DECISION DU COMMISSAIRE
PARTIE 2: Double Brevet - Méthode visant à accélérer la croissance des animaux.
Il a été jugé qu'un produit servant à accéléter la prise de poids chez les animaux
est un "médicament" aux termes de l'article 41 de la Loi sur les brevets. La
demande de double brevet a également été rejetée étant donné qu'elle est division-
naire des revendications concernant l'usage d'un antibiotique breveté dans la
demande initiale.
Rejet: Confirmé pour les deux motifs susmentionnés.
La décision concerne une demande de révision par le Commissaire des brevets de
la décision de l'examinateur datée du 4 décembre 1975 et portant sur la demande
207,229 (catégorie 99-28). Cette demande a été déposée le 16 août 1974 au nom
de Norimasa Miyairi et al, et s'intitule "Méthode visant à accélérer la croissance
des animaux".
La présente demande est divisionnaire de la demande 098757 faisant l'objet
d'un brevet (960,168) concédé le 3:1 décembre 1974. Elle concerne une méthode
destinée à accélérer la croissance des animaux selon laquelle on leur administre
une certaine quantité d'antibiotique "thiopeptine A4" (l'antibiotique a été
revendiqué dans le brevet susmentionné). La revendication 1 de cette demande se
lit comme suit:
Méthode pour accéléter la croissance d'animaux en bonne
santé, selon laquelle on les nourrit d'aliments contenant
une quantité suffisante de thiopeptine A4 et d'un porteur
de germe destinée à les faire grossir.
Dans sa décision, l'examinateur a refusé les revendications de la demande étant
donné qu'elles concernent un objet non brevetable, c'est-à-dire le traitement
médical d'animaux de boucherie", ainsi que l'utilisation de l'antibiotique accepté
dans la demande initiale (brevet 960,168). Il déclarait notamment:
Les revendications 1 à 3 concernent un objet non brevetable,
c'est-à-dire le traitement médical d'animaux. On prétend que
les antibiotiques modifient la croissance en raison des effets
qu'ils ont sur les parasites et les saprophytes présents même
dans les parties infracliniques des animaux; ils les éliminent
ou les empêchent d'utiliser les substances nutritives afin d'en
faire profiter l'animal qui, de ce fait, grossit. Etant donné
les propriétés chimiques, physiques et de structure de ces anti-
biotiques présentent de nombreuses variantes, il n'est pas
totalement faux, en l'absence de preuves du contraire, d'attribuer
cet effet à leur capacité bien connue d'éliminer les parasites ou
les saprophytes ou de les empêcher d'exécuter leurs fonctions
normales. Puisque les effets des antibiotiques sur l'animal ne se
mesurent qu'en termes de croissance et de guérison d'une maladie
(puisque les parasites ou saprophytes se situent aux niveaux
infracliniques), on ne peut en déduire qu'il ne s'agit pas d'un
traitement médical. En fait, vu l'état actuel de nos connaissances
sur les antibiotiques, on serait plus porter à conclure le contraire.
De plus, les revendications 1 à 3 portent sur une méthode évidente
d'utilisation d'un composé accepté dans une demande. Il n'est pas
admissible que le même inventeur présente les mêmes revendications
dans une autre demande.
Dans sa réponse, le demandeur a indiqué, notamment:
Il est signalé que les revendications de la présente invention
concerne une méthode d'accélération de la croissance d'animaux en
bonne santé par opposition à des animaux malades. On prétend que
le "médicament" doit être interprété au sens où l'emploieraient les
profanes (Imperial Chemical Industries c. le Commissaire des brevets,
51 R.P.C. 102), et qu'il devrait en être de même pour les "traitements
médicaux".
...
On remarquera en particulier, que la méthode de la présente
invention "n'utilise aucune des propriétés pharmaceutiques d'une
substance en vue d'obtenir un traitement curatif ou préventif
d'une maladie"; de plus, "les revendications n'exposent aucun
traitement médical ou chirurgical".
On reconnaître certainement que la présente méthode ne restreint
en rien les aptitudes professionnelles d'un chirurgien ou d'un
médecin. Bien au contraire, elle servira au personnel non médical
et plus particulièrement, aux fermiers et à leurs employés.
On cite également la décision du Tribunal d'appel des brevets
du Royaume-Uni dans l'affaire Schering AG. Dans la décision du
commissaire susmentionnée,* la Commission a fait état de cette
demande qui concerne une méthode contraceptive sans suppression
de l'ovulation. Les revendications avaient été rejetées étant
donné qu'elles s'appliquaient à une méthode de traitement pour
êtres humains. Le Tribunal d'appel des brevets était apparemment
d'avis qu'une telle méthode ne constituait pas nécessairement "un
traitement médical" dans le strict sens du terme, c'est-à-dire en
vue de soigner ou de prévenir une maladie.
...
On a également mentionné les brevets canadiens 890,188 et 882,618,
concernant des méthodes d'accélération de la croissance des ani-
maux; ils ont tous deux été concédés après que leur demandeur ait
interjeté appel auprès du Commissaire et en on fait état dans la
Gazette du Bureau des brevets du 15 février 1972 et du 5 octobre
1971. Les revendications de la présente invention portent égale-
ment sur une méthode d'accélération de la croissnace d'animaux en
bonne santé et non malades.
Dans la demande initiale qui a donné lieu à un brevet, on note que l'invention
réside essentiellement dans la découverte des propriétés utiles de l'antibiotique.
On déclarait notamment: "la thiopeptine A4 comporte également des propriétés
antibactérielles agissant contre un certain nombre de microorganismes et est
utile en tant que supplément alimentaire pour animaux. On remarque, dans la
présente demande, la même utilité décrite dans les mêmes termes."
Il s'agit de déterminer s'il y a en fait une deuxième invention. Le demandeur
n'a droit, bien entendu qu'à un seul brevet par invention et les revendications
qui ne se distinguent pas assez ne devraient pas faire l'objet de brevets
distincts. L'article 28(1) de la :Loi autorise la concession d'un seul et non
plusieurs brevets par invention. L'article 46 prescrit qu'un brevet donne un
droit exclusif à l'invention, droit qui s'oppose à l'existence de tout autre
brevet se rapportant au même concept inventif. L'article 63(2) témoigne également
du même principe de droit des brevets confirmé par Montecatini c. Standard Oil
(1974) 14 R.P.C. (2d) 190 à 194:
* Gazette du Bureau des brevets, 16 avril 1974
... les causes du Commissaire des brevets c. Farbwerke
Hoechst Atkiengesellshaft Vormals Meister Lucius et Bruning
(1963) (1964) D.C.S. 49 et In the Matter of Two Applications
for Patents for Henry Dreyfus (1927) 44 R.P.C. 291, prouvent
qu'il ne peut y avoir qu'un seul brevet pour une invention.
Voir également Amoco c. Texaco Exploration, C. Fed. C., le 13 août 1975
Ceci ne veut pas dire, toutefois, qu'il ne peut y avoir de second brevet pour
une invention résidant dans la découverte d'une utilité nouvelle et cachée,
différente de celle décrite dans le premier brevet.
A notre avis, quoique indépendantes l'une de l'autre, les revendications ne
peuvent être dissociées de la description de l'invention. Le demandeur n'a en
aucune façon précisé que les présentes revendications concernait une invention
distincte des revendications de produit (antibiotique). Il est clair que les
présentes revendications se rapportent à l'utilisation de l'antibiotique accepté
en 1974 dans la demande initiale et la présente invention divulgue les mêmes
caractéristiques que celles qui ont rendus brevetable l'antibiotique.
Par conséquent, nous sommes convaincus que la présente demande ne constitue pas
un progrès brevetable étant donné que les revendications "concernent l'utilisa-
tion proposée de l'antibiotique, "et qu'elles sont déjà protégées par le
brevet portant sur l'antibiotique. En fait, les présentes revendications font
tout simplement état d'un autre aspect de la même invention. Concéder un
nouveau brevet serait prolonger illégalement le monopole de l'invention.
La Commission tient compte, bien entendu, du fait qu'il existe aucune jurispru-
dence en ce qui concerne la question de double brevet, mais elle se réfère à la
cause Lovell Mfg. Co. c. Beatty Bros, Ex. C.R. (1958) 23 Fox Pat. C. 112 à 159,
où il est indiqué: "Il n'existe aucune décision canadienne portant sur la
question de double brevet..." De plus, le tribunal ajoute:
Finalement, l'objection fondamentale au double brevet réside
dans le fait qu'il prolongerait la durée du monopole si un
brevet était concédé pour un dispositif et qu'un autre brevet
l'était peu de temps après pour le même dispositif. Cela ne
s'est pas produit dans la présente cause portant sur les deux
brevets mentionnés; en effet, les trois brevets du plaigant ont
été concédés le même jour. Ceci met fin à la question.
Si effectivement il n'y a pas de deuxième invention, il est alors inutile de
déterminer si les revendications concernent une méthode de "traitement médical".
Toutefois, nous tiendrons compte de ce point également. Nous savons, bien
entendu, que les méthodes de traitement médical ne sont pas brevetables (Voir
Tennessee Eastman c. le Commissaire' des brevets (1970) Ex. C.R. tel que men-
tionné dans (1970) 62 C.P.R. 117; 7.974 R.C.S. 111).
Nous remarquons que l'argument du demandeur est axé sur le fait qu'avant qu'une
méthode puisse être considérée comme "traitement médical", elle doit pouvoir
soigner ou prévenir une maladie. Cependant, il faudrait, à notre avis, donner
une large interprétation au terme "médecine". Le dictionnaire le définit comme
étant "la science qui a pour objet la conservation et le rétablissement de la
santé, l'art de prévenir et de soigner les maladies de l'homme" (Petit Robert).
Les tribunaux canadiens ont donné une interprétation très large au terme
"médicament". Voir, par exemple, 'Tennessee Eastman decision supra (C.A.), à la
page 119; Parke, Davis c. Fine Chemicals (1959) R.C.S. 219 à 226 confirmant
(1957) Ex. C.R. 300 à 307; et Imperial Chemical c. le Commissaire des brevets (1967)
1 Ex. C.R. 57 à 60. On trouve également à la page 61: "Je conviens avec le juge
Thurlow que le terme "médicament" tel qu'employé à l'article 41 de la Loi, devrait
être interprété au sens large...
En appendice de cette décision, le juge Gibson donne une série de définitions
des termes "médicaments" et "drogue". Il déclare notamment (nous soulignons)
La lecture de définitions tirées du dictionnaire, de jugements
et d'ouvrages juridiques nous amène à conclure que le terme
"médicament" possède à la fois une définition limitée et une
définition générale et que toutes deux sont connues et employées.
Le cheminement qui m'a fait arriver à cette conclusion se résume
ainsi:
1. De nos jours, dans le langage courant "médicament"
désigne entre autres" une drogue, un agent thérapeutique
agent biologique et une spécialité pharmaceutique.
2. Les "médicaments sont aujourd'hui regroupés sous les
rubriques suivantes: antihistaminiques, antibiotiques,
drogues autonomiques, cardiovasculaires, agents anti-
anémiques, hémostatiques, diagnostiques, expectorants et
préparations pour la toux, médicaments gastrointestinaux,
hormones, anasthésiques locaux, oxytociques, vitamines,
agents spasmolytiques, et ainsi de suite. Autrement dit,
il arrive rarement qu'on parle de "médicaments"...
3. Toutes ces catégories peuvent simplement être qualifiées
de médicaments ou agents médicamenteux, sans qu'on ait
besoin de préciser comme ci-dessus.
4. Certains de ces produits servent à soigner ou à guérir un
patient et sont parfois appelés agents thérapeutiques (bien
que beaucoup d'entre eux ne suffisent pas seuls à soigner
ou à guérir, mais qui sont plutôt employés à une fin
particulière dans le traitement d'un patient), tandis que
d'autres sont utilisés durant tout le traitement du patient.
A cet égard, par exemple, dans le cas du premier type de
drogue ou de médicaments un antibiotique comme la pénécil-
line, se rapproche peut-être le plus toutefois, même dans
ce cas, il arrive souvent que d'autres remèdes soient
nécessaires comme thérapie de soutien lorsque l'antibiotique
est utilisé pour combattre un genre d'infection bien précis.
5. Les produits médicamenteux du premier type des "médicaments"
au sens restreint du terme, tandis que ceux du dernier le
sont au sens large.
"L'halothane" n'est pas un agent médicamenteux qui guérit par lui-
même, mais plutôt un médicament employé en médecine pour le traitement
des patients et fait partie intégrante de la thérapie par chirurgie du
régime thérapeutique..
Par conséquent, je suis d'avis que "l'halothane" est une substance
destinée à servir en "médecine" aux termes de l'article 41(1) de la
Loi sur les brevets et de ce fait, l'appel est rejeté avec dépens.
A ceci, nous ajoutons la définition de "drogue" établie antérieurement par le
Parlement (pour la Loi des aliments et drogues, S.R.C. (1970) F-27, art. 2)
"toute substance pouvant être employée en vue de modifier les fonctions
organiques chez l'homme ou les animaux" (nous soulignons)
Il semble donc que le juge Gibson considérait un antibiotique comme un
médicament "au sens large".
Le demandeur a attiré notre attention sur une décision de la Cour suprême du
Canada, soit Burton Parsons Chemicals c. Hewlett-Packard, (1974) 4-17 R.P.C. (2e)
plus particulièrement sur la page 18 où le juge Pigeon concluait qu'il n'avait
pas été prouvé qu'une crème utilisée pour les électrocardiogrammes au cours
d'examens d'usage était un médicament. Toutefois, de telles compositions
différent d'une substance absorbée par le corps lui-même et touchant le métabo-
lisme interne. Par conséquent, nous sommes d'avis que la présente demande se
rapproche davantage de la cause Imperial Chemical c. le Commissaire des brevets
supra que de Burton Parsons.
Dans une réponse antérieure, le demandeur avait présenté une page d'un livre
intitulé "Microbiology", M.J. Pelczar McGraw-Hill Book Co. 1972 où la stimulation
de la croissance au moyen d'antibiotiques est considérée comme un usage non
médical des antibiotiques. Sur la même page, cependant l'auteur expose l'effet
destructeur des antibiotiques sur les bactéries.
On se sert très souvent maintenant d'antibiotiques dans
la nourriture pour la volaille et bestiaux afin d'en stimuler
la croissance. Depuis qu'on a découvert que beaucoup d'ani-
maux domestiques de boucherie avaient besoin de vitamines B12
dans leur régime alimentaire composé de protéines végétales
pour une meilleure croissance, on s'est aperçu qu'en y ajoutant
des déchets provenant de sous-produits de fermentation, la
croissance était encore plus rapide. Même quand le régime des
jeunes animaux comportait des quantités suffisantes de vitamines
B12, on a remarqué qu'ils grandissaient vite lorsqu'on les
nourrissait avec une pâtée provenant de la fermentation d'anti-
biotiques. On a obtenu des résultats semblables en employant
des antibiotiques à l'état pur. Sur le plan commercial,
l'adjonction de 5 à 20 grammes d'Auréomycine, de terramycine
ou de pénicilline par tonne de nourriture pour volaille ou
porcins accélère la croissance des jeunes animaux d'au moins
10 p. cent et quelquefois jusqu'à 50 p. cent. L'usage de ces
substances est si important que les antibiotiques servant à
des fins médicales pourraient devenir le sous-produit des
résidus de fermentation comme suppléments alimentaires.
L'effet stimulant des antibiotiques sur la croissance d'animaux domestiques
peut s'expliquer de diverses façons:
1. Les antibiotiques peuvent détruire les bactéries et autres
parasites intestinaux qui causent les maladies infracliniques
et retarder la croissance et le développement. Par exemple,
on a remarqué que les porcs réagissent fortement à la
terramycine car cet antibiotique empêche la croissance du
bacille d'Achalme dans leurs intestins et empêche ou réduit
une toxemie chronique mais infraclinique.
2. L'élimination de bactéries saprophytes de l'intestin peut
avoir un effet bénéfique sur la nutrition des animaux.
De plus, dans le Journal of the American Medical Association (21 avril 1975,
vol. 232 no 3) T.H. JUKES signale que les antibiotiques favorisent la croissance
en détruisant les micro-organismes. On peut lire dans le volume no 3, à partir
de la première ligne:
L'usage d'antibiotiques dans l'alimentation des animaux est
étroitement lié à la médecine clinique, étant donné que cet
emploi découle de la découverte en 1948, d'un nouvel anti-
biotique, l'auréomycine (maintenant connue sous le nom de
chlortetracycline). L'auréomycine a été la première des
tétracyclines et on s'en est servi immédiatement en raison de
son efficacité diversifiée contre un grand nombre de micro-
organismes pathogènes.
Et à la ligne 22:
Quelques grammes d'antibiotiques, comme la tétracycline, la
pénicilline ou la streptomycine dans une tonne de nourriture
accélèrera la croissance, car du fait que les animaux de
ferme soient normalement porteurs de micro-organismes intesti-
naux qui sans être vraiment pathogéniques, ont un effet de
délétère.
Il mentionne également le'fait que pendant 25 ans les antibiotiques ont été
très employés en médecine vétérinaire. A la suite du rapport rédigé par le
Comité (Swann) les principaux antibiotiques pour animaux de ferme ne pouvaient
plus être vendus en Grande-Bretagne sans ordonnance d'un vétérinaire..." (nous
soulignons)
Ces faits démontrent que nous envisageons une forme de "traitement médical"
pour guérir les infections chroniques bien que paracliniques et bactériennes,
ches les animaux de ferme. De plus, dans Destran Products c. Benger Laboratories
(1970) 60 R.P.C. 215, le Commissaire des brevets a entièrement rejeté la propo-
sition voulant qu'un produit vétérinaire employé en vue de faire grossir les
cochonnets ne constitue pas un médicament aux termes de l'article 41 de la Loi
sur les brevets.
Il est intéressant de noter la définition d'un produit médicinal adoptée par
"les sociétés de la Communauté économique européenne (CEE)". On trouve à la
page 485 du "Food Drug Cosmetic Law Journal" du mois d'août 1975, Vol. 30, no 8:
Un produit médicamenteux désigne:
(1) toute substance ou combinaison de substances
destinées à soigner ou à prévenir la maladie chez les
êtres humains ou les animaux;
(2) toute substance ou combinaison qui peut être
administrée à des êtres humains ou à des animaux; ou
(3) toute substance ou combinaison de substances qui
peut être administrée à des êtres humains ou à des animaux
en vue de faire un diagnostique médical ou de rétablir,
corriger ou modifier les fonctions physiologiques des êtres
humains ou des animaux"
Par conséquent, nous sommes convaincus, vu les circonstances, que les revendi-
cations concernent une forme de "traitement médical" en vue de conserver la santé
des animaux.
La décision Tennessee Eastman c. les Commissaire des brevets, supra, où la Cour
suprême du Canada étudiait le cas d'une méthode chirurgicale pour refermer les
plaies d'animaux vivants, est donc importante. Le juge Pigeon s'exprimait en ces
termes:
Comme dans le cas de "réalisation" l'étendue du terme
"procédé" à l'article 2 d) est quelque peu restreinte par la
disposition de l'article 28(3) qui exclut un "simple prin-
cipe scientifique ou conception théorique". On ne dit pas
ici que la prétendue invention en est une. Il ne s'agit
que d'une application pratique. En fait, comme le montrent
les causes antérieures, l'invention consiste essentiellement
en une découverte selon laquelle une substance adhésive
connue peut servir en chirurgie. Autrement dit, l'objet de
l'invention revendiquée est d'avoir découvert que cet achésif
particulier est non toxique et peut servir en chirurgie pour
réunir aussi bien des tissus vivants que des substances
inertes. Il est donc clair que la substance elle-même ne
peut être revendiquée comme étant une invention et les
demandeurs ne l'ont pas fait. Leurs revendications se
limitent à une méthode, c'est-à-dire un procédé, qui dans ce
cas n'est rien d'autre qu'une nouvelle utilisation d'une
substance connue. Il s'agit simplement de déterminer, par
conséquent, si une nouvelle utilisation chirurgicale d'une
substance connue peut être revendiquée en tant qu'invention...
Compte tenu de la définition d'une invention, une telle
méthode constitue-t-elle une "réalisation" ou un "procédé"?
Il est clair qu'une nouvelle substance utile pour le
traitement médical ou chirurgical des humains ou des animaux
est une "invention". Il en est de même pour le procédé de
fabrication. En fait, la substance peut être revendiquée
comme étant une invention seulement "lorsqu'elle est préparée
ou produite" grâce à un tel procédé. Mais la méthode de
traitement médical ou chirurgical pour laquelle on emploie
la nouvelle substance, peut-elle également être revendiquée
en tant qu'invention? Pour déterminer, l'utilité de la
substance, il faut la définir dans une certaine mesure. Dans
le cas d'une drogue, les effets souhaitables, ainsi que les
effets secondaires indésirables doivent être vérifiés. Il
faut déterminer les doses exactes de même que les instructions
et les mises en garde. Ces données thérapeutiques peuvent-
elles être revendiquées en elles-mêmes comme une invention
distincte consistant en une méthode de traitement et l'utili-
sation d'une nouvelle drogue? Je ne le pense pas, et il
semble que l'article 41 le confirme. (nous soulignons)
Vu ce qui précède, il est clair qu"on ne peut revendiquer une méthode de
traitement médical comme étant une invention.
Le demandeur s'est reporté à deux décisions antérieures de la Commission concer-
nant des "méthodes d'accélération de la croissance des animaux." Ces décisions
ont été rendues avant celle de Tennessee Eastman c. le Commissaire des brevets
(C. S.) supra. De plus, la Commission dispose de preuves supplémentaires, comme
on l'a mentionné plus haut, en ce qui concerne les raisons pour lesquelles
l'animal grossit plus vite lorsqu'on lui donne des antibiotiques. Par exemple,
il est écrit dans le livre "Microbiology" supra; "Les antibiotiques peuvent
détruire les bactéries et autres parasites intestinaux qui causent des maladies
paracliniques et retardent la croissance".
En résumé, nous sommes convaincus qu'il ne s'agit pas d'une deuxième invention
venant s'ajouter à celle de la demande initiale. Les revendications ont égale-
ment été rejetées à bon escient étant donné qu'elles concernent un genre de
"traitement médical" et ne devraient pas, à notre avis, être revendiquées en tant
que procédé distinct de la drogue elle-même (Voir Tennessee Eastman c, le Com-
missaire des brevets, supra.) Etant donné que la demande ne comporte aucun autre
objet brevetable, nous recommandons que soient rejetées les revendications et la
demande dans son ensemble.
Le président adjoint
Commission d'appel des brevets
J.F. Hughes
Je souscris aux recommandations de la Commission d'appel des brevets et refuse
de concéder un brevet. Le demandeur dispose d'une période de six mois pour
en appeler de la décision conformément aux dispositions de l'article 41 de la
Loi sur les brevets.
Le Commissaire des brevets
J.H.A. Gariépy
Fait à Hull (Québec)
ce vingt-neuvième jour de septembre 1976
Mandataire du demandeur
Alan Swabey & Co
625, avenue du Président Kennedy
Montréal (Québec)