DECISION DU COMMISSAIRE
ARTICLES 41 et 36: Stéroïdes contre l'arthrite
L'invention revendiquée par le demandeur concernait un procédé microbiologique
pour fabriquer certains stéroides, suivi d'une extraction par des produits
chimiques, afin d'obtenir un produit sous une forme médicalement utile. Ses
revendications, en ce qui a trait au produit final, sont conformes aux exigences
de l'article 41; mais il revendique aussi le produit intermédiaire ou non purifié
dans sa forme per se. Il a été considéré que le produit intermédiaire était
destiné à des fins médicales, qu'il devait être fabriqué par un procédé chimique
et qu'il ne définit pas l'invention faite. Des revendications concernant certains
procédés ont été refusées parce qu'elle ne définissent pas l'invention adéquatement
et qu'elles sont plus larges que l'invention exposée.
DECISION FINALE: Confirmée
Le rejet final des deux demandes de brevets qui avaient été présentées par
Merck et Compagnie Inc. a été soumis à la révision de la Commission d'appel des
brevets. Les demandes portaient les numéros 154365 (catégorie 260/69 pour les
composés 16-methyl-1, 4-pregnadiène-17~-ol-3, 20-dione (Glen. E. Arth et
collaborateurs, inventeurs) et 154366 (catégorie 260/69) pour les composés 11,21-
bi-oxygéné-17~-hydroxy-16B-Méthyl stéroïde-3,20-diones (David Taub et collaborateurs
inventeurs). La Commission d'appel des brevets a tenu audience le 27 novembre 1974.
M. David Watson, Q.C. et M. Bassford de la compagnie Merck représentaient le
demandeur. Les deux demandes sont apparentées car elles traitent essentiellement
des mêmes questions; en faisant les changements nécessaires, les résultats de
l'une pourront être appliqués à l'autre.
Nous étudierons tout d'abord la demande No. 164365. Elle contient 195 revendications
relatives à certains composés de prégnadiène (leur structure chimique exacte
ne nous concerne pas) et aux procédés servent à leur préparation et à leur
extraction. C'est une division du brevet canadien no. 914151 qui confère la
protection au demandeur en ce qui concerne les pregnadiènes lorsqu'elles sont
préparées par certains procédés chimiques. Ces composés possèdent des propriétés
thérapeutiques et servent à traiter l'arthrite. Les revendications 1, 44, 90,
134, 154 et 167 présentées plus loin, illustrent les divers aspects de la
protection demandée.
1. Un composé impur du point de vue pharmaceutique, le
16~ méthyl-11,21-bi-oxygéné-1,4 prégnadiène-17~-ol-3,20
dione ayant la formule suivante:
<IMG>
dans laquelle X représente un hydrogène ou un fluor, W un kéto
ou unB-hydroxy et R soit un radical hydroxy, phosphoryloxy ou
un carbonyloxy d'hydrocarbure inférieur
...
44. Une méthode pour préparer un 16~-méthyl-11,21-bi-oxygéné-1,4-
prégnadiène-17~-o1-3,20-dione pur, au point de vue pharmaceutique,
ayant la formule suivante:
<IMG>
dans laquelle X représente un hydrogène ou un fluor, W un Kéto
ou un B-hydroxy et R soit un radical hydroxy, phosphoryloxy ou
un carbonyloxy d'hydrocarbure inférieur ce qui suppose qu'on
soumet le composé impur à un procédé d'extraction pour en retirer
les impuretés.
...
90. Un composé pur du point de vue pharmaceutique le 16 -méthyl-11,
al-bi-oxygéné-1,4-pregnadiène-17~-o1-3,20-dione ayant la
formule suivante
<IMG>
dans lequel X représente un hydrogène ou un fluor, W un
kéto ou un ~-hydroxy et R soit un radical hydroxy,
phosphoryloxy ou un carbonyloxy inférieur lorsqu'il est
préparé ou produit selon le procédé qui fait l'objet de
la revendication 44.
...
134. Une méthode pour préparer un 16~-méthyl-11,21-bi-oxygéné-1,4-
prégnadiène-17~-o1-3,20-dione pur, au point de vue pharmaceutique
ayant la formule suivante:
<IMG>
dans laquelle X représente un hydrogène ou un fluor, W un
keto ou un B-hydroxy et R soit un radical hydroxy,
phosphoryloxy ou un carbonyloxy d'hydrocarbure inférieur
qui suppose qu'on soumet un composé dont la formule est:
<IMG>
dans laquelle W et X ont la même signification que dans la
formule précédente ou pourraient être un ester-21
résultant de l'action déhydrogénante d'un schizomycète
et quand R doit réagir de manière à donner avec le produit
une réaction de type phosphoryloxy obtenu avec un agent
phosphorylisant et quand R doit ràgir de manière à
donner une réaction de type carbonyloxy d'hydrocarbure
inférieur obtenue avec un agent d'acide carboxylique acylé
d'hydrocarbure inférieur, le produit résultant devant
être soumis à un procédé d'extraction.
...
154. Un procédé pour la production d'un composé de la série des
prégnènes comportant un noyau impur au point de vue pharmaceutique
et non saturé du l6~-méthyl-11-stéroïde oxygémé-17~-o1-3,20 dione,
série dans laquelle il y a une non saturation dans les positions
1,2 ou 4,5 ou encore un ester-21 dans lequel le substituant est
soit un phosphoryloxy ou un carbonyloxy d'hydrocarbure inférieur
ce qui suppose qu'on soumet le prégnène correspondant dont la
non saturation se trouve en position 1,2, à l'action déshydrogénante
d'un schizomycète et quand l'ester-21 est requis pour l'estérification
du groupe hydroxy-21 dans le produit.
...
167. Un 16-méthyl-11,21-bi-oxygéné-4-prégnène-17~-o1-3,20-dione
ayant 1a formule suivante:
<IMG>
dans lequelle X a été tiré du groupe composé d'hydrogène
et de fluor; W du groupe des kéto et B-hydroxy.
Les revendications portent sur une série de procédés et de produits, à
savoir un procédé bactériologique pour la déhydrogénation des prégnènes
afin de produire des prégnènes déhydrogénés (revendication 154 et autres);
les produits impurs résultant de cette déhydrogénation et revendiqués
indépendamment (per se) (revendication 43); les procédés de purification
des produits impurs, soit par extraction au moyen de produits chimiques,
soit par absorption chomomatique ou par cristallisation (revendication 44
etc.); les produits purifiés (cette revendication est liée à l'extraction)
(revendication 90 etc.); les composés employés au cours du procédé de déhydrogé-
nation (revendication 167 etc.); le procédé de déhydrogénation bactériologique
associé à l'extraction (revendication 134 etc.); et les procédés chimiques
servant à la préparation des substances de départ (revendications 172-195).
L'examinateur a rejeté toutes les revendications ayant trait aux produits,
indépendamment des procédés qui ont servi à leur préparation, parce qu'ils
ne respectent pas les exigences de l'article 41 de la Loi sur des brevets.
L'examinateur s'est également opposé aux revendications ayant trait à
l'extraction (ou purification) du fait qu'elles ne sont pas conformes à
l'article 36. De plus, le grand nombre de procédés et de produits revendiqués
constitue une infraction à l'article 38. Le demandeur ayant reconnu la
validité de cette objection, la Commission n'a pas à poursuivre dans cette voie.
Cet aspect pourra être résolu à la fin de la présente procédure.
En ce qui concerne les objections faites en vertu des articles 41 et 36,
l'examinateur a déclaré:
L'objection aux revendications 167 à 171, 174, 176, 178 et
187 à 195 est maintenue parce que les, composés revendiqués
dans les revendications précitées sont considérés comme étant
régis par l'article 41(1) de la Loi. Comme les tribunaux, au
cours des dernières années, ont constamment maintenu que le mot
"médicament" aux fins de l'article 41(1) doit être interprété
dans son sens large et ordinaire, le Bureau des brevets est
d'avis que le terme "médicament" doit comprendre non seulement
les substances qui serviront directement de médicaments mais
aussi celles qui peuvent servir directement de médicaments mais
aussi celles qui peuvent servir à la préparation ou à la
production de médicaments. Les composés revendiqués dans les
revendications 167 à 171, 174, 176, 178 et 187 à 195 sont des
substances qui appartiennent à cette dernière catégorie, c'est-à-dire
qui peuvent être utilisées à la préparation de médicaments, qui
sont préparées par des procédés chimiques et qui, en tant que telles,
rentrent dans le champ d'application de l'article 41(1) de la Loi.
D'autre part, permettre à un demandeur de revendiquer dans
sa forme "per se" un composé intermédiaire servant à la
préparation d'un médicament serait lui permettre de contourner
l'objet et l'esprit de l'article 41(1). Dans l'affaire Tennessee
Eastman c/ le Commissaire des brevets, Cour suprême, 1972, il a
été établi que les inventions relatives à la médecine doivent être
conformes aux exigences de l'article 41(1) de la Loi et que de
permettre à des demandeurs de revendiquer une invention médicinale
dans sa forme "per se" par l'intermédiaire d'une méthode de traitement
médical serait de nullifier l'objet de l'article 41(1) et permettrait
aux demandeurs de se soustraire aux restrictions de l'article. Comme
la situation actuelle en ce qui a trait aux composés intermédiaires
capables de servir à la préparation de médicaments est considérée comme
semblable à la situation dans l'affaire Tennessee Eastman que nous venons
de citer, la pensée qui a présidé à la décision prise dans ce cas
s'applique également aux composés médicinaux intermédiaires, c'est-à-dire
que seules les revendications qui sont conformes aux exigences de l'article
41(1) seront permises. Les revendications 167 à 171, 174, 176, 178 et
187 à 195 doivent par conséquent être modifiées afin de satisfaire aux
exigences de l'article 41(1) ou être entièrement supprimées.
L'objection aux revendications 1 à 43, qui portent sur les composés
impurs au point de vue pharmaceutique, est maintenue parce que ces
revendications ne se limitent pas à ces composés impurs lorsqu'ils
sont produits par les procédés microbiologiques revendiqués mais ont
pour objet ces composés impurs lorsqu'ils sont produits par n'importe
quel procédé, qu'il soit chimique ou microbiologique. Afin de maintenir
les revendications relatives aux composés impurs "per se" décrits dans
les revendications 1 à 43, le demandeur doit inclure dans les revendica-
tions des restrictions à l'effet que les dits composés impurs sont
produits par des procédés microbiologiques, car autrement, les revendications
portent sur les composés impurs qui sont le résultat de procédés chimiques
et ne sont pas acceptables puisqu'ils ne sont pas conformes aux exigences
de l'article 41(1) de la Loi, pour la raison déjà mentionnée dans la
présente décision finale. Le demandeur doit, par conséquent, modifier
les revendications 1 à 43 soit en y ajoutant des restrictions à l'effet
que les impuretés qui font l'objet des revendications sont celles qui
sont le résultat des procédés microbiologiques exposés, soit en rendant
ces revendications dépendantes de celles portant sur le procédé et dans
lesquelles les procédés microbiologiques exposés sont décrits.
L'objection aux revendications 44 à 89 (correspondant aux anciennes
revendications 87 à 132) est maintenue parce qu'elles ne définissent pas
les procédés de façon claire et explicite comme l'exige l'article 36(2)
de la Loi sur les brevets, en ne définissant pas, de manière suffisamment
détaillée, les procédés de purification employés et en ne précisant pas
que les impuretés retirées sont celles qui découlent des procédés
microbiologiques exposés par le demandeur. En outre, les revendications
telles qu'elles sont rédigées s'appliquent à n'importe quel procédé de
préparation des composés en question et, si elles étaient acceptées,
accorderaient au demandeur un monopole sur tous les procédés, chimiques
ou microbiologiques, connus ou inconnus, lui permettant ainsi de se
soustraire aux restrictions de l'article 41(1) de la Loi des brevets.
Comme l'un des objectifs de l'article 41(1) est d'encourager la
découverte de nouveaux modes de préparation des médicaments, on ne peut
accorder des revendications visant à donner à un demandeur un monopole sur
un médicament particulier, soit en accordant un brevet pour un produit
"per se ", soit en accordant un brevet pour un procédé dont l'objet est
si vaste qu'il équivaudrait presque à un brevet pour un proudit "per se".
Les revendications 44 à 89 doivent donc être amendées afin
de ne se rapporter qu'à la purification des composés obtenus
par les procédés microbiologiques du demandeur ou être supprimés
complètement tout comme les revendications 90 à 133 qui s'y
rapportent.
A cause du grand nombre de revendications, il peut être utile d'indiquer,
sous forme de tableau, les différentes décisions dont elles ont fait l'objet.
Refusées Non refusées
1 à 43 Revendications concernant le produit, -
forme impure
44 à 89 Revendications concernant le procédé,-
extraction
90 à 133 Revendications concernant le
produit, dépendantes des
revendications 44 à 89
134 à 166 Revendications concernant
le procédé bactériologie
avec extraction
167 à 171 Revendications concernant le
produit, substances de base
172 et 173 Revendications concernant
le procédé chimique
servant à la préparation
des substances de base
174 Revendication concernant le
produit, substances de base
175 "
176 "
177 "
178 "
179 à 186 "
187 à 190 "
191 à 195 "
Dans le mémoire qu'il a présenté à la Commission d'appel des brevets le 25
avril 1974 et dans ses présentations verbales devant cette même Commission,
le demandeur a présenté ses arguments de façon détaillée. Ces présentations
étant très longues, il ne serait pas pratique de les reproduire ici au complet;
nous nous contenterons d'en faire le résumé au fur et à mesure que nous
discuterons du rejet des divers groupes de revendications.
Lors de l'instruction, monsieur Bassford a insisté sur l'importance de la
recherche dans le domaine des médicaments et sur la nécessité de promouvoir ces
recherches. Il a en outre rappelé le fait que sa compagnie est une firme
responsable qui joue un rôle important dans l'avancement de la science médicale
Il n'y a aucun doute là-dessus et nous sommes tout à fait d'accord
avec ces déclarations. Ce qui nous occupe ici, ce sont des questions
plus restreintes. Nous devons décider si le demandeur a légalement droit
aux divers aspects de l'invention revendiquée et de quelle manière ils
peuvent être revendiqués. Nous devons restreindre notre étude aux exigences
légales de la Loi sur les brevets et à la jurisprudence qui a cours dans
l'interprétation de cette loi.
Un grand nombre des questions soulevées dans cette affaire ont déjà
traitées par la Commission d'appel des brevets et par le Commissaire
des brevets danse une décision publiée dans la Gazette des brevets le 21
janvier 1975, page xiii. Le demandeur ne nous a pas convaincu de l'inexactitude
de ces conclusions pour ce qu'elles s'appliquent ici et dans la mesure où elles
s'appliquent. Afin d'être aussi bref que possible, nous ne croyons pas qu'il
soit nécessaire de revenir une deuxième fois sur ces questions; nous nous
reférons donc aux raisons invoquées dans la décision déjà publiée.
Le demandeur admet que les composés compris dans les revendications 167 à 171
et 187 à 190 sont eux-mêmes des substances actives au point de vue médicinal et
il accepte de modifier ces revendications de façon à les rendre dépendantes
des revendications relatives au procédé; il retire donc sa demande de révision
en ce qui les concerne (mémoire présenté à la Commission d'appel, page 2). Par
conséquent, nous n'avons plus à nous en préoccuper.
De plus, comme l'objection aux revendications 90 à 133 dépend du rejet
des revendications 44 à 89, leur brevetabilité sera reconnue ou rejetée selon
la décision prise au sujet de ces dernières. Nous n'avons donc pas à les réviser.
Les revendications 174, 176, 178 et 191 à 195 ont pour objet des composés
chimiques préparés par des procédés chimiques, qui servent à la préparation de
produits actifs au point de vue médical mais qui eux-mêmes n'ont pas d'action
thérapeutique. C'est pour cette raison que le demandeur affirme que l'article
41 ne s'applique pas à ces revendications. Il soutient que les composés
chimiques ne peuvent être considérés comme servant à des fins médicales s'ils
n'ont pas eux-mêmes des propriétés curatives. Il déclare:
Cette objection n'est juridiquement pas fondée puisqu'elle
exigerait que soit accordée aux mots "destinées à --- la médecine"
de l'article 41(1) de la Loi sur les brevets la même signification
que celle accordée à "destinées à des médicaments ou à la préparation
ou à la production de médicaments" dans l'article 41(4). Cette
interprétation est tout à fait contraire à la décision de la Cour
suprême du Canada dans la cause Parke Davis and Co. c/ Fine Chemicals
(1959) 30 C.P.R. 59, page 67 où le juge J. Martland, avec qui Locke
et Cartwright JJ. sont d'accord, déclare:
qu'il lui semble que le chapitre 41 doive être
considéré dans son ensemble. Le paragraphe (1)
s'applique à des inventions en rapport avec des
substances préparées ou produites par des procédés
chimiques et destinées à l'alimentation ou à la
médecine. Le paragraphe (3) va plus loin et
s'applique aussi à tout brevet couvrant une
invention pouvant être utilisée pour la préparation
ou la production d'aliments ou de médicaments.
Ainsi, l'ancien paragraphe 41(3) qui employait un langage semblable à
celui du chapitre 41(4) était considéré comme allant plus loin que le
chapitre 41(1).
L'interprétation approuvée par l'examinateur est aussi contraire
aux principes bien établis de l'interprétation des lois. Ainsi,
Maxwell, dans la 12e édition de l'Interprétation of Statutes (1969)
déclare à la page 282
qu'en présumant de façon générait que la même
expression est toujours employée dans le même sens
tout au long d'une loi ou d'une série do lois
apparentées, on ne peut que présumer également qu'un
changement dans l'énoncé indique une modification
du sens.
Le demandeur se refère également à la cause Major C. Newport (1952) Appeal
Cases 189, qui, d'après lui, démontre que l'énoncé de la loi (chapitre 41)
doit être appliqué tel qu'il se lit et que c'est légiférér que de combler
les lacunes. En d'autres mots, il soutient qu'appliquer les mots "destinées
à la médecine" à des substances qui serviront à la préparation de médicaments
est contraire au sens simple de cette phrase et que c'est légiférer que de
les interpréter de cette façon. Nous ne partageons pas cet avis. La situation
est semblable à celle qui a été examinée dans la décision déjà publiée et dans
laquelle, après avoir révisé de nombreuses décisions antérieures, nous en venons
à la conclusion (page xviii) que
Les décisions des tribunaux canadiens et britanniques
suggèrent qu'une interprétation large soit accordée à
l'article 41 et aux mots "destinées à la médecine"; en
nous basant sur ces décisions, nous en arrivons à la
conclusion que les substances intermédiaires dont la seule
utilité est de servir à la préparation de médicaments
devraient être considérées comme des substances "destinées
à la médecine".
Monsieur Watson a émis l'opinion que l'examinateur a accordé une importance
abusive à l'objet du chapitre 41. Nous avons cependant déjà exprimé cette
préoccupation dans la décision antérieure, toujours à la page xviii:
Quant aux longs exposés concernant "l'esprit et l'objet
ainsi que l'orientation de l'article 41 nous ne croyons
pas qu'il soit nécessaire de les analyser en détails.
Nous n'avons qu'à prendre en considération l'énoncé même
de la Loi, tout spécialement de la phrase "destinées à la
médecine".
En étudiant les différences qui existent entre les énoncés des différents
paragraphes de l'article 41, nous devons nous souvenir que les paragraphes
(3) et (4) traitent des "inventions" de façon générale alors que le
paragraphe (1) traite uniquement des inventions qui sont des substances.
Nous croyons que ceci explique la déclaration tirée de la cause Parke, Davis c/
Fine Chemicals et citée par le demandeur, à l'effet que le paragraphe (3) va
plus loin que le paragraphe 1. Par exemple, les deux derniers paragraphes
pourraient traiter d'un mélangeur mécanique pouvant servir à la preparation
de médicaments. Ce mélangeur ne serait pas une "substance" aux termes du
paragraphe (1), mais il n'en constituerait pas moins une "invention" pouvant
être employée à la préparation d'aliments ou de médicaments aux termes des
paragraphes (3) et (4).
Le demandeur a présenté un autre argument, que nous citons:
Nous croyons en outre qu'interpréter l'article 41(1) de
façon à ce qu'il couvre non seulement les substances destinées
à la médecine mais aussi celles qui peuvent servir à la
preparation ou à la production d'aliments ou de médicaments,
est tout à fait contraire à la théorie et à l'orientation fonda-
mentales de l'article et mettrait, non seulement les médicaments,
mais toutes les substances sous l'autorité de l'article 41(1).
Comme l'ont soutenu les tribunaux, le premier paragraphe de
l'article 41 vise à encourager l'invention de nouveaux procédés
en n'accordant à l'inventeur d'un nouveau médicament préparé au
moyen d'un procédé chimique un brevet qui ne protège ce produit
que lorsqu'il est préparé au moyen de ce procédé chimique particulier
laissant ainsi aux autres inventeurs l'occasion de découvrir de
nouveaux procédés chimiques pour la préparation de ces mêmes
médicaments. Il est certain que l'article 41(1) ne signifie pas
que les restrictions concernant les procédés doivent s'étendre
indéfiniment à toutes les substances intermédiaires seulement
parce que ces substances "peuvent servir à la préparation de
...médicaments".
Interpréter le mot "médicaments" de la façon dont il
est employé dans l'article 41, même lorsqu'il est "interprété
dans son sens large et ordinaire", est tout à fait injustifié
parce que de cette façon, on pourrait prétendre que toutes les
substances peuvent être employées à la production de médicaments;
l'interprétation proposée annulerait au Canada toute protection
accordée à un produit "per se" pour quelque produit que ce soit.
(le trait sous les mots a été ajouté)
Nous soulignons cependant ie fait que nous ne nous intéressons pas aux
inventions "pouvant être utilisées à la préparation de médicaments", comme
le dit le demandeur, mais à celles qui sont destinées à la préparation de
médicaments. Ceci ne signifie en au aucune façon que tous les nouveaux
composés chimiques sont régis par l'article 41 parce qu'ils peuvent être
transformés en médicaments et pourraient, dans des circonstances imprévisibles,
servir à la préparation de médicaments. S'ils sont destinés à un autre usage,
l'article 41 ne s'applique pas. Cependant lorsque le seul usage auquel ils
peuvent servir c'est d'être transformés en médicaments, que ce soit après une
ou plusieurs transformations, nous croyons alors qu'ils sont destinés à la
médecine.
Nous ne croyons pas qu'il soit nécessaire d'insister sur les points qui ont
été établis lors de la décision antérieure. Nous sommes d'accord avec
l'examinateur en ce qui concerne le rejet de ce groupe de revendications (174,
176, 178 et 191 à 195) parce qu'elle ne sont pas conformes aux dispositions de
l'article 41 de la Loi.
Nous passons maintenant aux revendications 1 à 43, celles qui traitent des
composés impurs au point de vue pharmaceutique. Ces revendications couvriraient
tous les composés quelle que soit la façon dont ils ont été préparés, y
compris par des procédés chimiques. A leur sujet, le demandeur déclare:
L'examinateur a rejeté les revendications 1 à 43 qui ont
pour objet les composés 16 -méthyl-11,21-bi-oxygéné-1,4-
prégnadiène-17 -0l-3,20-diones parce que le demandeur "doit
inclure dans les revendications des restrictions à l'effet
que les dits composés impures sont produits par des procédés
microbiologiques, car autrement, les revendications ...ne
sont pas conformes aux exigences de l'article 41 de la Loi".
Mais les composés impurs définis dans les revendications 1 à
43 ne sont pas des médicaments. Ceci a été établi dans la
cause Laboratoire Pentagone c/ Parke Davis and Co. (1968) 55
C.P.R. 11, page 114, dans laquelle le juge J. Pigeon a conclu
en Cour suprême:
qu'il a été prouvé clairement que cet antibiotique,
le chloramphénicol, est secrété par des micro-organismes
dans un milieu de culture, mais qu'il est dilué, mélangé
à de nombreuses impuretés et ne peut être utilisé
dans cet état impur. Le procédé d'extraction est
indispensable a l'obtention d'une substance pouvant
servir à des fins thérapeutiques; la preuve en a été
établie et le répondant l'a admise devant la Cour.
Par conséquent, tout le litige concernant la seconde
question se résume à décider si la fermentation et
l'extraction sont des procédés chimiques aux termes
de la Loi sur les brevets comme le soutient l'appelant
ou si la fermentation est un procédé biologique et l'extraction
un procédé purement physique comme le soutiennent le
répondant et ses experts."
De plus, dans l'affaire Tennessee-Eastman (1974 S.C.R.111) il a été
jugé que pour qu'une substance soit destinée à la médecine, elle
doit pouvoir être utilisée dans le traitement d'une maladie. Si ce
principe est pris en considération conjointement avec l'affaire
Laboratoire Pentagone dans laquelle le tribunal a jugé que le produit
impur d'un procédé microbiologique ne peut être utilisé dans la
préparation de médicaments, il est évident, selon les décisions
judiciaires précédentes, que les revendications 1 à 43 ne sont pas
des revendications d'ordre médical et ne sont pas régies par l'article
41(1) de la Loi sur les brevets.
Si on les lit bien et avec attention, ni l'affaire Laboratoire Pentagone, ni
la citation qui en a été tirée et sur laquelle s'appuie le demandeur ne disent
que les composés impurs au point de vue pharmaceutique ne "sont pas des
médicaments". Ce qu'ils disent, c'est que ces composés ne sont pas des
substances "qui peuvent être utilisées à des fins thérapeutiques." La
distinction est importante.
La suggestion du demandeur à l'effet que les composés ne sont pas des médicaments
est trompeuse et peut être comparée à celle qui a été rejetée par la Cour suprême
dans l'affaire Parke, Davis c/ Fine Chemicals, 1959 S.C.R. 219 pages 219 à 221
lorsqu'elle a rejeté la proposition à l'effet qu'une substance n'est pas un
médicament parce qu'elle est en vrac. Qu'elle soit en vrac ou sous forme impure,
la substance en question est un médicament.
Quoi qu'il en soit, nous sommes convaincus que c'est une substance destinée
à la médecine, pour les mêmes raisons que nous avons déjà données en nous
opposant aux autres revendications portant sur les produits.
Dans le dernier paragraphe de la réponse du demandeur que nous venons de
reproduire, il déclare:
De plus, dans la cause Tennessee-Eastman, il a été jugé que
pour qu'une substance soit destinée à la médecine, elle doit
pouvoir être utilisée dans le traitement d'une maladie.
Nous avons relu le jugement Tennessee (1974 S.C.R. 111) plusieurs fois et
n'avons trouvé aucun message justifiant cette déclaratian. Si le demandeur
avait voulu affirmer que dans la cause Tennessee-Eastman il a été jugé que
pour qu'une substance soit un médicament elle doit pouvoir être employée
dans le traitement d'une maladie, son interprétation serait plus raisonnable.
Mais cette interprétation est très différente de celle gui consiste à dire que
pour qu'une substance soit destinée à la médecine elle doit pouvoir elle-même
être employée dans le traitement d'une maladie. Comme nous l'avons déjà
souligné, il y a une grande différence entre "médicament " et "destinée à la
médecine". Nous supposons que le demandeur avait à l'esprit le passage suivant
qui est également présent dans le jugement:
Il n'y a pas de doute que lorsqu'une nouvelle substance
est revendiquée en tant qu'invention de "médicament", il
doit être prouvé qu'elle est active et non toxique en doses
thérapeutiques.
S'il en est ainsi, nous croyons qu'il en fait une interprétation beaucoup plus
large qu'il n'est justifié de faire.
Ayant établi que les revendications 1 à 43 ont pour objet des substances
destinées à la médecine, nous devons maintenant juger s'ils sont préparés
par des procédés chimiques au sens de l'article 41(1) de la Loi. A ce sujet,
le demandeur a déclaré:
Du reste, le composé impur du point de vue pharmaceutique, le
16 -méthyl-11,21-bi-oxygéné-17 -0l-3,20-diones dont il est
question dans les revendications 1 à 43 sont des substances
produites par un procédé microbiologique, non par un rocédé
chimique. La Cour d'appel du Québec dans la cause Pentagone
s'est appuyée sur le jugement de la Cour suprême dans la cause
Continental Soya c/ Short Milling 2 C.P.R. 1., (1942 S.C .R. 187)
selon leque1 un procédé biologique n'est pas un procédé chimique;
et ce jugement n'a pas été modifié par la Cour suprême dans son
arrêt en appel dans la cause Pentagone.
La question présente certains points intéressants. Nous devons tout d'abord
concilier en ce qui concerne le jugement continental Soya (supra) avec le
Laboratoire Pentagone (supra) et avec la cause Dairy Foods c/ Co-opérative
Agricole de Granby 4 C.P.R. (2d) et 8 C.P.R. (2d) 1. Nous devons aussi décider
s'il est permis de morceler une invention complète qui est régie par l'article
41 de la Loi et d'approuver des revendications concernant des portions non
chimiques qui contournent effectivement l'article 41.
Le demandeur s'appuie sur le jugement Continental Soya pour déclarer que
les procédés microbiologiques ne sont pas des procédés chimiques. Il est
vrai que mis en face de certains faits particuliers, le tribunal de première
instance (1941) (Ex. C.R. 69) et la Cour suprême ont conclu que le procédé en
question n'était pas chimique et que l'article 40 (maintenant l'article 41)
ne s'appliquait pas. Cependant, ce procédé servait à la préparation de la
farine de soja à partir de la graine de soja de manière que la farine retenait
un ensyme qui existait déjà dans la graine. L'enzyme servait à blanchir
la farine de blé mais les méthodes antérieures de préparation de la farine
entraînaient la destruction de l'enzyme (1941 Ex. C.R. 84, lignes 27 à 34).
L'enzyme n'avait été ni crée ni détruit par le procédé mis au point par le
détenteur du brevet. Le jugement de la Cour reposait sur la conclusion que
la substance inventée (c'est-à-dire l'enzyme) n'avait pas été préparée par un
procédé chimique. Quant au jugement émis dans l'affaire Continental Soya, le
juge Noël doute qu'il ait plus d'importance lorsqu'il déclare dans l'affaire
Dairy Foods (supra) (4 C.P.R. (2d), page 100):
Il n'existe vraiment que deux décisions qui peuvent nous
aider à déterminer si le procédé mis au point par le demandeur
est chimique ou non au sens de l'article 41(1) de la Loi sur
les brevets et ce sont les décisions émises dans les causes
Continental Soya Co. Ltd c/ J.R. Short Milling Co. (Canada) Ltd.
(1942) 2 C.P.R. 1, page 5, (1942) 2 D.R.L. 114, (1942) S.C.R.
187, dans lesquelles il a été jugé que l'application de la
chaleur uniquement pour sécher n'était pas un procédé chimique
non plus que l'addition d'eau pour favoriser la germination puisque
cette dernière est un procédé vital. Cependant, dans la dernière
cause, la nature de la preuve n'est pas claire et il est fort
possible que ne soit pas encore réglée la question concernant les
procédés biologiques, à savoir peuvent-ils toujours être considérés
comme chimiques, si on considère que la Cour suprême, dans la
décision émise dans l'affaire Laboratoire Pentagone Ltée c/ Parke,
Davis Co. (1968), 55 C.P.R. 111 page 118, 69 D.L.R. (2d) 267,
(1968) S.C.R. 307 n'a pas pris en considération la première phrase
de la production d'un antibiotique au moyen d'organismes vivants
(c'est-à-dire, un procédé vital). Il a été jugé dans cette affaire
que l'étude du procédé d'extraction était suffisante pour
en arriver à une décision et qu'il n'était pas nécessaire
de prendre en considération le procédé de fermentation. Le
procédé d'extraction consistait en une extraction au moyen
d'un solvant ou au moyen de charbon de bois actif pour
séparer le produit. Dans ce cas, la preuve était que les
procédés d'extraction par absorption ou par solvants appartiennent
au domaine de la chimie physique. Il a en outre été soutenu
que l'extraction par un solvant utilise les propriétés chimiques
d'une substance chimique et il est intéressant de souligner que
le tribunal a approuvé le fait que la distillation fractionnelle
(qui ne consiste qu'à chauffer une substance et à la laisser couler
goutte à goutte) soit considérée comme un procédé chimique tout
comme la fabrication du charbon de bois actif.
Un passage de la décision du juge J. Maclean dans l'affaire
Continental Soya, supra, décision qui a été approuvée par la
Cour suprême indique toutes les difficultés qu'il y a à déterminer
la ligne de démarcation entre ce qui devrait être considéré comme
un procédé chimique au sens de l'article 41(1) de la Loi et ce
qui ne devrait pas l'être. Il a été souligné dans l'affaire J.R.
Short Milling Co. Ltd. d/s Geo. Weston Bread and Cakes Ltd. et al.,
(1940) 4 D.L.R. 579, (1941) Ex. C.R. 69 (ratifié en 1942), 2 C.P.R. 1,
(1942) 2 D.L.R. 114, (1942) S.C.R. 187), que ce n'était pas parce qu'une
réaction chimique se produisait au cours de l'application d'un procédé
qu'ils fallait la reconnaître comme étant un procédé chimique, en dépit
du fait qu'une réaction chimique s'était effectivement produite comme
cela arrive au cours de toutes sortes d'opérations ordinaires telles
que la fabrication du pain et les procédés biologiques ordinaire que
personne ne classe dans la catégorie des procédés chimiques. (Les
traits sous les mots ont été ajoutés).
La décision a été ratifiée en appel et une attention spéciale a été accordée
à la question de savoir si le procédé serait considéré comme chimique au sens
"populaire" du mot. Le juge en chef Jackett a déclaré (8 C.P.R. 1 à 4):
L'avocat a poursuivi en alléguant que le savant juge du fond
avait attaché une trop grande importance aux réactions
chimiques qui se produisent au cours de procédé en entraînent
la formation des agrégats et n'avait pas suffisamment réfléchi
sur la question de savoir si le procédé tel que décrit était un
procédé chimique au sens populaire ou ordinaire du mot.
Il me semble cependant qu'en traitant de la question, le savant
juge du fond a considéré non seulement le fait que de nombreuses
réactions, qui sont à juste titre considérées comme des réactions
chimiques et qui sont indispensables à la formation du produit, sont
engagées dans le procédé mais aussi le fait que ce qu'il appelle
"les intermédiaires de la chimie" sont mis à l'oeuvre afin d'obtenir
le résultat désiré...
...En ce qui concerne les faits tels qu'il les constatés, j'en
arrive à la même conclusion. Il est clair, à la suite des causes
Continental Soya et Pentagone, qu'on ne résoudra pas la question en
se référant tout simplement au fait que les réactions chimiques se sont
produites au cours du procédé. Mais le fait que des réactions
chimiques se produisent au cours du procédé et que, de plus, elles
déterminent le résultat, doit avoir une certaine importance dans
l'ensemble de la situation et ne peut pas être ignoré complètment.
Ce que nous avons ici n'est pas un simple procédé de la nature.
Il ne s'apparente pas non plus au procédé purement mécanique que
constitue le sciage du bois en bois de construction ou la mouture
du grain en farine et ne ressemble en rien à la fabrication du pain,
qui comprend certaines réactions chimiques, mais n'est généralement
pas cbnsidérée comme un procédé chimique. Par contre, c'est un
procédé chimique qui, outre qu'il comprend des réactions chimiques
qui, outre qu'il comprend des réactions chimiques pour produire les
résultats désirés, emploie des substances dans des proportions
particulières et exploite leurs particularités chimiques en une
série d'étapes, dans des conditions particulières, à des températures
et dans des temps donnés. Ce sont là je crois les opérations qu'effectuent
les chimistes au cours des procédés chimiques et, à mon avis, ce sont
ces manipulations, auxquelles s'ajoutent presqu'uniquement les réactions
chimiques qui en résulteront, qui donnent au procédé son caractère. Il
me semble que ces particularités suffisent à montrer que le procédé
en question est à juste titre appelé procédé chimique au sens ordinaire
du mot et je ne pense pas que la conclusion soit affaiblie parce que
certains aspects de l'ensemble du procédé sont effectués par des moyens
mécaniques ou parce que les techniciens ou les opérateurs peuvent apprendre
à les réaliser de façon efficace sans qu'il leur soit nécessaire de
devenir chimistes.
Le demandeur a fait appel de la décision en Cour suprême; cette dernière a
entendu les plaidoiries en novembre dernier. Bien que le jugement de la Cour
suprême nous aiderait dans l'étude de la présente affaire (et nous avons pour
cette raison délibérément retardé la conclusion de nos recommandations) aucune
décision n'a encore été rendue et nous croyons qu'il est injustifié d'attendre
plus longtemps.
Lorsque nous étudions le procédé présenté par le demandeur (revendication 154)
pour la préparation du produit qui fait l'objet des revendications 1 à 43, nous
voyons qu'il comporte une modification dans la structure chimique du composé
chimique de base afin d'introduire une double liaison à la position 4:5 du
noyau. Il en résulte un nouveau composé chimique et le changement qui s'est
produit est de nature chimique. Le changement a étà réalisé de façon microbio-
logique au moyen du micro-organisme Schizomycète. Les revendications 1 à 43 couvrent
également les esters de ce produit, esters qui, d'après le mémoire descriptif,
(page 12), sont faits de l'alcool correspondant:
...par réaction avec un agent acylisant, c'est-à-dire un
agent phosphorylisant, un agent d'acide carboxylique acylé
d'hydrocarbure inférieur comme de l'anhydride benzoique, le
chlorure tertiaire de butyl acétal, un anhydride alcanoique
inférieur ou. un halure alcanoil inférieur comme anhydride
acétique, l'anhydride propionique, un acide anhydxique polybasique
comme l'anhudride B,B di-méthyl glutarique, l'anhydride succinique
et autres agents similaires.
Selon toutes les normes établies, c'est une opération chimique et le produit
d'une telle opération est fait par un procédé chimique. Par conséquent, nous
ne pouvons faire autrement que d'en venir à la conclusion que les revendications
comme celles qui portent les numéros 1 à 4, 6 à 9 et toutes celles qui ont pour
objet les esters, sont régies par l'article 41 de la Loi.
Nous avons tendance à croire que les produits de l'opération microbiologique
sont d'ordre chimique, au sens populaire auquel a fait allusion le juge Jackett.
Ils comportent des changements d'ordre chimiques (voir page 4, en commençant
à la 8e ligne du mémoire descriptif, jusqu'à la fin de la page 6). La réaction
est effectuée dans des solvants chimiques tels que l'acétone (page 8, ligne 25).
Des solutions tampons peuvent être employées (page 7, ligne 10). Ces importantes
distinctions servent à différencier le procédé qui nous intéresse ici des
opérations plus mécaniques dont il est question dans l'affaire Continental Soya.
Quoi qu'il en soit, il y a d'autres raisons qui font que l'article 41 est
applicable ici. Cependant, avant de les aborder, nous aimerions faire allusion
au jugement rendu dans l'affaire Laboratoire Pentagone c/ Parke, Davis et sur
lequel s'appuie le demandeur. La Cour supérieure du Québec (1968, 46 C.P.R. 171)
a décidé, en dépit des hésitations exprimées dans la citation qui suit, que le
procédé de fermentation étudié n'était pas un procédé chimique:
Quant au procédé de fermentation, i1 n'y a à mon avis
aucun doute que du point de vue purement scientifique et
théorique, c'est un procédé chimique ou qu'en tout cas
des réactions chimiques se produisent au cours du procédé
et provoquent la sécrétion du composé chimique chloramphenicol
par l'organisme, mais je suis incapable de dire si cette
description purement scientifique est conforme au sens des
mots "procédés chimiques" que l'on retrouve dans l'article
41(1) de la Loi sur les brevets. Même si, aux yeux du profane,
ou tout au moins aux yeux du soussigné, ce procédé semble se
rapporter à la chimie organique, il semble y avoir une réelle
possibilité que dans l'esprit du législateur, ou tout au moins
dans l'esprit des rédacteurs de la Loi, il existe une distinction
entre un procédé biologique et un procédé chimique.
La Cour du Banc de la reine de la province de Québec a porté le même
jugement en appel (1968), 53 C.P.R. 236).
La Cour suprême du Canada (1968), 53 C.P.R. 236) a déclaré clairement
qu'elle n'avait pas décidé si le procédé de fermentation était un procédé
chimique. Nous citons un passage de la page 114:
Pour rendre une décision concernant cet appel, il ne
semble pas nécessaire de décider de la question relative
au procédé de fermentation.
Par contre elle a jugé que le procédé d'extraction subséquent était chimique,
faisant en sorte que, dans l'ensemble, l'étape de la fermentation suivie de
l'extraction constituait un procédé chimique et était régi par l'article 41
de la Loi. Par conséquent, nous ne croyons pas qu'il soit juste de dire que
la décision de la Cour suprême appuie la proposition selon laquelle les
substances qui font l'objet des revendications 1 à 43 ne sont pas produites
par des procédés chimiques.
Nous avons déjà fait allusion à un autre obstacle qui nous empêche de délivrer
un brevet pour les revendications 1 à 43. Nous n'hésitons pas à affirmer
que le résultat du procédé complet (la fermentation suivie de l'extraction)
doit être considéré comme un procédé chimique et régi par l'article 41 de la Loi.
Les jugements rendus dans les causes Laboratoire Pentagone c/ Parke, Davis et
Dairy Foods c/ Co-op Agricole, corroborent cette opinion. Si le demandeur, en
vertu de l'article 41, n'est autorisé à protéger le produit final purifié (la
seule forme sous laquelle il est utile) que s'il a été produit par la méthode
particulière décrite et revendiquée, il serait anormal qu'il puisse, au
moyen d'une autre revendication, empêcher toute personne de préparer ce produit
par toute autre méthode. C'est pourtant exactement ce que la revendication 1 (et
les autres qui lui ressemblent) accomplirait. Elle vise la prégnadiène impure
du point de vue pharmaceutique, sans autre restriction ou limitation. Quel que
soit l'autre procédé inventé pour la fabrication de la prégnadiéne, il lui
faudrait nécessairement passer par l'étape préliminaire où la prégnadiène est
impure et se retrouver ainsi dans le champ de la revendication 1.
Ceci serait tout à fait contraire au sens de l'article 41 de la Loi.
Nous ne devons pas nous laisser induire en erreur par la terminologie
employée par le demandeur. Comme l'a déclaré le juge Jackett dans une
décision encore inédite concernant l'affaire Wolfe W. Gruber c/ la Reine,
le 4 juin 1975:
Ce qui nous importe c'est la substance de la question
et nous ne devons pas nous laisser induire en erreur
par les mots employés.
Même si ce jugement ne s'appliquait pas à une affaire de brevet, le principe
qu'il exprime semble approprié.
Deux autres objections à la revendication 1 et aux revendications qui ont le
même objet doivent être mentionnées. Elles visent une partie préliminaire
de l'invention. Les produits impurs ne sont pas ce que l'inventeur recherche
et sont inutiles à moins d'être purifiés. Elles n'apportent rien à l'invention
faite par le demandeur et même si de telles inventions incomplètes pouvaient
être revendiquées, il faudrait quant même que l'inventeur ait fait encore plus
que ce qu'il n'a fait. Cette prégnadiène impure ne contient que les impuretés
produites par le procédé de fermentation qu'il revendique. Il n'a jamais
préparé de prégnadiène impure dont les impuretés sont celles qui sont produites
par d'autres procédés de fermentation ou celles qui seraient présentes dans le
produit s'il était le résultat d'une synthèse chimique.
Pour toutes ces raisons, nous sommes convaincus que le rejet des revendications
1 à 43 était justifié. Le demandeur a proposé lors de l'audience (Mémoire
d'appel p. 3) de modifier les revendications 1 à 43 de façon à faire allusion
au fait que les impuretés sont le résultat de la production du dit composé.
Nous n'y voyons pas d'objection, mais ces modifications sont sans importance
puisqu'elles ne changent en rien les objections qui ont été faites ou le rejet
des revendications.
Nous passons enfin aux revendications 44 à 89 et à celles qui ont pour objet
un procédé d'extraction de prégnadiène pure à partir de prégnadiène impure.
Là encore, le demandeur a suggéré certaines modifications (Mémoire d'appel, page 6),
qui serviront ici à préciser que l'extraction se fait par solvants en
deux phases ou par absorption chromatographique ou cristallisation. Ces
modifications ajoutent plus de spécificité au procédé et, à notre avis,
ont raison d'une des objections de l'examinateur, à savoir que les différentes
étapes du procédé de purification ne sont pas définies avec suffisamment de
détails. Nous étudierons ces revendications (pour ces objections, il importe
peu que les modifications soient faites ou non).
Le demandeur soutient que le rejet de ces revendications est contraire aux
résultats obtenus dans les causes suivantes:
Commissioner of Patents c. Ciba (1959) 30 C.P.R. pages 135
à 141, 1959 S.C.R. 378.
General Tire c. Dominion Rubber (1967) 53 C.P.R. et
Laboratoire Pentagone c/ Parke, Davis (supra)
Ces causes ont été citées comme autorités dans le cas de la proposition qui
établit que lorsqu'un produit chimique est brevetable le procédé qui a
servi à sa préparation devrait normalement l'être aussi. En admettant cette
proposition, le procédé doit nécessairement être défini de façon adéquate.
L'examinateur n'a pas laissé entendre que le procédé ne serait pas brevetable
lorsqu'adéquatement défini. En vérité, il a demandé que des amendements soient
faits pour mieux définir le procédé et le rendre brevetable. L'examinateur a
déclaré que le matériel de base n'avait pas été adéquatement défini (ce avec
quoi nous sommes d'accord) ainsi que les différentes étapes du procédé de
purification (nous croyons que les amendements proposés auront raison des
objections relatives à cet aspect). La substance de base employée au cours
du procédé de purification revendiqué par le demandeur et à laquelle il a été
jugé que les différentes étapes du procédé de purification pouvaient s'appliquer,
est une substance qui contient des impuretés comme celles qui pourraient être
présentes dans le produit impur préparé au moyen de son propre procédé de
fermentation. Le demandeur ne sait pas, ou tout au moins ne savait pas au
moment de son, invention, que les étapes qu'il a proposées pourraient servir
dans le cas des prégnadiènes produites par d'autres procédés encore inconnus,
contenant différentes impuretés.
Nous sommes également convaincus que de permettre des revendications
de l'importance de celles proposées par le demandeur contourne de façon
abusive l'article 41 de la Loi, à moins que le brevet ne couvre tout le
procédé revendiqué par le demandeur, c'est-à-dire le procédé de fermentation
et le procédé de purification. Les raisons qui ont entraîné cette décision
ont déjà été pleinement expliquées.
Pour ces raisons, nous croyons aussi que les revendications 44 à 89 doivent
être refusées et amendées.
Abordons maintenant la demande no 154366 qui contient 56 revendications. Elle
constitue une division du brevet canadien 913613 dans lequel les mêmes produits
sont revendiqués selon le procédé chimique qui a servi à leur préparation.
Les questions qui se présentent ici sont semblables à celles qui ont été
soulevées par le rejet de la demande no 154366 que nous venons d'étudier et
le sujet est analogue, différents isomers de la prégnadiène étant concernés.
Les revendications 13, 15, 16, 18, 22, 24, 26, 28 and 29 ont été refusées
en vertu de l'article 41 de la Loi et ne sont pas brevetables pour toutes
les raisons que nous venons de mentionner. De la même manière, les revendications
33 à 43 devraient être refusées pour les mêmes raisons que nous avons émises
dans le cas des revendications 44 à 89 du brevet no 154365 à moins qu'elles ne
soient amendées de façon semblable. Les revendications 50 à 56 sont acceptées
ou refusées suivant le soir réservé aux revendications 33 à 43.
Les revendications 30, 31 et 32 ont été refusées parce que le demandeur avait
déjà revendiqué ces procédés dans son brevet canadien no 872223. Dans sa
réponse du 25 avril, le demandeur indique qu'il retire ces revendications. Il
propose également certains amendements mineurs qui ne modifient pas ce qui
a déjà été refusé. Des observations semblables s'appliquent aux plus
récents amendements proposés dans le mémoire.
Pour toutes les raisons données, nous croyons que les refus émis par
l'examinateur devraient être confirmés.
G.A. Asher
Président
Commission d'appel des brevets
Je souscris aux conclusions de la Commission d'appel des brevets.
Les revendications rejetées par l'examinateur dans les deux demandes
sont refusées. Le demandeur a six mois pour interjeter appel de la
présente décision aux termes de l'article 44 de la Loi sur les brevets.
Telle est ma décision,
A.M. Laidlaw
Commissaire des brevets
Fait à Hull (Québec)
le 29 août 1975
Mandataires du demandeur
Gowling et Henderson
Boîte postale 466, Station A
Ottawa (Ontario)