DECISION DU COMMISSAIRE
Mémoire imprécis: Cnetrage et redressage de roues
"L'ovalisation" de la jante de roue d'un véhicule est corrigée par l'application
d'un produit adhésif. Certaines des revendications n'ont pas défini le "centre
de rotation" de la roue, étant donné qu'on a tenté de traiter du même coup des
problèmes "d'ovalisation" et de "décentrage".
Rejet: Confirmé.
La présente décision a trait à une demande de révision, par le Commissaire des
brevets, de la décision finale de l'examinateur rendue le 12 août 1974, au sujet
de la demande de brevet no 055,230 (classe 26-190). La demande, déposée le 24
juin 1969, au nom de Edward J. Hayes et autres, s'intitulait "Façon de redresser
le siège de talon des roues par l'application d'un matériau adhésif". Le 24
septembre 1975, la Commission d'appel entendait Monsieur H.W. Rock, mandataire
du demandeur.
Cette demande a trait à la façon d'arrondir parfaitement la surface qui forme le
siège de talon d'une hante de roue de véhicule.
Dans sa décision finale, l'examinateur a rejeté les revendications 16, 19, 23 et
25 à 38, comme étant imprécises.
L'examinateur formule ainsi sa décision (en partie):
Les modifications et les arguments touchant les revendica-
tions 25 à 38 ne sont pas parvenus à réfuter les objections
apportées dans la dernière décision notifiée par l'Office
des brevets. Le rejet de ces revendications est maintenu,
pour la (les raisons) suivante(s): lesdites revendications
sont imprécises en ce qu'elles tentent de décrire la forme
et l'emplacement de la surface qui finalement servira de
siège au talon du pneu, et que cette description est si
vague que les méthodes qu'elle préconise sotn impossibles
d'application et ne sauraient aboutir à l'objet envisagé:
"une surface à rayon stable et uniforme, à partir du centre
de rotation des roues".
La revendication 25 parle "d'une surface écartée de façon
uniforme d'une autre surface délimitée par une forme géomé-
trique déjà choisie". Cette description ne donne aucune
indication ni de la forme, ni de l'emplacement de ladite
surface.
Les revendications 26 et 27 parlent "d'une surface symétrique
par rapport à un point prédéterminé de la jante de la roue".
Cette description ne donne aucune indication ni de la forme, ni
de l'emplacement de ladite surface. Le "point prédéterminé de
la hante de la roue" pourrait bien être n'importe quelle partie
de la roue, quand en fait c'est seulement sur une certaine partie
de la roue que pourra porter ce choix si l'on veut obtenir l'objet
envisagé.
Quant aux revendications 25, 26 et 27, il faut reconnaître que
pour obtenir les résultats escomptés, c'est-à-dire une surface de
siège du talon de pneu à rayon stable par rapport au centre de
rotation de la roue, il faudrait décrire la forme du siège ansi que
son emplacement. La surface du siège doit être circulaire (c'est-à-
dire à rayon stable); elle dort également être concentrique à l'axe
de rotation de la roue. Une roue dont le siège de talon, quoique
circulaire, serait excentré par rapport à l'axe de rotation, ne
correspondrait pas à l'objectif visé puisque, en rotation, une
telle roue oscillerait. L'on ne peut donc présumer qu'une méthode
qui n'offrirait qu'un siège de talon circulaire correspond à l'objet
de l'invention. La méthode décrite doit également placer le siège
de talon circulaire dans l'axe de rotation de la roue. Le centre
géométrique du siège de talon n'étant pas nécessairement placé
dans le centre de rotation de la roue, cette forme concentrique
faisant l'objet de l'invention ne saurait être obtenue.
Les revendications subordonnées 28 à 31 n'apportent aucune précision
aux objections exprimées ci-dessus.
La revendication 32 a trait au matériau d'apport à appliquer "de
manière que ladite surface corrige au maximum toute ovalisation
de la jante de roue". Le fait de corriger une imperfection ne
décrit pas de façon spéficique la façon de faire cette correction,
non plus que la forme qu'a pris l'objet corrigé. Pour obtenir le
résultat escompté, il faut absolument que le rayon de ladite surface
corresponde à l'axe de rotation, ce dernier devant être égal ou
supérieur au rayon de l'ovalisation la plus prononcée, par rapport
à l'axe de rotation. Voilà la définition la plus large possible
de la surface qui devrait donner le résultat escompté, définition
à la disposition du demandeur.
Les revendications 25 à 32 sont rejetées.
Dans sa réponse du 10 février 1975, le demandeur a apporté des modifications à
certaines de ses revendications, ainsi qu'à son invention. Nous commenterons ces
modifications plus loin. Dans cette réponse, le demandeur disait ce quisuit (en
partie):
L'examinateur a poursuivi en rejetant les revendications 25
à 32, ses objections portant surtout sur les revendications
25, 26 et 27, pour les motifs que la description faite de la
forme et de l'emplacement ultime de la surface reconstituée
est très vague, et que les méthodes qu'elle préconise sont
impossibles d'application. Le demandeur ne peut se rendre aux
motifs invoqués au soutien de ce rejet. Il signale en particulier
qu'aucune antériorité n'a été citée à l'encontre des revendications
25, 26 et 27 et que, de plus, aucune demande de restriction n'a
été formulée pour ces mêmes motifs. Chacune des revendications
25, 26 et 27 est formulée dans l'invention de la même façon que
dans la demande initiale. Quoique la terminologie exacte qui
a serin à décrire le matériau d'apport ne se trouve pas dans la
divulgation, il semble évident que la terminologie employée décrit
l'in vention en termes équivalents. Dans la revendication 25,
par exemple, le matériau est décrit comme "formé d'une surface
écartée de façon uniforme d'une autre surface dêlimitée par une
forme géométrique déjà choisie." Cette forme pourrait très bien
être un cylindre coaxial à l'axe de rotation de la roue, dont la
surface visée serait placée à distance égale du pourtour extérieur
dudit cylindre. I1 n'est pas important de préciser si la surface
est réelle ou imaginaire. L'on voit bien que la description
donnée dans la revendication 25 est tout à fait équivalente à une
définition qui assimilerait la surface à l'axe de rotation de la
roue.
Afin d'apporter des précisions à son invention, le demandeur
propose une modification, en page 2 de sa divulgation, où 11 est
clairement démontré que des termes équivalents à ceux de la
revendication 25 sont employés pour décrire l'axe de rotatuon.
La revendication 25, qui décrit au complet l'invention dont fait
état la demande initiale, ne peut donc être tenue comme étant trop
vague.
Le demandeur a proposé des modifications aux revendications 26 et 27
des modifications qui devraient faire la lumière sur certains points
qui étaient apparus imprécis à l'examinateur. I1 est évident que
la "partie prédéterminée de la roue", dont font état les revendica-
tions 26 et 27 modifiées, comprend l'axe de rotation. Etant donné
que la surface est "symétrique, par rapport à un point prédéterminé
de la jante de roue", il semble évident que cette terminologie équi-
vaut à dire que la surface du rayon est stable et uniforme, par
rapport à l'axe de rotation.
Une roue est nécessairement un corps de révolution, et la symétrie
d'un tel élément tient au centre de révolution; dans le présent cas,
l'axe de rotation. Le demandeur soumet donc que les revendications
26 et 27, y compris les projets de modi.flcations, ne peuvent être
tenus comme trop vagues, compte tenu de la divulgation.
En raison des commentaires qui précèdent, le demandeur est convaincu
que les revendications 25, 26 et 27 correspondent bien à chacun des
objets, tels que présentés.
Le demandeur croit également que les revendications 28 à 32 com-
plètent de manière suffisante et explicite la description de la
revendication 27.
L'examinateur a maintenu son rejet de la revendication 32, à cause
du manque de clarté de l'expression "corrige au maximum toute ova-
lisation". Il semble que la revendication 32 n'ait pas été lue dans
l'optique de la description contenue à la revendication 27. De plus,
la revendication 32 énonce les défauts de la jante de roue qui
peuvent être corrigés grâce à la méthode décrite dans la revendication
27. Selon la revendication 27, la méthode décrite "corrigerait, par
l'application du matériau d'apport, des déformations en certains
endroits déterminés de la hante". La revendication 32, qm parle de
corriger "au maximum toute ovalisation", décrit de plus la méthode
préconisée pour corriger ces dédormations. La revendication aboute
une définition des étapes du procédé abordé dans la revendication 27,
procédé dont le résultat sera une roue qui réponde aux objectifs
de l'invention. Le demandeur est donc également convaincu que la
revendication 32, lue conjointement avec la revendication 27 dont
elle relève, décrit parfaitement l'invention.
L,a présente demande a trait â la façon de corriger la déformation du siège de
talon d'une roue de véhicule par l'apport d'un matériau adhésif thermodurcissable.
La jante de roue est centrée sur un support pivotant. Un distributeur est
placé près du siège du talon de jante et, à mesure que la roue tourne, le
matériau adhésif est étendu à l'aide d'un outil lisseur, de manière à former
une surface à rayon uniforme par rapport au centre de rotation. La roue est
ensuite placée dans une étuve où le matériau durcira pour assurer une bonne liaison
de la jante et de l'apport.
La revendication 25 se lit:
Quant à la façon de corriger la déformation des roues de
véhicules à jante annulaire dont une partie forme un siège de
talon, les étapes du procédé comprennent: l'application, au
moyen d'un distributeur, d'une couche de matériau d'apport;
l'obtention d'un mouvement relatif entre la jante de roue et
le point d'origine du matériau, de manière à étendre ledit
matériau aux endroits voulus de la jante, près du siège de
talon, tout en orientant le distributeur pour que, par le
mouvement relatif de rotation entre la jante et le distributeur,
le matériau soit distribué sur la jante où il sera finalement
enlié par le talon du pneu associé (le matériau étalé formant
une surface écartée de façon uniforme d'une autre surface déli-
mitée par une forme géométrique déjà choisie).
L'examinateur a fondé son rejet de cette revendication sur les deux dernières
lignes qui ne donnent "aucune indication ni de la forme ni de l'emplacement de
cette surface". A l'audition, le demandeur a plaidé que la forme géométrique
choisie d'avance pourrait très bien être un cylindre coaxial à l'axe de rotation
de la roue, et que la surface en question serait écartée de façon uniforme à
partir du bord extérieur dudit cylindre. A la page 2 sont énoncés, de la façon
suivante, certains objectifs de l'invention: ".,. fabriquer des roues de
véhicules tout à fait rondes et nullement excentrées... pour délimiter des
surfaces dont le rayon est stable et uniforme par rapport au centre de rotation
des roues, de sorte que le talon des pneus associés reposera sur un siège tout à
fait circulaire". Nous convenons qu'une forme géométrique cylindrique coaxiale
à la rotation de la roue présenterait une surface dont le rayon serait uniforme
par rapport au centre de rotation de la roue. Cependant, si cette forme
géométrique cylindrique n'était pas coaxiale à la rotation de la roue, alors la
surface de cet élément serait excentrée.
Pour ce qui est de lu présente cause, nous devons nous reporter à l'article
36(2) de la Loi sur les brevets qui se lit ainsi:
Le mémoire descriptif doit se terminer par une ou
plusieurs revendications exposant distinctement et en
termes explicites les choses ou combinaisons que le
demandeur considère comme nouvelles et dont il revendi-
que la propriété ou le privilège exclusif.
L'expression que l'or retrouve à la revendication 25: "surface écartée de
façon uniforme d'une autre surface délimitée par une forme géométrique déjà
choisie", ne donne pas, de façon claire et précise, l'emplacement et la forme de
l'objet. De plus, se soulève un autre problème, celui de décider si la divulga-
tion d'un mémoire descriptif peut appuyer une revendication imprécise. Dans
l'arrêt de Radio Corporation of America contre Raytheon Mfg. Co. (1956-60) R.C.E.
98, à la page 108, nous lisons:
C'est un principe cardinal de la Loi sur les brevets
qu'un inventeur ne peut revendiquer valablement ce
qu'il n'a pas décrit. Dans le jargon de la Loi sur les
brevets, il est stipulé que les divulgations contenues
dans la mémoire descriptif doivent appuyer les revendi-
cations. Si elles ne le font pas, les revendications
sont nulles. De plus, il existe un devoir légal de
divulguer et de décrire l'objet si la revendication de
l'invention doit subsister.
En résumé, deux conditions sont essentielles à la validité d'une revendication:
(1) la revendication doit être formulée en langage clair et précis; (2) la reven-
dication doit se limiter à ce que le titulaire du brevet a inventé et décrit dans
son mémoire descrintif. Comme nous l'avons dit, la Loi sur les brevets stipule
que la (ou les) revendication(s) doivent décrire "clairement" l'objet que le
demandeur considère nouveau. Les revendications doivent donc être formulées en
langage clair et précis qui ne laisse subsister aucun doute quant à son sens. Il
est également de jurisprudence constante que le demandeur ne peut revendiquer ce
qu'il n'a pas suffisamment décrit; en d'autres mots, la divulgation du mémoire
descriptif doit appuyer les revendications. (Voir Radio Corporation contre
Raytheon, supra).
Le problème d'une déformation radiale causée par "l'ovalisation" de la jante de
roue est exposé dans la divulgation. Pour corriger ce problême, le demandeur a
conçu un moyen de Sormer une surface à "rayon stable" à partir du centre de
rotation de la roue. L'expression "d'une surface délimitée par une forme géomé-
trique déjà choisie" ne peut être tenue comme une formule claire et précise de
remplacement de l'expression "centre de rotation", d'autant plus que cette
expression n'est pas clairement expliquée dans la divulgation. A notre avis, la
revendication 25 ne remplit donc pas les conditions d'une revendication valide,
tel qu'énoncé ci-dessus.
L'examinateur a rejeté les revendications 26 et 27 qui avaient trait à "une
surface symétrique par rapport à un point prédéterminé de la jante de roue". Dans
sa réponse, le demandeur veut modifier la revendication en enlevant le mot "jante",
aboutant que "la partie prédéterminée de la roue dont parlent les revendications
26 et 27 modifiées, comprend l'axe de rotation". Même s'il est vrai qu'une
"partie prédéterminée de la roue" peut englober l'axe de rotation, cela peut
également englober n'importe quelle autre partie du centre de la roue; le résultat
serait alors une surface excentrée par rapport au "centre de rotation" de la roue.
L'invention divulguée a trait à une surface à rayon stable et uniforme à partir
du centre de rotation de la roue, et les revendications doivent être claires et
précises à ce sujet. Par conséquent, nous concluons que les revendications 26
et 27 ne sont pas conformes aux prescriptions de l'article 36(2) de la Loi sur les
brevets.
Les revendications 28 à 31, qui se rattachent directement à la revendication 27,
énoncent les étapes du procédé d'application et de durcissement du matériau
d'apport. Ces revendications n'expliquent pas davantage comment le rayon doit être
stable par rapport au centre de rotation, et les remarques qui ont mené au rejet
de la revendication 27 tiennent également quant aux présentes revendications.
La revendication 32, qui se rattache également à la revendication 27, énonce "les
étapes du procédé d'application du matériau d'apport à la jante de roue, de
manière que ladite surface corrige au maximum toute ovalisation de la jante de
roue". Le fait d'appliquer le matériau de manière à corriger l'ovalisation ne
décrit pas l'essentiel de la divulgation; la surface finie du siège aura un rayon
stable par rapport au centre de rotation. Il s'ensuit donc que les remarques
qui ont mené au rejet de la revendication 27 tiennent également quant à la
présente revendication.
Nous sommes convaincus que les revendications 25 à 32, telles que rédigées, ne
sont pas formulées en un langage clair et précis (article 36(2) de la Loi sur
les brevets), et que l'objet de l'invention n'a pas été intégralement décrit dans
la divulgation. (Voir Radio Corporation contre Raytheon, supra).
La Commission recommande donc que la décision de rejeter les revendications
25 à 32 soit maintenue.
Les modifications aux revendications 16, 19 et 23, demandées par l'examinateur,
ont été acceptées. Cependant, par suite d'une discussion lors de l'audition,
nous sommes d'avis que les revendications 19 et 23 devraient faire l'objet d'une
nouvelle modification. Nous constatons que les revendications 19 et 23 énoncent
que "le matériau qui délimite une surface cylindrique uniforme dont le rayon
n'est pas supérieur au rayon de l'ovalisation la plus prononcée de la jante".
Ceci indique qu'on pourrait prendre un rayon inférieur à l'ovalisation la plus
prononcée, de sorte que le rayon ainsi obtenu ne serait pas uniforme étant donné
que d'un côté de la jante, le rayon est déjà supérieur. De plus, pour obtenir
le résultat que vise la divulgation, il faudrait nécessairement avoir quelque
indication que le rayon est stable par rapport au centre de rotation. A notre
avis, ces données sont essentielles et doivent être ajoutées aux divulgations 19
et 23.
La divulgation complémentaire, qui a trait au prolongement de l'utilisation d'un
matériau trempant aux fins de corriger une déformation axiale, est acceptable.
Les modifications mineures apportées aux lignes 8, 9 et 12 sont également accepta-
bles. Quant à la modification de la ligne 11, page 2, elle serait acceptable si
elle était reformulée pour se lire: "... écartement uniforme à partir de la
surface d'un cylindre circulaire imaginaire coaxial à l'axe de rotation de la
roue". La raison de cette précision est qu'un "cylindre" pourrait être n'importe
quelle forme fermée. Pour réaliser l'objet de l'invention, le demandeur doit
préciser qu'il s'agit d'un "cylindre circulaire".
Nous recommandons que les revendications 25 à 32 soient rejetées comme étant
imprécises. Nous recommandons également que les revendications 19 et 23 et la
modification apportée à la ligne 11, page 2, soient acceptées, sous réserve d'une
modification additionnelle conforme aux directives énoncées ci-dessus.
Le président adjoint
Commission d'appel des brevets
J.F. Hughes
Je souscris aux recommandations de la Commission d'appel des brevets. Je
rejette donc, telles que rédigées, les revendications 25 à 32. J'accueillerai
la revendication 16 telle que modifiée, et les revendications 19 et 23 si elles
sont modifiées conformément aux directives énoncées. Quant à la modification
de la page 2, elle sera également accueillie si les modifications suggérées y
sont apportées. Le demandeur dispose d'une période de six mois pour rayer les
revendications 25 à 32, soumettre les modifications pertinentes proposées, ou in-
terjeter appel de la décision, conformément aux dispositions de l'article 44 de
la Loi sur les brevets.
Le Commissaire des brevets par interim
J.A. Brown
Fait à Hull (Québec)
le 7 novembre 1975
Mandataires du demandeur
A.F. MacRae & Co.
Case postale 806, Station "B"
Ottawa 4 (Ontario)