresse ici est de déterminer si les revendications 15 à

17 de la prétendue invention sont convenablement étayées par la divulgation et

dans le cas contraire, si les modifications proposées ci-dessus sont acceptables.

 

Au cours de l'audience, la Commission a posé la question suivante: "la divul-

gation indique-t-elle clairement que le mélange do Silymarin est différent et

supérieur aux Silymarin pris individuellement (mélange)... (réponse de M. Murphy)

Je ne sais pas si j'irais jusqu'à dire cela: la description do l'utilité porte

principalement sur le mélange en soi et indique qu'il entraîne une activité

surprenante, mais sans la comparer à un des composés."Plus tard, au cours de

l'audience, la Commission s'est exprimée ainsi ... "ayant lu la divulgation

(de la présente demande), nous ne supposons pas que le fait d'utiliser le

mélange présenterait un avantage par rapport aux composés individuels - (réponse)

"C'est vrai .., ma divulgation, c'est-à-dire la divulgation canadienne, n'indique

pas que le mélange des quatre Silymarin est plus utile que tout autre Silymarin

individuel en même quantité." Il ajoute "dans sa divulgation originale, il ne

fait aucune distinction entre les résultats surprenants qu'il obtient en utili-

sant le mélange - il ne suggère pas qu'il est préférable d'employer le mélange

plutôt qu'un des composés."

 

Par conséquent, nous sommes d'avis qu'il est évident, vu ce qui précède et les

réponses à la décision de l'examinateur, que la prétendue invention définie dans

les revendications 15 à 17 n'est pas étayée par la divulgation. Aucune invention

n'est décrite qui soit proportionnée à l'étendue des revendications 15 à 17 par

rapport aux résultats obtenus en utilisant l'un des composés. Il est tout

naturel que l'on insiste sur le fait que le demandeur décrive entièrement l'inven-

tion, son fonctionnement et son utilisation. Qui plus est, cette prescription

figure à l'article 36 de la Loi sur les brevets.

 

Il s'agit ensuite de savoir si la divulgation peut être modifiée comme on le

propose ci-dessus, de façon à soutenir les revendications 15 à 17.

 

La modification proposée concerne "un autre aspect de l'invention... comprenant

un mélange de Silymarin I, II, III et IV et d'un véhicule pharmaceutique acceptable...

le mélange se révèle plus actif que ce à quoi l'on pourrait s'attendre de

l'ensemble des propriétés de chacun des Silymarin. Le demandeur prétend qu'une

telle modification est admissible en vertu des dispositions pertinentes de la

Loi et des Règles et se réfère à Jules R. Gilbert Ltd. C. Sandoz Patents Ltd. (1970)

C.P.R. Vol. 64, p.14.

 

Dans l'affaire Sandoz, la demande avait été modifiée après son dépôt, en vue

d'élargir l'utilité. A ce sujet, le juge Thurlow déclarait: "je ne pense pas non

plus que les demandeurs puissent invoquer une règle en vue d'insérer dans le

 mémoire, avant la concession du brevet, la phrase susmentionnée (concernant les

effets extrapyramidales de thiaridazine extrêmement faibles) ainsi que celles qui

se rapportent à l'utilité de la catégorie dans son ensemble et ce, afin de donner

au mémoire ainsi modifié, une interprétation différente de celle qu'elle a

lorsqu'elle est considérée dans son ensemble." A notre avis, ceci diffère totale-

ment de la présente demande où aucune invention n'est décrite qui soit proportion-

née à l'étendue des revendications 15 à 17.

 

Nous sommes d'avis que la modification proposée concerne un objet nouveau et distinct

qui ne peut tomber sous le coup de la Règle 52. Cette modification décrit une pré-

tendue invention distincte des composés lorsqu'utilisés seules. Nous sommes d'accord

avec le demandeur lorsqu'il dit "qu'il n'a pas besoin de savoir que la composition

fonctionne de cette façon." Toutefois, il doit préciser l'objet de l'invention et

en quoi elle réside. Comment peut-on utiliser l'invention lorsqu'il n'existe aucune

divulgation indiquant qu'il y en a, en fait, une de l'étendue des revendications 15

à 17.

 

Le demandeur prétend que les modifications proposées devraient être acceptées compte

tenu du fait que certaines modifications l'ont été par le Bureau des brevets de

l'Allemagne de l'Ouest. Toutefois, il ne faut pas oublier qu'au Canada les exi-

gences d'une divulgation en bonne et due forme sont régies par la Loi sur les

brevets qui peut très bien différer de celle de l'Allemagne de l'Ouest. A notre

avis, les modifications ne devraient pas être acceptées.

 

Nous jugeons pertinent à la présente cuase, le raisonnement de la Cour dans Riddell

c. Patrick Harrison (1956-60) Ex.C.R. 213 à 225: "... ce qu'il faut étudier dans

la cause d'un brevet, c'est l'invention telle qu'elle est décrite dans le mémoire

et définie dans les revendications plutôt que celle qui est exposée dans les

preuves produites..."

 

Il semble qu'il y ait encore d'autres raisons justifiant le rejet de la revendica-

tion 15. Celle-ci couvre essentiellement la même étendue que la revendication 10.

Néanmoins, qu'elle soit, de ce fait, redondante, qu'elle se soustraie illégalement

aux exigences de l'article 41 ou qu'elle contrevienne à la date mentionnée dans

Gilbert c. Sandoz 1974 S.C.R. 13-36 dans laquelle on réfute les revendications d'une

composition comportant un véhicule, autant de questions qui n'ont pas été étudiées

et sur lesquelles nous croyons inutiles de nous attarder.

 

Nous sommes convaincus que les revendications ne sont pas soutenue par la

divulgation et que les modifications proposées ne peuvent être acceptées étant

donné qu'elles concernent une invention qui n'a pas été antérieurement décrite

dans la divulgation. Nous recommandons donc que soit confirmée la décision de

rejeter les revendications 15 à 17.

 

Le président adjoint

Commission d'appel des brevets

 

J.F. Hughes

 

J'ai étudié l'instruction de la présente demande de brevet, ainsi que la recomman-

dation de la Commission d'appel des brevets et ai décidé, vu les circonstances,

de rejeter la modification de la divulgation, ainsi que les revendications 15 à

17. Le demandeur dispose d'une période de 6 mois pour retirer ces revendications

ou pour en appeler de la présente décision en vertu de l'article 44 de la Loi sur

les brevets.

 

Le Commissaire des brevets

 

J.H.A. Gariépy

 

Fait à Hull (Québec)

ce 31e jour de janvier 1977                  Mandataire du demandeur

                                               Alan Swabey & Co

                                              625, avenue du Président Kennedy

                                              Montréal, Québec

                                              H3A 1K4

 

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