DECISION DU COMMISSAIRE
EVIDENCE: Maillon de chaîne
Le document de référence décrit un anneau de forme ovale utilisé pour
fermer les extrémités agrafées d'une boucle à bout ouvert afin de
constituer un maillon de rechange complet. Dans la présente demande, la
chaîne est faite de maillons plats rectangulaires retenus en place au
moyen de boucles ouvertes agrafées qui sont fermées à l'aide d'une
fermeture en métal plat recourbé en arc.
DECISION FINALE: Infirmée
La présente a trait à une demande de revision par le Commissaire des brevets
de la décision finale de l'Examinateur, déposée le 3 suin 1974 et portant
le numéro 133,092 (classée 152-129). La demande a été déposée le 24 janvier
1972, au nom de Hans O. Dohmeier, et est intitulée "Chaînes".
La présente demande porte sur une chaîne composée de maillons massifs
rectangulaires, retenus en place par une boucle souple ouverte. Les
extrémités de la boucle sont fermées par une plaque métallique de forme
rectangulaire et rainurée.
Lors de l'instruction qui s'est terminée par la décision finale, l'Examinateur
a rejeté la demande pour manque d'invention en raison de l'évidence suivante:
Brevet français 2,007,709 Eisen 9 janvier 1970
Dans la D.cision finale, l'Examinateur déclarait (notamment):
La demande est rejetée pour manque d'invention en raison de
l'évidence du brevet francais, numéro 2,007,709.
Dans le mémoire descriptif, le maillon connecteur pour chaînes
antidérapantes est fait en forme de boucle dont les extrémités
sont tournées vers l'extérieur pour recevoir une pièce de
fermeture. Les illustrations 5 à 8 du mémoire de référence
démontrent cet assemblage particulier; un anneau oval placé
sur les extrémités retournées de la boucle, sert à former la
fermeture. En utilisant une plaque métallique plutôt qu'un
anneau oval tel celui illustré dans le mémoire, le demandeur
entrait en conflit avec l'antériorité, en donnant à l'anneau
oval une forme arquée, solution évidente pour n'importe quel
homme versé dans le domaine.
Le dispositif soumis par le demandeur aboutit au même résultat
que celui mentionné dans le brevet français.
Il est à remarquer que dans le mémoire descriptif qu'il a
déposé, le demandeur a négligé de décrire la forme arquée du
dispositif et ne l'a pas mentionnée non plus dans l'énoncé du
but de son invention. Apparemment l'inventeur jugeait cette
variante évidente, jusqu'à ce que la technique antérieure ait
démontré que l'idée était déjà ancienne.
Dans sa réplique du 28 août 1974, le demandeur déclarait (notamment):
Dans son refus, l'Examinateur s'est basé sur les deux allégations
suivantes 1) Les différences invoquées entre l'objet de la
revendication et les antériorités du brevet français ne sont
que des modificatifs d'atelier et ne seraient considérées comme
étant une solution évidente par les gens du métier. 2) Le
demandeur a défini la fermeture arquée dans le seul but d'obtenir
un brevet.
Selon les allégations de l'Examinateur, la pièce arquée ne réaliserait
aucune solution pratique et ne serait rien d'autre qu'un point de
droit employé par le demandeur pour décrocher un brevet. L'Examinateur
va même plus loin et allègue que ladite pièce de fermeture est la
contribution du dessinateur qui a tracé les dessins plutôt que la
création de l'inventeur.
Si l'on examine la première allégation, une étude approfondie du
brevet français ne révèle rien qui pourrait suggérer l'existence
d'une pièce de fermeture arquée. Bien que le brevet français
soumette plusieurs méthodes pour fermer la boucle, rien ne laisse
entendre que la fermeture devrait être de forme arquée et que sa
partie convexe devrait être orientée vers la rainure de la boucle.
De plus, l'Examinateur n'a pu opposer aucune antériorité afin
d'appuyer son allégation que la forme arquée de la pièce de fermeture
n'est qu'une variante de la fermeture décrite au brevet français.
L'Examinateur a tout simplement mentionné que tel était le cas. Il n'a
fourni aucune preuve ni aucune raison logique pour justifier sa déclaration.
Comme nous allons le voir, une fermeture recourbée en arc est chose peu
pratique et coûteux, nous alléguons donc respectueusement que la technique
antérieure, c'est-à-dire, la connaissance de ce fait par les gens du
métier, éloigne la possibilité ou même l'idée de l'utilisation d'une
fermeture arquée. Conséquemment l'utilisation de ladite pièce n'est
pas simple procédure et ne représente aucunement un simple modificatif
d'atelier mais constitue véritablement matière à brevet.
Pour ce qui est de la second allégation, comme nous l'avons déjà dit
une fermeture en forme de plaque non courbée est moins coûteuse à
fabriquer qu'une fermeture arquée. Il faut d'abord savoir que chaque
forme donnée à une pièce quelconque implique une opération distincte
au niveau de la fabrication et de fait en augmente le coût. Si, comme
le suggère l'Examinateur, la fermeture arquée de la pièce n'est utilisé
que comme point de droit aux fins d'obtenir un brevet, le Demandeur ne
se servirait certainement pas de ces fermetures peu pratiques et plus
coûteuses nulle part ailleurs que dans le mémoire descriptif.
Pour prouver qu'il se sert effectivement de ces pièces de
fermeture arquées dans sa collection de chaînes, le'demandeur
joint ici une brochure illustrant ses produits. Pour en
faciliter le repérage, les fermetures arquées ont été encerclées
de rouge ici et là dans la brochure.
Comme on l'a déjà dit, la présente demande a trait à une chaîne composée
de maillons rectangulaires dotés d'ouvertures ou de fentes. Une boucle souple
à ressort est passée à travers l'ouverture de chaque maillon afin de le
maintenir bien en place. Les extrémités de la boucle sont tournées vers
l'extérieur de manière à ce qu'on puisse glisser par-dessus une fermeture
destinée à retenir ensemble les maillons. La pièce de fermeture utilisée
est une plaque rectangulaire recourbée en arc et rainurée.
Le document de référence traite d'un maillon de rechange pour chaînes
antidérapantes installées sur des pneus de voitures. Ledit maillon comporte
une boucle souple ouverte pour remplacer le maillon brisé. Un anneau oval
glissé sur les extrémités agrafés de la boucle ferme la boucle et constitue
le maillon de rechange.
Le point en litige est de déterminer si le demandeur a réalisé effectivement
un perfectionnement brevetable par rapport à la technique antérieure invoquée.
Nous remarquons que le demandeur a présenté des arguments visant la modification
de la partie écrite de la divulgation conformément à l'article 52 du Règlement
sur les brevets. Comme le demandeur a le droit décrire Nimporte quelle matière
divulguée dans la demande déposée, sa modification est donc conforme à
l'article 52. Par conséquent, nous limiterons nos commentaires aux arguments
visant l'évidence.
Dans le brevet français, le maillon de rechange est une boucle en acier à
ressort, ouverte et dont les extrémités sont tournées vers l'extérieur pour
recevoir une fermeture. Un anneau oval de coupe circulaire est glissé sur les
extrémités de la boucle pour former le nouveau maillon. Rien ne laisse soup-
çonner l'utilisation d'une pièce rectangulaire plate comme fermeture,
recourbée ou non. Le demandeur soutient que l'utilisation d'une fermeture
plate rectangulaire de forme arquée contribue à garder les maillons à la
verticale par rapport à la chaussée. A la page 7, lignes 14 à 18, il
déclare:
Ce résultat est obtenu en donnant une forme arquée aux pièces
de fermeture (10), la partie convexe étant orientée vers la
partie concave des boucles de sorte que lorsque la chaîne se
ramasse en tas, il se produit un contact tangentiel entre les
maillons et les pièces de fermeture qui contribue à retenir
les maillons à plat sur la chaussée.
Une étude vectorielle des forces du dispositif proposé par le demandeur
semble indiquer que la rive rectiligne extérieure de la fermeture reposerait
sur le côté du maillon plat. A ce moment, la fermeture servirait à maintenir
le maillon à plat sur la chaussée.
En examinant la chose de plus près, nous constatons que le contact périphérique
qui se produit entre en maillon plat et une pièce de fermeture à coupe
circulaire agit comme point axial. Il appert donc que 1'utilisation d'une
fermeture à extrémité rectiligne fournit effectivement le support nécessaire
pour maintenir les maillons à plat, ce qui n'est pas vrai dans le cas du brevet.
De plus la forme arquée de la fermeture suggérée par le demandeur tend à
accroître la résistance de la surface de roulement et partant diminue l'usure.
La pièce de fermeture qui suggère le demandeur est constituée d'une plaque
rectangulaire recourbée en arc et dotée d'une rainure intérieure. La construction
d'une pièce de ce genre exige un plus grand nombre de phases de fabrication
que ne l'exige celle de l'anneau oval mentionné au brevet français. Pour
donner au dispositif en cause le profil requis pour maintenir les maillons
à plat sur la chaussée, il est donc nécessaire d'avoir recours à un procédé
de fabrication plus coûteux. Cependant, l'utilisation d'un anneau oval, dont
la fabrication est plus facile et moins coûteuse, ne produirait pas l'effet
voulu. Nulle part, d'ailleurs, il n'est fait mention dans le brevet, d'une
pièce de fermeture arquée.
Le demandeur soutient qu'il a perfectionné une chaîne dont la
fabrication est moins coûteuse et dont les éléments sont plus faciles
à remplacer que les chaînes conventionnelles. A la page 2 de la demande,
il déclare: "Le but de la présente invention est de créer une chaîne
et plus particulièrement une chaîne à pneu à laquelle on pourra donner
facilement les formes indiquées, qui sera facile à réparer et dont la
fabrication sera plus économique que celles des chaînes déjà sur le marché.".
L'emploi d'une plaque métallique rectangulaire devant servir de maillon
résistant à l'usure n'a pas été démontré dans la technique antérieure. La
connextion des maillons entre eux au moyen de boucles souples en acier à
plaques de fermeture arquées rend la réparation plus facile et contribue
à retenir les maillons "à plat" sur la chaussée. Le brevet se sert d'une
boucle souple en acier comme maillon de rechange. Un anneau oval est glissé
par dessus les extrémités agrafées de la boucle pour compléter la fermeture
de la boucle. L'utilisation par le demandeur d'une plaque de fermeture arquée
sert non pas seulement à compléter la fermeture de la boucle mais également
à maintenir les maillons en forme de plaques en position verticale. La
revendication 1 de demandeur se lit comme suit:
Une chaîne constituée de maillons reliés entre eux au moyen de
boucles souples en acier passant à travers les ouvertures des
maillons et dont les extrémités sont fermées au moyen d'une
fermeture placée sur les extrémités de chaque boucle lorsqu'elle
est déformée; la pièce de fermeture ayant une forme arquée et
étant disposée de façon que sa partie convexe soit tournée vers
la partie concave de la boucle.
Rien dans l'énoncé du brevet n'indique l'utilisation d'une fermeture de
forme arquée dont la partie convexe serait disposée vers la partie concave
de la boucle. Cependant, vu l'importance que représente pour le dispositif
le point de contact entre les maillons et les fermetures, il est nécessaire
que ces éléments soient décrits. De là, l'importance d'inclure à la
revendication la description de la forme du maillon rectangulaire ainsi que
celle de la fermeture rectangulaire plate recourbée en arc. Nos commentaires
s'appliquent également aux revendications dépendantes 2 et 3.
Une autre distinction doit être établie entre l'invention du demandeur
et celle qui fait l'objet du brevet français. Dans la première, la
chaîne entière est constituée d'un agencement de maillons spéciaux tels
ceux qui font l'objet de la présente demande. Quant à la deuxième
invention, elle ne vise que le remplacement de maillons brisés, de sorte
que les maillons n'apparaissent que dans certaines parties isolées de la
chaîne. Conséquemment le résultat obtenu dans les deux cas est différent.
La Commission est convaincue qu'il y a ici preuve d'innovation, résultat
évident de méditation et de recherches. Ce qui dès lors justifie la
délivrance d'un brevet. (Voir Crossley Radio Corporation vs. La Compagnie
Générale Electrique du Canada (1936) R.C.S. 551 à 556).
Par conséquent la Commission recommande que la décision portant le refus
de l'Examinateur soit annulée et que les revendications de la demande soient
modifiées selon les indications susmentionnées.
Le Président de la
Commission d'appel des brevets,
G.A. Asher
Je souscris aux constatations de la Commission d'appel des brevets et infirme
la décision finale. Je retourne la demande à l'Examinateur pour la reprise
de l'instruction.
Telle est ma décision,
Le Commissaire des brevets
A.M. Laidlaw
Fait et signé à Hull Québec Mandataire du demandeur
12 29 juillet 1975
Alan Swabey & Co.
1117, rue Ste Catherine Ouest
Montréal, P.Q.