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                                    DECISION DU COMMISSAIRE

 

ARTICLES 41 et 36: Stéroïdes contre l'arthrite

 

L'invention revendiquée par le demandeur concernait un procédé microbiologique

pour fabriquer certains stéroides, suivi d'une extraction par des produits

chimiques, afin d'obtenir un produit sous une forme médicalement utile. Ses

revendications, en ce qui a trait au produit final, sont conformes aux exigences

de l'article 41; mais il revendique aussi le produit intermédiaire ou non purifié

dans sa forme per se. Il a été considéré que le produit intermédiaire était

destiné à des fins médicales, qu'il devait être fabriqué par un procédé chimique

et qu'il ne définit pas l'invention faite. Des revendications concernant certains

procédés ont été refusées parce qu'elle ne définissent pas l'invention adéquatement

et qu'elles sont plus larges que l'invention exposée.

 

DECISION FINALE: Confirmée

 

Le rejet final des deux demandes de brevets qui avaient été présentées par

Merck et Compagnie Inc. a été soumis à la révision de la Commission d'appel des

brevets. Les demandes portaient les numéros 154365 (catégorie 260/69 pour les

composés 16-methyl-1, 4-pregnadiène-17~-ol-3, 20-dione (Glen. E. Arth et

collaborateurs, inventeurs) et 154366 (catégorie 260/69) pour les composés 11,21-

bi-oxygéné-17~-hydroxy-16B-Méthyl stéroïde-3,20-diones (David Taub et collaborateurs

inventeurs). La Commission d'appel des brevets a tenu audience le 27 novembre 1974.

M. David Watson, Q.C. et M. Bassford de la compagnie Merck représentaient le

demandeur. Les deux demandes sont apparentées car elles traitent essentiellement

des mêmes questions; en faisant les changements nécessaires, les résultats de

l'une pourront être appliqués à l'autre.

 

Nous étudierons tout d'abord la demande No. 164365. Elle contient 195 revendications

relatives à certains composés de prégnadiène (leur structure chimique exacte

ne nous concerne pas) et aux procédés servent à leur préparation et à leur

extraction. C'est une division du brevet canadien no. 914151 qui confère la

protection au demandeur en ce qui concerne les pregnadiènes lorsqu'elles sont

préparées par certains procédés chimiques. Ces composés possèdent des propriétés

thérapeutiques et servent à traiter l'arthrite. Les revendications 1, 44, 90,

134, 154 et 167 présentées plus loin, illustrent les divers aspects de la

protection demandée.

 

1. Un composé impur du point de vue pharmaceutique, le

16~ méthyl-11,21-bi-oxygéné-1,4 prégnadiène-17~-ol-3,20

dione ayant la formule suivante:

 

                         <IMG>

 

    dans laquelle X représente un hydrogène ou un fluor, W un kéto

    ou unB-hydroxy et R soit un radical hydroxy, phosphoryloxy ou

    un carbonyloxy d'hydrocarbure inférieur

 

    ...

 

44. Une méthode pour préparer un 16~-méthyl-11,21-bi-oxygéné-1,4-

    prégnadiène-17~-o1-3,20-dione pur, au point de vue pharmaceutique,

    ayant la formule suivante:

 

                                    <IMG>

 

    dans laquelle X représente un hydrogène ou un fluor, W un Kéto

    ou un B-hydroxy et R soit un radical hydroxy, phosphoryloxy ou

    un carbonyloxy d'hydrocarbure inférieur ce qui suppose qu'on

    soumet le composé impur à un procédé d'extraction pour en retirer

    les impuretés.

 

     ...

 

90. Un composé pur du point de vue pharmaceutique le 16 -méthyl-11,

    al-bi-oxygéné-1,4-pregnadiène-17~-o1-3,20-dione ayant la

    formule suivante

 

                               <IMG>

 

    dans lequel X représente un hydrogène ou un fluor, W un

    kéto ou un ~-hydroxy et R soit un radical hydroxy,

    phosphoryloxy ou un carbonyloxy inférieur lorsqu'il est

    préparé ou produit selon le procédé qui fait l'objet de

    la revendication 44.

    ...

 

134. Une méthode pour préparer un 16~-méthyl-11,21-bi-oxygéné-1,4-

    prégnadiène-17~-o1-3,20-dione pur, au point de vue pharmaceutique

    ayant la formule suivante:

 

                      <IMG>

 

     dans laquelle X représente un hydrogène ou un fluor, W un

     keto ou un B-hydroxy et R soit un radical hydroxy,

     phosphoryloxy ou un carbonyloxy d'hydrocarbure inférieur

     qui suppose qu'on soumet un composé dont la formule est:

 

                     <IMG>

 

     dans laquelle W et X ont la même signification que dans la

     formule précédente ou pourraient être un ester-21

     résultant de l'action déhydrogénante d'un schizomycète

     et quand R doit réagir de manière à donner avec le produit

     une réaction de type phosphoryloxy obtenu avec un agent

     phosphorylisant et quand R doit ràgir de manière à

     donner une réaction de type carbonyloxy d'hydrocarbure

     inférieur obtenue avec un agent d'acide carboxylique acylé

     d'hydrocarbure inférieur, le produit résultant devant

     être soumis à un procédé d'extraction.

 

     ...

 

154. Un procédé pour la production d'un composé de la série des

     prégnènes comportant un noyau impur au point de vue pharmaceutique

     et non saturé du l6~-méthyl-11-stéroïde oxygémé-17~-o1-3,20 dione,

     série dans laquelle il y a une non saturation dans les positions

     1,2 ou 4,5 ou encore un ester-21 dans lequel le substituant est

     soit un phosphoryloxy ou un carbonyloxy d'hydrocarbure inférieur

     ce qui suppose qu'on soumet le prégnène correspondant dont la

     non saturation se trouve en position 1,2, à l'action déshydrogénante

     d'un schizomycète et quand l'ester-21 est requis pour l'estérification

     du groupe hydroxy-21 dans le produit.

 

     ...

 

167. Un 16-méthyl-11,21-bi-oxygéné-4-prégnène-17~-o1-3,20-dione

     ayant 1a formule suivante:

 

     <IMG>

 

     dans lequelle X a été tiré du groupe composé d'hydrogène

     et de fluor; W du groupe des kéto et B-hydroxy.

 

Les revendications portent sur une série de procédés et de produits, à

savoir un procédé bactériologique pour la déhydrogénation des prégnènes

afin de produire des prégnènes déhydrogénés (revendication 154 et autres);

les produits impurs résultant de cette déhydrogénation et revendiqués

indépendamment (per se) (revendication 43); les procédés de purification

des produits impurs, soit par extraction au moyen de produits chimiques,

soit par absorption chomomatique ou par cristallisation (revendication 44

etc.); les produits purifiés (cette revendication est liée à l'extraction)

(revendication 90 etc.); les composés employés au cours du procédé de déhydrogé-

nation (revendication 167 etc.); le procédé de déhydrogénation bactériologique

associé à l'extraction (revendication 134 etc.); et les procédés chimiques

servant à la préparation des substances de départ (revendications 172-195).

 

L'examinateur a rejeté toutes les revendications ayant trait aux produits,

indépendamment des procédés qui ont servi à leur préparation, parce qu'ils

ne respectent pas les exigences de l'article 41 de la Loi sur des brevets.

L'examinateur s'est également opposé aux revendications ayant trait à

l'extraction (ou purification) du fait qu'elles ne sont pas conformes à

l'article 36. De plus, le grand nombre de procédés et de produits revendiqués

constitue une infraction à l'article 38. Le demandeur ayant reconnu la

validité de cette objection, la Commission n'a pas à poursuivre dans cette voie.

Cet aspect pourra être résolu à la fin de la présente procédure.

 

En ce qui concerne les objections faites en vertu des articles 41 et 36,

l'examinateur a déclaré:

 

L'objection aux revendications 167 à 171, 174, 176, 178 et

187 à 195 est maintenue parce que les, composés revendiqués

dans les revendications précitées sont considérés comme étant

régis par l'article 41(1) de la Loi. Comme les tribunaux, au

cours des dernières années, ont constamment maintenu que le mot

"médicament" aux fins de l'article 41(1) doit être interprété

dans son sens large et ordinaire, le Bureau des brevets est

d'avis que le terme "médicament" doit comprendre non seulement

les substances qui serviront directement de médicaments mais

aussi celles qui peuvent servir directement de médicaments mais

aussi celles qui peuvent servir à la préparation ou à la

production de médicaments. Les composés revendiqués dans les

revendications 167 à 171, 174, 176, 178 et 187 à 195 sont des

substances qui appartiennent à cette dernière catégorie, c'est-à-dire

qui peuvent être utilisées à la préparation de médicaments, qui

sont préparées par des procédés chimiques et qui, en tant que telles,

rentrent dans le champ d'application de l'article 41(1) de la Loi.

 

D'autre part, permettre à un demandeur de revendiquer dans

sa forme "per se" un composé intermédiaire servant à la

préparation d'un médicament serait lui permettre de contourner

l'objet et l'esprit de l'article 41(1). Dans l'affaire Tennessee

Eastman c/ le Commissaire des brevets, Cour suprême, 1972, il a

été établi que les inventions relatives à la médecine doivent être

conformes aux exigences de l'article 41(1) de la Loi et que de

permettre à des demandeurs de revendiquer une invention médicinale

dans sa forme "per se" par l'intermédiaire d'une méthode de traitement

médical serait de nullifier l'objet de l'article 41(1) et permettrait

aux demandeurs de se soustraire aux restrictions de l'article. Comme

la situation actuelle en ce qui a trait aux composés intermédiaires

capables de servir à la préparation de médicaments est considérée comme

semblable à la situation dans l'affaire Tennessee Eastman que nous venons

de citer, la pensée qui a présidé à la décision prise dans ce cas

s'applique également aux composés médicinaux intermédiaires, c'est-à-dire

que seules les revendications qui sont conformes aux exigences de l'article

41(1) seront permises. Les revendications 167 à 171, 174, 176, 178 et

187 à 195 doivent par conséquent être modifiées afin de satisfaire aux

exigences de l'article 41(1) ou être entièrement supprimées.

 

L'objection aux revendications 1 à 43, qui portent sur les composés

impurs au point de vue pharmaceutique, est maintenue parce que ces

revendications ne se limitent pas à ces composés impurs lorsqu'ils

sont produits par les procédés microbiologiques revendiqués mais ont

pour objet ces composés impurs lorsqu'ils sont produits par n'importe

quel procédé, qu'il soit chimique ou microbiologique. Afin de maintenir

les revendications relatives aux composés impurs "per se" décrits dans

les revendications 1 à 43, le demandeur doit inclure dans les revendica-

tions des restrictions à l'effet que les dits composés impurs sont

produits par des procédés microbiologiques, car autrement, les revendications

portent sur les composés impurs qui sont le résultat de procédés chimiques

et ne sont pas acceptables puisqu'ils ne sont pas conformes aux exigences

de l'article 41(1) de la Loi, pour la raison déjà mentionnée dans la

présente décision finale. Le demandeur doit, par conséquent, modifier

les revendications 1 à 43 soit en y ajoutant des restrictions à l'effet

que les impuretés qui font l'objet des revendications sont celles qui

sont le résultat des procédés microbiologiques exposés, soit en rendant

ces revendications dépendantes de celles portant sur le procédé et dans

lesquelles les procédés microbiologiques exposés sont décrits.

 

L'objection aux revendications 44 à 89 (correspondant aux anciennes

revendications 87 à 132) est maintenue parce qu'elles ne définissent pas

les procédés de façon claire et explicite comme l'exige l'article 36(2)

de la Loi sur les brevets, en ne définissant pas, de manière suffisamment

détaillée, les procédés de purification employés et en ne précisant pas

que les impuretés retirées sont celles qui découlent des procédés

microbiologiques exposés par le demandeur. En outre, les revendications

telles qu'elles sont rédigées s'appliquent à n'importe quel procédé de

préparation des composés en question et, si elles étaient acceptées,

accorderaient au demandeur un monopole sur tous les procédés, chimiques

ou microbiologiques, connus ou inconnus, lui permettant ainsi de se

soustraire aux restrictions de l'article 41(1) de la Loi des brevets.

Comme l'un des objectifs de l'article 41(1) est d'encourager la

découverte de nouveaux modes de préparation des médicaments, on ne peut

accorder des revendications visant à donner à un demandeur un monopole sur

un médicament particulier, soit en accordant un brevet pour un produit

"per se ", soit en accordant un brevet pour un procédé dont l'objet est

si vaste qu'il équivaudrait presque à un brevet pour un proudit "per se".

 

Les revendications 44 à 89 doivent donc être amendées afin

de ne se rapporter qu'à la purification des composés obtenus

par les procédés microbiologiques du demandeur ou être supprimés

complètement tout comme les revendications 90 à 133 qui s'y

rapportent.

 

A cause du grand nombre de revendications, il peut être utile d'indiquer,

sous forme de tableau, les différentes décisions dont elles ont fait l'objet.

 

               Refusées                            Non refusées

1 à 43 Revendications concernant le produit, -

       forme impure

 

44 à 89 Revendications concernant le procédé,-

        extraction

 

90 à 133 Revendications concernant le

         produit, dépendantes des

         revendications 44 à 89

 

                                   134 à 166 Revendications concernant

                                                  le procédé bactériologie

                                                  avec extraction

 

167 à 171 Revendications concernant le

          produit, substances de base

 

                                 172 et 173 Revendications concernant

                                                 le procédé chimique

                                                 servant à la préparation

                                                 des substances de base

174 Revendication concernant le

    produit, substances de base

                                          175             "

 

176                "

                                           177               "

 

178                "

 

                                      179 à 186              "

 

187 à 190          "

191 à 195          "

 

Dans le mémoire qu'il a présenté à la Commission d'appel des brevets le 25

avril 1974 et dans ses présentations verbales devant cette même Commission,

le demandeur a présenté ses arguments de façon détaillée. Ces présentations

étant très longues, il ne serait pas pratique de les reproduire ici au complet;

nous nous contenterons d'en faire le résumé au fur et à mesure que nous

discuterons du rejet des divers groupes de revendications.

 

Lors de l'instruction, monsieur Bassford a insisté sur l'importance de la

recherche dans le domaine des médicaments et sur la nécessité de promouvoir ces

recherches. Il a en outre rappelé le fait que sa compagnie est une firme

responsable qui joue un rôle important dans l'avancement de la science médicale

 

Il n'y a aucun doute là-dessus et nous sommes tout à fait d'accord

avec ces déclarations. Ce qui nous occupe ici, ce sont des questions

plus restreintes. Nous devons décider si le demandeur a légalement droit

aux divers aspects de l'invention revendiquée et de quelle manière ils

peuvent être revendiqués. Nous devons restreindre notre étude aux exigences

légales de la Loi sur les brevets et à la jurisprudence qui a cours dans

l'interprétation de cette loi.

 

Un grand nombre des questions soulevées dans cette affaire ont déjà

traitées par la Commission d'appel des brevets et par le Commissaire

des brevets danse une décision publiée dans la Gazette des brevets le 21

janvier 1975, page xiii. Le demandeur ne nous a pas convaincu de l'inexactitude

de ces conclusions pour ce qu'elles s'appliquent ici et dans la mesure où elles

s'appliquent. Afin d'être aussi bref que possible, nous ne croyons pas qu'il

soit nécessaire de revenir une deuxième fois sur ces questions; nous nous

reférons donc aux raisons invoquées dans la décision déjà publiée.

 

Le demandeur admet que les composés compris dans les revendications 167 à 171

et 187 à 190 sont eux-mêmes des substances actives au point de vue médicinal et

il accepte de modifier ces revendications de façon à les rendre dépendantes

des revendications relatives au procédé; il retire donc sa demande de révision

en ce qui les concerne (mémoire présenté à la Commission d'appel, page 2). Par

conséquent, nous n'avons plus à nous en préoccuper.

 

De plus, comme l'objection aux revendications 90 à 133 dépend du rejet

des revendications 44 à 89, leur brevetabilité sera reconnue ou rejetée selon

la décision prise au sujet de ces dernières. Nous n'avons donc pas à les réviser.

 

Les revendications 174, 176, 178 et 191 à 195 ont pour objet des composés

chimiques préparés par des procédés chimiques, qui servent à la préparation de

produits actifs au point de vue médical mais qui eux-mêmes n'ont pas d'action

thérapeutique. C'est pour cette raison que le demandeur affirme que l'article

41 ne s'applique pas à ces revendications. Il soutient que les composés

chimiques ne peuvent être considérés comme servant à des fins médicales s'ils

n'ont pas eux-mêmes des propriétés curatives. Il déclare:

 

Cette objection n'est juridiquement pas fondée puisqu'elle

exigerait que soit accordée aux mots "destinées à --- la médecine"

de l'article 41(1) de la Loi sur les brevets la même signification

que celle accordée à "destinées à des médicaments ou à la préparation

ou à la production de médicaments" dans l'article 41(4). Cette

interprétation est tout à fait contraire à la décision de la Cour

suprême du Canada dans la cause Parke Davis and Co. c/ Fine Chemicals

(1959) 30 C.P.R. 59, page 67 où le juge J. Martland, avec qui Locke

et Cartwright JJ. sont d'accord, déclare:

 

qu'il lui semble que le chapitre 41 doive être

considéré dans son ensemble. Le paragraphe (1)

s'applique à des inventions en rapport avec des

substances préparées ou produites par des procédés

chimiques et destinées à l'alimentation ou à la

médecine. Le paragraphe (3) va plus loin et

s'applique aussi à tout brevet couvrant une

invention pouvant être utilisée pour la préparation

ou la production d'aliments ou de médicaments.

 

Ainsi, l'ancien paragraphe 41(3) qui employait un langage semblable à

celui du chapitre 41(4) était considéré comme allant plus loin que le

chapitre 41(1).

 

L'interprétation approuvée par l'examinateur est aussi contraire

aux principes bien établis de l'interprétation des lois. Ainsi,

Maxwell, dans la 12e édition de l'Interprétation of Statutes (1969)

déclare à la page 282

 

qu'en présumant de façon générait que la même

expression est toujours employée dans le même sens

tout au long d'une loi ou d'une série do lois

apparentées, on ne peut que présumer également qu'un

changement dans l'énoncé indique une modification

du sens.

 

Le demandeur se refère également à la cause Major C. Newport (1952) Appeal

Cases 189, qui, d'après lui, démontre que l'énoncé de la loi (chapitre 41)

doit être appliqué tel qu'il se lit et que c'est légiférér que de combler

les lacunes. En d'autres mots, il soutient qu'appliquer les mots "destinées

à la médecine" à des substances qui serviront à la préparation de médicaments

est contraire au sens simple de cette phrase et que c'est légiférer que de

les interpréter de cette façon. Nous ne partageons pas cet avis. La situation

est semblable à celle qui a été examinée dans la décision déjà publiée et dans

laquelle, après avoir révisé de nombreuses décisions antérieures, nous en venons

à la conclusion (page xviii) que

 

Les décisions des tribunaux canadiens et britanniques

suggèrent qu'une interprétation large soit accordée à

l'article 41 et aux mots "destinées à la médecine"; en

nous basant sur ces décisions, nous en arrivons à la

conclusion que les substances intermédiaires dont la seule

utilité est de servir à la préparation de médicaments

devraient être considérées comme des substances "destinées

à la médecine".

 

Monsieur Watson a émis l'opinion que l'examinateur a accordé une importance

abusive à l'objet du chapitre 41. Nous avons cependant déjà exprimé cette

préoccupation dans la décision antérieure, toujours à la page xviii:

 

Quant aux longs exposés concernant "l'esprit et l'objet

ainsi que l'orientation de l'article 41 nous ne croyons

pas qu'il soit nécessaire de les analyser en détails.

Nous n'avons qu'à prendre en considération l'énoncé même

de la Loi, tout spécialement de la phrase "destinées à la

médecine".

 

En étudiant les différences qui existent entre les énoncés des différents

paragraphes de l'article 41, nous devons nous souvenir que les paragraphes

(3) et (4) traitent des "inventions" de façon générale alors que le

paragraphe (1) traite uniquement des inventions qui sont des substances.

Nous croyons que ceci explique la déclaration tirée de la cause Parke, Davis c/

Fine Chemicals et citée par le demandeur, à l'effet que le paragraphe (3) va

plus loin que le paragraphe 1. Par exemple, les deux derniers paragraphes

pourraient traiter d'un mélangeur mécanique pouvant servir à la preparation

de médicaments. Ce mélangeur ne serait pas une "substance" aux termes du

paragraphe (1), mais il n'en constituerait pas moins une "invention" pouvant

être employée à la préparation d'aliments ou de médicaments aux termes des

paragraphes (3) et (4).

 

Le demandeur a présenté un autre argument, que nous citons:

 

 Nous croyons en outre qu'interpréter l'article 41(1) de

façon à ce qu'il couvre non seulement les substances destinées

à la médecine mais aussi celles qui peuvent servir à la

preparation ou à la production d'aliments ou de médicaments,

est tout à fait contraire à la théorie et à l'orientation fonda-

mentales de l'article et mettrait, non seulement les médicaments,

mais toutes les substances sous l'autorité de l'article 41(1).

Comme l'ont soutenu les tribunaux, le premier paragraphe de

l'article 41 vise à encourager l'invention de nouveaux procédés

en n'accordant à l'inventeur d'un nouveau médicament préparé au

moyen d'un procédé chimique un brevet qui ne protège ce produit

que lorsqu'il est préparé au moyen de ce procédé chimique particulier

laissant ainsi aux autres inventeurs l'occasion de découvrir de

nouveaux procédés chimiques pour la préparation de ces mêmes

médicaments. Il est certain que l'article 41(1) ne signifie pas

que les restrictions concernant les procédés doivent s'étendre

indéfiniment à toutes les substances intermédiaires seulement

parce que ces substances "peuvent servir à la préparation de

...médicaments".

 

Interpréter le mot "médicaments" de la façon dont il

est employé dans l'article 41, même lorsqu'il est "interprété

dans son sens large et ordinaire", est tout à fait injustifié

parce que de cette façon, on pourrait prétendre que toutes les

substances peuvent être employées à la production de médicaments;

l'interprétation proposée annulerait au Canada toute protection

accordée à un produit "per se" pour quelque produit que ce soit.

(le trait sous les mots a été ajouté)

 

Nous soulignons cependant ie fait que nous ne nous intéressons pas aux

inventions "pouvant être utilisées à la préparation de médicaments", comme

le dit le demandeur, mais à celles qui sont destinées à la préparation de

médicaments. Ceci ne signifie en au aucune façon que tous les nouveaux

composés chimiques sont régis par l'article 41 parce qu'ils peuvent être

transformés en médicaments et pourraient, dans des circonstances imprévisibles,

servir à la préparation de médicaments. S'ils sont destinés à un autre usage,

l'article 41 ne s'applique pas. Cependant lorsque le seul usage auquel ils

peuvent servir c'est d'être transformés en médicaments, que ce soit après une

ou plusieurs transformations, nous croyons alors qu'ils sont destinés à la

médecine.

 

Nous ne croyons pas qu'il soit nécessaire d'insister sur les points qui ont

été établis lors de la décision antérieure. Nous sommes d'accord avec

l'examinateur en ce qui concerne le rejet de ce groupe de revendications (174,

176, 178 et 191 à 195) parce qu'elle ne sont pas conformes aux dispositions de

l'article 41 de la Loi.

 

Nous passons maintenant aux revendications 1 à 43, celles qui traitent des

composés impurs au point de vue pharmaceutique. Ces revendications couvriraient

tous les composés quelle que soit la façon dont ils ont été préparés, y

compris par des procédés chimiques. A leur sujet, le demandeur déclare:

 

L'examinateur a rejeté les revendications 1 à 43 qui ont

pour objet les composés 16 -méthyl-11,21-bi-oxygéné-1,4-

prégnadiène-17 -0l-3,20-diones parce que le demandeur "doit

inclure dans les revendications des restrictions à l'effet

que les dits composés impures sont produits par des procédés

microbiologiques, car autrement, les revendications ...ne

sont pas conformes aux exigences de l'article 41 de la Loi".

Mais les composés impurs définis dans les revendications 1 à

43 ne sont pas des médicaments. Ceci a été établi dans la

cause Laboratoire Pentagone c/ Parke Davis and Co. (1968) 55

C.P.R. 11, page 114, dans laquelle le juge J. Pigeon a conclu

en Cour suprême:

 

qu'il a été prouvé clairement que cet antibiotique,

le chloramphénicol, est secrété par des micro-organismes

dans un milieu de culture, mais qu'il est dilué, mélangé

à de nombreuses impuretés et ne peut être utilisé

dans cet état impur. Le procédé d'extraction est

indispensable a l'obtention d'une substance pouvant

servir à des fins thérapeutiques; la preuve en a été

établie et le répondant l'a admise devant la Cour.

Par conséquent, tout le litige concernant la seconde

question se résume à décider si la fermentation et

l'extraction sont des procédés chimiques aux termes

de la Loi sur les brevets comme le soutient l'appelant

ou si la fermentation est un procédé biologique et l'extraction

un procédé purement physique comme le soutiennent le

répondant et ses experts."

 

De plus, dans l'affaire Tennessee-Eastman (1974 S.C.R.111) il a été

jugé que pour qu'une substance soit destinée à la médecine, elle

doit pouvoir être utilisée dans le traitement d'une maladie. Si ce

principe est pris en considération conjointement avec l'affaire

Laboratoire Pentagone dans laquelle le tribunal a jugé que le produit

impur d'un procédé microbiologique ne peut être utilisé dans la

préparation de médicaments, il est évident, selon les décisions

judiciaires précédentes, que les revendications 1 à 43 ne sont pas

des revendications d'ordre médical et ne sont pas régies par l'article

41(1) de la Loi sur les brevets.

 

Si on les lit bien et avec attention, ni l'affaire Laboratoire Pentagone, ni

la citation qui en a été tirée et sur laquelle s'appuie le demandeur ne disent

que les composés impurs au point de vue pharmaceutique ne "sont pas des

médicaments". Ce qu'ils disent, c'est que ces composés ne sont pas des

substances "qui peuvent être utilisées à des fins thérapeutiques." La

distinction est importante.

 

La suggestion du demandeur à l'effet que les composés ne sont pas des médicaments

est trompeuse et peut être comparée à celle qui a été rejetée par la Cour suprême

dans l'affaire Parke, Davis c/ Fine Chemicals, 1959 S.C.R. 219 pages 219 à 221

lorsqu'elle a rejeté la proposition à l'effet qu'une substance n'est pas un

médicament parce qu'elle est en vrac. Qu'elle soit en vrac ou sous forme impure,

la substance en question est un médicament.

 

Quoi qu'il en soit, nous sommes convaincus que c'est une substance destinée

à la médecine, pour les mêmes raisons que nous avons déjà données en nous

opposant aux autres revendications portant sur les produits.

 

Dans le dernier paragraphe de la réponse du demandeur que nous venons de

reproduire, il déclare:

 

De plus, dans la cause Tennessee-Eastman, il a été jugé que

pour qu'une substance soit destinée à la médecine, elle doit

pouvoir être utilisée dans le traitement d'une maladie.

 

Nous avons relu le jugement Tennessee (1974 S.C.R. 111) plusieurs fois et

n'avons trouvé aucun message justifiant cette déclaratian. Si le demandeur

avait voulu affirmer que dans la cause Tennessee-Eastman il a été jugé que

pour qu'une substance soit un médicament elle doit pouvoir être employée

dans le traitement d'une maladie, son interprétation serait plus raisonnable.

Mais cette interprétation est très différente de celle gui consiste à dire que

pour qu'une substance soit destinée à la médecine elle doit pouvoir elle-même

être employée dans le traitement d'une maladie. Comme nous l'avons déjà

souligné, il y a une grande différence entre "médicament " et "destinée à la

médecine". Nous supposons que le demandeur avait à l'esprit le passage suivant

qui est également présent dans le jugement:

 

Il n'y a pas de doute que lorsqu'une nouvelle substance

est revendiquée en tant qu'invention de "médicament", il

doit être prouvé qu'elle est active et non toxique en doses

thérapeutiques.

 

S'il en est ainsi, nous croyons qu'il en fait une interprétation beaucoup plus

large qu'il n'est justifié de faire.

 

Ayant établi que les revendications 1 à 43 ont pour objet des substances

destinées à la médecine, nous devons maintenant juger s'ils sont préparés

par des procédés chimiques au sens de l'article 41(1) de la Loi. A ce sujet,

le demandeur a déclaré:

 

Du reste, le composé impur du point de vue pharmaceutique, le

16 -méthyl-11,21-bi-oxygéné-17 -0l-3,20-diones dont il est

question dans les revendications 1 à 43 sont des substances

produites par un procédé microbiologique, non par un rocédé

chimique. La Cour d'appel du Québec dans la cause Pentagone

s'est appuyée sur le jugement de la Cour suprême dans la cause

Continental Soya c/ Short Milling 2 C.P.R. 1., (1942 S.C .R. 187)

selon leque1 un procédé biologique n'est pas un procédé chimique;

et ce jugement n'a pas été modifié par la Cour suprême dans son

arrêt en appel dans la cause Pentagone.

 

La question présente certains points intéressants. Nous devons tout d'abord

concilier en ce qui concerne le jugement continental Soya (supra) avec le

 

Laboratoire Pentagone (supra) et avec la cause Dairy Foods c/ Co-opérative

Agricole de Granby 4 C.P.R. (2d) et 8 C.P.R. (2d) 1. Nous devons aussi décider

s'il est permis de morceler une invention complète qui est régie par l'article

41 de la Loi et d'approuver des revendications concernant des portions non

chimiques qui contournent effectivement l'article 41.

 

Le demandeur s'appuie sur le jugement Continental Soya pour déclarer que

les procédés microbiologiques ne sont pas des procédés chimiques. Il est

vrai que mis en face de certains faits particuliers, le tribunal de première

instance (1941) (Ex. C.R. 69) et la Cour suprême ont conclu que le procédé en

question n'était pas chimique et que l'article 40 (maintenant l'article 41)

ne s'appliquait pas. Cependant, ce procédé servait à la préparation de la

farine de soja à partir de la graine de soja de manière que la farine retenait

un ensyme qui existait déjà dans la graine. L'enzyme servait à blanchir

la farine de blé mais les méthodes antérieures de préparation de la farine

entraînaient la destruction de l'enzyme (1941 Ex. C.R. 84, lignes 27 à 34).

L'enzyme n'avait été ni crée ni détruit par le procédé mis au point par le

détenteur du brevet. Le jugement de la Cour reposait sur la conclusion que

la substance inventée (c'est-à-dire l'enzyme) n'avait pas été préparée par un

procédé chimique. Quant au jugement émis dans l'affaire Continental Soya, le

juge Noël doute qu'il ait plus d'importance lorsqu'il déclare dans l'affaire

Dairy Foods (supra) (4 C.P.R. (2d), page 100):

 

Il n'existe vraiment que deux décisions qui peuvent nous

aider à déterminer si le procédé mis au point par le demandeur

est chimique ou non au sens de l'article 41(1) de la Loi sur

les brevets et ce sont les décisions émises dans les causes

Continental Soya Co. Ltd c/ J.R. Short Milling Co. (Canada) Ltd.

(1942) 2 C.P.R. 1, page 5, (1942) 2 D.R.L. 114, (1942) S.C.R.

187, dans lesquelles il a été jugé que l'application de la

chaleur uniquement pour sécher n'était pas un procédé chimique

non plus que l'addition d'eau pour favoriser la germination puisque

cette dernière est un procédé vital. Cependant, dans la dernière

cause, la nature de la preuve n'est pas claire et il est fort

possible que ne soit pas encore réglée la question concernant les

procédés biologiques, à savoir peuvent-ils toujours être considérés

comme chimiques, si on considère que la Cour suprême, dans la

décision émise dans l'affaire Laboratoire Pentagone Ltée c/ Parke,

Davis Co. (1968), 55 C.P.R. 111 page 118, 69 D.L.R. (2d) 267,

(1968) S.C.R. 307 n'a pas pris en considération la première phrase

de la production d'un antibiotique au moyen d'organismes vivants

(c'est-à-dire, un procédé vital). Il a été jugé dans cette affaire

que l'étude du procédé d'extraction était suffisante pour

en arriver à une décision et qu'il n'était pas nécessaire

de prendre en considération le procédé de fermentation. Le

procédé d'extraction consistait en une extraction au moyen

d'un solvant ou au moyen de charbon de bois actif pour

séparer le produit. Dans ce cas, la preuve était que les

procédés d'extraction par absorption ou par solvants appartiennent

au domaine de la chimie physique. Il a en outre été soutenu

que l'extraction par un solvant utilise les propriétés chimiques

d'une substance chimique et il est intéressant de souligner que

le tribunal a approuvé le fait que la distillation fractionnelle

(qui ne consiste qu'à chauffer une substance et à la laisser couler

goutte à goutte) soit considérée comme un procédé chimique tout

comme la fabrication du charbon de bois actif.

 

Un passage de la décision du juge J. Maclean dans l'affaire

Continental Soya, supra, décision qui a été approuvée par la

Cour suprême indique toutes les difficultés qu'il y a à déterminer

la ligne de démarcation entre ce qui devrait être considéré comme

un procédé chimique au sens de l'article 41(1) de la Loi et ce

qui ne devrait pas l'être. Il a été souligné dans l'affaire J.R.

Short Milling Co. Ltd. d/s Geo. Weston Bread and Cakes Ltd. et al.,

(1940) 4 D.L.R. 579, (1941) Ex. C.R. 69 (ratifié en 1942), 2 C.P.R. 1,

(1942) 2 D.L.R. 114, (1942) S.C.R. 187), que ce n'était pas parce qu'une

réaction chimique se produisait au cours de l'application d'un procédé

qu'ils fallait la reconnaître comme étant un procédé chimique, en dépit

du fait qu'une réaction chimique s'était effectivement produite comme

cela arrive au cours de toutes sortes d'opérations ordinaires telles

que la fabrication du pain et les procédés biologiques ordinaire que

personne ne classe dans la catégorie des procédés chimiques. (Les

traits sous les mots ont été ajoutés).

 

La décision a été ratifiée en appel et une attention spéciale a été accordée

à la question de savoir si le procédé serait considéré comme chimique au sens

"populaire" du mot. Le juge en chef Jackett a déclaré (8 C.P.R. 1 à 4):

 

L'avocat a poursuivi en alléguant que le savant juge du fond

avait attaché une trop grande importance aux réactions

chimiques qui se produisent au cours de procédé en entraînent

la formation des agrégats et n'avait pas suffisamment réfléchi

sur la question de savoir si le procédé tel que décrit était un

procédé chimique au sens populaire ou ordinaire du mot.

 

Il me semble cependant qu'en traitant de la question, le savant

juge du fond a considéré non seulement le fait que de nombreuses

réactions, qui sont à juste titre considérées comme des réactions

chimiques et qui sont indispensables à la formation du produit, sont

engagées dans le procédé mais aussi le fait que ce qu'il appelle

"les intermédiaires de la chimie" sont mis à l'oeuvre afin d'obtenir

le résultat désiré...

 

...En ce qui concerne les faits tels qu'il les constatés, j'en

arrive à la même conclusion. Il est clair, à la suite des causes

Continental Soya et Pentagone, qu'on ne résoudra pas la question en

se référant tout simplement au fait que les réactions chimiques se sont

produites au cours du procédé. Mais le fait que des réactions

chimiques se produisent au cours du procédé et que, de plus, elles

déterminent le résultat, doit avoir une certaine importance dans

l'ensemble de la situation et ne peut pas être ignoré complètment.

 

Ce que nous avons ici n'est pas un simple procédé de la nature.

Il ne s'apparente pas non plus au procédé purement mécanique que

constitue le sciage du bois en bois de construction ou la mouture

du grain en farine et ne ressemble en rien à la fabrication du pain,

qui comprend certaines réactions chimiques, mais n'est généralement

pas cbnsidérée comme un procédé chimique. Par contre, c'est un

procédé chimique qui, outre qu'il comprend des réactions chimiques

qui, outre qu'il comprend des réactions chimiques pour produire les

résultats désirés, emploie des substances dans des proportions

particulières et exploite leurs particularités chimiques en une

série d'étapes, dans des conditions particulières, à des températures

et dans des temps donnés. Ce sont là je crois les opérations qu'effectuent

les chimistes au cours des procédés chimiques et, à mon avis, ce sont

ces manipulations, auxquelles s'ajoutent presqu'uniquement les réactions

chimiques qui en résulteront, qui donnent au procédé son caractère. Il

me semble que ces particularités suffisent à montrer que le procédé

en question est à juste titre appelé procédé chimique au sens ordinaire

du mot et je ne pense pas que la conclusion soit affaiblie parce que

certains aspects de l'ensemble du procédé sont effectués par des moyens

mécaniques ou parce que les techniciens ou les opérateurs peuvent apprendre

à les réaliser de façon efficace sans qu'il leur soit nécessaire de

devenir chimistes.

 

Le demandeur a fait appel de la décision en Cour suprême; cette dernière a

entendu les plaidoiries en novembre dernier. Bien que le jugement de la Cour

suprême nous aiderait dans l'étude de la présente affaire (et nous avons pour

cette raison délibérément retardé la conclusion de nos recommandations) aucune

décision n'a encore été rendue et nous croyons qu'il est injustifié d'attendre

plus longtemps.

 

Lorsque nous étudions le procédé présenté par le demandeur (revendication 154)

pour la préparation du produit qui fait l'objet des revendications 1 à 43, nous

voyons qu'il comporte une modification dans la structure chimique du composé

chimique de base afin d'introduire une double liaison à la position 4:5 du

noyau. Il en résulte un nouveau composé chimique et le changement qui s'est

produit est de nature chimique. Le changement a étà réalisé de façon microbio-

logique au moyen du micro-organisme Schizomycète. Les revendications 1 à 43 couvrent

également les esters de ce produit, esters qui, d'après le mémoire descriptif,

(page 12), sont faits de l'alcool correspondant:

 

...par réaction avec un agent acylisant, c'est-à-dire un

agent phosphorylisant, un agent d'acide carboxylique acylé

d'hydrocarbure inférieur comme de l'anhydride benzoique, le

chlorure tertiaire de butyl acétal, un anhydride alcanoique

inférieur ou. un halure alcanoil inférieur comme anhydride

acétique, l'anhydride propionique, un acide anhydxique polybasique

comme l'anhudride B,B di-méthyl glutarique, l'anhydride succinique

et autres agents similaires.

 

Selon toutes les normes établies, c'est une opération chimique et le produit

d'une telle opération est fait par un procédé chimique. Par conséquent, nous

ne pouvons faire autrement que d'en venir à la conclusion que les revendications

comme celles qui portent les numéros 1 à 4, 6 à 9 et toutes celles qui ont pour

objet les esters, sont régies par l'article 41 de la Loi.

 

Nous avons tendance à croire que les produits de l'opération microbiologique

sont d'ordre chimique, au sens populaire auquel a fait allusion le juge Jackett.

Ils comportent des changements d'ordre chimiques (voir page 4, en commençant

à la 8e ligne du mémoire descriptif, jusqu'à la fin de la page 6). La réaction

est effectuée dans des solvants chimiques tels que l'acétone (page 8, ligne 25).

Des solutions tampons peuvent être employées (page 7, ligne 10). Ces importantes

distinctions servent à différencier le procédé qui nous intéresse ici des

opérations plus mécaniques dont il est question dans l'affaire Continental Soya.

 

Quoi qu'il en soit, il y a d'autres raisons qui font que l'article 41 est

applicable ici. Cependant, avant de les aborder, nous aimerions faire allusion

au jugement rendu dans l'affaire Laboratoire Pentagone c/ Parke, Davis et sur

lequel s'appuie le demandeur. La Cour supérieure du Québec (1968, 46 C.P.R. 171)

a décidé, en dépit des hésitations exprimées dans la citation qui suit, que le

procédé de fermentation étudié n'était pas un procédé chimique:

 

Quant au procédé de fermentation, i1 n'y a à mon avis

aucun doute que du point de vue purement scientifique et

théorique, c'est un procédé chimique ou qu'en tout cas

des réactions chimiques se produisent au cours du procédé

et provoquent la sécrétion du composé chimique chloramphenicol

par l'organisme, mais je suis incapable de dire si cette

description purement scientifique est conforme au sens des

mots "procédés chimiques" que l'on retrouve dans l'article

41(1) de la Loi sur les brevets. Même si, aux yeux du profane,

ou tout au moins aux yeux du soussigné, ce procédé semble se

rapporter à la chimie organique, il semble y avoir une réelle

possibilité que dans l'esprit du législateur, ou tout au moins

dans l'esprit des rédacteurs de la Loi, il existe une distinction

entre un procédé biologique et un procédé chimique.

 

La Cour du Banc de la reine de la province de Québec a porté le même

jugement en appel (1968), 53 C.P.R. 236).

 

La Cour suprême du Canada (1968), 53 C.P.R. 236) a déclaré clairement

qu'elle n'avait pas décidé si le procédé de fermentation était un procédé

chimique. Nous citons un passage de la page 114:

 

Pour rendre une décision concernant cet appel, il ne

semble pas nécessaire de décider de la question relative

au procédé de fermentation.

 

Par contre elle a jugé que le procédé d'extraction subséquent était chimique,

faisant en sorte que, dans l'ensemble, l'étape de la fermentation suivie de

l'extraction constituait un procédé chimique et était régi par l'article 41

de la Loi. Par conséquent, nous ne croyons pas qu'il soit juste de dire que

la décision de la Cour suprême appuie la proposition selon laquelle les

substances qui font l'objet des revendications 1 à 43 ne sont pas produites

par des procédés chimiques.

 

Nous avons déjà fait allusion à un autre obstacle qui nous empêche de délivrer

un brevet pour les revendications 1 à 43. Nous n'hésitons pas à affirmer

que le résultat du procédé complet (la fermentation suivie de l'extraction)

doit être considéré comme un procédé chimique et régi par l'article 41 de la Loi.

Les jugements rendus dans les causes Laboratoire Pentagone c/ Parke, Davis et

Dairy Foods c/ Co-op Agricole, corroborent cette opinion. Si le demandeur, en

vertu de l'article 41, n'est autorisé à protéger le produit final purifié (la

seule forme sous laquelle il est utile) que s'il a été produit par la méthode

particulière décrite et revendiquée, il serait anormal qu'il puisse, au

moyen d'une autre revendication, empêcher toute personne de préparer ce produit

par toute autre méthode. C'est pourtant exactement ce que la revendication 1 (et

les autres qui lui ressemblent) accomplirait. Elle vise la prégnadiène impure

du point de vue pharmaceutique, sans autre restriction ou limitation. Quel que

soit l'autre procédé inventé pour la fabrication de la prégnadiéne, il lui

faudrait nécessairement passer par l'étape préliminaire où la prégnadiène est

impure et se retrouver ainsi dans le champ de la revendication 1.

 

Ceci serait tout à fait contraire au sens de l'article 41 de la Loi.

Nous ne devons pas nous laisser induire en erreur par la terminologie

employée par le demandeur. Comme l'a déclaré le juge Jackett dans une

décision encore inédite concernant l'affaire Wolfe W. Gruber c/ la Reine,

le 4 juin 1975:

 

Ce qui nous importe c'est la substance de la question

et nous ne devons pas nous laisser induire en erreur

par les mots employés.

 

Même si ce jugement ne s'appliquait pas à une affaire de brevet, le principe

qu'il exprime semble approprié.

 

Deux autres objections à la revendication 1 et aux revendications qui ont le

même objet doivent être mentionnées. Elles visent une partie préliminaire

de l'invention. Les produits impurs ne sont pas ce que l'inventeur recherche

et sont inutiles à moins d'être purifiés. Elles n'apportent rien à l'invention

faite par le demandeur et même si de telles inventions incomplètes pouvaient

être revendiquées, il faudrait quant même que l'inventeur ait fait encore plus

que ce qu'il n'a fait. Cette prégnadiène impure ne contient que les impuretés

produites par le procédé de fermentation qu'il revendique. Il n'a jamais

préparé de prégnadiène impure dont les impuretés sont celles qui sont produites

par d'autres procédés de fermentation ou celles qui seraient présentes dans le

produit s'il était le résultat d'une synthèse chimique.

 

Pour toutes ces raisons, nous sommes convaincus que le rejet des revendications

1 à 43 était justifié. Le demandeur a proposé lors de l'audience (Mémoire

d'appel p. 3) de modifier les revendications 1 à 43 de façon à faire allusion

au fait que les impuretés sont le résultat de la production du dit composé.

Nous n'y voyons pas d'objection, mais ces modifications sont sans importance

puisqu'elles ne changent en rien les objections qui ont été faites ou le rejet

des revendications.

 

Nous passons enfin aux revendications 44 à 89 et à celles qui ont pour objet

un procédé d'extraction de prégnadiène pure à partir de prégnadiène impure.

Là encore, le demandeur a suggéré certaines modifications (Mémoire d'appel, page 6),

qui serviront ici à préciser que l'extraction se fait par solvants en

deux phases ou par absorption chromatographique ou cristallisation. Ces

modifications ajoutent plus de spécificité au procédé et, à notre avis,

ont raison d'une des objections de l'examinateur, à savoir que les différentes

étapes du procédé de purification ne sont pas définies avec suffisamment de

détails. Nous étudierons ces revendications (pour ces objections, il importe

peu que les modifications soient faites ou non).

 

Le demandeur soutient que le rejet de ces revendications est contraire aux

résultats obtenus dans les causes suivantes:

 

   Commissioner of Patents c. Ciba (1959) 30 C.P.R. pages 135

    à 141, 1959 S.C.R. 378.

    General Tire c. Dominion Rubber (1967) 53 C.P.R. et

    Laboratoire Pentagone c/ Parke, Davis (supra)

 

Ces causes ont été citées comme autorités dans le cas de la proposition qui

établit que lorsqu'un produit chimique est brevetable le procédé qui a

servi à sa préparation devrait normalement l'être aussi. En admettant cette

proposition, le procédé doit nécessairement être défini de façon adéquate.

L'examinateur n'a pas laissé entendre que le procédé ne serait pas brevetable

lorsqu'adéquatement défini. En vérité, il a demandé que des amendements soient

faits pour mieux définir le procédé et le rendre brevetable. L'examinateur a

déclaré que le matériel de base n'avait pas été adéquatement défini (ce avec

quoi nous sommes d'accord) ainsi que les différentes étapes du procédé de

purification (nous croyons que les amendements proposés auront raison des

objections relatives à cet aspect). La substance de base employée au cours

du procédé de purification revendiqué par le demandeur et à laquelle il a été

jugé que les différentes étapes du procédé de purification pouvaient s'appliquer,

est une substance qui contient des impuretés comme celles qui pourraient être

présentes dans le produit impur préparé au moyen de son propre procédé de

fermentation. Le demandeur ne sait pas, ou tout au moins ne savait pas au

moment de son, invention, que les étapes qu'il a proposées pourraient servir

dans le cas des prégnadiènes produites par d'autres procédés encore inconnus,

contenant différentes impuretés.

 

Nous sommes également convaincus que de permettre des revendications

de l'importance de celles proposées par le demandeur contourne de façon

abusive l'article 41 de la Loi, à moins que le brevet ne couvre tout le

procédé revendiqué par le demandeur, c'est-à-dire le procédé de fermentation

et le procédé de purification. Les raisons qui ont entraîné cette décision

ont déjà été pleinement expliquées.

 

Pour ces raisons, nous croyons aussi que les revendications 44 à 89 doivent

être refusées et amendées.

 

Abordons maintenant la demande no 154366 qui contient 56 revendications. Elle

constitue une division du brevet canadien 913613 dans lequel les mêmes produits

sont revendiqués selon le procédé chimique qui a servi à leur préparation.

Les questions qui se présentent ici sont semblables à celles qui ont été

soulevées par le rejet de la demande no 154366 que nous venons d'étudier et

le sujet est analogue, différents isomers de la prégnadiène étant concernés.

 

Les revendications 13, 15, 16, 18, 22, 24, 26, 28 and 29 ont été refusées

en vertu de l'article 41 de la Loi et ne sont pas brevetables pour toutes

les raisons que nous venons de mentionner. De la même manière, les revendications

33 à 43 devraient être refusées pour les mêmes raisons que nous avons émises

dans le cas des revendications 44 à 89 du brevet no 154365 à moins qu'elles ne

soient amendées de façon semblable. Les revendications 50 à 56 sont acceptées

ou refusées suivant le soir réservé aux revendications 33 à 43.

 

Les revendications 30, 31 et 32 ont été refusées parce que le demandeur avait

déjà revendiqué ces procédés dans son brevet canadien no 872223. Dans sa

réponse du 25 avril, le demandeur indique qu'il retire ces revendications. Il

propose également certains amendements mineurs qui ne modifient pas ce qui

a déjà été refusé. Des observations semblables s'appliquent aux plus

récents amendements proposés dans le mémoire.

 

Pour toutes les raisons données, nous croyons que les refus émis par

l'examinateur devraient être confirmés.

 

G.A. Asher

Président

Commission d'appel des brevets

 

Je souscris aux conclusions de la Commission d'appel des brevets.

Les revendications rejetées par l'examinateur dans les deux demandes

sont refusées. Le demandeur a six mois pour interjeter appel de la

présente décision aux termes de l'article 44 de la Loi sur les brevets.

 

Telle est ma décision,

 

A.M. Laidlaw

Commissaire des brevets

 

Fait à Hull (Québec)

le 29 août 1975

 

Mandataires du demandeur

Gowling et Henderson

Boîte postale 466, Station A

Ottawa (Ontario)

 

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