DECISION DU COMMISSAIRE
JUSTESSE DE LA DIVULGATION; REVENDICATION: Agents de vulcanisation
du caoutchouc.
Lorsque tous les membres d'une revendication chimique générique n'ont pas été
préparés et essayés, l'étendue de la revendication générique qui peut être
acceptée dépend de ce que l'on peut prédire de façon raisonnable à partir de
la divulgation elle-même, des composés réels qui ont été préparés et essayés,
de la nature de l'invention et de l'état antérieur de la technique. Les
revendications qui sont manifestement spéculatives doivent être refusées.
Etant donné que la revendication générique est trop étendue, une restriction
la rendrait acceptable. Une seconde revendication relative aux 126 espèces
énumérées a été refusée, parce que la divulgation n'étayait suffisamment que
trois espèces. Le reste n'avait jamais été réalisé, lorsque la demande a été
déposée. Il convient de faire une distinction entre les revendications génériques
et celles ayant trait aux espèces. On a tenu compte du règlement 25.
DECISION FINALE: Confirmée
En vertu de l'article 46(5) du Règlement régissant les brevets, la société
Monsanto a demandé une révision de sa demande no 095,945 (classe 260/315.05)
en raison du refus définitif dont elle a fait l'objet. La pétition qui a été
déposée, le 19 octobre 1970, déclare que les inventeurs sont A.Y. Coran et
J.E. Kerwood. L'invention a poux titre "Vulcanisation prématurée inhibitrice
de caoutchoucs diéniques". MM. McFadden, Fincham, Zerbz, Trivett et Coran
représentaient le requérant à l'audience tenue le 7 octobre 1974.
Lors du rejet définitif, deux séries de revendications (1 à 8) et (9 et 16)
ont été refusées, mais l'examinateur a par la suite retiré ses objections
relatives aux revendications 1-8. Par conséquent, la Commission n'a eu qu'à
examiner le rejet des revendications 9 et 16. Les motifs de leur rejet
n'avaient pratiquement aucun rapport avec les objections qui avaient été
formulées relativement aux revendications 1-8 et il n'était point nécessaire
d'examiner soi les motifs concernant le refus des revendications 1 à 8, soit
les raisons pour lesquelles ces objections ont été retirées par la suite.
Les revendications 9 et 16 ont été refusées en vertu de l'article 36 de la
Loi sur les brevets et du règlement 25, parce qu'elles étaient trop étendues,
et que l'objet même de ces revendications dépassait le cadre de ce qui a été
invente. Le requérant y a revendiqué en effet certains composés chimiques à
employer en tant qu'agents de vulcanisation du caoutchouc. Le dossier indique
que le requérait n'a effectivement préparé que trois de ces composés avant
le dépôt de la demande (d'autres ont été préparés plus tard), mais ses
revendications englobent de nombreux composés et énumèrent spécifiquement
126 espèces. La Commission doit en effet déterminer si le réquérant est
autorisé à revendiquer l'invention de façon si étendue.
Les revendications refusées sont indiquées ci-après. La structure chimique
des sulfénimides que ces revendications englobent est peu importante par
rapport à la question devant faire l'objet d'une décision.
Revendication 9:
un composé de formule
R'-S-R-S-R'
dans lequel R contient de:1 à 8, atomes de carbone et est alcène, arylène
ou cycloalcène et R' est un radical imido.
Revendication 16:
le produit de la revendication 9 dans laquelle le composé di-imido
est choisi à partir du groupe constitué de:
1,4-bis(N-thio-5,5-diméthylhydantoine)benzène
1,4-bis(N-thio-5,5-diméthylhydantoine)nitrobenzène
1,4-bis(N-thio-5,5-diméthylhydantoine)toluène
1,1-bis(N-thiohexahydrophthalimido)méthane
1,2-bis(N-thiohexahydrophthalimido)éthane
1,3-bis(N-thiohexahydrophthalimido)propane
1,2-bis(N-thiohexahydrophthalimido)isopropane
1,4-bis(N-thiohexahydrophthalimido)butane
1,3-bis(N-thiohexahydrophthalimido)isobutane
1,5-bis(N-thiohexahydrophthalimido)pentane
1,7-bis(N-thiohexahydrophthalimido)hexane
1,7-bis(N-thiohexahydrophthalimido)heptane
1,8-bis(N-thiohexahydrophthalimido)octane
1,4-bis(N-thiohexahydrophthalimido)cylohexane
1,4-bis(N-thiolexahydrophthalimido)benzène
1,4-bis(N-thiohexahydrophthalimido)nitrobenzène
1,4-bis(N-thiohexahydrophthalimido)toluène
1,3-bis(2-thiophthalimido)-3-isobutane
1,5-bis(2-thiophthalimido)pentane
1,6-bis(2-thiophthalimido)hexane
1,7-bis(2-thiophthalimido)heptane
1,8-bis(2-thiophthalimido)octane
1,4-bis(2-thiophthalimido)cyclohexane
1,4-bis(2-thiophthalimido)benzène
1,4-bis(2-thiophthalimido)nitrobenzene
1,4-bis(2-thiophthalimido)toluène
1,1-bis(2-thiosuccinimido)méthane
1,2-bis(2-thiosuccinimido)éthane
1,3-bis(2-thiosuccinimido)propane
1,2-bis(2-thiosuccinimido)isopropane
1,4-bis(2-thiosuccinimido)butane
1,3-bis(2-thiosuccinimido)-3-isobutane
1,5-bis(2-thiosuccinimido)pentane
1,6-bis(2-thiosuccinimido) hexane
1,7-bis(2-thiosuccinimido)heptane
1,8-bis(2-thiosuccinimido)octane
1,4-bis(2-thiosuccinimido)cyclohexane
1,4-bis(2-thiosuccinimido)benzène
1,4-bis(2-thiosuccinimido)benzène
1,4-bis(2-thiosuccinimido)nitrobenzène
1,4-bis(2-thiosuccinimido)toluène
1,1-bis(2-thioglutarimido)méthane
1,2-bis(2-thioglutarimido)éthane
1,2-bis(2-thioglutarimido)éthane
1,3-bis(2-thioglutarimido)propane
1,2-bis(2-thioglutarimido)isopropane
1,4-bis(2-thioglutarimido)butane
1,3-bis(2-thioglutarimido)-3-isobutane
1,5-bis(2-thioglutarimido)pentane
1,6-bis(2-thioglutarimido)hexane
1,7-bis(2-thioglutarimido)heptane
1,8 bis(2-thioglutarimido)octane
1,4-bis(2-thioglutarimido)cyclohexane
1,4-bis(2-thioglutarimido)benzène
1,4-bis(2-thioglutarimido)nitrobenzène
1,4-bis(2-thioglutarimido)toluène
1,1-bis(2-thiomaleimido)méthane
1,2-bis(2-thiomaleimido)éthane
1,3-bis(2-thiomaleimido)propane
1,2-bis(2-thiomaleimido)isopropane
1,4-bis(2-thiomaleimido)butane
1,3-bis(2-thiomaleimido)-3-isobutane
1,5-bis(2-thiomaleimido)pentane
1,6-bis(2-thiomaleimido)hexane
1,7-bis(2-thiomaleimido)heptane
1,8-bis(2-thiomaleimido)octane
1,4-bis (2-thiomaleimido)cyclohexane
1,4-bis(2-thiomaleimido)benzène
1,4-bis(2-thiomaleimido)nitrobenzène
1,4-bis(2-thiomaleimido)toluène
1,1-bis(2-thionaphthalimido)méthane
1,2-bis(2-thionaphthalimido)éthane
1,3-bis(2-thionaphthalimido)propane
1,2-bis(2-thionaphthalimido)isopropane
1,4-bis(7-thionaphthalimido)butane
1,3-bis(2-thionaphthalimido)-3-isobutane
1,5-bis(2-thionaphtalimido)pentane
1,6-bis(2-thionaphthalimido)hexane
1,7-bis(2-thionaphthalimido)heptane
1,8-bis(2-thionaphthalimido)octane
1,4-bis(2-thionaphthalimido)cyclohexane
1,4-bis(2-thionaphthalimido)benzène
1,4-bis(2-thionaphthalimido)nitrobenzène
1,4-bis(2-thionaphthalimido)toluène
1,1-bis(N-thio-4-cyclohexene-1,2-dicarboximido)méthane
1,2-bis(N-thio-4-cyclohexene-1,2-dicarboximido)éthane
1,3-bis(N-thio-4-cyclohexene-1,2-dicarboximido)propane
1,2-bis(N-thio-4-cyclohexene-1,2-dicarboximido)isopropane
1,4-bis(N-thio-4-cyclohexene-1,2-dicarboximido)butane
1,3-bis(N-thio-4-cyclohexene-1,2-dicarboximido)-3-isobutane
1,5-bis(N-thio-4-cyclohexene-1,2-dicarboximido)pentane
1,6-bis(N-thio-4-cyclohexene-1,2-dicarboximido)hexane
1,7-bis(N-thio-4-cyclohexene-1,2-dicarboximido)heptane
1,8-bis(N-thio-4-cyclohexene-1,2-dicarboximido)actane
1,4-bis(N-thio-4-cyclohexene-1,2-dicarboximido)cyclohexane
1,4-bis(N-thio-4-cyclohexene-1,2-dicarboximido)benzène
1,4-bis(N-thio-4-cyclohexene-1,2-dicarboximido)nitrobenzène
1,4-bis(N-thio-4-cyclohexene-1,2-dicarboximido)toluène
1,1-bix(N-thio-1,4,5,6,7,7-hexachlorobicyclo(2.2.1)hept-5 ène-
2,3-dicarboximido)methane
1,2-bis(N-thio-1,4,5,6,7,7-hexachlorobicyclo(2.2.1)hept-5 ène-
2,3-dicarboximido)éthane
1,3-bis(N-thio-1,4,5,6,7,7-hexachlorobicyclo(2.2.1)hept-5-ène-
2,3-dicarboximido)propane
1,2-bis(N-thio-1,4,5,6,7,7-hexachlorobicyclo(2.2.1)hept-5 ène-
2,3-dicarboximido)isopropane
1,4-bis(N-thio-1,4,5,6,7,7-hexachlorobicyclo(2.2.1)hept-5 ène-
2,3,-dicarboximido)butane
1,3-bis(N-thio-1,4,5,6,7,70hexachlorobicyclo(2.2,1)hept-5-ène-
2,3-dicarboximido)-3-isobutane
1,5-bis(N-thio-1,4,5,6,7,70hexachlorobicyclo(2.2.1)hept-5 ène-
2,3-dicarboximido)pentane
1,6-bis(N-thio-1,4,5,6,7,7-hexachlorobicyclo(2.2.1)hept-5-ène-
2,3-dicarboximido)hexane
1,7-bis(N-thio-1,4,5,6,7,7-hexachlorobicyclo(2.2.1)hept-5 ène-
2,3-dicarboximido)heptane
1,8-bis(N-thio-1,4,5,6,7,7-hexachlorobicyclo(2.2.1)hept-5-ène-
2,3-dicarboximido)octane
1,4-bis(N-thio-1,4,5,6,7,7-hexachlorobicyclo(2.2.1)hept-5 ène-
2,3-dicarboximido)cyclohexane
1,4-bis(N-thio-1,4,5,6,7,7-hexachlorobicyclo(2.2.1)hept-5-ène-
2,3-dicarboximido)benzene
1,4-bis(N-thio-1,4,5,6,7,7-hexachlorobicyclo(2.2.1)hept-5-ène-
2,3-dicarboximido)nitrobenzene
1,4-bis(N-thio-1,4,5,6,7,7-hexachlorobicyclo(2.2.1)hept-5-ène-
2,3-dicarboximido)toluene
1,1-bis(N-thio-5,5-dimethylhydantoin)méthane
1,2-bis(N-thio-5,5-dimethylhydantoin)éthane
1,3-bis(N-thio-5,5-dimethlyhydantoin)propane
1,2-bis(N-thio-5,5-dimethylhydantoin)isopropane
1,4-bis(N-thio-5,5-dimethylhydantoin)butane
1,3-bis(N-thio-5,5-dimethylhydantoin)isobutane
1,5-bis(N-thio-5,5-dimethylhydantoin)pentane
1,6-bis(N-thio-5,5-dimethylhydantoin)hexane
1,7-bis(N-thio-5,5-dimethylhydantoin)heptane
1,8-bis(N-thio-5,5-dimethylhydantoin)octane
1,4-bis(N-thio-5,5-dimethylhydantoin)cyclohexane
1,1-bis(2-thiophthalimido)méthane
1,2-bis(2-thiophthalimido)éthane
1,3-bis(3-thiophthalimido)propane
1,2-bis(2-thiophthalimido)isopropane and
1,3-bis(2-thiophthalimido)butane.
La raison invoquée par l'examinateur pour refuser les revendications 9 et 16
a été présentée brièvement de la manière suivante:
Ces revendications touchant un produit sont beaucoup trop larges,
compte tenu de la divulgation qui ne révèle que la préparation de
trois des composés faisant l'objet d'une revendication. La
revendication 16 touchant un produit vise 126 espèces en tout; elles
sont énumérées dans la divulgation. Comme il a été précédemment
mentionné, seule la préparation de trois de ces espèces est illustrée
par des exemples et comporte une constante physique (point de fusion)
et des analyses élémentaires (pour deux espèces seulement). Il
n'existe aucun moyen de prouver que toutes ces espèces ont été
préparées, car il n'y a aucune méthode de préparation, aucune
constante physique, ni aucun résultat d'analyses élémentaires. Les
revendications doivent être étayées de façon satisfaisante par le
divulgation (Règlement 25 de la Loi sur les brevets) et, lorsque 126
espèces sent revendiquées dans la revendication large touchant un
produit, lai divulgation exacte de la préparation de trois espèces
seulement n'est pas suffisante. L'invention revendiquée est loin
d'être entièrement décrite, et cela est contraire au Règlement 25
de la Loi sur les brevets. L'illustration par des exemples de trois
composés ne suffit certainement pas a étayer la vaste portée de l'objet
qu'englobent ces revendications et n'autorise pas le requérant à
monopoliser le nombre considérable de composés dont traitent ces
revendications. Pour appuyer des revendications relatives à un groupe
imposant de composés, le mémoire détaillé doit expliquer, par des
exemples et avec une certitude raisonnable que l'on peut préparer
tous les membres du groupe en se servant du procédé de préparation
divulgué, et qu'ils ont la même utilité (vulcanisation prématurée
inhibitrice) sur laquelle se fonde leur caractère brevetable. En
effet, les revendications larges touchant un produit doivent être
étayées de façon satisfaisante à l'aide d'un nombre suffisant d'exemples.
Un produit ou une espèce spécifiés, qui ne sont ni décrits, ni illustrés
par des exemples précis dans le mémoire détiallé, ne peuvent faire l'objet
d'une revendication. La portée des revendications 9 et 16 touchant un
produit doit être restreinte à ce qui est étayé de façon satisfaisante
par la divulgation.
Dans sa présentation écrite (réponse du 9 juillet 1974), le requérant examine
le rejet des revendications 9 et 16 commençant à la page 41. Y figurent, entre
autres, les points suivants:
Les composés cités dans la revendication 16 sont mentionnés
de façon précise dans la divulgation a la ligne 26 ainsi qu'aux
lignes suivantes de la page 4, y compris des exemples de ce cas.
`
Par conséquent, il n'y a aucun doute que les revendications
9 et 16 sont étayées dans la divulgation. Dans la présentation
du requérant, cela seul établit clairement que les revendications
9 et 16 sont ainsi entièrement étayées par la divulgation et,
plus encore, comme on pourra le constater à partir de la
divulgation, et précisément à la page 4 et aux pages suivantes,
la divulgation décrit clairement les caractéristiques des
revendications 9 et 16 dans leur totalité.
et: le présent amendement comporte en annexe un affidavit de l'un des
co-auteurs de la présente demande ainsi qu'un affidavit de M. Chester
Trivette qui demande respecteusement de l'inscrire comme faisant
partie de l'actuelle présentation. Quant aux déclarations sous
serment faites par ces auteurs d'affidavits, on attire respectueusement
l'attention sur celles de M. Trivette qui est un chimiste organique
compétent et qui serait, à notre avis, classé comme étant "une
personne versée dans l'art ou la science dont relève l'invention".
Dans son affidavit, M. Trivette a déclaré que, selon lui, et en tant
que chimiste organique compétent, il serait en mesure de faire la
préparation de chaque composé des revendications 9 et 16, relatives à
un produit, en se fondant sur les instructions fournies dans la
présente demande, avec les aptitudes ordinaires et courantes qu'un
homme du métier aurait, et qu'il a en fait.
et: le Règlement 25, à notre avis, doit être lu de concert avec l'article
36(1) de la Loi sur les brevets, qui se lit en partie comme suit:
Dans le mémoire descriptif, le demandeur doit
décrire d'une façon exacte et complète l'invention et
son exploitation... telles que les a conçues l'inventeur
et exposer clairement les diverses phases d'un procédé...
dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui
permettent à toute personne versée dans l'art ou la
science dont relève l'invention, ...de confectionner, de
construire, composer ou utiliser l'objet de l'invention...
Par conséquent, compte tenu des remarques de l'examinateur et de la
déclaration particulière voulant que "le mémoire détaillé doit
illustrer avec une certitude raisonnable que tous les membres du
groupe peuvent être préparés à l'aide du procédé divulgué", la
question réelle qui se pose est de savoir si le mémoire détaillé de
la présente demande répond aux exigences de l'article 36(1) et
l'affidavit de M. C. Trivette, chimiste organique, versé dans cette
technique, répond entièrement à cette question.
et: en rejetait les revendications 9 et 16 relatives à un produit,
l'examinateur a également déclaré dans la décision officielle que
les membres du groupe non seulement doivent être à même d'être
préparés à l'aide du procédé divulgué, mais encore qu'ils doivent
avoir "la même utilité... sur laquelle se fonde leur caractère
brevetable". A cet effet, on attire respectueusement l'attention
sur les deux affidavits présentés, dans lesquels les auteurs ont
déclaré sous serment que l'utilité non prévue des membres qui ont
été soumis à des essais, et qui appartiennent à la classe de composés
divulgués aux lignes 19 ainsi qu'aux lignes suivantes de la page 4,
et ceux des revendications 9 et 16, à leur avis et en tant que personnes
versées dans cette technique, permet en définitive de faire une prédiction
judicieuse voulant que l'ensemble ou la majorité des membres de la classe
de composés possèdent l'utilité. Ainsi, non seulement la classe
entière de composés peut-elle être préparée selon les
déclarations sous serment des auteurs des affidavits,
mais également chacun d'eux a clairement, et de façon
absolue, affirmé sous serment et déclaré que l'on pourrait
s'attendre que la classe possède l'utilité, comme cela a été
divulgué dans la présente demande et étayé par les exemples
donnés dans le présent cas.
et: en outre, l'article 36(1) indique clairement, et c'est établi
par une mesure législative, qu'un requérant n'est nullement tenu
de décrire plus d'une incorporation, qui peut être une illustration
par des exemples d'une invention d'une portée plus grande que
ce qui a été revendiqué.
Il s'est également basé sur des précédents, comme dans le cas de Scragg contre
Leesona (1964) R.C.E. 649 à 747; American Cyanamid contre Frosst (1965) 2 R.C.E.
355 à 435; B.V.D. contre Canadien Celanese (1936) R.C.E. 139 et (1937) R.C.S. 221
et 411; Minerals Separation contre Noranda Mines (1947) R.C.E. 306, (1950) R.C.S.
36 et 69 R.C.B. 81; British Dynamite contre Krebs (1896) 13 R.C.B. 190; Leonhardt
contre Kallé (1895) 12 R.C.B. 103; Edison contre Woodhouse (1887) 4 R.C.B. 99,
Hopkinson contre St. James (1893) 10 R.C.B. 46; et certaines décisions précédentes
du Commissaire des brevets. Il a présenté des affidavits d'experts en la matière
pour montrer que, ue leur point de vue, des chimistes compétents auraient reçu
des directives appropriées du mémoire détaillé de sorte qu'ils apraient pu
préparer tous les composés dont traite la revendication, et pour suggérer en
outre que l'utilité des composés leur aurait été également évidente. A l'audience,
ces conclusions ont été reconfirmées par les deux auteurs d'affidavits qui
étaient présents, bien qu'ils aient déclaré, en réponse, aux questions qui leur
ont été posées, qu'aucun des composés (hormis les trois qui ont été décrits
dans la demande) n'avait été effectivement préparé avant le dépôt de la demande.
La jurisprudence sur laquelle s'est basé le requérant souligne en effet qu'un
mémoire détaillé sera suffisant s'il renferme des directives permettant à une
personne possédant des connaissances et des aptitudes raisonnables, quant au
sujet, de réaliser l'invention décrite sans faire appel à une autre invention.
Compte tenu de cette restriction, un essai ou une expérience peut s'avérer
nécessaire et une divulgation d'une seule incorporation de l'invention peut
suffire. Dans la décision relative au litige opposant Leonhardt à Kallé, et
qui a trait à la chimie, on soutient que,
dans une revendication pour un procédé, un réactif de réduction employé dans
le procédé peut être défini de façon extensive lorsque, le requérant a signalé
de "nombreux" agents de réduction qui agissent effectivement. Le requérant à
déclaré que dans deux des décisions, à savoir celle relative à la cause opposant
Edison à Woodhouse et celle qu'il a mentionnée comme étant le cas de la Electric
Light Co., que nous croyons être le litige opposant Hopkinson à St. James et à
Pall Mall Electric Light (1893) 10 R.C.B. 46, on soutient "que si un homme du
métier atteste que le mémoire détaillé constitue un guide suffisant pour lui,
un tribunal ne peut soutenir le contraire". A notre avis, il y a de l'exagération
là--dedans, car la proposition serait formulée de façon plus exacte si elle alléguait
qu'un tribunal est "autorisé à tenir compte des avis des experts cités comme témoins
devant lui" (Hopkinson, p. 59) et, bien qu'il puisse considérer ces avis convaincants,
il doit néanmoins exercer son propre jugement sous ce rapport.
Nous ajoutons à la jurisprudence, sur laquelle s'est basé le requérant, les
récentes trouvailles de la Cour suprême du Canada dans l'affaire opposant
Burton Parsons Chemicals à Hew-Packard, dont le compte rendu a été fait
dans 17 R.C.B. (2d) partie 2, avril 1975, 97ff. En examinant si les revendications
de Burton Passons depa-saient le cadre même de l'invention, le juge Pigeon a fait
les remarques salivantes:
Bien que l'interprétation d'un brevet, comme celle de tout autre
document juridique, soit du ressort du tribunal, elle doit
toutefois être fondée sur le fait que le destinataire est un
homme du métier dont il faut tenir compte des connaissances,
qu'il doit posséder (p. 104).
et, il ajoute plus loin:
La preuve indique clairement que cela était évident pour n'importe
quel homme du métier, parce que les caractéristiques des émulsions
convenables et des sels appropriés étaient bien connues.
A partir de cela, il va sans dire qu'il faut tenir compte de ce que des hommes
du métier tireraient d'une divulgation. Nous employons le mot "hommes" au
pluriel à dessein. Il est bien connu que des experts parviennent à des
conclusions divergentes. Les comptes rendus de causes concernant des brevets
sont remplis de pareilles contradictions, et il peut bien être imprudent de
trop se fier aux avis de N,importe quel "homme du métier", ou même de plusieurs
"hommes du métier". I1 convient d'apprécier quels seraient "en général" les
avis d'hommes du métier. Lorsqu'il ne s'agissait que d'une divergence d'opinion
parmi les experts (Travers Investment contre Union Carbide (1965) 2 R.C.E. 126 à
143), le juge Gibson à fait remarquer à ce propos.. ce qui suit:
Les experts ne peuvent que peser les probabilités en se fondant sur leur
formation et leur expérience, et faire les meilleures prédictions éclairées,
mais le critère juridique habituel de la preuve, c'est-à-dire
ce qui est plus probable qu'improbable, ou comme cela est
parfois formulé, la prépondérance de la preuve croyable, est
du tribunal.
Nous concluons donc que la divulgation fournit suffisamment de directives pour
qu'un chimiste competent puisse préparer les composés à l'aide de méthodes
connues précédemment dans la technique. Nous admettons également que la
divulgation a mentionné tous les composés dont traite la revendication 16. Il
appartient toutefois, à la Commission, de résoudre un problème plus difficile,
soit celui d'évaluer si les revendications refusées sont trop larges, en ce
sens qu'elles dépassent la portée même de l'invention. Nous nous intéressons à
des questions comme "la revendication spéculative'' et "les inventions sur papier".
Le requérant a repoudu aux exigences de l'article 36, en ce sens qu'il a décrit
entièrement quelque chose, mais est-ce son invention qu'il a décrite? Nous
devons maintenant déterminer si le requérant a achevé l'invention de façon
suffisamment détaillée que l'on puisse dire raisonnablement qu'il a inventé
tous les composés dies deux revendications.
L'objection voulant qu'une revendication est trop large, parce qu'elle couvre
des domaines inconnus et inexplorés où l'on ne peut prédire l'applicabilité de
l'invention et où d'autres expériences inventives seraient nécessaires, se
produit le plus souvent dans le domaine de la chimie, car comme il a été reconnu,
"il n'existe aucune prévision en chimie" (Chipman Chemicals contre Fairview
Chemical 1932 R.C.E. 107 à 115). Bien que cela puisse être une exagération, elle
indique néanmoins la précaution spéciale à prendre en cas d'extrapolation en
chimie. Etant donné que les revendications sont incomplètes si elles sont
spéculatives, il y a d'importantes restrictions quant au droit d'un inventeur à
revendiquer une généralisation à partir de sa divulgation. Nous nous reportons
maintenant à la jurisprudence qui examine pareilles questions.
Dans l'affaire Hoechst contre Gilbert (1966) R.C.S. 189, qui a trait à la
chimie, et dans laquelle certains médicaments ont fait l'objet d'une revendication,
la Cour suprême du Canada s'est prononcée (à la page 194) contre une revendication
excessive en ces termes:
En contestant la validité des brevets en question, l'avocat des
défendeurs a présenté son cas en faisant valoir que personne
ne peut obtenir un brevet valide pour une hypothèse non prouvée
et non soumise à des essais dans un domaine inexploré. C'est
ce que l'appelant a essayé de faire dans la revendication 1 de
chacun des brevets. Il a essayé d'englober, selon les mots mêmes
de Thurlow J., "chaque groupement sulphonyle mathématiquement
concevable de la classe " et a, par conséquent, formulé une
revendication d'une portée trop vaste et, ce faisant, a entraîné
la nullité de la revendication 1 de chaque brevet.
Ce point a également été examiné dans l'affaire Rhône-Poulenc contre Gilbert
(1968) R.C.S,. 950 à 953.
Dans l'affaire Steel Co. of Canada contre Sivaco Wire and Nail, 11 R.C.B. (2d)
153 à 195, nous trouvons l'expression "simples suggestions sur papier" appliquée
à des brevets pour des inventions qui n'ont pas été mises au point.
Dans l'affaire B.V.D. contre Canadian Celanese (1936) R.C.E. 139 à 148, il est
exposé que, avant de se fier à un brevet antérieur pour anticiper un brevet
ultérieur, "il convient de démontrer que l'invention a été présentée au public
de sorte qu'aucune autre personne ne puisse la revnediquer comme étant sa propre
invention. Et un perfectionnement, revendiqué comme étant une invention, ne doit
pas être écarté conune étant non brevetable simplement en raison d'une vague
esquisse dudit perfectionnement dans la technique antérieure". A notre avis,
une conséquence à tirer de cela, qui doit être également valide, est qu'un
titulaire d'un brevet préalable ne devrait être autorisé à revendiquer une
invention dont il peut avoir établi les grandes lignes, ou qu'il peut avoir
annoncée sans l'avoir réalisée. La Cour suprême (1936) R.C.S. 221 à 237 a
jugé le brevet de la B.V.D. invalide parce que "les revendications dépassent
effectivement de beaucoup l'invention".
Dans l'affaire Boehringer Sohn contre Bell Craig, 1962 R.C.E. 201, nous
trouvons ce qui suit:
...un brevet visant à octroyer une propriété exclusive pour
quelque chose dépassant ce que l'inventeur a réalisé est
également contraire à ce qu'autorise le réglement...(p. 239)
et ...un brevet qui comprend, dans son mémoire détaillé, une
revendication qui dépasse ce que l'inventeur a créé, et qui
vise à octroyer une propriété exclusive pour quelque chose
dépassant ce que l'inventeur a réalisé et, du moins dans la
mesure où il s'agit de cette revendication, le brevet, à
mon avis, n'est pas accordé en vertu de pouvoir du règlement
et, par conséquent, n'est pas obtenu légalement. ...une
revendication qui n'est pas valide parce qu'elle dépasse
l'objet même de ce que l'inventeur a créé doit être refusée,
et son existence, comme le définit l'octroi d'un droit de
propriéfé, ne doit pas être reconnue comme ayant une valeur
ou un effet quelconque (p. 241).
Le juge Thurlow a trouvé que la revendication en cause était trop vaste, parce
qu'elle englobait un grand nombre de substances dont seulement un nombre
restreint avait été préparé.
La Cour suprême (1963 R.C.S. 410 à 412) a appuyé ses conclusions. L'affaire
concernant Boehringer Sohn comportait, en effet, des substances pharmacologiques
dont les propriétés pouvaient être mème moins sujettes à des prédictions que
d'autres substances chimiques, et le groupe de composés revendiqués était
extrêmement vast. On est parvenu à des conclusions similaires dans des cas
comparables, comme dans l'affaire opposant Hoechst à Gilbert (1964) volume 1,
R.C.E. 710 et 1966 R.C.S. 189, dans lequel cas on a eu la preuve que quelque
700 membres de la classe avaient été synthétisés, et dans l'affaire May and
Baker (1948) 65 R.C.B. 255, (1949) 66 R.C.B. 8 et (1950) 67 R.C.B. 23. La
Cour suprême, dans la décision touchant Hoechst, a adopté le point de vue
selon lequel "personne ne pouvait obtenir un brevet valide pour une hypothèse
non prouvée et non soumise à des essais dans un domaine non exploré". Il a
également été question des dangers d'une revendication excessive dans l'affaire
de la Société Rhône-Poulenc contre Ciba (1967) 35 R.C.B. 174 à 201-205
et 1968 R.C.S. 950, dans lequel cas une revendication large a été jugée non
valide parce que personne n'avait jamais réalisé ou essayé la majeure partie des
substances de la classe.
Des objections de cette nature ne se limitent cependant pas à des inventions
pharmaceutiques, ni même chimiques. Dans l'affaire d'Abraham Esau et autres
(1936) 49 R.C.B. 85, il a été exposé ce qui suit d'un dispositif électrique:
Je crois du'il est très souhaitable que des titulaires de brevets
se rendent compte, en pareils cas, que l'Office des brevets n'a
pas l'habitude d'admettre des revendications vastes et indéterminées
de nature spéculative et que, s'ils incluent pareilles revendications
dans leur mémoire détaillé, ils doivent s'attendre qu'elles soient
refusées, à moins qu'ils ne soient en mesure de fournir une description
suffisamment détaillée et complète pour les étayer.
Dans l'affaire de la Shell Development, 64 R.C.B. 151, les circonstances
étaient comparables à ce dont nous sommes saisis actuellement. La demande
comportait un procédé de séparation de mélanges organiques au moyen de
solvants sulfolanes. Les dix exemples détaillés avaient trait à des séparations
où les mélanges organiques étaient tous des hydrocarbures et, bien qu'il n'y
eût aucune description détaillée de procédés comportant un autre mélanges
autres que des hydrocarbures. Le Tribunal des brevets, ayant jugé la revendication
trop large, a déclaré ce qui suit:
A mon avis, il suffit de dire que le mémoire détaillé établit
ce qui suit premièrement, l'état antérieur de la technique
consiste à séparer des mélanges organiques à l'aide de salvants
bien connus; deuxièmement, le niveau jusqu'où le domaine, c'est-à-dire
la séparation des mélanges organiques à l'aide de solvants, a été exploré
ne figure pas à première vue dans le mémoire détaillé, mais après
avoir bien pris connaissance du contenu de document, je suis convaincu
qu'il ne soutient pas, en présentant la question sous en jour favorable,
que le domaine a été exploré dans sa totalité; troisièmement, la
revendication des requérants, voulant que l'emploi de leurs solvants
sulfolanes, dont ils fournissent ttne liste dépassant la centaine dans
le mémoire détaillé, donne des résultats qui se comparent avantageusement
à d'autres solvants jusqu'ici employés; quatrièmement, les requérants
indiquent clairement que les méthodes d'utilisation de leurs solvants
sulfolanes sent celles qui sont déjà bien connues par rapport à l'état
antérieur de la technique; cinquièmement, les requérants dans leur mémoire
détaillé fournissent des détails sur dix expériences, qui se rapportent
toutes à des hydrocarbures. C'est plutôt, à mon avis, une bonne lecture
du mémoire descriptif qui révèle que l'effet des solvants sulfolanes a été
exploré par les requérants, principalement en ce qui a trait aux hydrocarbures.
Il est vrai qu'à la page 4 du mémoire descriptif d'autres exemples de
composés organiques sont mentionnés qui, spécifie-t-on, "peuvent être
séparés par les solvants sélectifs de cette invention"; mais, même dans
ce cas, avec l'addition de ces substances, le domaine en question n'a
été qu'efrleuré.
Voir également l'affaire de Rohm et Haas contre le Commissaire des brevets (1959)
R.C.E. 153, où des revendications ont été refusées parce qu'elles étaient trop
vastes et dépassaient l'invention réalisée, Vidal Dyes contre Lefenstein (1912)
29 R.C.B. 245 et Eastman Kodak's Application,(1970) R.C.B. 548 à 561-563.
Le problème dont nous sommes saisis n'est pas propre à la jurisprudence canadienne
ou anglaise. Il a été examiné, par exemple, dans l'affaire concernant Stokal et
autres, 113 USPQ 283 (1957).
Les problèmes pratiques, susceptibles de surgir si l'on permet de faire des
revendications spéculatives vastes, sont illustrés par les motifs qui ont
conduit à l'introduction de l'article 41 dans la Loi canadienne sur les brevets
en 1923, et de l'article 38A dans la British Patent and Design Act, en 1919.
L'article 38A visait à remédier à un abus qui a mené à la domination de la
teinturerie anglaise par des entreprises étrangères qui ont obtenu de vastes
revendicatiqns chimiques englobant des substances qu'elles n'avaient jamais
réalisées ou soumises à des essais, et qui par la suite ont utilisé ces
revendications pour restreindre l'activité de leurs concurrents (Transactions
of the Chartered Instituts of Patent Agents, vol. 62, p. 92).
A l'audience, le mandataire du requérant a indiqué qu'il présenterait un
mémoire basé sur les remarques qu'il a faites à l'audience, en exposant de
nouveau sa présentation de vive voix. Comme cela n'avait pas été fourni, la
Commission a appelé l'agent pour savoir s'il avait encore l'intention de le
faire, et sa présentation a été reçue le 15 mai 1975. Elle portait sur quelques
points supplémentaires qui n'avaient pas été examinés précédemment. L'un
de ceux-ci se raraporte au Règlement 25, qui. se lit comme suit:
25. Chaque revendication doit être pleinement étayée par la
divulgation; une revendication ne sera admissible que si la
divulgation décrit toutes les caractéristiques d'une incorporation
de l'invention, telles qu'elles sont exposées dans ladite revendication.
(soulignement ajouté)
Le personnel examinateur avait soutenu à l'audience, fait remarquer le requérant,
que ce règlement interdit la revendication de toute incorporation pour laquelle
toutes les caractéristiques (ou du moins toutes les caractéristiques principales)
n'avaient été définies dans la divulgation. En cas de revendication de nouveaux
composés chimiques, cela voudrait dire que les points de fusion et d'autres
statistiques vitales devraient être indiqués. Le requérant soutient que le
règlement 25 ne doit pas être considéré par la Commission dans le présent
contexte, étant donné qu'il s'agit d'un nouveau motif de refus qui n'a pas été
soulevé précédemment. Nous ne voyons pas cela de cette façon. Le refus a été
formulé parce que la revendication était trop large, compte tenu de la
divulgation et, à l'audience, l'examinateur a cité ainsi le règlement 25 comme
nouveau motif pour étayer cette justification (le règlement avait été mentionné,
évidemment, lors du rejet définitif). Tout comme le requérant avait apporté
de nouveaux arguments à l'audience, et cité de nouveaux points de jurisprudence
(y compris, dans sa dernière présentation, un point n'ayant pas encore fait
l'objet d'une décision à la date de l'audience), l'examinateur était justifié
d'étoffer ses arguments pour expliquer qu'il avait refusé les revendications,
parce qu'elles étaient trop larges.
Le requérant a également mentionné la décision de la Cour suprême dans l'affaire
touchant Burton Pansons, citée plus haut dans les parties de la présente décision,
établies avant la communication de sa dernière présentation. Il convient
d'appliquer, avec circonspection, toute extension des conclusions auxquelles
on est parvenu dans, l'affaire Buron Pansons au présent cas. Cette affaire
traitait de mélanges constitués de composés connus, tandis qu'ici il s'agit de
composés entièrement nouveaux n'ayant pas servi auparavant à quelque fin que
ce soit. L'invention, en ce qui a trait à Burtan Pansons, consistait à choisir
des sels connus, dont on connaissait les propriétés, et à les incorporer à
une crème électrocardiographique.
IL est beaucoup plus facile de prédire comment réagiront des composés connus
lorsque leurs propriétés sont déjà reconnues. Nous nous reportons à la page
105 de la décision:
La preuve indique clairement que cela (les sels à utiliser)
était évident à n'importe quel homme du métier, parce que les
caractéristiques des émulsions et des sels convenables étaient
bien connaes. Seule la combinaison était nouvelle. (soulignement
ajouté)
Avant de parvenir à nos conclusions, nous jugeons bon également de citer une
décision anglaise récente, soit l'affaire Olin Matheson contre Biorex (1970)
R.C.B. 157, et en particulier deux passages dont le premier est tiré des
arguments en faveur du titulaire du brevet, à la page 169:
"Inévitablement, dans pareil cas, des revendications larges seront
sujettes à des attaques, mais la question est de davoir si l'inventeur
doit se limiter aux substances réelles qu'il a éprouvées, et s'il est
autorisé à aller un peu plus loin. Le cas échéant, jusqu'à quel point?
S'il doit s'en tenir aux substances effectivement essayées, le brevet
n'aurait aucune valeur, parce que le titulaire ferait en quelque sorte
un cadeau à ceux qui voudraient profiter de ses premiers travaux
et y apporter impunément des perfectionnements. En outre, si le
titulaire du brevet n'était pas autorisé à revendiquer davantage que
ce qu'il avait essayé et vérifié comme étant utile, il n'y aurait aucun
fondement en ce qui a trait aux brevets de sélection. Autre point
important, il existe en effet une énorme différence entre la formulation
d'une revendication très vaste, dans un domaine non exploré, et celle,
comme c'est le cas ici, bien que la revendication puisse englober des
millions de composés, où le domaine a été si bien exploré par d'autres
que l'on peut se fier à lerus travaux pour faire une prédiction raison-
nable quant à l'utilité de tous les composés compris dans la revendication.
(Il convient de signaler que l'invention comportait l'insertion du
radical CF3 à la deuxième place d'une groupe bien connu et "bien exploré"
de composés déjà existants).
Le deuxième passage est extrait du jugement même, à la page 193:
Où doit-on tirer une ligne de démarcation entre une revendication
qui déborde le cadre d'une invention et une autre qui n'en dépasse
pas les limites? A mon avis, cette ligne a été convenablement tirée
par Sir Lionel lorsque, de façon très utile, il a déclaré, dans les
mots cités plus haut, que cela dépendait de la possibilité de faire
une prédictior. sûre. Si le titulaire du brevet peut faire une
prédiction sûre, et établir une revendication qui ne dépasse pas les
limites dans lesquelles la prédiction demeure sûre, alors il est
autorisé à le faire.
Ce dernier paragraphe résume ce que nous avons été en mesure d'extraire de
la jurisprudence examinée plus haut. A notre avis, un requérant doit pouvoir
formuler une revendication en termes génériques par rapport à un groupe de
substances identiques, dont il n'est pas nécessaire de les avoir toutes
préparées ou essayées; lorsqu'il serait raisonnablement opportun de faire
une prédiction au sujet du domaine couvert. Dans certains exemples ce
domaine peut être assez vaste, dans d'autres extrêmement restreint, selon l'état
général de la technique antérieure, en partie suivant la nature de l'invention
et, en partie, suivant le degré d'exploration du domaine par le requérant
lui-même. En outre, lorsque pareille exploration s'impose, il doit avoir
exploré le domaine avant le dépôt de sa demande de brevet. Sinon, l'invention
peut être qualifiée de spéculative lors du dépôt, et achevée seulement par la
suite.
En appliquant ce principe à in demande qui nous est présentée, nous n'hésitons
pas à confirmer le rejet de la revendication 9 dans sa forme actuelle. Elle
est extrêmement vaste, couver une multitude de composés et, à notre avis, dépasse
le cadre de prédiction raisonnable. Les composés dont traite in revendication
sont tout nouveaux, et nous ne sommes pas convaincus que trois exemples spécifiques
appuient suffisamment l'étendue de la revendication. La nature du radical imido R1
nécessite davantage de restrictions et une plus large définition. Elle doit se
limiter par sa structure à la classe particulière de radicaux imido divulgués qui,
l'on pourrait raisonnablement le supposer à partir de la divulgation, engendrent
les propriétés qui rendent les composés utiles en tant qu'inhibiteurs de vulcanisa-
tien. Ce que nous avons à l'esprit est quelque chose qui se compare davantage
à la portée des revendications formulées dans le brevet américain correspondant
3775428.
La revendication 16 est trop vaste pour différents motifs. En énumérant des
composés spécifiques, le requérant est censé avoir inventé ces composés spécifiques.
Il appert qu'il n'avait préparé et décrit en détail que trois d'entre eux. Il
s'agit en fait d'une revendication par rapport à quelque chose qui n'avait pas
encore été inventé. En effet, un chimiste, ou n'importe qui versé dans la
nomenclature chimique, pourrait nommer tous les composés entrant dans le cadre
de n'importe quel genre étendu. Pareil "graphite sur cellulose", ou une invention
théorique sur papier, ne justifie pas, à notre avis, un brevet et, pour ,cette
raison, nous recommandons son rejet. Cette revendication ne peut être considérée
acceptable que si l'on s'en tient aux trois composés effectivement préparés.
Bien qu'il ne soit pas vraiment nécessaire de le mentionner, le Règlement 25
fournit une preuve supplémentaire pour refuser la revendication 16. Il spécifie
qu'aucune incorporation spécifique ne doit faire l'objet d'une revendication
pour laquelle les caractéristiques n'ont pas été décrites. La jurisprudence
que nous avons examinée précédemment, notamment celle mentionnée par le requérant,
et la décision concernant Burton Parsons, établit que des revendications vastes,
sous une forme générique, sont valides (et par conséquent acceptables) dans certains
cas, lorsqu'on peut dire à juste titre qu'une invention générique a été réalisée.
Cependant, aucun d'eux n'indique, dans la mesure où nous avons pu le constater,
que des revendications peuvent être formulées à l'égard de membres particuliers
du genre qui n'ont pas été préparés. L'établissement, par le requérant, d'une
seule revendication dans laquelle il a énuméré une longue liste de composés
spécifiques ne signifie pas, à notre avis, qu'elle a une forme générique.
Nous faisons la distinction entre l'invention d'un genre et celle de membres
spécifiques de ce genre. Pareille distinction a été faite dans l'affaire May
& Baker (ci-dessus), dans celle de Boehringer-Sohn contre Bell-Craig (ci-dessus)
(voir pp. 210, 211 & 214), et dans deux décissons américaines, soit celle
relative à Newton, 163 U.S.P.Q. 34 (1969), et celle relative à Frillette, 162
U.S.P.Q. 163 (1969). La description de certains membres d'un genre peut constituer
une preuve suffisante pour permettre l'acceptation d'une revendication par rapport
au genre, bien qu'elle ne suffise pas à étayer des revendications par rapport à
d'autres espèces faisant partie de ce genre.
Nous avons également jugé utile le raisonnement employé dans une autre décision
américaine, soit celle touchant Ruschig 154 U.S.P.Q. 119 (1967), dans laquelle
on lit ce qui suit:
... Des revendication spécifiques à l'égard de composés uniques
nécessitent une divulgation raisonnablement précise à l'appui
desdites revendications et, tout en convenant avec les appelants,
comme l'a fait la Commission, que l'appellation n'est pas
essentielle, il faut plus que la divulgation d'une classe de
1000 ou 100, ou même 48 composés. Sûrement, avec le temps,
un chimiste pourrait nommer (surtout avec l'aide d'un ordinateur)
tous les 500,000 composés dans le cadre de la revendication très
large, étayée par la vaste divulgation. Cela n'étaye pas en fait
chaque composé pris individuellement, dans le cas d'une revendication
distincte.
et
... Bien que nous ne doutions absolument pas qu'une personne ...serait
capable, en utilisant le mémoire détaillé, de fabriquer (les
composés), cela s'écarte du sujet, car ia question n'est pas de
savoir si elle pourrait le faire, mais plutôt si le mémoire détaillé
lui présente ie composé, précisément, comme quelque chose que les
appelants ont en fait inventé. Nous croyons le contraire ...
Pour ces motifs, nous recommandons que le rejet des revendications 9 et 16,
dans leur forme actuelle, soit confirm.
Le Président
Commission d'appel des brevets
Gordon A. Asher
J'ai examiné les conclusions de la Commission d'appel des brevets et je me
rallie à ses recommandations. Si le requérant envisage d'interjeter appel
de la présente décision, il dispose à cet effet d'une période de six mois à
compter de la présente date (voir l'article 44 de la Loi sur les brevets).
Telle est ma décision,
Le Commissaire des brevets
A.M. Laidlaw
Fait à Hull, Québec
le 16 juin 1975
Mandataire du requérant
McFadden, Fincham & Co.
Montréal, Québec