Brevets

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                 DECISION DU COMMISSAIRE

 

 Evidence; Antériorité; Article 36; Succès commercial;- ASSOUPLISSANTS TEXTILES

 

 La demande portait sur un procédé de traitement de la lessive dans les sécheuses,

 au moyen de feuilles de papier enduites d'agents de traitement tels assouplis-

 sants, désodorisants, agents anti-statiques et autres. Les feuilles, vendues

 sous la marque de commerce "Bounce", étaient également revendiquées. Le

 demandeur a allégué que les revendications visant le produit étaient acceptables

 malgré la connaissance préalable de produits similaires utilisés à d'autres fins,

 en raison du nouvel emploi revendiqué. Cette prétention a été rejetée, ainsi

 que les revendications visant le produit, pour cause d'antériorité. Le rejet

 pour cause d'évidence de la revendication portant sur le procédé a été annulé.

 Le concept fondamental et son adaptation à la fin requise faisaient preuve

 d'assez d'ingéniosité pour justifier la délivrance d'un brevet. Le poids du

 succès commercial et la délivrance d'un brevet étranger comme indicateurs d'un

 génie créateur a été discuté. L'allégation voulant que le Commissaire se soit

 acquitté de ses fonctions une fois que l'avis de délivrance du brevet a paru

 dans le registre du Bureau des brevets, et qu'il était donc obligé de délivrer

 le brevet a été rejetée.

 

 Rejet final - Modifié

 

 La Commission d'appel des brevets a tenu une audience le 17 août 1976 afin

 d'étudier le rejet des demandes de brevets 049669 et 236450. Ces demandes

 avaient été déposées au nom de Conrad J. Gaiser le 24 avril 1967 et le 26

 septembre 1975 respectivement, et cédées à Proctor & Gamble Company. Les deux

 sont classées dans la classe 8 - catégorie 93.11. Le demandeur était représenté

 à l'audience par M. Donald F. Sim, C.R., et par MM. Gebhardt, Witti et Hendricks.

 

L'invention a pour but principal de traiter la lessive dans les sécheuses avec

 des agents chimiques de traitement, soit des assouplissants textiles, des agents

 anti-statiques, des bactéricides, des fongicides, des désodorisants ou du

 silicone afin de faciliter le repassage des vêtements. De petites feuilles de

 cellulose, des serviettes de papier ou autres matières souples sont enduites ou

 imprégnées d'agents de traitement, puis placées avec une charge de linge dans la

 sécheuse. Dans les conditions d'agitation, de chaleur et d'humidité que l'on

 retrouve dans les sécheuses, les agents de traitement sont transmis aux vêtements.

 Les feuilles peuvent se présenter sous forme de rouleaux de pièces détachables.

 On place une feuille détachable avec chaque charge de linge dans la sécheuse.

 C'est évidemment une façon très commode d'assouplir les vêtements et de fournir

 la mesure exacte de la quantité d'agent nécessaire pour chaque charge. Elle

 élimine les inconvénients et difficultés que présentaient les réalisations

 antérieures dont les procédés exigeaient que les agents de traitement soient

 ajoutés au cours du cycle de lavage. Dans de tels procédés, les détersifs

réagissent aux agents de traitement, et ces derniers doivent être aboutés à

un moment spécifique au cours du cycle de lavage. Ce procédé nécessite une

attention supplémentaire de l'opérateur ou de la ménagère pendant le lavage. La

nouvelle méthode de traitement des vêtements est efficace, simple et connaît un

grand succès commercial. Le produit du demandeur est mis sur le marché par

Proctor & Gamble sous la marque déposée "Bounce", et par ses concurrents sour les

marques "Cling Free", "Fleecy" et "Caress".

 

La première demande porte sur l'aspect de l'invention dans lequel la matière souple

est imprégnées d'agents de traitement. La demande suivante, qui est divisionnaire

de la première, porte sur des matières enduites d'agents de traitement. Tant les

produits que leur mode d'emploi sont revendiqués. On les retrouve dans les reven-

dications 18 et 1 ci-dessous de la demande 049,669:

 

   Revendication 18: Un produit pour assouplir les tissus consistant

              en une matière souple imprégnées d'un assouplis-

              sant textile transmissible à un morceau d'étoffe

              par simple contact.

 

Revendication 1: La méthode permettant d'assouplir les étoffes en

          mélangeant par culbutage des morceaux d'étoffe

          humides à une matière imprégnée d'un agent de

          traitement transmissible dans une sécheuse, en

          vue, sous l'effet de la chaleur, de transmettre

          l'agent de traitement à l'étoffe au cours du

          séchage.

 

Les motifs justifiant le rejet des deux demandes sont les mêmes et, pour plus de

commodité, nous pouvons donc nous limiter à la demande 049,669. Certaines reven-

dications ont été rejetées pour évidence et d'autres pour antériorité. L'examina-

teur a cité 8 brevets antérieurs, à savoir:

 

Brevets des Etats-Unis

 

2,542,909      20 février 1951     Cl. 167-84       DeWet

2,634,229      7 avril 1953        Cl. 167-84       DeWet

2,702,780      22 février 1955     Cl. 167-84       Lerner

2,846,776      12 août 1958        Cl. 34-45        Clark

2,851,791      16 septembre 1958   Cl. 34-90        Olthuis

2,941,309      21 juin 1960        Cl. 34-60        Cobb

3,138,533      23 juin 1962        Cl. 167-84       Heim et coll.

3,227,614      4 janvier 1966      Cl. 167-84       Scheuer

3,283,357      8 novembre 1966     Cl. 15-506       Decker et coll.

 

Il a ensuite défendu son raisonnement en ces termes:

 

Les brevets Clark, Olthuis et Cobb décrivent des méthodes de

traitment de tissus dans les sécheuses. Les méthodes comprennent

le culbutage des étoffes dans la sécheuse en présence d'agents de

traitement, ceux-ci étant libérés de façon à se disperser sur les

étoffes à une vitesse contrôlée. Les agents de traitement décrits

sont l'eau, les antimites et les désinfectants.

 

Les brevets DeWet, Lerner, Heil et coll., Scheuer et Decker et coll.

décrivent tous des produits composés d'une matière comportant une

certaine quantité d'agent de traitement. Les agents de traitement

décrits comprennent les germicides, les désodorisants et les

bactéricides. Certains d'entre eux ont un effet assouplissant

sur les matières qui en sont enduites. (le brevet américain DeWet

2,542,909). Les agents de traitement peuvent être retirés des

matières par frottement et lavage.

 

La prétendue invention du demandeur illustrée par ses revendica-

tions et allégations porte sur le traitement d'étoffes

humides dans une sécheuse durant l'opération de séchage, ledit

traitement consistant à mélanger avec les étoffes une matière

enduite d'un agent de traitement transmissible. Le demandeur a

allégué que les revendications du procédé et du produit sont

brevetables puisque les réalisations antérieures ne décrivent

pas le séchage et le traitement simultanés des étoffes dans une

sécheuse et que, dans toutes les réalisations antérieures, les

matières contiennent trop peu d'agent de traitement pour être

efficaces dans une sécheuse. De plus, le demandeur soutient que

les antériorités citées, seules ou combinées, ne décrivent pas

"l'invention" et qu'en fait, elles représentent une mosaïque

impropre de réalisations.

 

L'examinateur ne peut accepter ces allégations et soutient que

la réalisation du procédé et du produit du demandeur est évidente

et ne requiert pas de génie créateur.

 

Le traitement des étoffes est une vieille technique bien connue.

On connait depuis longtemps le traitement des étoffes durant

l'opération de lavage, qui consiste à ajouter un agent de

traitement soit pendant le cycle de rinçage d'une machine à

laver, soit sur les tissus secs dans une sécheuse. Quant au

moment où les vêtements doivent être traités, la réponse est

évidemment dans la machine à laver ou dans la sécheuse. En

fait, les brevets Cobb, Clark et Olthuis décrivent un tel

concept dans leurs brevets qui visent le traitement des

vêtements dans la sécheuse. En outre, nous jugeons qu'il est

évident pour quiconque est familiarisé avec le domaine que

les vêtements humides traités dans une machine à laver peuvent

tout aussi bien l'être dans une sécheuse.

 

Ainsi, si une personne voulait éviter l'inconvénient

d'interactions entre détersifs et assouplissants dans la

machine à laver et celui d'avoir à attendre le cycle de

rinçage de la machine à laver, elle étudierait les réalisa-

tions antérieures en vue d'y trouver des moyens d'ajouter

l'agent de traitement dans la sécheuse. Clark, Olthuis et

Cobb montrent trois façons différentes d'ajouter un assouplis-

sant textile dans une sécheuse. DeWet, Lerner, Heim et coll.,

Scheuer et Decker et coll., décrivent tous des moyens de

dispersion des agents de traitement selon lesquels ces agents

sont libérés d'une matière par frottement ou par rinçage dans

l'ear. Par conséquent, l'emploi de n'importe lequel des

produits décrits ci-dessus en vue de traiter des étoffes

dans la sécheuse au cours de leur séchage est évident.

 

Le produit de traitement du demandeur, qui ne se distingue des

réalisations antérieures que par un emploi différent, est également

jugé évident. Le nouvel emploi d'un vieux produit ne mérite pas

d'office un brevet. Certains des prosuits de traitement décrits

dans les antériorités citées contiennent des agents de traitement

transmissibles au vêtements si le produit est frotté contre les

vêtements.

 

Nous soutenons donc que les réalisations citées sont pertinentes

et qu'une personne versée dans le domaine tirerait de leur

contenu technique le procédé et le produit de conditionnement

décrits dans la présente demande. Face au problème d'avoir à

traiter des vêtements, une personne au courant de la technique

chercherait la solution dans les réalisations antérieures, soit

la façon dont les étoffes étaient traitées antérieurement, le

genre d'agent de traitement utilisé et comment ces agents étaient

conservés, emballés et distribués.

 

Nous admettons que les réalisations antérieures ne contiennent pas

tous les éléments du procédé et du produit du demandeur. Par

exemple, elles ne décrivent pas la combinaison des opérations de

séchage et de traitement dans la sécheuse, l'emploi d'une matière

souple, indéchirable, porteuse d'un assouplissant textile dans

la sécheuse, le choix d'un agent de traitement, dont le point de

fusion est peu élevé et que l'on retrouve généralement à l'état

solide, utilisé dans une sécheuse, et une matière souple contenant

1.0 à 10 g. d'agent de traitement par 105 po. carrés de substrat.

 

Cependant, tel que souligné ci-dessus, compte tenu des réalisa-

tions antérieures, la combinaison de traitement et de séchage et

l'emploi d'une matière souple porteuse d'un agent de traitement,

que ce soit un assouplissant, un bactéricide ou un antistatique,

se prêtant à l'emploi dans la sécheuse et dont le point de

fusion est peu élevé tout en se présentant à l'état solide, ne

requiert que des aptitudes normales lorsqu'on connaît tous les

agents de traitement textile connus. De plus, nous soutenons que

la détermination de la quantité optimale d'agent de traitement

pour la transmission d'une quantité efficace dans la sécheuse

relève de l'évidence pour quiconque connaît le domaine. Les élé-

ments additionnels que l'on peut trouver dans les revendications

comme la matière encollée et indéchirable et un rouleau continu

perforé du produit de traitement afin de faciliter la distribu-

tion ne confèrent pas le droit à un brevet sur les revendications.

L'encollage afin de raidir la matière est ancien et bien connu

et le rouleau de feuilles perforées est une méthode bien connue

de distribuer des articles.

 

Les revendications sont donc rejetées pour les raisons suivantes:

 

Les revendications 1-17 sont évidentes, compte tenu des

réalisations antérieures citées.

 

Les revendications 18-20, 24-26, sont devancées par les

brevets DeWet, Lerner, Heim et coll., Scheuer et Decker

et coll.

 

Les revendications 21-23 et 27-30 sont évidentes, compte

tenu des brevets DeWet, Lerner, Heim et coll., Scheuer et

Decker, si on les examine en fonction de l'état de la

technique.

 

Lors de l'examen des motifs du rejet, la Commission a reçu l'aide de M. David

Watson, C.R., dont les réfutations ont été soumises par écrit et de M. D. Sim,

C.R, qui les a faites oralement au cours de l'audience.

 

Nous allons étudier tout d'abord les revendications qui ont été rejetées pour

antériorité par DeWet, Lerner, Heim et coll., Scheuer et Decker, soit les

revendications 18-20 et 24-46, dont la revendication 18, reproduite plus tôt, est

représentative. Elle porte essentiellement sur une matière imprégnée d'un agent

de traitement. En ces termes, elle est clairement devancée par les réalisations

citées et ne satisfait pas à l'exigence de nouveauté de l'article 28 de la Loi

sur les brevets. Scheuer, par exemple, décrit et revendique un papier imprégné

d'un germicide transmissible à d'autres matières. Il mentionne spécifiquement

certains agents de traitement identiques à ceux de la déclaration du demandeur.

DeWet décrit lui aussi des serviettes de papier contenant quelques-uns des mêmes

agents de traitement.

 

Le demandeur met toutefois l'accent sur les phrases additionnelles: "Un produit

de traitement d'étoffe" et "qui est libéré au contact de l'étoffe avec la

matière,"; il les juge importantes pour surmonter cette objection. D'après lui,

en classant un produit d'après l'usage auquel il est destiné (pourvu que l'usage

en soit nouveau), il est permis de revendiquer un produit. Il admet que, selon

la jurisprudence en matière de brevets des Etats-Unis, et même d'Angleterre, il

n'est pas possible de revendiquer une deuxième fois un produit ou dispositif

déjà breveté en le destinant à un nouvel usage, bien que, dans le cadre de ces

jurisdictions, il serait bien possible de breveter une nouvelle méthode relative

à ce produit ou même une modification du vieux produit en vue de l'adapter à ce

nouvel emploi, du moment que la modification diffère d'une façon quelconque du

vieux produit et est, par conséquent, nouvelle. Il allègue qu'au Canada, cependant,

la Loi sur les brevets est différente; qu'une revendication sur un produit, même

s'il est vieux, lorsqu'on lui donne un nouvel emploi, est valable; et il s'appuie

sur le jugement de la Cour suprême du Canada dans le cas Burton Parsons c. Hewlett

Packard (1975) 17 R.B.C. (2d) 97 pour étayer son allégation. M. Sim a déclaré

qu'au cours du procés en appel de Burton Parsons, il avait déclaré en tant que

représentant de Hewlett Packard, que le brevet Burton Parsons portait sur de

vieilles compositions telles le ketchup, mais que la Cour lui avait répondu que

les revendications évitaient cette antériorité en donnant au produit un nouvel

emploi, dans l'électrocardiographie. Quoi qu'ait pu dire ou conclure l'avocat

dans le feu des débats, nous croyons que nous devons nous fier à ce qui a été

réellement déclaré par les différents tribunaux lorsqu'ils justifièrent leur

jugement. Ils y expliquent leur raisonnement. Si nous nous fondons sur ces

motifs, nous devons conclure différemment de l'avocat du demandeur. Car nous

sommes d'avis que les tribunaux se sont fondés sur l'hypothèse que les compositions

étaient nouvelles.

 

Dans sa décision, la Cour de première instance a, comme la Cour suprême, donné

raison à Burton Parsons; le juge Noel a déclaré 7 R.P,C. (2d) 198, à partie de

la page 231):

 

La défense a ensuite attaqué le brevet en alléguant qu'on

ne peut obtenir un brevet pour une vieille substance

destinée à un nouvel usage. D'après la défense, si l'on

tient pour acquis que l'inventeur a quelque mérite d'avoir

découvert une crème pour électrode faire d'un émulsifiant,

d'un sel à forte concentration d'iode, avec ou sans tampon,

la réalisation Harry, décrivant une crème pour la peau

composée d'un émulsifiant aqueux ou d'une solution aqueuse

à base d'un émulsifiant, d'un sel hautement ionisé,

notamment le phosphate de sodium (bien que MM. Hayes et

Shansky n'aient pu s'entendre pour établir si le phosphate

de sodium était un sel hautement ionisé ou non) se bute à

toutes les limites des revendications et que l'on ne peut

breveter la substance on l'on ne peut obtenir un brevet

pour une vieille substance à laquelle on a trouvé un

nouvel usage. La réalisation Harry, d'après la défense

décrit tout ce qui est décrit dans les revendications

sauf que le breveté dit ici que sa crème pour électrode

a pour but d'accroître la conductivité entre une électrode

et la malade, et qu'Harry, lui, qualifie sa crème de crème

pour la peau. D'après la défense, la jusrisprudence, aux

Etats-Unis et en Angleterre, établit que, lorsque ce cas

survient, l'on ne peut breveter la substance et que le

brevet, dans un tel cas, doit porter uniquement sur son

utilisation. Dans le cas présent, la défense réfute que

l'utilisation elle-même ne soit pas brevetable. D'après

l'avocat de la défense, une invention ne consiste pas

uniquement à prendre un composé connu et à lui trouver un

nouvel emploi. Cette personne doit alors revendiquer non

pas le composé mais uniquement son mode d'emploi. Il est

soumis qu'une personne ne peut obtenir un brevet en plaçant

une nouvelle étiquette sur une vieille substance. La

revendication doit porter uniquement sur la méthode d'utili-

 sation. L'avocat de la défense va même jusqu'à avancer que,

 dans le cas présent, le breveté ne peut obtenir un brevet

 valable même pour une nouvelle utilisation car, puisqu'il

 s'agit ici de surveiller le corps humain et d'obtenir un

 relevé, notamment un test, un tel dispositif n'est pas

 brevetable en vertu du principe d'objet non vendable. D'après

 lui, un procédé brevetable doit avoir trait à l'art utile ou

 manuel, non pas aux arts spécialisés et aux talents profes-

 sionnels, et en Grande-Bretagne, en vertu de cette partie de

 la définition d'une invention "nouvelle manière de fabri-

 cation", il a été soutenu que l'expression ne porte pas sur

 une méthode d'essai. Il est également soumis que pour qu'une

 invention soit brevetable, elle doit comprendre un produit

 vendable et les procédés d'examen du corps humain ont toujours

 été rejetés. L'avocat de la défense suggère que la reven-

 dication aurait dû porter, non pas sur une méthode de

 fabrication du produit ou sur le produit lui-même, mais sur

 la méthode de faire des encéphalogrammes ou électrocardiogram-

 mes qui consiste à fixer une électrode à la peau d'un malade,

 l'amélioration étant une crème entre le malade et l'électrode.

 Une telle revendication, cependant, déclare-t-il, serait

 encore invalide puisque la méthode de traitement du corps

 humain n'a jamais été brevetable parce qu'elle ne porte pas

 sur un produit vendable. La soumission de la défense voulant

 que le composé de Harry soit similaire à celui de la poursuite

 et que le premier puisse être substitué au second, soit agir

 comme crème pour des ECG n'est pas vraie. (nous soulignons)

 Il n'y a pas de doute que le brevet Harry décrit un

 émulsifiant et un sel ionisable, le phosphate de sodium,

 ainsi qu'un tampon mais le phosphate de sodium, le sel, fait

 partie du tampon. Il est différent du produit de la poursuite

 qui contient un émulsifiant (où il y a l'émulsion), plus un

 sel, plus un tampon. De plus, l'évidence montre que le

 phosphate de sodium n'est pas un sel hautement ionisable et

 qu'il ne servira pas par conséquent, de bon conducteur, ce

 qui est une exigence essentielle à la crème de la poursuite.

 Bien que M. Hayes ait tenté, lors de la présentation des

 preuves, de dire que le phosphate de sodium est un sel hautement

 ionisable, il a été forcé d'admettre au contre-interrogatoire

 que c'était le sel résultant d'un acide faible avec de l'acide

 citrique et non pas d'un acide et d'une base forts. Dans le

 paragraphe 15 de son affidavit, M. Hayes, lorsqu'il décrit une

 solution tampon, le déclare clairement lorsqu'il dit "un tampon

 est habituellement obtenu du sel d'un acide faible lui-même,

 au choix, selon le pH désiré". En fait, M. Hayes, comme l'a

 souligné l'avocat de la poursuite, ne suggère jamais que le

 phosphate de sodium de l'émulsion de Harry puisse avoir quelque

 conductivité que ce soit. Il me semble donc que dans le cas

 de la crème de la poursuite, il ne s'agit pas simplement d'une

 nouvelle utilisation mais d'un produit différent ou d'une

 combinaison qui a sans doute certaines similarités avec la

 réalisation antérieure mais qui n'est pas, et ne peut pas être,

 la même chose que le brevet Harry (nous soulignon) puisque ce

 dernier produit n'est pas bon conducteur et n'était pas

  utilisé comme crème pour les électrodes; ce dernier point suffit

 bien sûr, à rejeter toute idée suggérant que le brevet Harry ait

 devancé le brevet de la poursuite.

  La Cour d'appel fédéral (10 C.P.R. 2d, 126) a donné raison à Hewlett Packard,

  donnant comme raison que les revendications n'étaient pas conformes aux exigences

  de l'article 36 en ce qu'elles portaient sur des composés inactifs. Elle ne

  questionnait pas le jugement de la cour inférieure voulant que les composés

  n'aient pas été devancés. Le juge Mackay a expliqué son dissentiment, disant

  qu'il avait cherché les qualités fonctionnelles dans les revendications, non pas

  pour éviter les réalisations antérieures, mais pour surmonter l'objection voulant

  que les composés soient inactifs. Il a déclaré, à la page 149:

 

      Je crois que ces restrictions dans l'utilisation de

      l'invention et la limitation des matières utilisées

      sont une réponse à l'allégation de l'appellant selon

      laquelle, parmi les classifications de matières citées,

      certaines auraient pu être dangereuses si appliquées

      sur la peau du corps humain. Le brevet ne revendique

      pas la possibilité d'utiliser n'importe quelle émulsion

      ou sel hautement ionisable.

 

  En renversant le jugement rendu par la Division d'appel de la Cour fédérale, la

  Cour suprême (17 C.P.R., 2d, 126) a adopté le raisonnement du juge Mackay. Elle

  a déclaré, en page 105:

 

      Dans le cas présent, l'invention porte sur un mélange

      et son procédé de fabrication. La composition du mé-

      lange n'est pas fixe. On peut utiliser nombre de

      substances différentes, d'après Shansky; il existe

      une centaine, et même un millier, de combinaisons pos-

      sibles. L'essentiel est de combiner un sel facilement

      ionisable à un émulsifiant dans un milieu aqueux. La

      combinaison entraîne un effet mouillant de l'émulsifiant

      sur la peau, ce qui permet d'utiliser un sel à faible

      concentration (de 1 à 10%). Si le brevet doit avoir un

      aspect pratique, il doit porter sur toutes les émulsions

      et tous les sels susceptibles de donner le résultat

      souhaité, notamment toutes "les émulsions dont la phase

      extérieure ou la monophase est de l'eau" et tous les sels

      qui sont assez facilement ionisables pour porter un

courant d'électricité à faible résistance sur la peau,

      à l'exclusion uniquement des substances qui ne sont pas

      compatibles avec la peau humaine normale. Les preuves

      montrent clairement que ceci était évident pour quiconque

      est familier avec le domaine car les caractéristiques

      d'émulsions appropriées et de sels appropriés sont bien

      connues.

 

Significativement, elle a alors ajouté:

 

      Seule la combinaison était nouvelle.

 

  Nous ne pouvons donc accepter l'allégation selon laquelle l'affaire Burton

  Parsons veut dire que les vieux produits peuvent être brevetés à nouveau si on

 

   leur trouve une nouvelle étiquette pour identifier l'usage auquel ils sont

   destinés.

 

   M. Sim ne s'est pas appuyé sur d'autres cas pour soutenir son allégation. D'autre

   part, certaines décisions rendues au Canada suggèrent, quelques-unes de manière

   franchement oblique, d'autres plus directement, qu'un vieux dispositif ne peut

   être breveté à nouveau sans modification pour la seule raison qu'on lui a trouvé

   une nouvelle utilisation. Nous pensons, par exemple, au cas Somerville Paper

   Boxes c. Cormier 1941, R.C.E. 49, à la page 65-68; au cas Canadian Raybestos c.

   Brake Service 1926, R.C.E. 187 à 192 et 1928 R.C.S. 61 à 62; au cas Belding

   Corticelli c. Kaufman 1938, R.C.E. 152, au bas de la page 159 et à la page 160

   et 1940 R.C.S. 388 à 390; au cas Northern Shirt c. Clark (1917) 17 R.C.E. 273;

   au cas Detroit Rubber c. Republic Rubber 1928 R.C.E. 29; au cas Tennessee Eastman

   c. Commissaire des brevets 1974 R.C.S. 111; et au cas Bergeron c. DeKermor 1927

   R.C.E. 181. Ces décisions reconnaissent qu'une méthode d'emploi d'un vieux

   dispositif peut être brevetable si elle est nouvelle et qu'elle fait preuve

   d'ingéniosité; cependant, dans le cas Bergeron, par exemple, nous trouvons:

 

  Une personne ne peut introduire certaines variations

   ou améliorations, qu'elles soient brevetables ou pas,

   dans un appareil ou une machine ancienne, puis revendi-

   quer tout l'appareil comme son invention. (p. 187)

 

   et

 

Compte tenu des réalisations antérieures, je suis d'avis

   non seulement qu'il n'y a pas d'invention ou de dispositif

   nouveau dans le brevet de la défense, mais que la combi-

   naison revendiquée ne présente rien de nouveau, ces ca-

   ractéristiques ayant déjà été décrites dans des brevets

   pour d'autres radiateurs électriques. (p. 188)

 

  et

 

   ... La revendication ne doit porter que sur ce qui est

   nouveau... (p. 196)

 

   Dans le cas Hosiers Ltd. c. Penmans, 1925 R.C.E. 92 à 104, il a été reconnu que:

 

 Si un produit est connu dans le milieu commercial, sa

   production grâce à un nouveau procédé ou à de nouveaux

   instruments ne peut le rendre nouveau.

 

   On retrouve ce principe dans le c as Hoffman-Laroche c. Commissaire des brevets

   1954 R.C.E. 52 et 1955 R.C.S. 414. A la page 56, la Cour de l'Echiquier déclare:

 

Il est essentiel pour la validité d'une revendication

que l'objet soit nouveau. On remarque le manque de

nouveauté dans la revendication 14. On admet que

l'aldéhyde est un vieux produit et l'allégation selon

laquelle, lorsqu'elle est préparée selon le procédé du

demandeur, il y ait suffisamment de nouveauté pour

justifier une revendication, n'est pas acceptable. La

jurisprudence canadienne et américaine s'y oppose..

(non souligné dans le texte)

 

La Cour suprême a qualifié d'"attribution artificielle" la suggestion voulant

que le produit fasse preuve de nouveauté en vertu de son nouveau procédé de

préparation. Nous pensons qu'il serait tout aussi artificiel, et inacceptable,

de soutenir que l'emploi auquel le présent produit est destiné le rend nouveau.

 

Comme le montre l'étude attentive des cas susmentionnés, les tribunaux canadiens

n'ont pas hésité, lorsqu'il s'agissait de déterminer la nouveauté, à se fonder sur

la jurisprudence britannique et américaine. La partie soulignée de la citation

ci-dessus, tirée du jugement Hoffman-Laroche c. Commissaire des brevets atteste

de cette proposition. En fait, il est reconnu depuis longtemps que lorsqu'il y

a correspondance entre les lois sur les brevets, il est des plus pertinent

d'examiner la jurisprudence britannique et américaine à des fins de documentation

et non d'orientation, en tenant compte bien sûr des différences entre elles. Voir

par exemple, le cas Hunter c. Carrick (1884) 10 O.A.E. 449 à 468; le cas Curl-Master

c. Atlas Brush (1967) R.C.S. 514 à 527 et 530; Farbwerke Hoechst c. Commissaire

des brevets (1967) R.C.S. 606 à 614; Van heusen c. Took Bros. 1929 R.C.E. 89 à

100; Leonard c. Commissaire des brevets (1914) 14 R.C.E. 351 à 361; Lawson c.

Commissaire des brevets (1970) 62 C.P.R. 107; Commissaire des brevets c. Winthrop

Chemical, 1948 R.C.S. 46; Tennessee Eastman c. Commissaire des brevets 62 C.P.R.

11 et 1974, R.C.S. 111

 

Par conséquent, compte tenu des circonstances, nous jugeons utile de tenir compte

de ce qui a été dit par la Court of Customs and Patent Appeals des Etats-Unis

dans In Re Thau, O.G. 7 sept. 1943, 14, 1ù nous lisons en page 15:

 Nous sommes d'avis que non seulement la jurisprudence

 s'oppose à l'allégation de l'appelant, mais que la

 délivrance de brevets pour des compositions connues en

 raison des nouveaux usages auxquels elles sont destinées,

 de tels usages consistant uniquement à employer de telles

 compositions, est contraire à l'esprit et, selon nous,

 à la lettre de la législation sur les brevets.

 

 De la même façon, dans In re Lawson 108 U.S.P.Q. 132, nous trouvons à la page 134:

 

 Il a été dit dans le passé que lorsque l'objet d'un brevet

 antérieur est essentiellement similaire à celui de la

 demande, même si sa fonction est différente, la similarité

 est à elle seule suffisante pour empêcher la délivrance

 d'un nouveau brevet (In re Griswold, 33 C.C.P.A. (Brevets)

 799, 152 F. 2d 1014, 68 USPQ 176). Il a également été

 soutenu que lorsque cette similitude et les fonctions sont

 évidentes, on ne peut délivrer un nouveau brevet, que le

 premier breveté ait destiné l'objet de son brevet au même

 emploi ou non (In re George Langford, 17 C.C.P.A. (Brevets)

 844, 37 F. 2d 753;, 4 USPQ 320). Le raisonnement justifiant

 alors le rejet de la demande de brevet semble être que

 d'avoir perçu que le produit découvert par d'autres possède

 des qualités non soupçonnées ne constitue pas une invention;

 il faut faire plus que découvrir un nouvel avantage à un

 produit avant d'en revendiquer l'invention. General Electric

 Co. c. Jewel Co., 326 U.S. 242, 249, 67 USPQ 155, 158 (1945).

 

Le demandeur a reconnu que la loi était la même au Royaume-Uni; ceci est

 confirmé, entre autres, par les jugements Gadd and Mason c. The Mayor of Manchester

 Adhesive Dry Mounting c. Trapp (1910) 27 R.P.C. 341; et In re L'Air Liquide

 Société (1932) 49 R.P.C. 428.

 

 Nous sommes donc d'avis que le rejet des revendications 18, 19, 20, 24, 25 et

 26 pour antériorité était justifié et devrait être confirmé.

 

 Les revendications 21, 22, 23, 28, 29 et 30 ont été rejetées parce qu'elles

 étaient évidentes, compte tenu des réalisations antérieures. Nous ne voyons pas

 en quoi elles apportent une amélioration brevetable aux revendications rejetées

 pour antériorité et concluons donc que leur rejet était justifié (Durable

 Electric c. Renfrew Electric 1928 R.C.S. 8 et la demande de brevet Babcock &

 Wilcox 1952 R.P.C. 224). Les revendications 21, 22 et 23, par exemple, décrivent

 des éléments tels des lignes pointillées pour détacher les feuilles, ou encore

 l'encollage du papier pour lui donner plus de rigidité, éléments tous bien connus

 en ce qui a trait aux rouleaux de papier. Le brevet Scheuer, par exemple, dans

 la col. 2, lignes 26-30, mentionne l'emploi de l'encollage (colonne 2, à la

 ligne 27). Lerner, lui, mentionne la subdivision des feuilles afin de fournir

les quantités désirées de substances actives. Ces modifications constituent

toutes des moyens connus dans le domaine du rouleau de papier. Les revendica-

tions 28, 29 et 30 se limitent à la présence d'assouplissants, élément,

d'après nous, non seulement évident, compte tenu des réalisations antérieures,

mais également directement devancé puisque le brevet DeWet (U. S. 2,542,909),

col. 1, à la ligne 53, indique que nombre des composés d'amonium quaternaire sont

des assouplissants textiles. Le brevet Heim et coll. décrit non seulement les

qualités assouplissantes de ces substances (col. 2., ligne 33) mais aussi la

possibilité de les transmettre au contact de la matière avec l'étoffe (col. 2,

début à la ligne 70). Les composés décrits dans la revendication 30 peuvent

être retrouvés dans le brevet Scheuer. Par conséquent, la technique qui

anticipe les revendications 18-20 et 24-26 anticipe également les revendications

28-30.

 

Des revendications sur le produit, il ne reste donc que la revendication 27.

Nous allons maintenant l'étudier.

 

Il semblerait que le procédé revendiqué n'ait pas été anticipé. L'examinateur

l'a rejetée pour évidence. Lorsque nous examinons les réalisations antérieures

dont il s'est servi pour appuyer cette décision, nous trouvons, en premier lieu,

que le traitement des vêtements dans la machine à laver était connu, mais que les

inconvénients et problèmes en découlant étaient discutés dans la description.

En deuxième lieu, la pulvérisation d'eau et d'autres liquides sur des vêtements

dans les sécheuses était également connue. De plus, tel qu'indiqué plus tôt, les

serviettes de papier imprégnées de germicides et autres produits similaires

utilisées pour répandre les germicides par frottement étaient également connues.

Ce qui n'était pas connu toutefois était le traitement de vêtements dans les

sécheuses à l'aide de serviettes imprégnées d'agents solides. Après coup, il

peut sembler que le fait de réunir tout ceci et d'arriver à l'objet de l'invention,

constitue une demande assez simple, et nous comprenons comment l'examinateur a

pu le croire. Cependant, nous n'avons pas été mêlés aussi étroitement que

l'examinateur aux procédures antérieures et nous n'avons pu sauté les étapes aussi

facilement.

 

Le demandeur a déclaré tant dans sa déclaration verbale qu'écrite que les réali-

sations antérieures citées sont "très éloignées" de l'invention revendiquée ici.

Nous ne pouvons aller aussi loin. Mais il reste qu'il subsiste des différences

importantes qui sont évidentes lorsque nous nous penchons sur la revendication

I (supra). La façon dont les réalisations antérieures se servaient de sécheuses,

d'après les descriptions, consistait à employer des liquides et non des solides. Les

sécheuses étaient utilisées sans chaleur. La méthode ne comportait pas le culbutage

d'étoffes humides avec une matière imprégnée d'agents solides transmissibles.

 

D'autres différences viennent s'ajouter dans les revendications portant sur le

procédé subsidiaire, comme la quantité d'agent imprégné dans la matière, l'emploi

d'agents anti-statiques, la présence de produits d'encollage à base de résine, etc.

 

Nous sommes impressionés par le fait qu'aucune des réalisations citées ne suggère

le traitement des textiles dans une sécheuse à linge en utilisant une matière porteuse

d'un agent de traitement, ce qui constitue le principe fondamental de la présente

invention. La substitution d'une sécheuse à une machine à laver pour traiter les

vêtements et les moyens particuliers employés pour effectuer ce changement n'avaient

pas été conçus antérieurement.

 

La faiblesse de l'analyse ex post facto a été bien exprimée par Fletcher Moulton

dans l'affaire British Westinghouse c. Braulik (1910) 27 R.P.C. 209, à la page 230,

où il déclare:

 

J'admets que je doute de la valeur des arguments selon

lesquels une nouvelle combinaison entraînant des répercussions

nouvelles et importantes sous la forme de machines pratiques

n'est pas une invention parce que, lorsque ce fait a été établi,

il est facile de démontrer comment on peut l'obtenir en partant

de quelque chose de connu et en suivant ce qui semble être une

série d'étapes faciles. Cette analyse ex post facto est injuste

pour les inventeurs, et selon moi, la Loi anglaise sur les

breveta ne la justifie pas.

 

Dans une affaire canadienne, Preformed Line Products et al. c. Payer, Fed. Ct. C,

5 novembre 1975, on trouve à la page 7:

 

... il faut prendre grand soin, lorsqu'on examine une invention

ex post facto en vue de déterminer s'il y a un certain élément

d'ingéniosité, car un très grand nombre d'inventions extrême-

ment utiles et véritablement ingénieuses semblent souvent être

parfaitement évidentes et manquer d'originalité lorsqu'elles sont

examinées après avoir été inventées.

 

M. Sim lui-même a cité de façon quelque peu fantaisiste un passage pertinent du

livre de Milton, Paradise Lost, Volume VI, à la ligne 498:

 

"Une invention que tous admiraient et que chacun croyait avoir

pu inventer tant elle semblait évidente, une fois réalisée,

mais qu'ils auraient qualifiée d'impossible si on leur en avait

parlé auparavant."

 

A l'audience, on a fait allusion à une certaine preuve d'ingéniosité, et en

particulier, à l'immense succès commercial qu'a connu l'invention. Depuis son

apparition sur le marché, en 1975" on s'en est servi des milliards de fois en

Amérique du Nord. Merck-Calgon et Tenneco ont pris une licence et plusieurs concur-

rents se sont par la suite empressés de commercialiser leurs propres imitations,

bien qu'aucun d'entre eux, semble-t-il, n'ait produit l'invention auparavant. Nous

sommes évidemment conscients du danger de trop se fonder sur le terrain dangereux

que constitue le "succès commercial" (se reporter à l'affaire Niagara Wire Weaving

c. Johnson Wire. 1940 R.C.S. 700 ou Bergeron c. DeKermor, 1927 R.C.E. (8)). Cependant,

dans le cas Le Roi c. American Optical, 1950, R.C.E. 344, à la page 371, et dans

d'autres cas, il a été conclu que, dans des circonstances appropriées, le succès

commercial, bien qu'il ne soit pas suffisant par lui-même pour démontrer l'ingénio-

sité, peut en être l'indication. De ces cas, nous concluons que lorsqu'il subsiste

des doutes quant à l'ingéniosité, le succès commercial peut donner plus de poids aux

arguments de la défense (General Tire c. Firestone 1972 R.P.C. 457, à 503). Dans le

cas présent, nous croyons que l'immense et soudain succès commercial qu'a connu

l'invention illustre bien son ingéniosité.

 

Comme autre indicateur d'ingéniosité, le demandeur a souligné la délivrance de

brevets américains correspondants (3,442,692, 6 mai 1969 et 3,895,128, 15 juillet

1975) et l'acceptation d'une demande allemande correspondante P19 55 803.1-43.

La fragilité d'une telle preuve est bien connue et M. Sim ne fondait pas toute sa

défense là-dessus. Pour ce qu'elle vaut, nous en avons pris note. Nous avons

également remarqué que les revendications allemandes se limitent à un procédé auquel

vient s'ajouter une restriction additionnelle en ce que la matière est un morceau

de papier ou d'étoffe, et que les revendications visant le produit sont inaccepta-

bles. Le brevet américain antérieur se limite à huit revendications portant sur le

procédé, comparables aux revendications 1-9 de la demande canadienne. L'autre

brevet américain contient des revendications sur le produit extrêmement restreintes

dans leur étendue et beaucoup plus restreintes que celles jugées inacceptables au

Canada.

 

Après avoir étudié tous ces arguments, nous en sommes venus à la conclusion

que le rejet des revendicatins 1 à 17 inclusivement devrait être modifié.

 

  Enfin, nous examinona la revendication 27 où le demandeur déclare:

 

27. Un produit tel que décrit à la revendication 18 dans

    lequel la matière d'une feuille de papier sèche est

    imprégnée d'environ 1.0 à 10 grammes d'agent par 105

    pouces carrés.

 

En étudiant cette revendication, nous croyons qu'il est important de se souvenir que

si la conception d'un produit désiré constitue une invention, il n'est pas nécessaire

que la construction d'un dispositif conçu pour appliquer cette idée soit nouvelle.

 

Néanmoins, ce dispositif peut être brevetable s'il est nouveau.

 

Dans l'affaire Reliable Plastics c. Louis Marx 1 - F.P.C. 184 à 194, par exemple,

nous trouvons:

 

   Le fait que la mise en pratique de l'idée ait été facile

et que tout ce qu'il fallait faire était d'appliquer des

techniques bien connues à des substances également bien

connues n'empêche nullement une idée d'être brevetable si

celle-ci a nécessité l'exercice d'une certaine ingéniosité

novatrice.

 

Il en est de même dans l'affaire Le Roi c. Uhlemann Optical 1950 R.C.E. 142 à

162 (Confirmé 1952 - 1 R.C.S. 143):

 

   Le fait qu'il ait été si facile de fixer le bras au point où

 

   Uhlemann l'a fait, une fois l'idée conçue, ne démontre pas un

manque d'ingéniosité. Nous nous appuyons sur l'affaire

 

   Hickton's Patent Syndicate c. Patents and Machine Improvements

 

   Company Ltd (1909) 26 R.P.C. 339. La Cour d'appel a alors

renversé le jugement du juge Swinfen-Eady, qui avait tenu le

brevet comme invalide, et le juge Fletcher Moulton, à la page

347, a fait les observations suivantes en ce qui a trait à

l'opinion émise par le juge de première instance:

 

      "L'honorable juge déclare: "Une idée peut être nouvelle,

      originale et digne de mérite mais, à moins que sa mise

      en pratique ne requière de l'ingéniosité, l'invention n'est

      pas brevetable". Soit dit en passant, sans vouloir offen-

      ser l'honorable juge, ceci est, selon moi, tout à fait

      contraire aux principes de la loi régissant les brevets

      et priverait un très grand nombre d'inventeurs dignes de

      mérite de leur juste réconpense. Autant que je sache, ce

      précepte n'est soutenu par aucun cas et aucun procès n'a

      été cité qui puisse le justifier. Je m'explique. Le

      brevet probablement le plus célèbre dans l'histoire de

      notre loi est celui de Bolton et Watt, qui a eu l'unique

      distinction d'être renouvelé pour l'entière période de

      14 ans. Cette invention portait sur la condensation de

      la vapeur, non pas dans le cylindre lui-même, mais dans

      un contenant séparé. Watt en a eu l'idée et c'est pour

      cette idée qu'il s'est vu accorder un brevet; il résulta

      de tout ceci un engin à vapeur. Peut-on suggérer que la

      mise en pratique de cette idée a nécessité, une fois

      conçue, la preuve d'une quelconque ingéniosité? On

      pouvait le faire de mille façons différentes et n'importe

      quel ingénieur compétent aurait pu le faire. Mais l'in-

      vention consistait en une idée et, une fois conçue, sa

      mise en pratique était tout ce qu'il y a de facile. Dire

      que notre législation sur les brevets n'admet pas comme

      nouveau un concept digne de mérite, ingénieux, nouveau,

      original, simple (une fois qu'on y a pensé) et facile

      d'application est, selon moi, bien dangereux et ne se

      justifie ni par la raison, ni par la jurisprudence."

 

Nous nous reportons aussi à l'affaire Fawcett c. Homan (1896) 13 R.P.C. 398 à 405:

 

      Le mérite d'une invention consiste souvent à atteindre

      clairement quelque but visé et utile ou, pour employer

      une expression de M. Hopkinson, "à réaliser un désir".

      Si un inventeur réussit à le faire et qu'il montre

      également comment atteindre l'effet désiré d'une nouvelle

      manière, son invention est brevetable... (nous soulignons)

 

et à l'affaire Electrolier Manufacturing c. Dominion Manufacturers 1934 R.C.S. 436 à

442:

 

      Le mérite du brevet Pahlow ne tient pas tant dans la

      façon d'appliquer l'idée que dans la conception elle-

      même (Fawcett c. Homan), supra...

et à l'affaire Merco Nordstrom c. Comer 1942 R.C.E. 138 à 155:

 

La jurisprudence montre que l'art de combiner deux pièces

ou plus ensemble, qu'elles soient nouvelles ou bien connues,

totalement ou en partie, en vue d'obtenir un nouveau

résultat, ou un résultat connu d'une façon meilleure, à

meilleur marché ou des façon plus expéditive, constitue un

objet brevetable s'il existe suffisamment de preuves

permettant de présumer une idée, un concept ou de l'infénio-

sité dans l'invention et dans la nouveauté de la combinaison.

(nous soulignons)

 

Il peut donc y avoir invention même si l'application de l'idée n'a présenté aucune

difficulté, une fois conçue. En ce qui a trait à la revendication 27, selon nous,

elle est de toute évidence nouvelle. Elle comprend certains éléments spécifique-

ment conçus pour appliquer le concept de l'invention et de cette façon, va au-delà

de ce qui a été fait dans les autres revendications sur le produit. Nous sommes

donc d'avis qu'elle ne doit pas être rejetée, que ce soit pour évidence ou anté-

riorité. Nous ne sommes pas certains qu'elle comprenne tous les éléments néces-

saires à son nouvel usage et qu'elle soit décrite de façon assez distincte et

explicite pour se conformer à l'article 36(2) de la Loi sur les brevets. Voir

Northern Shirt c. Clark supra à la page 285. Elle ne comprend, par exemple, aucu-

ne indication de la température d'assouplissement de l'agent de traitement.

L'examinateur n'a pas appliqué l'article 36 en raison des autres motifs sur lesquels

il a fondé son rejet, pas plus que le demandeur n'a eu l'occasion de s'y opposer.

Nous recommandons donc que la revendication soit à nouveau soumise à l'examinateur

pour qu'il puisse examiner la question. Nous sommes, de toutes façons, assurés

que les revendications du brevet américain 3,895,128 satisfont à ces exigences et

recommandons qu'elles soient acceptées si le demandeur souhaite les substituer à la

revendication 27.

 

A l'audience, M. Sim a fait allusion à la longueur et aux vissicitudes de l'examen

antérieur de la présente demande, y compris, comme ce fut le cas, un rejet final

antérieur parce que les revendications étaient trop vagues pour la déclaration,

un avis d'acceptation et un retrait de l'acceptation qui pouvaient se contredire,

ledit retrait ayant été fait trop tard pour éviter la publication de l'avis de

délivrance dans le registre du Bureau des brevets, le 4 novembre 1975, et fina-

lement le rejet final pour des raisons différentes de celles données antérieure-

ment. Nous comprenons quels sentiments de frustation et de découragement peuvent

provoquer de tels incidents chez les demandeurs. Dans la mesure où ils auraient

pu être évités, ils sont particulièrement regrettables. Selon nous, cependant,

l'histoire antérieure d'une demande de brevet ne devrait pas empêcher un

examinateur de retirer l'acceptation d'une demande, ni de faire un rejet final

lorsqu'après étude, il conclut qu'une demande n'est pas brevetable. Dans les

circonstances présentes, nous avons nous-mêmes conclu que le dernier rejet

était justifié, tout au moins en partie. Il incombe à l'examinateur, en vertu de

l'article 37 de la Loi sur les brevets, outre d'encourager les inventeurs et le

progrès novateur en délivrant des brevets lorsqu'ils sont justifiés, de protéger

aussi l'intérét public en rejetant les demandes (et revendications) qui ne méritent

pas de brevet; s'il ne le faisait pas, cela entraverait indûment les efforts de

l'industrie. (Se reporter au cas Crossley Radio c. C.G.E. 1936 R.C.S. 551,

Niagara Wire c. Johnson Wire 1939 R.C.E. 273 et Lowe Martin c. Office Specialty

1930 R.C.E. 181).

 

En faisant ses observations sur le déroulement de l'étude de la demande, M. Sim

a suggéré que, lorqu'un brevet a été accepté antérieurement, ou du moins que

l'avis de délivrance a été publié, le Commissaire s'est acquitté de ses fonctions

en ce qui a trait à la demande, qu'il ne peut plus retirer l'acceptation, et que

le seul remède est maintenant de réaccepter la demande sur le champ. L'article

75(1) du Règlement sur les brevets déclare, bien sûr, que le Commissaire peut

retirer un avis d'acceptation "avant ou aprês le paiement final des taxes". Le

règlement ne limite aucunement ce retrait par la publication de l'avis de délivrance.

Dans le cas présent, la délivrance du brevet n'avait pas encore été faite, le de-

mandeur n'a jamais reçu un brevet, aucun brevet ne lui avait été envoyé, et l'avis

de retrait de l'acceptation a été fait avant que ne paraisse l'avis de délivrance.

Le paragraphe (2) de l'article 4 de la Loi sur les brevets décrit les fonctions

qui incombent au Commissaire. Elles comprennent "tous les actes et choses

nécessaires pour la concession et la délivrance des brevets" (nous soulignons).

Ces fonctions incluent de toute évidence l'apposition du sceau sur le brevet, sa

signature, sa livraison au breveté, ou du moins sa mise à la poste à destination

du breveté et toutes les autres mesures décrites aux articles 13 et 47 de la Loi.

Jusqu'à ce que toutes ces étapes aient été franchies, on ne peut vraiment dire que

le Commissaire s'est acquitté de ses fonctions. Le breveté n'avait donc pas

obtenu un brevet aux termes de l'article 28.

 

Nous ne connaissons aucun cas portant sur des brevets canadiens où le Commissaire

serait en fait devenu functus officio, et M. Sim ne s'est reporté à aucun cas.

 

Cependant, dans In Re Jamieson Construction Co. Ltd, and City of Edmonton

(1930) 3 Western Weekly Reports, 23, la Cour suprême de l'Alberta a conclu

qu'un fonctionnaire supérieur (dans ce cas un arbitre) n'était functus officio

que lorsque toutes ces fonctions avaient été accomplies. Nous citons:

 

Un arbitre n'est functus officio que lorsque sa décision

est véritablement rendue et l'autorité qui lui est concédée,

ainsi qu'à la Cour suprême, par l'article 15 peut être

exercée "à n'importe quelle étape de la procédure", ce qui

revient à dire à n'importe quelle étape avant la fin de la

poursuite conclue par un jugement.

 

Nous croyons que les mêmes principes s'appliquent au Commissaire des brevets;

et il ne peut être considéré functus officio que lorsqu'il a rempli toutes ses

fonctions concernant la délivrance d'un brevet.

 

On a également fait allusion au mal causé au demandeur en raison de l'avis paru

dans le registre. M. Sim a suggéré qu'un tel avis a entraîné le dépôt d'une

protestation provocant ce rejet final. Cependant, le Commissaire intérimaire

des brevets a été informé antérieurement par un agent du demandeur que le présumé

protestataire avait reçu copie de la demande envoyée par le demandeur lui-même

avant le 4 novembre 1975. Ainsi, on ne peut dire que l'avis était la cause du

mal qui lui était imputé. L'avis donnait très peu de renseignements techniques

sur l'invention, et rien, naturellement, de comparable à ce que l'on pouvait

déjà obtenir dans le brevet américain 3442692, du 6 mai 1964, du brevet belge

741922 du 30 janvier 1970 et du brevet américain 3895128 du 15 juillet 1975. Le

public n'a pas pu consulter le mémoire descriptif canadien au Bureau des brevets,

et, par conséquent, l'article 10 de la Loi est sans objet. Tout ceci ne veut

pas dire bien sûr qu'il soit souhaitable de laisser paraître des avis de déli-

vrance lorsque l'acceptation d'un brevet a été retirée, ni que tout effort

possible ne devrait pas être fait afin de l'empêcher, mais au cours du traitement

de milliers de brevets chaque année, certains accidents arrivent malheureusement.

 

Nous étudierons maintenant la demande connexe 236450. Elle soulève les mêmes

questions et nous en arrivons aux mêmes conclusions, mutatis mutandi. Elle

soulève cependant un autre point.

 

L'examinateur a obligé le demandeur à fusionner ses demandes en une seule car

il considérait qu'il s'agissait d'une seule invention. A l'audience, M. Sim a dit

qu'il en était ainsi et nous sommes pareillement persuadés qu'il n'y a pas de

différence, quant à l'invention, entre les revendications portant sur des produits

véhicules enduits d'agents de traitement et celles où le porteur est imprégné de

l'agent. Lorsque le papier est enduit, il est évident qu'il se produira une

quelconque imprégnation du produit et que, de la même façon, le papier imprégné

sera également enduit. La division artificielle entre ces deux aspects de

l'invention a été faite au cours du traitement antérieur de la demande en vue

d'éviter un conflit avec d'autres demandeurs. Nous recommandons que le demandeur

se limite à une seule demande. L'objet que nous avons lugé acceptable dans la

demande 236450 devrait être revendiqué dans la même demande que l'objet jugé

acceptable dans la demande 049669 et un seul brevet devrait être délivré. Le

demandeur a le droit de revendiquer de façon très générale des matières porteuses

d'agents de traitement (que ce soit par revêtement ou par imprégnation).

 

L'examinateur voudra bien noter que cette demande a fait l'objet d'un ordre

spécial, le 30 juillet 1976, et que l'examen devra se faire dans les plus brefs

délais.

 

Le président

Commission d'appel des brevets

 

Gordon Asher

 

J'ai étudié le rapport et les recommandations de la Commission d'appel des

brevets et tous les autres documents se rapportant au présent cas. J'en

arrive aux mêmes conclusions que la Commission. Je rejette donc les

revendications 18-26 et 28 à 30 de la demande 049669 et j'annule le rejet des

revendications 1-17, ainsi que le rejet de la revendication 27 pour

évidence. Je renvoie la revendication 27 à l'examinateur qui l'évaluera

conformément à la recommandation de la Commission. J'ordonne également que

l'objet de l'invention jugé acceptable et actuellement revendiqué dans les

demandes 049669 et 236450 soit fusionné dans une seule demande. Le demandeur

dispose de six mois pour en appeler de ma décision, conformément à l'article

44 de la Loi sur les brevets. Autrement, les modifications et suppressions

exigées par la Commission doivent être faites dans les limites de ce délai.

 

Le Commissaire des brevets

 

J.H.A. Gariépy

 

Fait à Hull (Québec)

ce 14ième jour d'octobre 1976

 

Agent du demandeur:

Gowling & Henderson

Case postale 466, Succursale A

Ottawa (Ontario)

 

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