DECISION DU COMMISSAIRE
DEMANDE DE REDELIVRANCE: Etiquette de contrôle
Dans le brevet original, le demandeur revendiquait une étiquette formée de
plusieurs sections et perforée dans la partie magnétisée. Dans la demande de
redélivrance, il revendique que la perforation est adjacente à la partie
magnétisée de l'étiquette.
Décision finale: Confirmée
La présente décision porte sur une demande de révision par le Commissaire des
brevets de la décision de l'examinateur rendue le 24 janvier 1975 au sujet de
la demande 193,998 (classe 235-83). La demande a été déposée le 4 mars 1974, au
nom de Burton R. Marmer et al, et est intitulée "étiquette de contrôle". La
Commission d'appel des brevets a tenu une audience le 24 mars à laquelle M.G.
Kersey, avocat de brevets du demandeur aux États-Unis, et M.R. Barrigar représen-
taient le demandeur.
La présente porte sur une demande de redélivrance du brevet 905906 du 25 juillet
1972. L'invention consiste en un carton portant des renseignements utilisés par
les magasins et les entrepôts en vue de tenir des dossiers sur les ventes, les
approvisionnements et les commandes de marchandises. Ce carton (ou étiquette de
contrôle) est formé de deux parties détachables. Il est habituellement fixé à
un article, une robe par exemple. Lors de la vente, une partie de l'étiquette
est détachée et utilisée par le commerçant afin de mettre ses dossiers à jour.
L'étiquette possède des zones magnétisables où figurent des données pouvant être
lues par des têtes d'enregistrement positionnées selon des perforations pratiquées
â cette fin. L'examinateur a rejeté la demande de redélivrance parce qu'elle
n'était pas conforme aux dispositions de l'article 50 de la Loi sur les brevets.
Il a déclare que:
(1) le brevet original n'est pas défectueux, puisque les
revendications du demandeur tiennent compte des
antériorités;
(2) au moment de la demande originale, le demandeur n'avait
aucunement l'intention de revendiquer la présence
d'orifices entre les parties de l'étiquette, servant au
positionnement lors de l'enregistrement;
(3) l'agent canadien des brevets n'a fait erreur, comme le
prétend le demandeur;
(4) les nouveaux faits énoncés dans la pétition ne sont pas
suffisamment concluants pour justifier la redélivrance;
(5) les revendications de la demande de redélivrance définissent
un tout autre objet que celui précédemment revendiqué et
peuvent être rejetées en vertu de la règle 25 des Règlements
et de l'article 36(2) de la Loi;
(6) les revendications 1, 3 et 10 de la demande de redélivrance
ont une portée plus étendue que les revendications 1 à 3
déposées et rejetées en raison des antériorités. Ces
revendications ont également une portée plus grande que celles
brevetées, qui en premier lieu avaient été rejetées en raison
des antériorités, puis acceptées compte tenu des arguments
invoqués par le demandeur.
Dans la pétition pour la demande de redélivrance, le demandeur déclare:
(1) QUE le pétitionnaires est le titulaire du brevet canadien
no 905906, délivré le 25e jour de juillet 1972 pour une
invention intitulée ETIQUETTE DE CONTROLE,
(2) QUE ledit brevet est jugé défectueux et inopérant car le
demandeur n'a pas revendiqué tous les nouveaux éléments
auxquels il avait droit,
(3) QUE le brevet est jugé défectueux et inopérant pour les
raisons suivantes:
Les revendications de l'invention ont été
indûment restreintes dans le brevet no 905906.
L'invention est revendiquée correctement dans les
revendications 1 à 12 du mémoire descriptif mo-
difié, annexé à la présente pétition.
Le brevet canadien no 905906 divulgue une étiquette de contrôle
enduit d'une couche magnétisable et formée d'un ou plusieurs
parties. Selon la figure 1B, les perforations 22 se trouvent
dans la zone magnétisable et il y a une autre perforation
notamment entre les parties adjacentes 10-1 et 10-2 de
l'étiquette. Le revêtement magnétisable 21 n'entoure que
partiellement cette dernière perforation. Toutefois, la
revendication 1 du brevet délivré mentionnait que la perfora-
tion située dans la zone magnétisable en était "complètement
entourée", ce qui est vrai pour les perforations 22 mais non
pour les autres.
Les inventeurs ont toujours eu l'intention d'obtenir un brevet
pour l'étiquette de la figure 1b. Cependant, l'avocat chargé
de la demande de brevet canadien ne s'est pas rendu compte que
la figure 1b comptait deux types de perforations et que cette
restriction injustifiée, soit "complètement entourée par cette
substance magnétisable", a été introduite sans tenir compte de
tous les éléments de la structure de la figure 1b.
(4) QUE cette erreur est attribuable à une inadvertance, un accident
ou une méprise, sans aucun motif frauduleux ou trompeur:
"Les instructions américaine et canadienne des demandes de
brevet ont été faites par des avocats différents au service de
deux études différentes. L'erreure commise par l'avocat chargé
de la demande canadienne s'est produite comme décrit au paragraphe
3. La demande canadienne a été la première à être brevetée, le
brevet américain no 3,727,031 n'ayant été délivré que le 10 avril
1973. Suite à la délivrance du brevet américain, un examen des
demandes déposées et des brevets accordés à l'étranger a été
entrepris en se fondant sur la procédure américaine d'examen
compte tenu, entre autres, du fait que des avocats différents
avaient été chargés des demandes. Après une étude approfondie
des différences entre les demandes canadienne et américaine, le
détenteur du brevet a décidé de prendre les mesures nécessaires
pour apporter les modifications souhaitées au brevet canadien. Le
25 octobre 1973, le pétitionnaire adressait une lettre à son
associé canadien et depuis, ils ont poursuivi leur correspondance
en vue de préparer la présente pétition.
Dans sa réponse au rejet final du 24 juillet 1976, le demandeur a déclaré,
notamment:
Les revendications américaines portent, entre autres, sur une
étiquette comportant plusieurs volets, dont les zones magnétiques
adjacentes sont séparées par des perforations ayant pour but de
prévenir la séparation des couches magnétiques de l'étiquette et
de réduire l'usure abrasive que pourrait entraîner l'utilisation
d'un couteau lors de la préparation des étiquettes ou pour détacher
plusieurs étiquettes d'un lot pendant la marche de la machine.
Les revendications américaines établissent donc une distinction
entre les perforations qui séparent les volets d'une étiquette et
les perforations d'une étiquette ayant un seul volet.
D'autre part, les revendications du brevet canadien délivré se
fondent sur la présence d'une perforation au milieu de la zone
magnétique afin de faciliter le positionnement des appareils
d'enregistrement par rapport à la zone magnétique. Seules les
revendications subordonnées du brevet canadien révèlent que
l'étiquette peut compter plusieurs volets. Ces revendications sont
donc indûment restreintes à la description de l'étiquette dont le
modèle est exposé à la revendication principale.
Les revendications canadiennes sont indûment restreintes compte
tenu des antériorités. Selon ces revendications, la perforation
est complètement entourée d'un revêtement. Cette restriction
n'établit pas de distinction par rapport aux antériorités. Par
exemple, si la distinction se fonde sur le fait que la perforation
sert à positionner une tête d'enregistrement magnétique dans la
zone magnétique entourant ladite perforation, alors il n'y a aucune
raison pour que cette perforation soit complètement entourée.
...
L'examinateur semble substituer sa version des faits à celle déposée
auprès du Bureau des brevets. L'examinateur ne peut connaître
"l'intention", puisque ce n'est pas lui qui a formulé l'intention du
déposant ou des inventeurs. La pétition pour la redélivrance
précise que "Les inventeurs ont toujours eu l'intention d'obtenir
un brevet pour une étiquette du type exposé à la figure lb."
L'examinateur n'est pas en mesure de contester cette déclaration.
Pour une autre preuve à l'appui de l'intention du demandeur,
veuillez consulter les affidavits ci-joints des inventeurs,
Burton R. Marmer et Richard F. Stucchi.
...
La pétition pour la redélivrance précise que "L'avocat chargé de
la demande de brevet canadien ne s'est pas rendu compte que la
figure 1b comptait deux types différents de perforation..."
L'examinateur ne peut, sur une question de fait, contredire les
déclarations actuelles du demandeur. Seul le bien-fondé de la
pétition doit être l'objet du jugement. L'examinateur ne peut
substituer son jugement au jugement erroné qui a été fait. En plus,
pour étayer les affirmations du demandeur, vous trouverez ci-joint
l'affidavit de George E. Kersey énonçant d'autres faits relatifs à
l'historique des instructions américaine et canadienne.
...
Dans sa réponse, le demandeur souligne que ce point constitue
l'élément principal de la présente demande de redélivrance. Les
raisons pour lesquelles le demandeur a déposé une demande de
redélivrance sont les suivantes: d'une part, les revendications
de la demande américaine portent sur une étiquette formée de
plusieurs volets, dont les zones magnétiques adjacentes sont
séparées par des perforations ayant pour but de prévenir la
séparation des couches de l'étiquette et de réduire l'usure abra-
sive que pourrait entraîner l'utilisation d'un couteau lors de la
préparation des étiquettes ou pour détacher plusieurs étiquettes
d'un lot pendant la marche de la machine; d'autre part, les
revendications du brevet canadien se fondent sur la présence d'une
perforation au milieu de la zone magnétique afin de faciliter le
positionnement des instruments d'enregistrement par rapport à la
zone magnétique. L'absence de distinction entre ces deux aspects
justifie le dépôt d'une demande de redélivrance.
...
Le demandeur conteste la validité de la règle invoquée par
l'examinateur. Cette règle contredit le jugement rendu par
la Cour suprême du Canada clans le cas Burton Parsons, cité
plus haut, dans lequel je juge a déclaré que "dans de tel
cas, une des règles fondamentales de l'exercice du pouvoir
discrétionnaire énonce qu'une partie ne doit pas être privée
de ses droits à la suite d'une erreur ou d'us négligence de
la part de son avocat". Si l'agent canadien a commis une
erreur, comme ce semble être le cas, le demandeur a le
droit d'y remédier. Voilà un des buts de la redélivrance, comme
l'indique le jugement dans l'affaire Burton Parsons.
Pour faciliter la compréhension de l'invention, nous reproduisons ci-dessous
les figures 1A et 1B de l'étiquette de contrôle.
<IMG>
Malheureusement, nous croyons qu'il y a eu une certaine ambiguité attribuable
au manque de précision et d'uniformité quant aux termes utilisés pour décrire
l'invention, ainsi qu'au fait que le demandeur tente de regrouper différentes
facettes de l'invention de même que différentes possibilités dans une même
revendication. Voilà pourquoi nous redéfinirons ce que nous croyons être les
principales parties de l'invention en utilisant les termes que nous emprunterons
dorénavant. L'étiquette de contrôle se compose d'une ou de plusieurs parties
(10-1, 10-2). Si elle compte plusieurs parties, elles sont séparées par une
ligne perforée (Y) pour faciliter leur détachement. Chaque partie compte trois
sections, le talon (h), où figure l'information visuelle, une souche (s)
recouverte d'une substance magnétisable et une patte (t) sur laquelle est
inscrit le prix de l'article. Des incisions ou perforations (13-a, 13-b)
séparent les sections et permettent de les détacher l'une de l'autre ou de les
replier l'une sur l'autre. Dans la souche, une perforation permet de
positionner une tête d'enregistrement pour lire l'information enregistrée sur la
substance magnétique. Une fois le talon 14 replié le long de la ligne de
perforation 13a, l'orifice du talon 14 est aligné sur la perforation 22 pour
protéger la couche magnétisée. Cet orifice 14 sert avant tout à fixer l'étiquette
à la marchandise.
Toutes les revendications du brevet original mentionnent l'existence de la
perforation 22. En plus de la perforation 22, la revendication 16 compte
également la ligne perforée.
Dans la demande de redélivrance,le breveté ne veut pas que son invention se
restreigne à une étiquette comportant la perforation 22. Il veut revendiquer toute
étiquette comportant la perforation 22 ou la ligne perforée Y, ou les deux à la fois.
La revendication 1 de la demande de redélivrance étaye l'affirmation que nous avons
faite précédemment, à savoir qu'il y avait confusion et ambiguité au niveau des
termes utilisés. Le demandeur y introduit le terme "composante" pour ce qu'il a
appelé "section" dans son brevet. Par la suite, il parle de "partie" pour une
"section". Puis il fait allusion à une perforation "adjacente" à la substance
magnétisable (la ligne perforée sans doute), alors qu'il n'y aura pas de ligne
perforée si l'étiquette ne compte qu'une seule partie.
Selon l'instruction et les déclarations faites à l'audience, il semble évident
que le principal point en litige est de savoir s'il y a eu accident, inadvertance
ou méprise en restreignant le brevet original à une étiquette comportant la
perforation 22. Pendant l'instruction, l'examinateur a cité comme antériorité
des étiquettes de contrôle formées de sections séparables le long d'une ligne
perforée et recouverte d'une substance magnétisable. Pour contrer cette opposition,
le déposant a modifié la revendication large 1 en déclarant (lettre du 5 avril
1971, p. 3):
La revendication 1 a été modifiée afin de préciser de quelle
façon l'invention se distingue des antériorités, y compris
des antériorités citées par l'examinateur canadien et invoquées
pendant l'instruction de la demande américaine et qui seront
mises de l'avant ci-après.
Dans la nouvelle version de la revendication 2, le demandeur
précise que l'étiquette de contrôle est rectangulaire et qu'elle
comporte une deuxième section, recouverte d'une substance
magnétisable, percée d'une seule perforation assurant le
positionnement d'un bloc d'enregistrement par rapport la zone
magnétique entourant complètement la perforation. Aucune des
antériorités citées ne divulguent une telle étiquette. (nous
avons souligné).
Les revendications 2 et 3 sont également été annulées parce qu'elles ne
faisaient pas mention de la perforation 22.
Nous croyons que la revendication 1 originale incluait la perforation 22,
mais de toute façon, la modification indique expressément son existence.
L'examinateur a maintenu son objection et le déposant lui a répondu (17 février
1972, p. 2:)
Quant à la perforation dont il est question dans les
revendications, elle sert au positionnement d'une tête
d'enregistrement magnétique (souligné par le déposant)
par rapport à la zone magnétique qui entoure ladite
perforation. Fait à souligner, aucune des antériorités
ne parle d'une perforation dans la zone magnétique (nous
avons souligné) ayant la même fonction. Dans la référence
Stoller, par exemple, l'orifice du disque de la figure 4
s'ajuste sur la tige de la table tournante et non sur une
tige de tête d'enregistrement.
Pour lever toute ambiguité, la revendication 2 a été
modifiée et il y est dit explicitement qu'un bloc d'enregis-
trement magnétique est positionné dans la zone magnétique
à l'aide de la perforation pratiquée dans la deuxième section
de l'étiquette de contrôle du déposant. La revendication 3
a été remplacée par une autre, où il est souligné que la tige
d'une tête circulaire d'enregistrement vient s'insérer dans
la perforation pour l'enregistrement de données de contrôle
dans la zone magnétique.
I1 semble donc qu'au moment de la délivrance du brevet original, on a voulu
doter l'invention de ladite perforation 22 et que cet élément a été utilisé pour
faire état de la nouveauté de l'invention par rapport aux antérioritês. Tel
qu'établi à l'audience, l'examinateur a pris cette distinction en considération
pour invalider l'antériorité citée et accepter la demande. Les avantages de
la présence d'une telle perforation sont exposés dans la divulgation (p. 7 ligne
30, page 8 lignes 1 à 9 et 23 et p. 11 ligne 2).
Lors de l'audience, l'examinateur s'en est remis à la décision de la cour
américaine, In re Beyers (1956) 43 CCPA 804, traitant d'une demande de
redélivrance. Pour justifier son attitude, l'examinateur a rappelé que les
dispositions relatives à la redélivrance au Canada se fondent sur les dispositions
de la loi américaine. Il a fait également allusion à ce qui a été dit relative-
ment à la redélivrance dans Hunter c. Carrick (1884), 10 O.A.R. 449 à la page 468
(confirmé par 11 S.C.R. 300):
Lors de certaines décisions, il importe de tenir compte des
différences entre les deux lois. Dans le cas présent, où il
est question de l'effet de la redélivrance d'un brevet dont
le mémoire descriptif a été corrigé, les lois américaines
amendées ou modifiées ont, à cet égard, à peu près la même
formulation que la loi canadienne, et, à toutes fins utiles,
elles ont la mime portée. Je suis de l'avis de l'éminent
juge, dont nous étudions la décision, que nous devrions nous
guider sur les jugements rendus par la cour américaine, et
pour lesquels l'impact de la loi a été étudié....
Nous remarquons également que dans Curl-Master c. Atlas Brush (1967 S.C.R, p.
514 à p. 527 et p. 530), le juge Martland a cité deux jugements américains
traitant de la redélivrance de brevets, alors que dans Farbwerke Hoechst c.
Commissaire des brevets (1966 SCR p. 606 à 614) il a insisté sur les distinctions
à faire lorsque les dispositions comportent des différences essentielles. Voir
également Van Heusen c. Tooke Bros. 1929, Ex. C.R. p. 89 à 100) et Leonard c.
Commissaire des brevets, 14 Ex. C.R. 351 (1914), p. 361. Compte tenu des
distinctions qu'il est opportun de faire, nous revenons à la décision Byers,
supra, et y remarquons, à la page 807:
Ainsi dans Dobson c. Lees, 137 U.S. 258, la Cour suprême des
Etats-Unis a déclaré:
La redélivrance constitue un amendement et peut être
approuvée seulement si les défauts du brevet original
sont dûs à une inadvertance, un accident ou une méprise
commis sans intention frauduleuse. Ainsi la redélivrance
ne peut être approuvée afin d'élargir les revendications
du brevet original, en y incluant des éléments qui ont
déjà été omis volontairement. A titre d'exemples de telles
omissions: le consentement ou rejet d'une revendication,
son retrait par modification, pour en éviter le rejet ou
le soustraire à une objection, l'acceptation d'un brevet
auquel le Bureau des brevets a apporté des limitations
réduisant ainsi la portée de l'invention décrite et
revendiquée en premier lieu.
De la même façon, dans Shepard c. Corrigan, 116 U.S. 593, la
Cour a déclaré:
Si un demandeur entend breveter une nouvelle combinaison et
que, pour ce faire, il doit, sous peine de refus de sa
demande par le Bureau des brevets, restreindre sa revendication
par l'introduction d'un nouvel élément, il ne peut, après la
délivrance du brevet, élargir sa revendication en laissant de
côté le nouvel élément qu'il a été tenu d'inclure pour obtenir
son brevet.
...
Comme l'annulation volontaire d'une revendication pour obtenir un
brevet constitue un empêchement à l'égard de l'obtention de la
même revendication par redélivrance, il est évident que cet em-
pêchement demeure lors du dépot d'une revendication qui ne
diffère de la revendication rejetée seulement par le fait qu'elle
soit plus large. Voilà le principe mis de l'avant dans In re White
supra, 23 F. 2d 776, 57 App. D.C. 355. D'autre part, dans In re
Murray, supra, cette Cour a cité la déclaration suivante tirée de
Ex parte White, 1928 C.D. 6:
Le retrait volontaire d'une revendication en vue d'obtenir
un brevet permet d'établir qu'il n'y a pas eu inadvertance,
accident ou méprise, et de ce fait, l'invention ainsi retirée
ne peut être revendiquée par le dépôt de revendications
élargies ou par une redélivrance comportant des revendications
élargies. Cette règle s'applique également lors des demandes
de redélivrance ou autres, que les revendications soumises
soient identiques, fondamentalement semblables ou plus larges
que les revendications retirées.
De la même façon, dans In re Wadsworth et al, 27 C.C.P.A. (Patents)
735, 107 F. 2d 596, 43 USPQ 460, le juge a souligné que l'annulation
d'une des revendications d'une demande ayant fait l'objet d'un
brevet, décrivant un procédé en deux étapes chronologiques, rend
impossible l'obtention par redélivrance d'un brevet comprenant
une revendication similaire à celle annulée, mais d'une portée
plus grande en ce que la seconde n'indique pas le déroulement
chronologique des deux étapes.
Nous sommes d'avis que la décision du demandeur de restreindre
la portée de la revendication 20 initiale en la modifiant,
correspond au retrait volontaire de la revendication telle
qu'énoncée dans la version originale en vue d'obtenir un brevet,
et que ce retrait constitue un empêchement à la redélivrance de
la revendication 20 dans sa version initiale ou de toute autre
revendication similaire mais plus large. Les revendications 2 et
3 portées en appel, comme il est mentionné plus haut, diffèrent
de la revendication 20 initiale seulement par le fait qu'elles ont
une portée plus grande. (Nous avons souligné)
Il serait également opportun de faire allusion à In the Matter of Land's Patent
(1910) 27 R.P.C. 481 pour montrer qu'une décision préméditée ne peut être jugée
involontaire, même si cette décision préméditée a été prise par ignorance de la
loi. Cette cause portait sur la restauration d'un brevet déchu, mais nous
croyons que les arguments invoqués dans cette cause nous permettent de juger si
une décision préméditée peut tomber sous le coup de la définition de "inadvertance,
accident, méprise" dans le sens où ces termes sont employés à l'article 50 de la
Loi sur les brevets.
Dans le cas présent, nous sommes d'avis que le demandeur veut élargir ses
revendications en éliminant des limitations ajoutées volontairement en vue
d'obtenir un brevet. Nous ne croyons pas qu'il y ait eu inadvertance, accident
ou méprise justifiant la redélivrance du brevet original.
L'affidavit de M. Kersey fait état des circonstances ayant entraîné la demande
de redélivrance. Ce document et la lettre de réponse à 1a décision finale ont
été versés au dossier. Une des principales raisons invoquées pour justifier
la demande de redélivrance est que le breveté s'est rendu compte que le brevet
américain avait une portée plus grande que le brevet canadien. Si nous
examinons le brevet américain correspondant No 3727031, nous y relevons des
différences qu'il serait bon de noter:
1. La demande américaines est une continuation de la demande
no. 681,730 (la demande conventionnelle correspondant au
brevet original canadien 905,906). Elle ne correspond pas
exactement à la demande canadienne, bien qu'exception faite
des revendications, la divulgation est essentiellement la
même.
2. Le brevet américain n'est pas une redélivrance.
3. Les revendications sont différentes. Celles du brevet
américain portent sur un tout autre aspect de l'invention,
soit l'utilisation d'une ligne perforée pour séparer les
différentes parties à l'aide d'un couteau sans l'enfoncer
dans les couches magnétisées. Le brevet ne revendique
aucunement des cartes de contrôle comportant la perforation
de positionnement 22. Il est probable que cette caractéristique
ait été refusée lors du rejet final de la demande américaine
originale, qui a entraîné la continuation américaine.
En tentant de dégager les intentions du demandeur, nous devrions noter également
la nature et le but de l'invention divulguée dans la demande originale et dans
les demandes de brevet en coinstance. Les trois demandes ont été déposées le
8 novembre 1968 par Dennison Manufacturing Company. Les numéros de série de ces
demandes étaient 034,777, 034,778, et 034,779, et respectivement les brevets
905,905, 887,741 et 905,906 ont été délivrés. La demande de redélivrance porte
sur le dernier cité. Les brevets 905,905 et 905,906 sont tous deux intitulés
"Étiquettes de contrôle" et, la divulgation et les dessins sont identiques. Le
brevet 887,741 s'intitule "Système de marquage" et porte sur l'équipement devant
être utilisé avec l'étiquette divulguée dans les deux premiers brevets.
Le brevet 905,905 (pour lequel, comme il a déjà été mentionné, la divulgation
et les dessins sont identiques à ceux de la demande de redélivrance) revendique
une étiquette rectangulaire comportant une autre perforation dans laquelle une
tête d'enregistrement s'introduit ... et ladite perforation est entourée par
ladite couche sans entrer en contact avec celle-ci."
Le brevet 905,906 qui fait l'objet de la demande de redélivrance, revendique une
étiquette de contrôle rectangulaire, comptant plusieurs sections et la "seule
perforation pratiquée dans la deuxième section assure le positionnement d'un bloc
d'enregistrement dans la surface magnétisable, et est complètement entourée par
celle-ci..."
Le brevet 837,741 porte sur un système de marquage comprenant une machine
à marquer, un bloc de liaison et un bloc de contrôle. Les étiquettes des figures
1A et 1B sont identiques à celles des figures 1A et 1B des deux brevets. A la
ligne 12, du 1er paragraphe de la page 5, on note: "De plus, il est souhaitable
que le bloc d'enregistrement soit muni d'un picot, par exemple une axe qui
pénètre dans la perforation de l'étiquette. Si l'on utilise deux picots de
repère, la tension exercée sur l'étiquette est annulée et le positionnement de
l'étiquette par rapport au bloc d"enregistrement se fait avec précision, avant
l'enregistrement". A la ligne 32 de la divulgation de la page 13 on peut lire
"Les seules perforations de l'étiquette des fig. 1A et 1B sont les perforations
24 servant au positionnement de l'étiquette par rapport à la tête d'enregistrement
et les perforations. 25 où sont introduites l'attache fixant l'étiquette à la
marchandise, à un vêtement par exemple." (nous avons souligné). Puis à la page
25 (ligne 21), on note "Ceci assure la fixation de l'étiquette 21 et, de pair
avec le picot de repère 276 qui entre dans la perforation 25, prévient toute
rotation accidentelle de l'étiquette 21. Le picot de repère 276 est de forme
convexe aux extrémités afin de pénétrer facilement dans la perforation 25." Le
picot de repère 276 demeure nécessaire même si une unité linéaire d'enregistrement
est utilisée de la façon indiquée à la page 26 de la divulgation.
Après examen des trois brevets, on peut se demander si "les inventeurs avaient
l'intention de revendiquer une étiquette ne comptant pas de perforations dans le
talon, la souche et la patte." Les mémoires descriptifs des brevets font état
des processus d'impression, d'enregistrement et d'utilisation de l'étiquette.
Ces brevets indiquent clairement que pour les fins prévues, l'étiquette doit
nécessairement comporter une perforation dans le talon ou la souche. Nous n'avons
pu trouver aucune indication précisant que la ligne perforée entre les parties
des étiquettes peut, à elle seule, permettre d'atteindre les fins prévues. Le
but réel de la demande était de mettre au point une étiquette de contrôle de
concert avec un système de marquage. (Voir la divulgation à la page 9).
Puisque les brevets connexes précisent qu'il doit y avoir une perforation dans
le talon ou la patte, nous ne pouvons voir comment le demandeur aurait pu avoir
1'"intention" de ne pas inclure, compte tenu des fins prévues, cette caracté-
ristique comme élément essentiel de l'étiquette.
Nous avons également étudié les affidavits déposés par les inventeurs. Ces
affidavits, qui sont presque identiques, énoncent:
3. Comme l'indiquent les dessins, notre étiquette peut être
décrite comme comptant plusieurs sections et plusieurs
parties. Chacune des parties comprend au moins une
section recouverte d'une substance magnétisable et des
parties adjacentes séparées, du moins en partie, par une
ligne perforée. Les autres perforations sont indiquées
sur chacune des parties, et il y en a une dans la section
magnétisée et une dans la section non magnétisée. (nous
avons souligné).
4. J'avais l'intention de revendiquer une invention ayant la
plus grande portée possible, compte tenu des antériorités.
Toutefois, mon co-inventeur et moi, nous nous en sommes
remis entièrement à nos avocats, étant donné que nous
n'avions aucune connaissance quant à la rédaction d'un
mémoire descriptif et des revendications d'une invention.
Nous ne croyons pas que ces affidavits soient d'un grand secours au demandeur.
Bien au contraire, ils précisent que le demandeur avait l'intention de revendiquer
une invention "ayant la plus grande portée possible". Telle est l'intention de
la majorité, sinon de la totalité des personnes faisant une demande de brevet.
Il serait étrange qu'on se contente de moins. Le paragraphe 3 de l'affidavit
établit clairement que l'invention comprend une ligne perforée pour séparer les
parties et une perforation "dans" la section magnétisée. Dans l'affidavit rien
n'indique que la perforation 22 ne fait pas toujours partie de l'étiquette de
contrôle. De plus, puisqu'il est possible que l'étiquette ne compte qu'une partie,
cette étiquette ne comporterait pas de perforation allongée" (que nous avons
appelé ligne perforée).
Lors de l'audience, M. Barrigar a exprimé l'avis que la ligne perforée peut
servir à positionner la tête d'enregistrement. Mais une telle utilisation de
la ligne perforée n'est divulguée à aucun moment et l'esprit de toutes les
divulgations, y compris celles du brevet américain, veut que la fonction de cette
ligne perforée soit de permettre la séparation des parties à l'aide d'un couteau,
sans encommager le revêtement magnétique. A notre avis, il semble douteux qu'une
ligne perforée utilisée à cette fin puisse constituer une amélioration inventive,
mais en le supposant, l'invention serait alors toute autre que celle revendiquée
initialement. Aux termes de l'article 50, la redélivrance d'une revendication
peut être accordée pour une "même invention" ayant fait l'objet de la revendi-
cation originale, et non pour une invention différente. Comme le mentionnait le
juge M. Maclean dans Northern Electric c. Photosound 1936 Ex. C.R. 75 à 89:
Il semble évident que la version modifiée d'un brevet doit
porter sur la même invention et ne peut toucher aucune
nouvelle invention.
Dans la majorité des cas où le brevet est jugé défectueux ou
inopérant, les lacunes doivent figurer dans la description
de l'invention dans le mémoire descriptif ou les dessins, ou
dans les deux. C'est dans le but de corriger ce type de
lacunes que réparation est accordée en vertu de la loi. Donc,
dans la plupart des cas, le but de la redélivrance est de
modifier un brevet imparfait, les lacunes de son énoncé ou de
ses dessins mais non son objet, en vue de divulguer et de
protéger l'objet du brevet demandé par l'inventeur. Par
conséquent, le brevet redélivré doit se limiter à l'invention
que le breveté a tenté de décrire et de revendiquer dans le
mémoire descriptif initial, mais qui, en raison "d'inadvertance,
d'accident ou de méprise", ne l'a pas été correctement; le
brevet redélivré sera un brevet modifié, mais non un brevet
nouveau. Si toute autre solution était possible, la situation
serait intolérable. La conséquence logique de ce qui précède
est qu'aux termes de la loi,,aucun brevet n'est "'défectueux ou
inopérant" s'il revendique ou décrit un objet autre que
l'invention qui a été conçue ou envisagée par L'inventeur au
moment même de l'invention.
Le demandeur a cité Curl Master c. Atlas Brush et Burton Parsons c. Hewlett-Packard
pour démontrer qu'une erreur commise par l'avocat du demandeur justifie la
redélivrance. Nous avons déjà souligné que l'action de l'agent du demandeur
avait été préméditée et qu'elle ne constituait pas une erreur pouvant être
corrigée par une redélivrance. De plus, dans la décision Curl Master, le brevet
a été jugé défectueux en raison de l'insuffisance de la description, ce qui a
entraîné une erreur; notamment, l'agent n'a pas entièrement saisi et décrit
l'invention faisant l'objet de la demande de brevet. La décision Burton Parsons
indique que l'incapacité de l'agent des brevets à modifier la revendication,
compte tenu des antériorités, a causé "l'erreur". Aucun parallèle ne peut être
établi entre le cas dont nous sommes saisis et ceux de Curl Master et Burton
Parsons. La déposition de plusieurs demandes pour lesquelles un brevet comptant
57 pages de divulgation, 21 revendications et 19 dessins a été accordé montre
bien que l'agent avait très bien saisi l'invention. De plus, ce même agent a
présenté des arguments détaillés pour surmonter l'obstacle d'une réalisation
antérieure, dans le brevet redélivré. Donc, ni Curl Master ni Burton Parsons
ne peuvent servir de précédents au demandeur.
Nous sommes d'avis qu'aux termes de la loi, le demandeur n'est pas autorisé
à se voir accorder une redélivrance, et nous estimons que la décision de
l'examinateur de rejeter la demande doit être confirmée. Toutefois, le demandeur
peut revendiquer une étiquette de contrôle comportant des perforations 22 servant
au positionnement, qu'il y ait ou non une ligne perforée destinée à la séparation,
mais cela a déjà été acquis dans le brevet initial.
Le Président
Commission d'appel des brevets
Gordon Asher.
Je souscris aux conclusions de la Commission d'appel des brevets et refuse de
concéder un brevet. Le demandeur dispose d'une période de six mois au cours
de laquelle il pourra en appeler de la présente décision, conformément aux
dispositions de l'article 44 de la Loi sur les brevets.
Le Commissaire des brevets
J.H.A. Gariépy
Fait à Hull (Québec) Agent du demandeur
le 27 août 1976 Robert H. Barrigar
C.P. 434, Succursale A
Ottawa (Ontario)
K1N 8V5