DECISION DU COMMISSAIRE
ARTICLE 2 - Méthode visant à accélérer la croissance des animaux.
Il a été jugé qu'un produit servant à accélérer la prise de poids chez les
animaux est un "médicament" aux termes de l'article 41 de la Loi sur les brevets.
Rejet: Le rejet des revendications portant sur la méthode d'utilisation du
produit a été confirmé.
La décision concerne une demande de révision par le Commissaire des brevets de
la décision de l'examinateur datée' du 2 mai 1975, portant sur la demande 047,754
(Catégorie 260-320.5). La demande a été déposée le 3 avril 1969 au nom de
Wehrmeister, Herbert L. et al et porte la mention "Composés hétérocycliques à 5
membres carbocycliques liquéfiés et liés." La Commission d'appel des brevets
a fixé une audience au 2 juin 1976, à laquelle D. Watson et F. Pole représentaient
le demandeur.
La demande concerne des composés hétérocycliques comportant des propriétés
oestrogènes ou accélérant le taux de croissance des animaux de boucherie.
Dans sa décision, l'examinateur a rejeté les revendications 46 à 66 car elles
n'étaient pas conformes à l'article 2 de la Loi sur les brevets. Il s'est fondé
sur la décision prise dans Tennessee-Eastman c. le Commissaire des brevets R.P.C.
8 2e série, 202).
Il a également déclaré (notamment):
Les revendications 46 à 66 concernent une méthode pour faire
grossir les animaux de boucherie en bonne santé, sont une fois
de plus rejetées compte tenu de Tennessee-Eastman c. le Commisaire
des brevets R.P.C. 8, 2e série, 202. Comme on l'a mentionné
dans les Décisions du Bureau du 9 octobre 1973 et du 31 janvier
1974, du fait que la présente demande relève de l'article 41(1)
de la Loi sur les brevets, la portée des composés de
l'invention est limitée étant donné qu'ils doivent dépendre
de leur procédé de préparation. Par conséquent, la méthode
d'utilisation des composés de l'invention ne peut faire
l'objet d'une revendication de procédé indépendamment de
la substance, sinon, on pourrait croire que bien que les
composés puissent seulement être revendiqués lorsqu'ils sont
préparé à l'aide du procédé breveté, leur utilisation peut
l'être en tant que méthode de traitement, quelque qu'en soit
la préparation. Ainsi, ces revendications de procédé relatives
à la "méthode d'utilisation" permettent au demandeur de se
soustraire à la restriction prescrite a l'article 41(1) de la
Loi sur les brevets.`
Les paragraphes suivants de la demande de révision du demandeur, expose son
point de vue:
..
Nous prétendons que la supposition de l'examinateur selon laquelle
l'article 41(1) s'applique, contredit les récentes décisions de la
Cour suprême du Canada, ainsi qu'une décision antérieure prise par
le Commissaire des brevets.
Dans la récente décision portant sur Burton-Parsons Inc. C. Hewlett
Packard Canada Ltd, le juge Pigeon qui a rendu la décision des neuf
membres de la Cour suprême du Canada, s'est prononcé en ces termes:
"... Je suis d'accord avec la décision du juge de première
instance comme quoi cette crème n'est pas "destinée à un
usage médical" aux seins où l'entend l'article 41. On a
récemment étudié des cas dans Tennessee Eastman c. Commissaire
des brevets (R.P.C. 1974 111). On considérait également que
les substances à usage chirurgical étaient comprises dans cette
catégorie. Je suis convaincu qu'une crème conductrice peut
servir chaque fois qu'on applique des électrodes sur la peau
lors d'une intervention chirurgicale. Cependant, les preuves
n'établissent aucunement que tel est l'usage principal du
produit. Il est clair que cette crème sert principalement
à prendre des électrocardiogrammes durant un examen courant,
et non nécessairement ou principalement au traitement de
maladies."
Cette citation prouve clairement les propositions suivantes:
(1) Tout ce qui est administré à quelqu'un n'est pas
forcément un médicament;
(2) Pour qu'il y ait "médicament" il faut qu'il y ait une
maladie à soigner;
(3) Il faut tout d'abord considérer l'usage principal d'un
produit. La décision de la Cour suprême du Canada dans Tennessee
Eastman 1973 R.P.C. (2e) 202 s'applique tout particulièrement à la
présente cause. Il est indiqué notamment à la page 208:
"En deuxième lieu, les décisions prises à l'issue
de ces deux causes ne concernaient pas une méthode
médicale ou chirurgicale. La demande de Swift
traitait d'une méthode permettant d'attendrir la
viande en injectant des enzymes dans l'animal avant
de l'abattre.
...
Il est bien établi que les méthodes seront qualifiées de médicales
seulement si elles s'appliquent au traitement de maladies. Nous
avons déjà vu la cause Burton-Parsons qui appuie cette proposition.
S'il faut la justifier davantage, reportons-nous à la page 344 de
la demande de Shering A. (1971) R.P.C. 337 dans laquelle l'argument
du demandeur a été accepté. En effet, il prétendait qu'"un
procédé de contraception n'est pas un procédé "de traitement
médical" au sens d'un mode de guérison ou de prévention de maladies
et que la pratique établie s'applique seulement au traitement
médical". La cause Schering a été mentionnée et approuvée à la
209 de Tennessee-Eastman et un passage de la décision a été
souligné, soit "les brevets portant sur des traitements médicaux
au sens strict du terme doivent être exclus". On s'est également
fondé sur Joos c. Commissaire des brevets (1973) R.P.C. 59, et
particulièrement à la page 63 où il est indiqué:
"Dans le cas d'un traitement, au sens où on l'entend
ici, il me semble qu'on applique une substance ou
un procédé sur le corps dans le but de stopper ou de
guérir une maladie ou un état maladif, de corriger
certains troubles ou d'améliorer quelque incapacité
ou infirmité."
Les revendications en question se rapportent au traitement d'animaux
de boucherie "en bonne santé". Il est, par conséquent, évident
que les substances ne servent pas au traitement d'une maladie. Dans
le même ordre d'idée, l'accent est mis sur le principe établi dans
l'affaire Burton-Parsons, à savoir que l'usage principal doit être
considéré. Le fait qu'il puisse parfois y avoir un animal malade
n'a aucune importance.
...
Soit que la méthode faisant l'objet de la demande tombe sous le
coup de l'article 41(1), tel que décrit dans tendresse-ébattant et
Burton-Parsons, soit qu'elle n'y est pas assujettie. Que le
composé utilisé dans le procédé soit nouveau ou ancien importe
peu, On prétend que la décision du Commissaire dans la demande
862,758 est juste et conforme aux lois, tel qu'établi dans
Tennessee-Eastman et que rien dans les faits, ne justifie une
distinction et que la décision devrait être respectée.
La question est de déterminer l'admissibilité des revendications 46 à 66
concernant une méthode visant à accélérer la croissance d'animaux d'élevage
en bonne santé, en se servant d'une' nouvelle substance. Les autres revendi-
cations admissibles contenues dans la demande sont celles qui s'appliquent aux
composés nouveaux et à leur procédé de préparation. La revendication 46, qui
est représentative des revendications refusées, se lit comme suit:
Une méthode pour accélérer la croissance d'animaux de boucherie
en bonne santé, selon laquelle on les nourrit d'aliments
comprenant une certaine quantité d'un composé destiné à les
faire grossir. La formules de ce composé
<IMG>
dans laquelle T est radical choisi parmi l'un des groupements
constitué de -CH-CH et -CH2CH2-; Z est un radical choisi
parmi l'un des groupements. constitués de -C-O, CH2 et -CHOR;
R est choisi parmi l'un des groupements constitués d'hydrogène,
de radicaux alkyles à chaîne courte, de radicaux acyles acycliques
à chaîne courte et de radicaux aralkyles monocycliques pouvant
contenir jusqu'à environ 10 carbones; X est choisi parmi l'un
des groupements constitués d'hydrogène, de -OR et de -OR; R'
est choisi parmi l'un des groupements constitués de benzoxazolyle
de benzothiazolyle et de phényltétrazolyle; X' est choisi parmi
l'un des groupements constitués de X et de tétrahydropyranyloxy;
Y est choisi parmi l'un des groupements constitués d'hydrogène,
d'amino, de notro et d'hydroxyle; et, à condition qu'au moins
l'un de X et X' soit choisi parmi l'un des groupements constitués
de tétrahydropyranyloxy, de benzoxazolyloxy, de benzothiazolyloxy
et de phényltétrazolyloxy, alors au moins un de X et X' est de
l'hydrogène.
Au cours de l'audience, M. Watson a habilement exposé la jurisprudence. Il a
en outre fortement souligné, tant dans ses déclarations écrites qu'orales, qu'il
ne revendique pas un traitement médical. Il a admis que les traitements
médicaux n'étaient pas brevetables (cf. Tennessee Eastman c. Commissaire des
brevets 1970 Ex. C.R., tel que mentionné dans R.P.C. 62, 117 (1970); D.C.S. 111
1974). L'argument du demandeur était axé sur le fait qu'avant qu'un procédé
puisse être considéré comme médical, il faut qu'il serve à soigner ou à
prévenir une maladie. Il maintient que le traitement d'animaux de boucherie
en bonne santé, tel que revendiqué "ne constitue pas un traitement médical en
vue de soigner ou de prévenir une maladie."
Le demandeur nous a fait remarquer qu'au Royaume-Uni plusieurs demandes
portant sur un objet semblable, ont été concédées. Nous estimons qu'il suffit
de dire qu'avant 1962, au Royaume-Uni, aucune méthode de traitement des humains
ou des animaux n'était considérée comme brevetable. Toutefois, depuis les
conclusions dans N.R.D.C. Demande (1961) 1 R.P.C. 134 (rendue en Australie),
Swift (1961) R.P.C. 141 (Nouvelle-Zélande) et Swift and Company (1962) R.P.C.
37 (Angleterre), cette façon de penser a changé. On a fait la distinction entre
les procédés destinés aux animaux et ceux qui sont destinés aux humains et l'on
a restreint la portée de ce qu'on considérait comme procédé médical. A cette
époque (1962), cependant, on ne pouvait interjeter appel au-delà du Tribunal
d'appel des brevets. Ceci a beaucoup contribué à la concession du brevet de
Swift (et d'autres qui ont suivi), car si l'affaire n'était pas entendue, aucune
révision ultérieure n'était possible.
Les tribunaux canadiens ont donné une interprétation large au terme médicament.
Voir, par exemple, la page 119 de Tennessee Eastman supra (C.S.); Parke-Davis
c. Fine Chemicals (1959) D.C.S. 219 à 226, confirmant (1957) Ex.C.R. 300 à 307;
et Imperial Chemical c. le Commissaire des brevets (1967) 1 Ex. C.R. 57 à 60.
Dans cette dernière décision, on trouve également, à la page 61; "Je conviens
avec le juge Thurlow que le terme "médicament" tel qu'employé à l'article 41
de la Loi, devrait être interprété au sens large..."
En appendice à cette décision, le juge Gibson a donné une série de définitions
des termes "médicaments" et "drogue". Il s'exprime comme suit: (nous souligons).
La lecture des définitions tirées du dictionnaire, de jugements
et d'ouvrages juridiques nous amène àconclure que le terme
"médicament" possède à la fois une définition limitée et une dé-
finition générale et que toutes deux sont comme connues et
employées. Le cheminement qui m'a fait arriver à cette
conclusion se résume ainsi:
1. De nos jours dans le langage courant "médicament"
désigne entre autres, une drogue, un agent
thérapeutique, ment biologique et une
spécialité pharmaceutique.
2. Les "médicaments sont aujourd'hui regroupés
sous les rubriques suivantes: antihistaminiques,
antibiotiques, drogues autonomiques, cardiovas-
culaires, agents antianémiques, hémostatiques,
diagnostiques, et préparation expectorants pour
la toux, médicaments gastroinstestinaux, hormones,
anasthésiques locaux, oxytociques, vitamines,
agents spasmolytiques, et ainsi de suite.
Autrement dit, il arrive rarement qu'on parle de
"médicaments"...
3. Toutes ces rubriques peuvent être simplement désignées
comme produits médicamenteux sans regrouper davantage
comme au paragraphe 1 ci-dessus.
4. Certains de ces produits servent à soigner ou à
guérir un patient et sont parfois appelés agents
thérapeutiques (bien que beaucoup d'entre eux ne
suffisent pas seuls à soigner ou à guérir, mais
sont plutôt employés à une fin particulière dans le
traitement d'un patient), tandis que d'autres sont
utilisés durant tout le traitement du patient. A
cet égard, par exemple dans le cas du premier type
de drogues ou de médicaments (antibiotique), comme
la pénécilline, se rapproche peut-être le plus.
Toutefois, même dans ce cas, il arrive souvent que
d'autres remèdes soient nécessaires comme thérapie
de soutien lorsque l'antibiotique est utilisé pour
combattre un genre d'infection bien précis.
5. Les produits médicamenteux du premier type sont des
"médicaments" au sens restreint du terme, tandis
que ceux du dernier le sont au sens large.
"L'halothane " n 'est pas un agent médicamenteux qui guérit
par lui-même, mais plutôt un médicament employé en médecine
pour le traitement des patients et fait partie intégrante
de la thérapie par chirurgie ou du régime thérapeutique.
Par conséquent, je suis d'avis que l"halothane" est une
substance destinée à servir en "médecine" aux termes de
l'article 41(1) de la Loi sur les brevets et de ce fait,
l'appel est rejeté avec dépens.
A ceci, nous ajoutons la définition de "drogue" établie antérieurement par le
Parlement (pour la Loi des aliments et drogues, S.R.C. (1970) F-27, art. 2);
"toute substance pouvant être employée en vue de modifier les fonctions
organiques chez l'homme ou les animaux." (nous soulignons)
Le demandeur déclare (en réponse à la décision) que les substances "ont un
effet physiologique sur la croissance (de l'animal)..." Ce phénomène serait
sans doute considéré comme ayant modifié la fonction organique de l'animal et
serait, avec raison, vu comme un "agent biologique", c'est-à-dire "un
médicament". Par conséquent, la situation est analogue à la demande Swift
que la Cour suprême a jugée comme ne se rapportant pas à une méthode
médicale. "La décision Swift concernait un cas où un enzyme était injecté
à un animal afin d'en attendrir la chair. Il ne faut cependant pas oublier
que cette affaire, l'action du corps de l'animal était purement mécanique
et non métabolique. De toute façon, dans Tennessee Eastman, c. Le Commissaire
des brevets, 1974 R.C.S. 111 à 120) le Juge Pigeon a clairement indiqué qu'il
faut être prudent lorsqu'on transpose les conclusions des décisions Swift N.R.D.C.
au droit canadien.
M. Watson a attiré notre attention sur une décision de la Cour suprême du
Canada dans Burton Parsons Chemicals c. Hewlett-Packard (1974) 4-17 R.P.C. (2e)
et en particulier sur la page 18 où le Juge pigeon conclut qu'il n'avait pas
été établi qu'une crème employée pour prendre des électrocardiogrammes au
cours d'examens d'usage était un médicament. De tels composés diffèrent,
toutefois, des substances absorbées par le corps lui-même, et influant sur une
fonction physiologique. Ainsi, la présente demande se rapproche davantage, à
notre avis, de la cause Imperial Chemical c. Commissaire des brevets supra que
de Burton Parsons.
Nous estimons qu'il est juste de dire que les experts en la matière ne savent
pas exactement comment une substance particulière, lorsqu'ajoutée à la
nourriture des animaux, accélère leur croissance. Cependant, les effets d'un
antibiotique ajouté à la nourriture destinée aux animaux s'avèrent intéressants.
Le livre intitulé: "Microbiology" M.J. Pelczar, McGraw-Hill Book Co. 1972,
traite de ce sujet. Ainsi, on lit à la page 487:
On se sert très souvent maintenant d'un antibiotique dans
la nourriture pour la volaille et bestiaux afin d'en
stimuler la croissance. Depuis qu'on a découvert que
beaucoup d'animaux domestiques de boucherie avaient besoin
de vitamines B12 dans leur régime alimentaire composé
de protéines végétales, pour une meilleure croissance, on
s'est aperçu qu'en y ajoutant des déchets provenant des
sous-produits de fermentation, la croissance des animaux était
encore plus rapide. Même quand le régime des jeunes animaux
comportait des quantités suffisantes de vitamines B12, on a
remarqué qu'ils grandissaient plus vite lorsqu'on les
nourrissait avec une pâtée provenant de la fermentation
d'antibiotiques. On a obtenu des résultats semblables en
employant des antibiotiques à l'état pur. Sur le plan commer-
cial, l'adjonction de 5 à 20 grammes d'Auréomycine, de terra-
mycine ou de pénicilline par tonne de nourriture pour volaille
ou porcins accélère la croissance des jeunes animaux d'au
moins 10 p. cent et quelquefois jusqu'à 50 p. cent. L'usage
de ces substances est si important que les antibiotiques servant
à des fin médicales pourraient devenir le sous-produit des
résidus de fermentation, comme suppléments alimentaires.
L'effet simulant des antibiotiques sur la croissance d'animaux
domestiques peut s'expliquer de diverses façons:
1. Les antibiotiques peuvent détruire les bactéries
et autres parasites, intestinaux qui causent des
maladies infracliniques et retardent la croissance.
Par exemple, on a remarqué que les porcs réagissent
fortement à la terramycine, car cet antibiotique
empêche la croissance du bacille d'Achalme dans leurs
intestins et empêche ou réduit une toxémie chronique
mais infraclinique.
2. L'élimination de bactéries saprophytes de l'intestin
peut avoir un effet bénéfique sur la nutrition des
animaux.
De plus, dans le Journal of the American Medical Association (21 avril 1975,
V0. "/"' NO /), T.H. JUKES signale que les antibiotiques favorisent la croissance
en empêchant celle de micro-organismes. On peut lire dans le volume 232, à
partir de la première ligne:
L'usage d'antibiotiques dans l'alimentation des animaux est
étroitement lié à la médecine clinique, étant donné que cet
emploi découle de la découverte en 1948, d'un nouvel antibiotique,
l'auréomycine (maintenant connue sous le nom de chlortetracycline).
L'auréomycine a été la première des tétracyclines et on s'en est
servi immédiatement en raison de son efficacité contre un grand
nombre de micro-organismes pathogènes.
Et, à la ligne 22:
Quelques grammes d'antibiotiques, comme la tétracycline, la
pénicilline ou la streptomycine dans une tonne de nourriture
accélèrera la croissance, car il semble que les animaux de ferme
soient normalement porteurs de micro-organismes intestinaux qui
sans être vraiment pathogéniques, ont un effet délétère.
Il mentionne également le fait que "pendant 25 ans les antibiotiques ont été
très employés en médecine vétérinaire. A la suite du rapport rédigé par le
Comité (Swann), les principaux antibiotiques pour animaux de ferme ne pouvaient
plus être vendus en Grande-Bretagne, sans l'ordonnance d'un vétérinaire..."
Ces renseignements ont été portés à l'attention du demandeur avant la tenue
de l'audience. Au cours de cette dernière, M. Watson a expliqué que sa
demande ne portait pas sur un antibiotique. Toutefois, elle n'explique pas ce
qui produit l'accélération de la croissance lorsqu'on emploie la substance
revendiquée.
Nous sommes convaincus, cependant, que la substance modifie les fonctions
organiques du corps. La substance revendiquée est un composé hormonal comportant
des propriétés eostrogènes. Nous sommes persuadés qu'il s'agit d'un "agent
biologique" et de là, un "médicament'' au sens large du terme (voir la décision
I.C.I. supra). Toute substance qu'on administre par voie orale qui agit sur
le métabolisme du corps doit, nécessairement, être placée dans la catégorie
"aliment ou médicament". En outre, il est incontestable que la substance est
produite par procédé chimique. De plus, dans Dextran Products c. Benger
Laboratories (1970) 60 C.P.R. 215, le Commissaire des brevets a entièrement
rejeté la proposition voulant qu'un produit vétérinaire employé en vue de faire
grossir les cochonnets ne constitue pas un médicament aux termes de l'article
41 de la Loi sur les brevets.
Le demandeur prétend qu'il n'enfreint pas l'article 41 de la Loi sur les brevets
puisqu'il a revendiqué le produit dans sa forme dépendante du procédé dans
d'autre revendications, tel que l'exige l'article en question.
Dans Tennessee Eastman c. le Commissaire, supra, le juge Pigeon déclarait à la
page 118:
L'article 41 a été décrété en vue du restreindre le champ
d'application des brevets "couvrant des substances préparées
ou produites par des procédés chimiques et destinées à
l'alimentation ou à la médication". Le premier principe est le
suivant: dans le cas de semblables inventions, "le mémoire
descriptif ne comportera pas de revendication pour la substance
même, sauf lorsque celle-ci est préparée ou produite à l'aide
de méthodes ou de procédés de fabrication exposés dans la
revendication par leurs équivalents chimiques manifestes. Par
conséquent, j'estime que l"usage thérapeutique ne peut être
revendiqué à titre de procédé distinct de la substance en soit,
autrement, cela signifierait que bienque la substance ne puisse
être revendiquée sauf si elle est préparée selon le procédé
breveté, son utilisation peut l'être à titre de méthode de
traitement, quelle que soit sa préparation. Autrement dit, si une
méthode de traitements qui réside dans l'application de nouveaux
médicaments pouvait être revendiquée à titre de procédé distinct
du médicament en soi, l'inventeur pourrait donc se soustraire
facilement à la restriction de l'article 41(1). (nous soulignons)
Le demandeur a cité une décision antérieure (demande 862,758) de la Commission
concernant des "méthodes pour accélérer la croissance des animaux". Cette
décision a été prise avant la conclusion de l'affaire Tennessee Eastman c.
Commissaire des brevets (C.S.) supra. En fait, c'est bien le raisonnement qui
a conduit à la décision Tennessee-Eastman qui fait que les présentes revendications
ont été rejetées dans la décision.
Nous attirons l'attention du demandeur sur un article intitulé "Industrial
Property" contenu dans le vol. 6 de l'édition de 1974 du "Ottawa Law Review".
En citant la décision de la Commission d'appel des brevets concernant la demande
862,758, l'auteur écrit à la page 475: "Il n'est pas clair si la décision est
valable compte tenu de celle de la Cour suprême dans Tennessee Eastman, étant
donné que cette dernière semble porter sur une méthode d'utilisation d'un
aliment vétérinaire qui semblerait tomber sous le coup de l'article 41 de la
Loi sur les brevets, si l'on s'en tenait au raisonnement suivi dans Tennessee-
Eastman.
Il y a autre chose encore. En examinant le nombre des composés utilisés dans
le procédé de la revendication 46, on s'aperçoit qu'il se chiffre dans les
dix milles, sinon dans les cent malle. Bien qu'ils présentent évidemment
certaines similarités de structure, nous ne pensons pas que tous ces composés
accélèrent la croissance des animaux. Ce point se rapproche sans doute du type
de revendication excessive et jugée répréhensible dans Boehringer Sohn c. Bell
Craig (1962) EX.C.R. 201 et ailleurs. Cependant, étant donné qu'on avait
d'autres raisons de rejeter la revendication 46, il est inutile de s'étendre
davantage sur la question.
En résumé, nous sommes convaincus que les présentes revendications concernent
une méthode de traitement au moyen d'un agent biologique (composé hormonal),
qui modifie les fonctions organiques du corps, et que celle-ci ne devrait pas
à notre avis, être revendiquée à titre de procédé distinct du médicament. (Voir
Tennessee-Eastman c. le commissaire, supra)
Nous recommandons que soit confirmée la décision par laquelle les revendications
46 à 66 étaient rejetées parce qu'elles ne "relèvent pas de l'article 2 de la
Loi sur les brevets".
Le président-adjoint
Commission d'appel des brevets
J.F. Hughes
Je souscris aux conclusions de la Commission d'appel des brevets et refuse
d'accepter les revendications 46 à 66. Le demandeur dispose de six mois pour
annuler ces revendications ou en appeler de la décision, en vertu des
dispositions de l'article 44 de la Loi sur les brevets.
Le Commissaire des brevets
J.H.A. Gariépy
Fait à Hull (Québec)
ce treizième jour d'août 1976
Mandataire du demandeur
Gowling, MacTavish, Osborne
& Henderson
116, rue Albert
Ottawa (Ontario)