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                         DECISION DU COMMISSAIRE

 

Objet brevatable: Emballage pharmaceutique

 

Les revendications portaient sur un emballage pharmaceutique de comprimés

contraceptifs disposés exactement de la façon dont ils doivent servir.

L'examinateur a considéré l'emballage comme un moyen détourné pour revendiquer

une méthode de prévention de la grossesse, méthode qu'il considére non

brevetable, La Commission a conclu que l'emballage était une nouvelle

application d'une découverte faite par le demandeur, les comprimés étant

disposés dans un nouvel ordre quotidien en application de cette découverte.

 

DECISION FINALE; Infirmée

 

La présente décision porte sur une demande de révision, par le Commissaire des

Brevets, de la décision finale de l'examinateur, datée du 14 septembre 1973,

au sujet de la demande no 003,772 (classe 167-191). La demande a été déposée

le 30 octobre 1967 au nom de (Berrit L. Ijzerman et est intitulée: "Méthode

inductrice de cycles anovulatoires et emballages pharmaceutiques".

 

La demande porte sur un emballage de comprimés spécialement disposés, de façon

à être utilisés dans une méthode pour stimuler les cycles anovulatoires chez les

femmes en administrant des substances oestrogènes et progestatives pendant une

certaine période de ces cycles.

 

Dans la décision finale, l'examinateur a rejeté toutes les revendications parce

que:

a) les substances oestrogènes et progestatives utilisées sont

des composés connus, et le demandeur le reconnaît dans sa

réponse du 1er juin 1972;

 

    b) la prétendue invention du demandeur semble consister en une

méthode d'utilisation de substances actives connues, dans un

ordre donné, c.-à-d. "la méthode normophasique pour contrîer

les cycles anovulatoires". Une méthode de traitement des

mammifères femelles ne constitue pas un objet brevetable.

L'emballage revendiqué est un moyen détourné pour revendiquer

cette méthode.

 

Dans sa décision, l'examinateur a déclaré, notamment:

 

Le demandeur stipule que:

 

"Une telle position semble déraisonnable puisque l'on peut

toujours dire que tout produit nécessite un procédé de

préparation et peut être utilisé de façon à mener à bien

une opération quelconque."

 

Cet argument n'est pas très bien fondé. A partir de la ligne 14 de

la page 2 de son exposé, le demandeur dit:

 

"Une méthode de traitement complètement nouvelle (c'est

nous qui soulignons) qui vient d'être découverte s'est

révélée tout à fait sûre et imite avec le plus de précision

possible les taux hormonaux au cours des cycles ovulaires

physiologiques normaux du sujet de façon que la constitution

de la membrane utérine et les changements que s'opèrent dans

la membrane cervicale, par exemple, suivent le processus

physiologique normal, ce qui n'est pas le cas avec les

méthodes adoptées jusqu'à présent".

 

Et il poursuit de la ligne 22 à 30 disant:

 

"Selon la présente invention, la méthode consistant en

un traitement à l'aide de composés oestrogènes et

progestatifs (c'est nous qui soulignons) se pratique

pendant une certaine période..."

 

Le demandeur semble donc avoir découvert une nouvelle méthode

inductrice de cycles anovulatoires chez un mammifère femelle

en utilisant des composés oestrogènes et progestatifs connus,

de façon à imiter les taux physiologiques naturels et à

régulariser les hormones du sujet, et l'énoncé selon lequel

"l'emballage revendiqué par le demandeur est un moyen détourné

de revendiquer cette méthode" est bien fondé.

 

c) Dans la revendication no 1, l'emballage revendiqué

contenant des unités discrètes de deux ingrédients

actifs différents, agissant l'un après l'autre, et

indépendamment l'un de l'autre, ainsi que les

instructions imprimées constituent la réunion

d'éléments connus et ne représentent pas une nouvelle

composition, et de plus, l'énoncé de la revendication

no 1 selon lequel "accompagnés d'indications ou

d'instructions écrites ou imprimées, les indications ou

instructions et la présentation de l'emballage étant

conçues de manière à faciliter le traitement..." est

fonctionnel et indéfini, donc contraire à l'article

36(2).

 

d) Un médecin peut prescrire les deux unités de dosage

différentes et écrire des instructions détaillées

sur la façon de prendre ces médicaments pour obtenir

le résultat escompté par la "méthode normophasique"

pour stimuler les cycles anovulatoires. Dans la

revendication no 1, le demandeur décrit une disposition de

médicaments connus comme moyen pratique de suivre les

directives d'un médecin.

 

Dans sa réponse datée du 13 décembre 1973, le demandeur s'appuie sur

son argument précédent pour faire valoir la brevetabilité des revendications

1 à 10. Sa réponse du 1er juin 1972 se lit comme suit, notamment:

 

Le demandeur est bien conscient du fait que les composés

médicaus spécifiés dans les revendications sont connus.

Cependant, la "méthode normophasique" et son application,

sous la forme de l'emballage revendiqué, ne peuvent

certainement pas être considérées comme une matière

connue. Un tel emballage contenant des comprimés

oestrogènes et progestatifs selon un rapport et une

séquence donnée, tels qu'indiqués dans le mémoire

descriptif et dans les revendications, n'a jamais été

fait ni utilisé avant la présente invention.

 

Cette "méthode normophasique" s'est avérée très sûre puisqu'elle

prévient à 100 pour cent tout risque de grossesse, ce qui ne

pouvait être revendiqué par aucune autre méthode connue jusqu'à

présent. Un autre avantage très important de cette méthode (qui

consiste en une disposition particulière d'un nombre bien précis

de deux genres de comprimés) appliquée dans l'emballage de cette

invention est que l'équilibre hormonal correspond à celui du cycle

menstruel normal, entraînant chez la femme les mêmes changements

physiologiques qu'un cycle ovulaire normal. Il est donc clair

que ce résultat ne peut être atteint qu'en utilisant des comprimés

qui ont des effets différents et que ces deux genres de comprimés

doivent être présentés dans un rapport guantitatif précis et selon une

séquence donnée afin qu'ils soient pris dans l'ordre voulu (grâce à

une présentation spéciale de l'emballage et aux instructions).

 

Bien que la présente invention ne puisse être considérée comme une

composition au sens habitues du terme, le demandeur ne croit pas que

son invention ne porte que sur un simple composé médicinal, ni sur

une simple disposition d'emballage de deux éléments. Comme le

demandeur l'a indiqué précédemment, c'est la combinaison des deux,

obtenue grâce à la conception originale de l'amballage revendiqué,

qui donne ce résultat remarquable de l'élimination à 100 pour cent

de tout risque de grossesse indésirée. L'utilisation d'un seul genre

de comprimé, ou l'utilisation des deux genres de comrpimés dans un

autre ordre ou durant une autre période ne donnant pas les résultats

escomptés. Le demandeur est donc d'avis que la présente invention

réunit toutes les conditions requises pour être brevetable.

 

La question que doit trancher la Commission est de savoir si le demandeur

revendique bien un progrès technique brevetable. La revendication no 1 porte

sur:

 

Un emballage contenant entre 20 et 27 unités discrètes de dosage

sous forme de comprimés, pilules ou capsules pour administration

humaine par voie orale, au rythme d'une unité par jour, pendant une

période de 20 à 27 jours consécutifs, de façon à stimuler les cycles

anovulatoires, et comprenant un tube, une botte ou un carton dans

lesquels ou sur lequel les unités de deux genres différents de

composés sont disposées dans un ordre spécial, accompagnées d'indications

ou d'instructions écrites ou imprimées, les indications ou instructions

et la présentation de l'emballage étant conçues de manière à faciliter

le traitement, un premier lot de 6 à 13 unités contenant un composé

oestragène seulement comme substance hormonale, et un deuxième lot de 14

à 16 unités contenant un composé combiné oestrogène et progestatif.

 

La revendication porte sur tout genre d'emballage, tube, boîte ou carton par

exemple, pouvant contenir les comprimés. La seule limitation est le nombre

de comprimés des deux genres qui doivent être disposés de façon spéciale.

Un tel emballage doit contenir "des comprimés oestrogènes et progestatifs ayant

des effets différents, présentés dans un rapport guantitatif précis et salon

une séquence donnée afin d'être pris dans l'ordre voulu".

 

Le demandeur prétend avoir découvert une importante amélioration du soi-disant

traitement "séquentiel" (déjà connu) pour empêcher la grossesse. Le traitement

connu consite à prendre un composé oestrogène du 2e au 5e jour après le début

des menstruations jusqu'au 20e jour de la période menstruelle, et à prendre

ensuite une combinaison de composés oestrogènes et progestatifs du 21e au 25e

jour. La méthode améliorée du demandeur, qu'il a nommée "méthode normophasique"

comprend aussi deux phases successives. Elle s'étend de préférence sur 22 jours,

commençant au plus tard le 5e jour après le début des dernières menstruations.

Durant les sept premiers jours, un composé oestrogène est utilisé. Au cours

de la deuxième phase qui dure 15 jours, c'est un composé combiné oestrogène et

progestatif qui est administré. La méthode normophasique est aussi décrite comme

absolument sûre pour empêcher la grossesse.

 

Le demandeur a découvert une nouvelle méthode contraceptive chimique. Il faut

cependant distinguer entre invention et découverte. Une découverte peut

apporter quelque chose de nouveau aux connaissances générales sans pour autant

constituer une invention utile. Tout comme le désir de combler une lacune, une

découverte peut être à la base d'une invention et, une fois conçue, la méthode

d'application de cette découverte pour produire un nouveau résultat utile est

ce qui constitue l'invention. L'application de la découverte peut être très

simple. Comme le fait remarquer Lord Simonds dans Raleigh Cycle Co. Ltd. et

al c/ H. Miller & Co. Ltd.: (1948) 1 A11, E.R. 308 à 311.

 

Après avoir fait sa découverte, le titulaire du brevet a crée

un article pour concrétiser son invention. Cet article a

immédiatement remporté un succès commercial considérable;

et même si à mon avis cet article n'a pas nécessité beaucoup

d'ingéniosité inventive, je ne suis pas prêt à contredire

la Cour d'appel qui a jugé l'objet brevetable. La découverte

a été l'étape inventive qui a conféré à l'invention tout son

mérite.

 

Et à ce sujet, le juge Rinfret a déclaré dans Electrolier Manufacturing Co.

Ltd. c/ Dominion Manufacture Ltd. (1943) R.C.S. 436 à 442:

 

Le mérite du brevet de Pahlow ne réside pas tant dans la façon de

concrétiser l'idée que dans la conception de l'idée même Fawcett

c Homan (1896) 13 R.P.C. 398. Il a produit un article amélioré

grâce à une application ingénieuse d'une matière élastique connue (Gadd

and Mason c/ Mayor, etc. of Manchester); et à notre avis cette

découverte a nécessité presque autant d'ingéniosité inventive que l'adoption de

tresses en fil tubulaire pour faire des poils de brosse, considérée par la

House of Lords comme étant un sujet brevetable (Thomson c/ American Braided

Wire Company), le résultat obtenu étant un article complet, efficace et

pouvant être assemblé à peu de frais et rapidement. Le progrès réalisé peut

n'avoir été que très mince, bien que, comme le fait remarquer Fletcher

Moulton dans Patents (p. 22), "l'esprit a tendance à minimiser la difficulté

d'une découverte après qu'elle a été faite", mais il y a toutefois eu

progrès inventif par rapport "à ce qui existait auparavant"; et le nouveau

résultat est assez important pour en faire une véritable invention. Nous

concluons donc que le brevet doit être considéré comme valide."

 

Il a été argué que l'emballage ou carton portant les comprimés représente

une invention parce que personne n'avait encore proposé un tel emballage ou

carton pour des comprimés présentés dans cet ordre. Le carton est dit très utile

parce qu'il donne à l'acheteuse la protection qu'elle désire. De plus, le carton

ne constitue pas un article de fabrication évidente puisque personne d'autre n'a

pensé à présenter ces comprimés dans cet ordre quotidien avant que l'inventeur

pense à la méthode normophasique. La découverte d'une nouvelle méthode de

traitement chimique pour éviter ou supprimer la grossesse peut, selon nous,

donner lieu à la création d'un objet brevetable sous la forme d'un emballage

ou carton portant des comprimés présentés de façon à appliquer cette méthode,

s'il y a quelque chose de nouveau dans la constitution de l'emballage'ou carton

même, ou dans l'idée d'un carton portant différents comprimés disposés dans un

nouvel ordre quotidien, particulier à cette nouvelle méthode de traitement. Il

se peut que la découverte importante réside dans la méthode de traitement

plutôt que dans la disposition des comprimés sur le carton. Rien ne permet

cependant de dire que la disposition ou l'ordre séquentiel des comprimés sur le

carton étaient évidents pour ceux qui ne connaissent pas la méthode normophasique.

 

A notre avis, la revendication no 1 définit une combinaison qui représente une

application nouvelle et pratique d'une nouvelle découverte d'une méthode

contraceptive chimique. Nous sommes par ailleurs convaincus que les instructions

imprimées dont font état les revendications ne sont pas brevetables puisque

les revendications stipulent aussi "...et la présentation de l'emballage étant

conçues de manière à faciliter le traitement, un premier lot...". Les instructions

imprimées ne sont donc pas indispensables pour assurer la brevetabilité de la

combinaison revendiquée.

 

Nous sommes donc convaincus que les revendications portent sur un nouvel "objet"

pratique qui constitue un progrès technique brevetable, et nous recommandons que

la décision finale soit infirmée.

 

Nous remarquons que la demande britannique correspondante a elle aussi été refusée

au début, et acceptée par la suite pour les mêmes raisons que celles que nous

avons données. Voir In the Matter of Organon Laboratories Ltd., Patents Appeal

Tribunal, juge Graham, 1970 R.P.C. 574.

 

Le Président adjoint

Commission d'appel des brevets

J.F. Hughes

 

Je souscris aux conclusions de la Commission d'appel des brevets, suspends la

décision finale, et renvoie la demande à l'examinateur pour complément

d'instruction.

 

Telle est ma décision.

 

Le Commissaire des brevets

A.M. Laidlaw

 

Fait à Hull (Québec)

le 4 juillet 1975

 

Agents de brevets du demandeur

 

Fetherstonhaugh & Company

Box 2999, Station D

Ottawa (Ontario)

 

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