Brevets

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                  DECISION DU COMMISSAIRE

 

INSUFFISANCE DE L'EXPOSE: Nouvelles amines

 

Le demandeur revendique plusieurs méthodes de préparation de quelques nouvelles

amines d'intérêt pharmaceutique. Seulement un certain nombre des procédés sont

décrits avec quelques détails. On en a conclu que les autres procédés reposaient

plutôt sur des présomptions, et qu'il n'existait pas assez de preuves de leur

invention. D'autres procédés refusés par l'examinateur offraient un exposé

suffisant.

 

Rejet: Modifié.

 

La Commission d'appel des brevets a tenu une audience pour réviser le rejet

final de la demande de brevet 101368, Classe 260-239.17. Dans la demande, le

demandeur, Ciba-Geigy Ag, cessionnaire de Max Wilhelm, revendique un certain

nombre de composés chimiques nouveaux, d'intérêt médical. Le demandeur était

représenté à l'audience par M. R. Fuller.

 

A la date du rejet, la demande contenait à la fois des revendications de

procédés, et des revendications de produits, associées à ces dernières (comme

l'exige l'article 41 de la Loi sur les brevets). L'examinateur a refusé les

revendications de produits comme étant trop étendues. Par modification ulté-

rieure à la Décision finale, les revendications de produits devront être rendues

conformes aux exigences de l'examinateur, et elles ne sont plus à l'étude.

 

On a refusé les revendications de procédés (maintenant, revendications 1-16,

après modification le 1er août 1975). Les revendications 1 et 11 illustrent ce

qu'elles couvrent:

 

1. Un procédé pour la fabrication de nouvelles amines de formule I,

 

<IMG>

 

où R1 représente de l'hydrogène ou un alkyl inférieur; R2, un alkyl

inférieur; R3, un alkyl inférieur; et Ph, un radical méta- ou para-

phénylène, non substitué ou monosubstitué par un alkyl ou un alkényl

de 1 à 4 atomes de carbone, ou par un halogène, et des sels à usage

pharmaceutique, qui en dérivent, ce qui comprend a) un produit de

réaction de formule V.

 

<IMG>

où R1, R2 et Ph ont la signification donnée ci-devant,

X1 représente le groupe hydroxyle, et Z un groupe hy-

droxyle estérifié, réactif, ou encore X et Z représen-

tent ensemble un groupe epoxyde, avec une amine de

formule

 

NH2-R3

 

où R3 a la signification donnée ci-devant; ou b) un

produit de réaction de formule VI

 

<IMG>

 

où R1, R2 et Ph ont la signification donnée ci-devant, avec

un composé de formule

 

Z-R3

 

où Z et R ont la signification donnée ci-devant; ou c)

un produit de réaction de formule VIII

 

<IMG>

 

où R1, R2 et Ph ont la signification donnée ci-devant, avec

un composé de formule IX

 

<IMG>

 

où Z, X1 et R3 ont la signification donnée ci-devant;

ou d) dérivant d'un composé de formule I, où R1, R2,

R3 et Ph ont la signification donnée ci-devant, et qui

possède un radical éliminable sur l'atome d'azote du

groupe amine et/ou sur le groupe hydroxyle, dit(s)

radical ou radicaux; ou e) produit de réduction avec une

base de Schiff de formules XII ou XIII

 

<IMGS>

 

où un tautomère cyclique, correspondant à la formule

XIII, où R1, R2 , Ph et R3 ont la signification donnée

ci-devant, et R'H est identique à R3; ou f) un produit

de réduction, de formule XVI

 

<IMG>

où R1, R2, R3 et Ph ont la signification donnée

ci-devant, le groupe 2-oxo devenant un hydroxyle;

ou g) un dérivé acide, par réaction avec un acide

carbamique, de formule XVII

 

            OH

 

HOOC - NH - Ph - O - CH2 CH - CH2 - NH - R3 (XVII)

 

où Ph et R3 ont la signification donnée ci-devant, avec

une amine de formule

 

R1 - NH - R2

 

où R1 et R2 ont la signification donnée ci-devant; et

où, selon les besoins, les racémates formés sont séparés

en leurs antipodes optiques, et/ou les bases libres formées

sont transformées en leurs sels, acceptables en pharmacie,

ou encore les sels formés, en bases libres ou en d'autres

sels, acceptables en pharmacie.

 

II. Un procédé, tel que revendiqué dans les revendications

1 à 3, où des composés de formule III

 

<IMG>

 

sont préparés, dans lesquels R'1 et R'2 représentent chacun

un alkyl inférieur, R'3 également un alkyl inférieur, R4

représente un hydrogène ou un chlore, ou un alkényl de 1 à 4

atomes de carbone, à partir des produits intermédiaires

correspondant aux diverses formules données dans la reven-

dication 1, où R1, R2 est R3 ont les mêmes valeurs que celles

données ci-devant pour R'1, R'2 et R'3, et où Ph est un

radical p-phényléne, substitué par R4 tel que défini ci-devant.

 

L'examinateur a refusé ces dernières parce que le mémoire descriptif ne les

étayait pas suffisamment. Il a déclaré qu'il n'y a aucune description

précise des procédés b à g dont fait état la revendication 1, que ces procédés

ne font l'objet d'aucune description qui les distingue, et (nous citons):

a) aucun de ces procédés n'est décrit, par conséquent,

il y a insuffisance en vertu du paragraphe 36(1).

 

b) ils ne sont pas de vrais équivalents de la méthode

exposés.

 

c) il leur faut des millions de matériaux de base dont la

plupart n'existent peut-être même pas.

 

d) leur valeur est des plus hypothétique.

 

e) leur présence dans legs revendications prive le public des

droits fondamentaux garantis au paragraphe 41(1).

 

Par contre, le demandeur maintient qu'il n'est pas nécessaire de donner des

exemples pratiques de tous les procédés qu'il revendique parce qu'ils portent

sur des méthodes connues et que toute personne versée en la matière verrait

immédiatement qu'ils peuvent produire les composés voulus. Il souligne la

description "détaillée" que l'on retrouve aux pages 11 à 18 du mémoire

descriptif. Dans sa réplique du 1er août 1975, il déclare ce qui suit:

 

Les demandeurs ne croient pas nécessaire de donner un exemple

pratique de tous les procédés revendiqués. Ils sont d'avis

qu'il leur suffit de donner assez de renseignements pour qu'une

personne versée en la matière puisse comprendre l'invention et,

partant du mémoire descriptif, puisse la mettre en pratique.

Les demandeurs croient également avoir rempli cette condition.

Ainsi, en affirmant qu'"une méthode de préparation ne sert pas

de fondement à toutes les autres méthodes", l'examinateur

ignore deux choses:

 

1. l'invention réside dans les propriétés utiles des produits

décrits et

 

2. la description détaillée des différents aspects du procédé

est donnée aux pages 11 à 18 du mémoire descriptif.

 

Il est d'avis que là où l'article 41 s'applique, les demandeurs ont le droit

de revendiquer toutes les méthodes connues "exposées" dans le mémoire et

s'appuie alors sur l'affaire Sandoz c. Gilbert 1974 R.C.S. 1336 (8 C.P.R.

(2d) 210) où la Cour suprême du Canada en a conclu que lorsqu'il y avait eu

description détaillée d'un procédé de fabrication de phénothiazine faisant

appel à des amides de chloroéthane, il n'était pas nécessaire de faire une

description aussi détaillée du procédé lorsqu'on utilisait des amides de

bromoéthane.

 

En outre, il a déclaré ce qui suit:

 

Les jugements que l'examinateur a portés à l'attention des

demandeurs s'opposent principalement aux revendications dont

la portée est trop large compte tenu des composés revendiqués.

Tel que mentionné précédemment, ces objections sont en grande

partie annulées compte tenu des restrictions apportées à la

portée des produits revendiqués. Aucun de ces jugements n'est

jugé aussi pertinent quant aux revendications qui portent sur

un procédé de fabrication que celui rendu dans l'affaire Sandoz

c. Gilcross qui a fait l'objet d'une discussion en profondeur.

 

Enfin, pour ce qui est des autres objections de l'examinateur

relatives aux variantes des procédés b et g exposées à la

dernière page de la décision finale, les demandeurs désirent

faire les remarques suivantes:

 

a) Ces variantes sont décrites en détail aux pages 11 à 18

du mémoire. Il est donc faux de dire que les demandeurs n'ont

pas rempli les conditions énoncées au paragraphe 36(1) de la

Loi sur les brevets - voir autres remarques à ce sujet ci-dessus.

b) On ne comprend pas l'allégation selon laquelle "il ne

s'agit pas de vrais équivalents de la méthode telle que décrite".

Premièrement, on souligne plus haut que toutes les méthodes a et

g sont décrites dans le mémoire. Deuxièmement, les méthodes

sont connues et les demandeurs les ont décrites comme pouvant tou-

tes servir à préparer les composés. Par conséquent, les demandeurs

les considèrent comme des équivalents et l'examinateur ne peut y

faire objection que s'il prouve le contraire ou établit qu'une ou

plusieurs d'entre elles ne peuvent être mises en pratique. S'il

ne peut le faite, il n'a pas le droit de contester les affirma-

tions faites sous serment par les demandeurs dans le mémoire

descriptif.

 

c) Compte tenu des restrictions draconiennes apportées à la

portée des revendications, on est d'avis que cette objection a

été surmontée.

 

d) C'est aux demandeurs et non pas à l'examinateur qu'il appar-

tient de décider de la valeur de ces procédés. Il est erroné de

dire que cette valeur n'est qu'hypothétique compte tenu des

preuves fournies par les demandeurs dans leur réplique du 23

octobre 1972 qui démontrent qu'il ne s'agit pas ici de pure

spéculation mais plutôt de procédés auxquels on peut faire appel

pour obtenir les composés voulus.

 

e) On ne comprend pas cette objection. La Loi sur les brevets

et surtout le paragraphe 41(1) donne aux demandeurs le droit de

revendiquer tous les procédés de fabrication connus pour les

produits utiles qu'ils ont décrit dans leur demande. On ne peut

voir comment les revendications pourraient priver le public du

droit fondamental accordé par le paragraphe 41(1) étant donné

que tout autre procédé non décrit dans la demande est propriété

publique pour autant qu'il ne soit pas protégé par un brevet.

 

Lors de l'audience, l'examinateur a fait la distinction entre la présente affaire

et la cause Sandoz. La méthode employée alors avec du bromo-éthane était la

même que celle utilisée avec du chloroéthane tandis que dans la présente affaire,

des méthodes différentes sont revendiquées. Dans le brevet Sandoz, la méthode

consistait à condenser du 3-méthylmercapto-Phénothazine avec une amide-W-halo-

génée-alkyle. De déclarer la Cour suprême en page 1338: "Les revendications

2 et 3 portent sur le même procédé qui fait appel à des amides de chloro-éthane

et de bromo-éthane respectivement".

 

Pour ce qui est de l'objection de l'examinateur voulant que les procédés

décrits par le demandeur ne soient que pure spéculation, le demandeur répond

ce qui suit:

 

Dans sa décision finale, l'examinateur a également prétendu

que les variantes de procédés pour lesquelles aucun exemple

n'a été donné n'étaient que pure conjecture. Les demandeurs

s'opposent fortement à une telle opinion pour plusieurs

raisons.

 

1. L'examinateur n'a apporté aucune preuve indiquant que les

procédés ne donneraient pas les produits voulus.

 

2. Le mémoire descriptif a été déposé en même temps qu'une

demande faite sous serment et par conséquent on doit

considérer les déclarations qui y sont faites comme étant

vraies jusqu'à preuve du contraire.

 

3. L'objection de l'examinateur est erronée compte tenu de

la preuve manifeste que les demandeurs ont fourni dans leur

réplique du 23 octobre 1972 démontrant que ces procédés

n'étaient pas purement hypothétiques mais pouvaient être

employés pour produire les composés voulus.

 

La première question sur laquelle on doit se pencher est donc de savoir s'il y

a description suffisante des procédés revendiqués et ensuite si la divulgation

est hypothétique ou repose sur des faits.

 

Le fardeau de la preuve qui incombe à un inventeur en vertu de l'article 36 est

très lourd (voir RCA c. Raytheon 1956-1960 R.C. Ech. 98 à 109). Dans ce jugement

le tribunal a déclaré en page 108:

 

C'est un principe fondamental du droit des brevets qu'un

inventeur ne peut revendiquer ce qu'il n'a pas décrit. Le

mémoire descriptif doit absolument étayer les revendications.

Dans la négative, les revendications ne sont pas valides. En

outre, pour qu'une revendication soit valide, il doit y avoir

divulgation et description.

 

On ajoute:

 

Cette condition garantit que, après la période de protection

qu'offre un brevet, le public pourra, à l'aide seulement du

mémoire descriptif, utiliser efficacement l'invention comme

l'inventeur le pouvait au moment de sa demande (p. 109).

 

Un certain nombre de causes viennent étayer cette affirmation, notamment:

Noranda Mines c. Minerals Separation (1947) R.C. Ech. 306 à 316; French's

Complex Ore c. Electrolytic Zinc 1930 R.C.S. 462 à 470; B.V.D. Canadian

Celanese 1936 R.C. Ech. 139 et 1937 R.C.S. 22; Smith Incubator c. Sealing 1937

R.C.S. 251; Gilbert c. Sandoz (1971) 64 C.P.R. 7 à 42-45; et Rhône-Poulenc &

CIBA c. Gilvert 1966 R.C. Ech. 59 et 1967 R.C.S. 45.

 

Il n'est pas nécessaire que l'inveniteur limite ses revendications à ce qui a

été "décrit de façon précise dans le mémoire et illustré dans les dessins qui

l'accompagnent", mais dans les limites de la portée de l'invention, il peut la

revendiquer de façon aussi large qu'elle serait normalement interprétée par des

personnes versées en la matière (Riddel c. Patrick Harrison (1956-1960) R.C. Ech.

213 à 253). Et

 

Lorsqu'une invention est décrite de façon assez claire

pour qu'une personne raisonnablement versée dans la

technique puisse l'utiliser même s'il est nécessaire de

faire quelques expériences, le brevet sera valide dans

la mesure où ces expériences ne font pas appel à l'inven-

tion. (B.V.D. c. Canadian Celanese, 1936 R.C. Ech. 140).

 

Dans l'affaire Gilbert c. Sandoz (ci-dessus) à la page 52, la cour de l'Échiquier

a jugé une revendication de procédé invalide parce que:

 

... le paragraphe 36(1) stipule que le demandeur doit

décrire son invention et le fonctionnement ou l'utilisa-

tion telles qu'il les envisage. Le public et le lecteur

ont le droit d'avoir une description de l'invention et le

fait de dire qu'un groupe de phénothiazines substituées

peuvent être obtenues par un type connu de réactions

chimiques est, à mon avis, simplement affirmer ce qui est

déjà connu plutôt que de dire qu'il en est arrivé à son

résultat par un procédé particulier faisant appel à des

matériaux particuliers et a trouvé que c'était une méthode

pratique pour produire une nouvelle substance utile connue

sous le nom de thioridazine.

 

Par contre, la Cour suprême (1974 R.C.S. 1336 à 1344 a renversé ce jugement et

a affirmé:

 

... ceci ne peut être très important étant donné que le

procédé de "condensation" n'est pas revendiqué à titre de

nouveau procédé et qu'on ne nie pas qu'un chimiste compétent,

ne faisant appel qu'à une connaissance générale du domaine

puisse en être arrivé au même résultat sans avoir plus de

renseignements que ceux qui sont donnés dans la description

générale. En outre, on ne nie pas non plus que le procédé

au bromo-éthane puisse être exploité avec succès en faisant

appel au protocole expérimental et aux réactifs décrits à

l'exemple 1 qui illustrent ce procédé avec un composé au

chloro-éthane. Ainsi, la seule objection portant sur la

suffisance de la description des moyens de reproduire

l'invention par le procédé au bromo-éthane est que

l'inveniton n'a pas dit qu'on pourrait faire comme

dans l'exemple pour le procédé au chloro-éthane, même

si n'importe quel chimiste compétent devrait savoir que

c'est effectivement le cas en l'absence de toute mention

de quelque anomalie dans le comportement du composé au

bromo-éthane lors de la réaction.

 

Dans le présent cas, les produits obtenus par les procédés revendiqués sont des

médicaments. Etant donné que ces procédés font appel à des méthodes chimiques

courantes et ne seraient pas brevetables si leur brevetabilité ne découlait pas

des médicaments eux-mêmes (voir Ciba c. le Commissaire des brevets) 1959 R.C.S.

378), nous nous penchons également sur le paragraphe 41(1) de la Loi sur les

brevets et en particulier sur la disposition voulant que les procédés soient "dé-

crus en détail". Ce paragraphe se lit comme suit:

 

Lorsqu'il s'agit d'inventions couvrant des substances

préparées ou produites par des procédés chimiques et

destinées à l'alimentation ou à la médication, le mémoire

descriptif ne doit pas comprendre les revendications pour

la substance même, excepté lorsque la substance est pré-

parée ou produite par led modes ou procédés de fabrica-

tion décrits en détail et revendiqués, ou par leurs

équivalents chimiques manifestes. (nous soulignons)

 

Nous avons déjà fait référence à l'affaire Gilbert c. Sandoz dans laquelle

l'invention relevait également de l'article 41. En jugeant valide le procédé

d'utilisation de dérivés de brome, la Cour suprême a implicitement déterminé que

la revendication qui en dépendait répondait aux dispositions de l'article 41.

 

Dans l'affaire Hoechst Pharmaceuticals c. Gilbert (1965) 1 R.C. Ech, et 1966 R.C.S.

189, la Cour de l'Echiquier et la Cour suprême ont pris en considération des

revendications pour plusieurs procédés de fabrication de produits pharmaceutiques

nouveaux. La cour inférieure a fait les observations suivantes: (page 170):

 

... Il y a ensuite plusieurs pages de description générale

des modes - tous déjà connu des chimistes - et de différents

matériaux de départ au sujet desquels on déclare que bon

nombre "peuvent être utilisés dans le présent procédé et ont

été décrits dans les ouvrages portant sur le domaine",

Jusqu'à la fin de cette partie du mémoire descriptif, rien

ne vient indiquer une invention brevetable parce qu'il n'y a

rien d'inventif dans le fait d'appliquer des méthodes connues

à des matériaux ou types de matériaux connus même si personne

ne l'a fait auparavant et même si le résultat est un nouveau

produit. Pour qu'il y ait invention brevetable, en plus d'être

nouveau, les produits doivent être utiles tel que l'entend le

droit des brevets et seulement s'ils sont à la fois nouveaux et

utiles peuvent-ils, ainsi que leur procédé de fabrication, être

matière à brevet. Voir Juge Jenkens, May & Baker et autres

(65 RPC 225 à 281).

 

et en page 726

... Dans le cas de chaque brevet et méthode de

préparation d'urées dont on parle à la revendication 1,

il n'y avait rien de nouveau et on déclare que bon

nombre des matériaux de départ étaient déjà connus. De

plus, on a admis au cours du procès qu'à toutes fins

utiles on pouvait dire qu'ils étaient tous connus. Dans

une telle situation, les principes énoncés par le luge

Jenkins dans May & Baker (ci-dessus) et appliqués par la

Cour suprême du Canada dans l'affaire le Commissaire des

brevets c. Ciba Ltée.. (1959 R.C.S. 378) semblent s'appli-

quer ici.

 

Par la suite le tribunal a jugé les revendications invalides parce qu'elles

prétendaient couvrir beaucoup trop et on ne pouvait dire que: "... tous ou

presque tous les membres de la classé d'urées sulphonyles définis avaient déjà

auparavant été jugés utiles". (p. 731). Mais de façon implicite dans les

circonstances on retrouve la proposition qu'en l'absence d'une revendication trop

large et que s'il s'agit d'une bonne prédiction que presque tous les membres

de cette classe possèdent l'utilité requise, les revendications de procédés

seront alors valides. La Cour suprême a exprimé ceci de la façon suivante (p. 191):

 

Il est reconnu que la tolbutamide, par elle-même, aurait

pu être objet brevetable si elle avait été revendiquée ainsi

lorsque préparée ou produite par les méthodes ou procédés de

fabrication décrits et revendiqués dans la demande où par

leurs équivalents chimiques manifestes. (nous soulignons)

 

Dans la demande qui fait l'objet de la présente, l'objection relative à une trop

grande portée des revendications de produits a été satisfaite par la dernière

modification.

 

Il sera également utile de prendre en considération ce qui a été dit dans l'affaire

Boehringer Sohn e. Bell Craig 1962 R.C. Ech. 201, où on a étudié l'effet de la

phrase "décrits en détail et revendiqués" du paragraphe 41(1). Nous retrouvons

en page 235:

 

Lorsque le paragraphe 47(1) s'applique ... il est prescrit

que la revendication d'une telle substance soit limitée à

cette substance préparéeou produite par les modes ou

procédés qui ont été a) décrits en détail, et revendiqués

ou c) par les équivalents chimiques manifestes des méthodes

ou procédés qui ont été décrits en détail et revendiqués.

 

Ici, la seule restriction exprimée dans la revendication 8

se retrouve dans les mots "lorsque produit par le procédé

des revendications 1, 2 ou 3, ou par un équivalent chimique

manifeste". Lorsqu'on se penche sur la revendication 1 pour

voir quel procédé de préparation ou de production de 2-phenyl-

3-méthylmorpholine y est revendiqué, on trouve qu'il ne s'agit

pas d'une revendication de procédé pour la préparation de cette

substance mais plutôt de la revendication d'un procédé de

préparation de toute une vaste classe de substances dont cette

substance n'est qu'un élément. A mon avis la revendication 1

n'est pas une revendication de procédé de fabrication de

2-phenyl-3-methylmorpholine même si cette substance est une

de ladite classe, parce qu'il est clair que non pas tous les

membres de cette classe de matériaux de départ peuvent être

utilisés pour produire le composé en questin et la revendi-

cation n'indique pas qu'ils peuvent être utilisés à cette fin

et en même temps, elle n'indique pas quel matériau de départ

on peut utiliser. Ainsi, aucun procédé de fabrication de cette

substance n'y est exposé de façon distincte ou explicite et nous

revenons toujours à la remarque faite ci-dessus que la revendi-

cation 1, telle que présentée, ne porte pas sur l'invention du

2-phényl-3-méthylmorpholine mais uniquement sur la prétendue

invention du procédé de fabrication de la classe de substances.

Dans l'affaire Winthrop Chemical Co. Inc. c. le Commissaire

des brevets, la Cour suprême a maintenu qu'une "revendication

ne peut être considérée pour une substance qui relève du

paragraphe 41(1) à moins que le procédé de fabrication ne soit

également revendiqué"; voir également l'affirmation suivante

du juge Martland dans Parke, Davis & Co. c. Fine Chemicals of

Canada Ltd. "Un procédé entraîne l'application d'une méthode à

un ou plusieurs matériaux", reprise par son auteur dans le

Commissaire des brevets c. Ciba Ltée..

 

et à la page 237:

 

En rapport avec la même demande, on a également insisté sur le

fait qu'en vertu du paragraphe 41(-), la revendication de 2-

phényl-3-méthylmorpholine devait être limitée non seulement à

cette substance produite par les méthodes ou procédés décrits,

ou à leurs équivalents chimiques manifestes, et que la revendica-

tion de cette substance en 8 n'est pas limitée aux méthodes ou

procédés décrite. Ceci, à mon avis, donne lieu â une deuxième

objection définitive quant à la validité de la revendication 8.

A mon avis, les seuls procédés de fabrication de 2-phényl-3-mé-

thylmorpholine que l'on peut considérer comme décrits de façon

particulière dans le mémoire descriptif sont ceux des exemples 2

et 9. L'exemple 2 décrit un procédé de fabrication de cette

substance qui consiste à dissoudre du B-phényl-a-méthyl-B,B1-di-

hydroxidiethylamine-hydrochlorure dans de l'acide sulphurique

concentré, à le laisser reposer une nuit à la température de la

pièce et ensuite à faire une alkaline et à l'extraire. A l'exemple

9, on trouve un procédé dans lequel le même hydrochlorure de

dietholamine est chauffé avec 10 p. cent d'acide chlorhydrique

pendant six heures dans un bain d'eau et le produit est alors

fabriqué "de la façon habituelle".

 

La revendication 8 qui porte sur de la 2-phényl-3-méthylmorpholine

n'est pas limitée de façon précise à cette substance lors que pré-

parée ou produite par ces deux méthodes ou. par leurs équivalents

chimiques évidents. Elle n'est même pas restreinte à cette substance

lorsque fabriquée par les méthodes décrites de façon générale plus

haut dans la description de leurs équivalents chimiques étant donné

que ces méthodes consistent à a) introduire une diéthanolamine de la

classe sans la chauffer dans de l'acide sulphurique concentrée (96%);

ou (b) à la traiter avec de l'acide diluée à température modérée.

ainsi, même si, contrairement à mon opinion, la description générale

de ces procédés pouvait être considérée comme suffisamment particu-

lière pour être conforme à l'expression "décrits en détail" du

paragraphe 41(1), et si contrairement aussi à ce que je pense, la

revendication 1 ne portait pas sur un procédé de fabrication ou de

production de 2-phényl-3-méthylmorpholine, la revendication 8 ne

serait toujours pas conforme au paragraphe.

 

Le fait de limiter la portée de la revendication 8 uniquement en

référence à la substance préparée par le procédé revendiqué en 1,

ou un équivalent chimique manifeste revient à ignorer la disposi-

tion du paragraphe 41(1) que la revendication soit limitée égale-

ment à la substance "lorsque la substance est préparée ou produite

par les modes ou procédés de fabrication décrits en détail ...., ou

par leurs équivalents chimiques manifestes". Tel que souligné

auparavant, la revendication 1 n'est pas limitée, comme la descrip-

tion, à l'utilisation d'acide sulphurique concentrée à la tempéra-

ture de la pièce et à l'utilisation d'acide dilué à température

modérée, ni à la production de la cyclisation de la norpholine

par l'action de l'acide sur la diéthanolamine. Je ne crois pas

non plus que tout ce sur quoi porte la revendication 1 soit

nécessairement englobé soit dans les procédés décrits dans le

mémoire, soit dans leurs équivalents chimiques manifestes parce

que, comme nous l'avons déjà souligné, la revendication 1 n'est

pas limitée comme la description à l'utilisation d'acide sulfu-

rique concentrée à la température de la pièce et à l'utilisation

d'acide diluée à des températures moyennes, ni à la production de

la cyclisation de morpholine par l'action de l'acide sur la

diéthanolamine. Je ne crois pas non plus que l'objet de la

revendication 1 soit nécessairement compris dans les procédés

décrits dans le mémoire ou dans leurs équivalents chimiques

manifestes". Ainsi, la portée de la revendication 8 est plus

étendue que ne le permet le paragraphe 41(1) et est donc invalide.

(nous soulignons).

 

La Cour suprême a confirmé (1963 R.C.S. 410) une des raisons du tribunal de

première instance sans émettre d'opinion sur les autres, en maintenant que la

revendication du procédé était trop large et donc invalide et que la revendi-

cation du produit qui en dépendait était donc invalide aussi. Toutefois,

d'après ce que nous avons vu dans la décision Gilbert c. Sandoz (ci-dessus),

nous croyons qu'on peut déduire qu'il n'est pas nécessaire que toute méthode

revendiquée soit illustrée en détail. Toutefois, le "procédé lui-même" par

lequel un produit est fabriqué doit être revendiqué là où l'article 41 s'ap-

plique avant que le produit ne puisse être revendiqué. Comme a déclaré la Cour

suprême dans Boehringer (page 414):

 

... Le paragraphe 41(1) a été conçu pour placer de strictes

limites sur les revendications de substances produites par

des procédés chimiques et destinées à l'alimentation ou la

médecine. Une telle substance ne peut être revendiquée seule.

Elle ne peut être revendiquée que lorsqu'elle est produite

grâce à un procédé particulier. En plus, le demandeur doit

revendiquer non seulement la substance mais le procédé de

fabrication... (nous soulignons)

 

Dans le cas présent, chaque revendication du produit dépend d'une revendica-

tion de procédé. La question de revendication à outrance a été réglée et la

revendication refusée porte sur un procédé, et non pas un produit. Les

objections contre la revendication en détail seraient plus appropriées si elles

portaient sur la revendication d'un produit.

 

Dans l'affaire Société Rhône-Poulenc c. Gilbert, 1967 S.C.R. 45, la Cour

suprême n'a pas fait objection aux procédés multiples revendiqués là où l'arti-

cle 41 s'appliquait et les procédés ont tous été décrits. On y déclare en page 48:

 

Cette demande de brevet porte sur une substance produite

par trois modes ou procédés. Ceci est permis par le

paragraphe 41(1) aux termes duquel il n'est pas nécessaire

de présenter trois demances séparées pour la même substance,

une par chaque procédé...

 

Plus tard, le brevet a été jugé invalide (1967, 35 R.P.C. 174 et 1968 R.C.S. 950)

pour surrevendication parce que la classe de substances revendiquée était

beaucoup trop large pour l'invention et que dans la classe de composés revendi-

gués, beaucoup d'entre eux n'étaient pas utiles en pharmacie. Cette objection

ne peut être faite dans la présente affaire.

 

Dans Boehringer Sohn c. Bell-Craig (1962) R.C. Ech et (1963) R.C.S. 410, le juge

Martland a dit en page 414 ce qui suit sur l'article 41:

 

... Ce paragraphe a été conçu pour restreindre les

revendications de substances produites par des procédés

chimiques en vue de leur utilisation en alimentation ou

en médecine. Une telle substance ne peut être revendiquée

seule. Elle ne peut être revendiquée que lorsque produite

par un procédé particulier. En outre, le demandeur doit

revendiquer non seulement la substance, mais aussi le pro-

cédé de fabrication. Par conséquent, pour se conformer au

paragraphe, il doit faire deux revendications. A mon avis,

cela veut dire qu'il doit présenter des revendications

valides à la fois pour le procédé et la substance s'il veut

avoir droit de réclamer la dernière. Le fait d'interpréter

ce paragraphe comme voulant dire que tout ce qui est nécessaire

est de déposer une revendication pour le procédé, qu'il soit

valide ou non, serait aller à l'encontre de ce qu'il stipule.

Une personne qui revendique une substance aux termes du para-

graphe, et dont la revendication n'est étayée que par une

revendication de procédé qui est invalide est dans la même

situation que le défendeur dans la cause Winthrop (le Commis-

saire des brevets c. Winthrop Chemical 1948 R.C.S. 46). Dans

cette affaire, le demandeur avait revendiqué trop peu. Par

la présente, il revendique beaucoup trop...

 

Il est donc évident qu'il doit y avoir une revendication de procédé valide.

Dans l'affaire Boehringer, le tribunal a ensuite jugé la revendication de

procédé invalide non pas, on doit le noter, parce que le procédé n'était pas

assez bien décrit mais parce qu'il était trop large étant donné qu'il s'étendait

à la production d'un très grand nombre de composés qui n'avaient pas l'utilité

qu'on leur avait attribuée. Cette objection n'existe pas dans la présente

affaire, la portée de la revendication du produit a été limitée et celle de ce

qui est maintenant revendiqué est étayée par assez d'exemples de composés de

la même classe qui ont l'utilité désirée, pour surmonter l'obstacle sur lequel

Boehringer s'est échoué. Il est donc probable qu'un "nombre important de

substances comprises dnas la classe (maintenant) définie" (Boehringer, page

413) ont l'utilité dont il est fait mention dans le mémoire descriptif.

 

Si l'on ne permet au demandeur de protéger son invention lorsqu'elle est

fabriquée par tous les moyens possibles, alors, comme il a été déclaré par la

Cour suprême dans Burton Parsons c. Hewlett Packard (17 C.P.R. (2d) 97 à 106),

si "... il y a un certain écart entre l'invention décrite et la portée des

revendications, le brevet est peut-être aussi inutile que s'il était invalide.

N'importe qui sera libre d'utiliser l'invention dans cette partie ouverte...".

Plus loin, à la même page, la Cour a refusé d'approuver une objection voulant

que les revendications s'étendent à "toute réalisation concrète pratique",

laissant le champ libre à quiconque est versé dans la technique de trouver les

détails.

 

Les conditions et les conclusions auxquelles on en est arrivé ont été les mêmes

dans Boehringer Sohn c. Bell Craig 1962 R.C.Ech 201 et 1963 R.C.S. 410.

 

Nous déduisons ce qui suit des cas apparentés à la présente affaire:

 

(1) Une revendication de procédé est mauvaise si sa portée

s'étend à la production d'espèces inopérantes, ou qu'il est

improbable qu'un nombre important de substances ainsi fabriquées

ne possèdent pas l'utilité qu'on leur a attribuée. La revendi-

cation ne peut pas comprendre un grand nombre de composés qui

n'ont jamais été préparés.

 

(2) Lorsque l'article 41 s'applique, le demandeur ne peut que

revendiquer les méthodes décrites en détail ou, pourvu qu'on y

fasse référence de façon précise, qu'une personne versée dans

la technique puisse trouver comment les réaliser.

 

(3) Un composé chimique qui relève de l'article 41 ne peut être

revendiqué que lorsqu'il dépend d'un procédé de fabrication

également revendiqué. S'il dépend d'une revendication de procédé

large ce qui entraîne généralement revendication à outrance, c'est

tout simplement dommange.

 

Nous en sommes venus à la conclusion que les méthodes sont normales et connues

des chimistes. Ceci est confirmé par la modification approtée le 23 octobre

1972 où on voit que les variantes c, d, e, f et g peuvent être utilisées pour

préparer les composés. Toutefois, ce qui nous intéresse ici c'est la question

de savoir si, au début de 1970 (date de priorité de la demande) on peut dire

que l'inventeur a réalisé l'invention revendiquée ou qu'au contraire, à cette

époque, les procédés (par opposition aux produits) étaient tout simplement

théoriques. Ce qu'il nous faut maintenant déterminer est si, à partir de la

preuve que nous avons, le demandeur a terminé son invention en 1970 de façon

assez précise pour qu'on puisse dire qu'il a inventé tous les procédés qu'il

revendique.

 

L'objection voulant qu'une revendication soit trop étendue parce qu'elle porte

sur des domaines inconnus où on ne peut prédire l'utilité de l'invention et

qu'il faudrait pousser l'expérimentation plus loin surgit le plus souvent en

chimie. On a déjà dit que "on ne peut prédire en chimie" (Chipman Chemicals c.

Fairview Chemical 1932 RC Ech 107 à 115), et bien qu'il puisse s'agit ici d'une

affirmation assez exagérée il n'en demeure pas moins qu'elle indique l'attention

spéciale dont il faut faire preuve lorsqu'il s'agit de supposer quelque chose

dans le domaine de la chimie. Etant donné que les revendications sont

imparfaites si elles ne sont que spéculation, le droit que l'inventeur a de

généraliser est des plus limité.

 

Dans l'affaire Hoechst c. Gilbert, 1966 RCS 189, où on a revendiqué certains

médicaments, la Cour suprême du Canada s'est prononcée contre les revendications

spéculatives comme suit (p. 194):

 

En s'attaquant à la validity des brevets en question,

l'avocat des défendeurs a bâti sa cause sur le fait que

personne ne pouvait obtenir un brevet valide pour une

hypothèse non prouvée dans un domaine inconnu. C'est ce

que l'appelant a essaye dans la revendication 1 de chacun

des brevets. On a essayé d'en étendre la portée comme dit

le juge Thurlow à "tous les sulphonyles mathématiquement

concevables de la classe" et par conséquent il y a eu

surrevendication et invalidation de la première revendica-

tion de chaque brevet.

 

Cette question a également été considérée dans Rhône-Poulenc c. Gilbert 1968

RCS 950 à 953.

 

Dans l'affaire Steel Co. of Canada c. Sivaco Wire and Nail, 11 CPR (2d) 153 à

195, nous trouvons l'expression "simple suggestion sur papier" pour qualifier

les brevets accordés pour des inventions qui n'ont pas été poussées plus loin.

 

Dans B.V.D. c. Canadian Celanese 1936 RC Ech 139 à 148, il a été déclaré

qu'avant de pouvoir se fonder sur une réalisation antérieure pour prévoir un

brevet futur, "on doit démontrer que l'invention a été présentée de telle

façon au public que personne ne peut la revendiquer comme sienne. Une amélio-

ration, revendiquée à titre d'invention, ne doit pas être jugée non brevetable

tout simplement parce qu'une réalisation antérieure en contient une vague

esquisse". Il nous semble qu'un corollaire de ce qui précède qui devrait être

tout aussi valide voudrait qu'une personne à qui on a déjà accordé un brevet

n'aurait pas le droit de revendiquer une invention qu'elle aurait peut-être

prévue sans l'élaborer complètement. La Cour suprême (1936 R.C.S. 221 à 237) en

est venue à la conclusion que le brevet B.V.D. était invalide parce que "les re-

vendications dépassaient de loin l'invention".

 

Dans Boehringer Sohn c. Bell Craig, 1962 R.C. Ech. nous trouvons:

 

... une demande de brevet qui prétend donner le droit exclusif

à plus que ce que l'inventeur a réalisé est également contraire

aux dispositions de la Loi... (page 238)

 

et

 

... une demande qui comporte une revendication dont l'objet est

plus étendu que ce que l'inventeur a réalisé et qui prétend

accorder un droit exclusif pour plus que ce que l'inventuer a

réalisé et au moins dans la mesure où cette revendication est

concernée, à mon avis, le brevet n'est pas accordé en vertu de

la Loi et est donc obtenu illégalement... une revendication qui

est invalide parce qu'elle porte sur plus que ce que l'inventeur

a réalisé est hors-la-loi et le droit de propriété qui s'y ratta-

che doit être considéré comme nul et sans effet (page 241).

 

Le juge Thurlow a trouvé que la revendication était beaucoup trop étendue parce

qu'elle portait sur un grand nombre' de substances dont seulement quelques-unes

avaient été préparées. La Cour suprême a souscrit à sa conclusion (1963 R.C.S.

410 à 412). Dans l'affaire Boehringer Sohn, il s'agissait de substances phar-

maceutiques dont les propriétés sont peut-être moins susceptibles de prédiction

que d'autres substances chimiques et le groupe de composés revendiqué était des

plus étendu. On en est arrivé à des conclusions analogues dans des circonstances

similaires dans Hoechst c. Gilbert (1964) volume 1 R.C. Ech 410 et 1966 R.C.S. 189

ainsi dans Re May and Baker (1948) 65 R.P.C. 255, (1949) 66 RPC 8 et (1950) 67

R.P.C. 23. Dans le jugement rendu dans l'affaire Hoechst, la Cour suprême en a

conclu "que personne ne pouvait obtenir un brevet valide pour une pure hypothèse

dans un domaine inconnu. Les dangers que comporte la revendication spéculative

ont également fait l'objet d'une étude dans Société Rhône-Poulenc c. Ciba (1967)

35 S.P.C. 174 à 201-205 et 1968 R.C.S. 950 où on a jugé une revendication large

invalide parce que la majorité des substances de la classe n'avaient été ni

fabriquées ni soumises à essai par personne. Toutefois, les objections de

cette nature ne sont pas limitées aux inventions de produits pharmaceutiques

ni même chimiques. Dans l'affaire Abraham Essau et autres (1936) 49 R.P.C. 85,

on a dit d'un appareil électrique ce qui suit:

 

Je crois que dans de telles circonstances, les brevetés

doivent réaliser que ce n'est pas la pratique du Bureau

des brevets de permettre des revendications larges et

indéterminées de nature spéculative et que s'ils ajoutent

de telles revendications à leur mémoire descriptif, ils

doivent s'attendre qu'elles soient refusées à moins qu'ils

ne puissent donner une description assez détaillée et

complète pour les étayer.

 

Dans l'affaire Shell Development, (1947) 64 R.P.C. 151, la demande portait sur

un procédé de séparation de mélanges organiques avec des solvants sulfolanes.

Les dix exemples détaillées portaient sur des séparations où les mélanges

organiques étaient tous des hydrocarbones, bien qu'il n'y ait pas eu de descrip-

tion détaillée des procédés qui font appel à d'autres mélanges organiques, le

mémoire donnait la liste des quelques quarante mélanges autre que les hydro-

carbones. En jugeant la revendication trop étendue, le tribunal des brevets a

déclaré ce qui suit:

 

Je crois qu'il est suffisant de dire que d'après le

mémoire descriptif il semble en premier que les réalisations

antérieures consistent à séparer les mélanges organiques en

faisant appel à des solvants bien connus; deuxièmement que

la mesure où le domaine, notamment la séparation de mélanges

organiques par l'utilisation de solvants est connu ne semble

pas, d'après les mémoires, mais plutôt après lecture équi-

table du document, je suis convaincu qu'il n'y a aucune

affirmation voulant que le domaine ait été complètement

exploré troisièmement, que la revendication des demandeurs

voulant que l'utilisation de leur solvant sulfolane dont ils

donnent une liste de plus de cent, donne des résultats qui

se comparent avantageusement à d'autres solvants auparavant

utilisés; quatrièmement que les demandeurs indiquent claire-

ment que les méthodes d'utilisation de leur solvant sulfolane

sont déjà bien connues. en rapport avec les réalisations

antérieures; cinquièmement que les demandeurs dans leur

mémoire donnent les détails de dix expériences qui portent

tous sur des hydrocarbones. A mon avis, je ne crois pas me

tromper en disant que dans les mémoires, l'effet solvant des

sulfolanes ait été exploré par les demandeurs surtout en

relation aux hydrocarbones. Il est vrai qu'en page 4 du

mémoire d'autres exemples de composés organiques sont donnés

et qu'on en dit qu'ils peuvent être séparés par des solvants

de cette invention"; mais même là, avec l'addition de ces

substances, seule la surface du domaine est touchée.

 

Voir également Rohm & Hass c. Le Commissaire des brevets, (1959) R. C. Ech. 153

où des revendications ont été refusées parce que leur portée était trop étendue

et allait au-delà de l'invention, Vidal Dyes c. Levenstein (1912) 29 R.P.V. 245

et demande Eastman Kodak's (1970) R.P.C. 548 à 561-563.

 

Le problème que nous avons à résoudre n'est pas particulier aux jurisprudences

canadienne ou britannique. Il a également surgi aux Etats-Unis, par exemple

dans l'affaire Stokal et autres, 113 USPQ 283 (1967).

 

Les problèmes d'ordre pratique qui peuvent surgir si on permet des revendica-

tions spéculatives sont illustrés par les raisons qui ont engendré l'adoption

de l'article 41 de la Loi sur les brevets au Canada en 1923 et de l'article 38A

dans la loi britannique sur les brevets et dessins en 1919. Ce dernier article

a été adopté pour corriger un abus qui avait entraîné la domination de l'industrie

britannique des teintures par des intérêts étrangers qui avaient obtenu des re-

vendications de produits chimiques larges pour des substances qu'ils n'avaient

jamais fabriquées ni vérifiées et qui ont ensuite utilisé ces revendications

pour restreindre les activités de leurs concurrents (Transactions of the

Chartered Instituts of Patent Agents, vol. 62, p. 92).

 

Lorsque nous examinons le mémoire que nous avons devant nous, nous trouvons

que bon nombre des procédés sont tout simplement proposés pour fabriquer les

composés et qu'ils sont décrits à titre de façon "possible" pour obtenir les

produits. En effet, dans la mesure où il porte sur les procédés, le mémoire

est tellement rempli d'indications de ce qui pourrait peut-être être fait et

de diverses solutions de rechange et de suggestions pour apporter des modifi-

cations qu'il est assez évident que l'auteur était tout simplement en train de

spéculer et d'aller au-delà de ce qu'il avait fait. Ce n'est que lorsque nous

nous penchons sur les exemples eux-mêmes que nous pouvons voir des affirmations

concrètes au sujet des procédés réellement utilisés. Elles sont toutes limitées

au procédé (a). A notre avis, dans de telles circonstances, il serait mal à

propos de permettre audemandeur dd revendiquer d'une façon aussi large qu'il

veut le faire. Ce serait alors donner carte blanche à "l'invention de salon"

et "aux chimies de papier" censurées par les décisions susmentionnées.

Les procédés a) et b) portent tous deux sur l'amination avec ou sans alkylation

effectuées en séquences différentes et peuvent, nous le croyons, être considérés

comme étant le "même" procédé au sens de Sandoz (ci-dessus page 5), où les deux

procédés jugés acceptables étaient des alkylations faisant appel à une holgénure

alkyle, dans un cas du chlorure alkyle, et dans l'autre du bromure alkyle.

 

Pour cette raison nous accepterions les procédés a et b ensemble. Toutefois,

les autres procédés sont assez différents. Par exemple, le procédé c fait appel

à la préparation d'un éther, (f) la synthèse d'un alcool à partir de cétones, et

(g) une synthèse d'urée.

 

Reconnaissant l'insuffisance du mémoire descriptif, le demandeur a, le 23 octobre

1972, présenté 5 nouveaux exemples pour illustrer cinq des six procédés manquants.

Toutefois, nous ne croyons pas qu'il doive lui être permis de conserver ces re-

vendications en se fondant sur quelque chose de fait par après et non pas à

titre de partie intégrante du mémoire original.

 

Ainsi, nous souscrivons à l'objection de l'examinateur relativement aux reven-

dications 1, 6-11, 14, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 26, 27, 33-38, 44-49 telles

qu'elles apparaissent dans les dossiers et ont été refusées. Les autres reven-

dications de procédé et de produit qui en dépendent seraient recevables si elles

se limitaient aux procédés a et b ou si elles ne sont pas ainsi limitées mainte-

nant, comme si elles l'étaient par voie de modification.

 

L'examinateur avait également d'autres motifs pour rejeter les revendications

mais il n'est pas nécessaire de s'y attacher compte tenu des modifications

proposées le 1er août 1975 qui les ont surmontés. Les revendications 1, 6, 8,

9, 10 et 14 doivent être refusées pour les raisons données ci-dessus. Les

autres revendications seraient recevables si la première était limitée au procédé

(a) ou au procédé (b).

 

Le président

Commission d'appel des brevets

 

Gordon Asher

 

J'ai examiné le dossier de cette demande et les recommandations de la Commission

d'appel des brevets et en suis venu à la conclusion que les revendications

maintenant proposées par le demandeur étaient irrecevables et je les refuse pour

cette raison. Toutefois, si la revendication 1 est modifiée tel que suggéré

par la Commission d'appel, les revendications 1, 2, 3, 4, 5, 7, 11, 12, 13,

15, 16, 17, 18 et 19 seraient recevables.

 

Le Commissaire des brevets          Mandataire du demandeur

                        Fetherstonhaugh & Co.,

                        C.P. 2999, Succursale D

J.H.A. Gariépy                Ottawa (Ontario)

 

Fait à Hull, Québec ce 7e jour de février 1977

 

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