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                          DECISION DU COMMISSAIRE

 

EVIDENCE: Raccord pour tuyau

 

Un joint étanche est obtenu grâce à l'utilisation de bagues abrasives de

scellement dans le bout femelle en plastique d'un tuyau dans lequel le bout mâle

d'un tuyau est inséré. Des colliers de retenue extérieurs sont utilisés pour

résister à des forces de séparation axiales élevées. Les revendications ont été

rejetées, mais on a soutenu que la demande n'aurait pas dû être refusée. Des

modifications ont été suggérées.

 

Décision finale: modifiée

 

La présente décision porte sur une demande de révision de la part du Commissaire

des brevets de la décision finale de l'examinateur en date du 30 avril 1975 au

sujet de la demande 150,074 (classe 285-52). La demande a été déposée le 23

aoflt 1972 au nom de Amsey Buehler et al, et s'intitule "Raccord à emboîtement à

collet à verrouillage mécanique pour tuyaux". La Commission d'appel des brevets

a tenu une audition le 19 mai 1976 lors de laquelle M. K.M. Garrett représentait

le demandeur.

 

La présente demande porte sur un raccord pour tuyaux dans lequel un manchon

annulaire à double paroi de toile émeri contribue à retenir les deux sections de

tuyau en place. Les figures 1 et 2 ci-dessous illustrent l'invention.

 

<IMGS>

 

La revendication 1 de la demande se lit comme suit:

 

Raccord à bout femelle pour tuyau de plastique comprenant

une extrémité femelle à coupe dont les dimensions sont

supérieures audit tuyau et qui s'y rattache au moyen d'un

collet; au moins une rainure alignée par rapport à l'axe,

à extrémité ouverte et taillée dans la paroi dudit bout

femelle, jusqu'à une position adjacente audit collet, et

des dispositifs d'attache de forme essentiellement annulaire

situés autour de la paroi intérieure de l'extrémité femelle

collatéraux par rapport aux extrémités desdites rainures,

le dispositif d'attache étant caractérisé par une surface

interne abrasive qui retient l'extrémité mille d'un second

tuyau.

 

Dans sa décision finale, l'examinateur a refusé la demande parce qu'elle ne

comportait rien de brevetable compte tenu des brevets suivants:

 

Etats-Unis

 

3,252,192              le 24 mai 1966              Smith

2,702,716              le 22 février 1955          Basolo et al

 

Le brevet Basolo porte sur les abouchements de tuyaux pour fluides employant un

raccord tubulaire doté de rainures longitudinales dans lesquelles des pattes

d'attache s'engagent pour retenir fermement les deux extrémités. La figure 1

ci-dessous illustre l'abouchement Basolo.

 

<IMG>

 

Le brevet Smith porte sur un dispositif d'attache pour tenir ensemble les

extrémités adjacentes de tuyaux. La figure 1 de ce brevet donnée ci-après

illustre ce dispositif.

 

<IMG>

 

La revendication 1 du brevet se lit comme suit:

 

Collier de retenue pour article tubulaire dont la surface

est cylindrique comprenant une paire de membrures opposées

et similaires dotées d'une surface de préhension semi-

cylindrique, chaque surface de préhension enduite d'un

adhésif à pression, une couche de particules malléables

sphériques à forte densité fixées auxdites membrures par

l'adhésif, la couche de particules étant d'épaisseur

uniforme inférieure à environ deux fois le diamètre des

particules et supérieures au diamètre de toute particule

individuelle, le diamètre de la majorité desdites

particules étant environ 25 millièmes et 50 millièmes

de pouce, le rayon de courbe desdites surfaces de préhension

étant essentiellement égal à celui de la surface cylindrique

plus l'épaisseur de ladite couche, et des dispositifs de

serrage travaillant conjointement avec lesdites membrures

pour presser les surfaces de préhension fermement contre

une surface cylindrique encerclée, ledit enduit adhésif

permettant un mouvement relatif entre lesdites particules

pour assurer une préhension essentiellement uniforme de

toute la surface cylindrique.

 

Dans sa décision finale, l'examinateur a déclaré (en partie):

 

La demande porte sur la notion de dispositif annulaire

abrasif entre les deux surfaces annulaires d'un emboîtement

à collet. Plus précisément, la demande décrit un abouchement

du type à emboîtement à collet comprenant un dispositif

d'attache intégral situé à l'extrémité du bout femelle

d'un des tuyaux; le dispositif abrasif étant situé entre la

surface intérieure cylindrique de cette partie de l'extré-

mité femelle dans un dispositif d'attache et le bout mâle.

 

Le brevet Smith porte sur un dispositif annulaire abrasif

entre la surface intérieure cylindrique d'un collier de

retenue et la surface correspondante d'un tuyau.

 

L'examinateur soutient que l'application du brevet Smith à

tout dispositif de retenue de tuyau serait évidente et tout

à fait normale pour une personne versée en la matière.

 

Etant donné que le demandeur montre le dispositif abrasif

situé dans la partie de l'extrémité femelle qui forme un

collier de retenue, il est jugé qu'il serait évident à une

personne versée en la matière d'appliquer à ce système

d'attache particulier ce que Smith révèle.

 

Dans sa lettre du 3 février 1975, le demandeur soutient ce

qui suit:

 

"L'examinateur a prétendu "que l'application de

ce que Smith enseigne à ce système d'attache

particulier serait évidente à quiconque est versé

dans la matière". En disant ceci, l'on suppose

que l'examinateur parle d'un raccord pour tuyau

qui, on l'admet sans hésiter, est déjà connu dans

le métier. Toutefois, l'emboîtement à collet n'en

est pas un de ceux qui s'adaptent normalement à

tout type d'attache, étant donné que les parois

adjacentes tant de l'extrémité femelle que de

l'extrémité mâle sont normalement parallèles et ont

un certain jeu".

 

L'examinateur aimerait attirer l'attention du demandeur sur

le brevet américain 2,702,716 que le demandeur invoque dans

sa lettre du 27 août 1974 et qui indique clairement qu'un

dispositif à emboîtement à collet doté d'un dispositif de

retenue intégral est connu. Ainsi, la seule contribution à

la technique revendiquée par le demandeur est de doter un

collier de retenue déjà connu d'une bague abrasive connue

elle aussi.

 

L'examinateur a démontré clairement que le demandeur n'apporte

rien de brevetable compte tenu du brevet Smith.

 

Dans sa réponse du 24 juillet 1975 à la décision finale, le demandeur déclare

(en partie):

 

Le demandeur ne voit pas vraiment comment le dispositif de

retenue de Smith peut s'appliquer à n'importe quel dispositif

d'attache de tuyaux, comme le prétend l'examinateur, et ainsi,

on supposera qu'on a voulu indiquer que ce que révèle le ti-

tulaire du brevet pouvait évidemment être appliqué à tout

dispositif de raccord pour tuyaux. Une telle revendication

peut être facilement concédée, et elle a en effet été

envisagée par le détenteur du brevet.

 

Le dispositif Smith montre une multiplicité de pièces composant

les anneaux 13 et 14 (les numéros sont indiqués conformément

au brevet) chaque anneau comprenant deux dispositifs de

préhension opposés 16 et 17 qui sont également identiques, et

retenus ensemble par les écrous 22. L'es pattes d'attache 16 et

17 ont une surface 18 qui entre en contact avec un tuyau

lesquelles sont enduites d'une couche de particules 31. On y

indique que la grenaille d'acier est tout indiquée, bien que

le mémoire descriptif parle généralement de particules relati-

vement petites et dures. Les anneaux 13 et 14 s'attachent aux

tuyaux adjacents 10 et 11 à l'extérieur de chaque côté d'un

abouchement entre eux formé par le raccord des tuyaux 12 ou tout

autre dispositif connu. Les anneaux ainsi attachés sont retenus

ensemble par plusieurs écrous 26.

 

L'examinateur déclare que "étant donné que le demandeur montre

le dispositif abrasif situé dans la partie de l'extrémité

femelle qui forme l'attache, il est considéré qu'il serait

évident à quiconque est versé dans la technique d'appliquer ce

que le brevet Smith enseigne à cet arrangement particulier".

Il est évident que l'examinateur part de ce que le demandeur

révèle et retrace sa démarche pour essayer de démontrer que

l'invention est évidente. Un tel rejet est manifestement

injuste. Comme l'indique le juge Lloyd-Jacob dans Benmax c.

Austin, 70 RPC 143 à 154, "la façon d'aborder le sujet (en ce

qui concerne la question d'évidence) doit aller dans l'autre

sens".

 

... 

 

L'examinateur laisse entendre que la modification d'une

structure telle qu'indiquée par Basolo et al est évidente à

la lumière de ce qu'indique Smith. Ici encore on juge que

la façon de procéder de l'examinateur est incorrecte parce

qu'il fait une analyse ex post facto de l'invention du

demandeur et à partir de là retrace la démarche. Comme le

déclare le juge Jenkins L. dans ASEA c. Burntisland 69 RPC

63 à 69 (1952), "La question d'évidence doit être jugée en

tenant compte de l'état de la technique à la lumière de tout

ce qui est déjà connu de personnes versées dans la technique,

tiré de l'expérience de ce qui a été utilisé de façon pratique

ainsi que de ce qu'on peut retrouver dans des écrits antérieurs,

mémoires descriptifs, manuels et autres documents". (avec

insistance). On ne peut donner une définition précise de la

technique en question; elle porte sur la tuyauterie du type

qui peut être utilisé par les compagnies privées ou publiques

de services pour les câbles électriques ou de transmission.

D'habitude ces câbles sont faits de matériaux comme un

mélange de béton et d'amiante ou encore de goudron et de fibre.

Récemment, on a commencé à en fabriquer en matière plastique

comme le chlorure de polyvinyle moulé ou des résines renforcées

de résine. Une personne versée dans la technique connaîtrait

sûrement ces types de tuyaux; étant donné que l'invention est

limitée aux tuyaux de matière plastique, cette personne

connaîtrait les propriétés de ces matériaux. On ne croit pas

qu'il soit nécessaire que cette personne ait une connaissance

des procédés de raccord de tuyaux de métal de faible diamètre

dans l'industrie aéronautique. Ceux qui ont une connaissance

des matériaux plastiques savent fort bien qu'ils sont très

communs dans les applications qui font appel à des métaux et

peuvent ne pas pouvoir être appliqués de la même façon lorsqu'il

s'agit de matériaux plastiques à cause de l'écoulement à froid

et du glissement que subissent des cerniers.

 

La question est de savoir si le demandeur a réalisé un progrès brevetable de

la technique.

 

Considérant en tout premier lieu la citation de Smith, nous convenons avec

l'examinateur que ce brevet illustre la notion d'utilisation du raccord pour

tuyaux conçu pour retenir les extrémités adjacentes de tuyaux en position fixe

l'un par rapport à l'autre. Smith fait appel à une bague coupée montée sur

chacun des tuyaux; ces deux bagues sont reliées l'una à l'autre par une série de

boulons d'entretoise. La paroi interne de la bague coupée est revêtue de petites

particules pour contribuer à tenir le tuyau raccordé en place, Le demandeur

utilise une extrémité femelle de diamètre supérieur et insère l'extrémité mâle

de la section de tuyau qui doit y être raccordée. Il utilise également un

anneau abrasif placé sur la paroi interne de l'extrémité femelle et y installe

également un collier de retenue extérieur pour supporter la pression axiale.

 

Lors de l'audition, le demandeur a insisté sur le fait que son dispositif donne

un abouchement possédant toute la force axiale nécessaire et est facile à

installer. Nous ne voyons aucune raison d,être en désaccord avec le demandeur

lorsqu'il indique que certains avantages importants et non évidents découlent

de son dispositif qui fait appel à une extrémité femelle et à une extrémité

mâle ainsi qu'à un abrasif pour assurer un bon contact des deux.

 

Le demandeur s'est opposé à la citation du brevet Basolo parce qu'elle n'a été

mentionnée que dans la décision finale. Ce brevet a été cité pour montrer que

l'utilisation d'un emboîtement à collet pour tuyau était connu. A la page 2

de la décision finale il est déclaré que "l'examinateur aimerait attirer

l'attention du demandeur sur le brevet américain 2,702,716 dont il est fait

mention dans la lettre du demandeur en date du 27 août 1974, qui indique claire-

ment qu'un emboîtement à collet doté d'attaches est bien connu". Nous remarquons

que le brevet Basolo porte sur des raccords pour tuyaux "tels qu'utilisés dans

l'industrie aéronautique etc.". Son brevet porte plus particulièrement sur un

joint étanche doté d'un anneau en "0" pour que le liquide ne puisse s'échapper.

Il n'y est pas fait mention d'une charge axiale étant donné que la pression est

relativement peu élevée.

 

Lors de l'audition, le demandeur a insisté sur le fait que l'utilisation d'un

matériau abrasif pour insérer le tuyau était une caractéristique importante de

son invention. Smith pour sa part utilise un matériau ductile. L'utilisation

d'une surface rugueuse a pour but d'augmenter le coefficient de friction entre

les deux surfaces, et ainsi contribuer au maintien de la force axiale du raccord.

A notre avis, la composition de la section rugueuse dépendrait des matériaux

utilisés dans le tuyau et par conséquent, nous n'y voyons aucune matière à

brevet.

 

Il semble n'y avoir aucun doute que le demandeur ait mis au point une nouvelle

combinaison. Nous devons cependant décider si ce processus de mise au point a

fait appel aux facultés créatrices au point de se mériter la distinction

d'invention et par conséquent la protection accordée par un brevet. Les

spécialistes en la matière ont déjà déclaré que l'art de combiner deux ou

plusieurs parties déjà connues ou non pour former ainsi une nouvelle combi-

naison ou une combinaison améliorée moins chère et plus facile peut être

matière à brevet s'il est prouvé qu'il y a effectivement eu pensée, conception,

ingéniosité et nouveauté. Dans une décision rendue dernièrement et pas encore

publiée, Omark Industries c. Sabre Saw Chain, le 14 avril 1976, par exemple,

la Cour fédérale du Canada a déclaré à la page 18, en affirmant qu'une tron-

çonneuse améliorée est brevetable:

 

L'invention est simple, mais elle constitue une amélioration

qui a éliminé l'accrochage de la chaine et considérablement

réduit les rejets en arrière de la tronçonneuse et a été

une réussite commerciale. Ni le brevet Cox ni le brevet

Merz ne comporte de tige de sécurité (et ceci, le demandeur

le reconnaît) et ne constitue pas une anticipation. D'après

la preuve, la matière constitue une amélioration de la

technique et est donc une invention.

 

Il est également bien établi en droit que la question d'évidence doit être

jugée par rapport à "l'état de la technique" à la lumière de tout ce qui était

auparavant connu des personnes versées dans cette technique (voir Almanna

Svenska Elecktriska A/B c. Burntisland Shipbuilding Co. Ltd (1952), 69 R.P.C.

63 à 69).

 

Dans sa décision finale, l'examinateur déclare "que la mise en application du

brevet Smith pour tout type de raccord pour tuyau serait évidente et normale

pour toute personne travaillant dans ce domaine". Toutefois, Smith fait appel à

deux paires de bagues coupées, dotées d'une surface rugueuse, pour retenir les

tuyaux. Il faut alors des boulons d'entretoise pour retenir le tout. Par

conséquent, il doit faire appel à un grand nombre de pièces qui prennent beaucoui

de temps à assembler durant l'installation des tuyaux. Par contre, la disposition

du demandeur qui comporte une extrémité femelle dotée d'une seule surface

abrasive pour retenir l'extrémité mile est beaucoup plus simple et peut être

assemblée rapidement. A notre avis, cette simplification fait suffisamment appel

à la faculté inventive pour justifier la concession d'un brevet.

 

Le joint étanche 20 est une autre composante importante de cette invention; il

empêche toute pénétration d'humidité et assure un raccord serré. Lorsque tous

ces éléments sont réunis, nous avons un raccord facile à assembler, assez fort

pour résister à des forces axiales de séparation élevées, qui peut être utilisé

sous l'eau et qui, à cause de sa résistance, a été souvent employé en milieu

inhospitalier. Par conséquent, nous sommes d'avis que si elle est revendiquée

selon les règles, cette invention est brevetable selon les normes contenues dans

la décision Omark Industries (ci-dessus). Nous recommandons donc le retrait du

rejet de la demande dans son ensemble.

 

Toutefois, les revendications indépendantes 1 ou 5 ne comportent pas tous les

éléments essentiels de l'invention. M. Garrett a insisté sur l'importance tant

"du dispositif selon lequel le raccord peut résister à des forces de séparation

axiales élevées au moyen d'attaches mécaniques", que du joint étanche entre les

tuyaux. Pour être recevable, toute revendication indépendante doit comporter ces

éléments et, à notre avis, seule la revendication dépendante 8 les comportent.

Par conséquent, nous sommes d'accord avec la décision de l'examinateur de rejeter

les revendications 1 à 7 inclusivement.

 

La Commission recommande que la décision de l'examinateur de refuser la demande

soit retirée et que le refus des revendications 1 à 7 soit maintenu. Si le

demandeur modifie les revendications de la manière suggérée ci-dessus, la demande

devrait être reçue.

 

Le Président

 

Commission d'appel des brevets

 

G. Asher

 

Je suis d'accord avec les conclusions de la Commission d'appel des brevets. Le

rejet de la demande est retiré. Le demandeur doit apporter les modifications

requises par la Commission au cours des six mois qui suivent la date de la

présente décision, ou interjeter appel en vertu de l'article 44 de la loi sur

les brevets

 

Le Commissaire des brevets

 

                 Fait à Hull, Québec                      Agent du demandeur

J.H.A. Gariépy          ce 28e jour de juin 1976                 R.A. Eckersley

                                                                 214 rue King ouest

                                                                 Toronto (Ontario)

 

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