DECISION DU COMMISSAIRE
NON EVIDENCE: Tricotage de bas-culotte.
Il a été jugé que la fabrication d'une ébauche de bas-culotte n'utilisant que le
tricotage rotatif continu représentait une amélioration brevetable par rapport
à l'invention antérieure qui utilise le tricotage rotatif continu pour les jambes
mais adopte le tricotage alternatif pour la culotte de l'ébauche du vêtement.
Les déclarations des experts indiquaient que le résultat était imprévu.
LE REJET FINAL: Modifié.
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La présente décision porte sur une demande de révision par le Commissaire des
brevets de la décision de l'examinateur du 12 juillet 1973 au sujet de la demande
038,715 (catégorie 66-91). La demande a été déposée le 24 décembre 1968 au
nom de Martin R. Johnson et al, et est intitulée "Bas-culottes et collants faits
par tricot circulaire". La Commission d'appel des brevets a tenu une audience
le 30 avril 1975 à laquelle M. G. Partington représentait le demandeur.
L'invention porte sur un vêtement destiné à couvrir la partie inférieure du
corps, soit un bas-culotte tricoté suivant une forme tubulaire d'une seule pièce
et sans couture sur toute sa longueur. Il est fabriqué à partir d'un vêtement
initial tubulaire tricoté sur une machine circulaire. Il s'agit d'un procédé
de tricotage rotatif continu allant d'une extrémité à l'autre du vêtement, après
quoi une fente est pratiquée afin de former la taille.
Dans sa décision, l'examinateur rejetait la demande parce qu'elle ne constituait
pas un progrès brevetable de la technique, compte tenu de l'antériorité qui suit:
américain 3,109,301 5 février 1963 Garrou et al
Dans sa décision, l'examinateur déclarait (en partie):
Comme on l'a fait remarquer dans la décision antérieure du
bureau, Garrou et al a essentiellement divulgué la méthode et
le produit exposés dans les revendications susmentionnées,
notamment, la fabrication d'un vêtement tricoté sans couture
dont tous les éléments sont intégralement tricotés. Le brevet
déclare que le tricotage se fait sur une machine circulaire, en
commençant par une jambe et en terminant par l'autre. A la
page 2, au début de la ligne 28, il est déclaré que "les vêtements
que l'on voit sur les dessins sont, dans leurs diverses parties,
ombrés par des lignes qui s'étendent dans le sens des côtes du
tricot". Les hachures sont ininterrompues. Ainsi, les côtes
s'étendent sur toute la longueur d'une jambe puis sur la
partie culotte et enfin sur l'autre jambe.
La technique de tricotage employée par Garrou et al pour la
fourche et le gousset de la culotte ne doit pas être considérée
comme divergeant de la méthode et du produit exposés dans
les revendications rejetées ci-dessus, comme le prétendait le
requérant. Au contraire, Garrou et al a en fait ajouté à la
méthode fondamentale du tricotage rotatif continu afin d'améliorer
la fourche et le gousset de la culotte pour son vêtement.
Tel qu'établi dans la décision antérieure du bureau l'admissibilité
des revendications 2 et 15 a été réexaminée et ces revendications
se trouaient maintenant rejetées pour manque d'invention par rapport
au brevet de Garrou et al. On estime maintenant que l'expression
"tricotage rotatif continu" bénéficiait d'une importance indue.
Comme on l'a fait remarquer prédécemment, Garrou et al divulguent
un procédé fondamental de tricotage pour un vêtement sans couture
confectionné sur une machine à tricoter circulaire. Il faut remarquer
qu'en diversifiant le nombre de rangs complets dans les pièces de la
culotte (qui sont obtenus par le tricotage alternatif), on modifie
la largeur du tissu, produisant ainsi des diminutions. Il souligne
(page 4, dernier paragraphe) que la taille et la forme peuvent changer
si l'on modifie le nombre de rangs complets ce qui laisse fortement
supposer que la forme définitive du vêtement est une question de choix.
Le breveté donne à entendre plus loin (page 5, tout le 1er paragraphe)
que l'emploi de fils extensibles ou non est aussi une question de choix.
On juge donc que le tricotage rotatif continu d'un vêtement, tel
qu'énoncé aux revendications 2 et 15, est fondamentalement inhérent
et an produit de Garrou et al. Le fait que Garrou et al ait adopté
un procédé plus raffiné et, par conséquent, plus compliqué ne signifie
pas que son procédé n'est pas facilement adaptable à une technique plus
simple si on le désire. En fait, le demandeur passe sous silence
certaines étapes du procédé de Garrou et al et, par ce moyen, obtient
une omission correspondante quant au résultat, à savoir un produit simplifié
souhaité par le demandeur.
Dans sa réponse à la décision en date des 8 et 9 janvier 1974, le demandeur
déclarait notamment:
On estime que l'examinateur se trompe également quant, dans le
même paragraphe, il déclare que les hachures, sur les dessins du
brevet, sont continues, anticipant ainsi sur la restriction revendiquée
su sujet des côtes continues. Toutes les hachûres ne sont pas
continues. De toute façon, les hachûres indiquent le sens des côtes
et ne représentent pas des lignes réelles. Dans le brevet, les côtes
ne sont pas sensées être continues puisqu'elles sont discontinues à
l'endroit du soufflet ou aux coutures 24 et 25.
L'examinateur doit encore se tromper quand il explique que Garrou
divulgue une adjonction (du tricotage alternatif?) à une méthode
fondamentale de tricotage rotatif continu. Garrou n'a simplement
pas divulgué une méthode fondamentale de tricotage rotatif
continu (pour la fabrication d'un collant ou d'un vêtement
genre bas-culotte). Garrou n'a pas davantage divulgué une
adjonction quelconque au tricotage rotatif. Avec le brevet
de Garrou, le tricotage alternatif est entrecoupé de tricotage
rotatif mais il n'y est pas ajouté.
L'examinateur doit également se tromper, en n'accordant pas
d'importance cette fois à l'expression "tricotage rotatif
continu", comme il est souligné au paragraphe 2, de la page 2
de la décision. A l'inverse de ce que croit l'examinateur, cette
locution renferme l'essence même de l'invention. Cependant,
nulle part dans la méthode de Garrou cette caractéristique n'est
divulguée ou présentée comme permettant de produire d'elle-même
un vêtement acceptable. Garrou ne divulguait qu'un vêtement
fabriqué à partir d'une combinaison de tricotage rotatif et
alternatif. Comme le suggère l'examinateur dans ce paragraphe,
il se peut que Garrou montre comment obtenir les différentes
tailles du vêtement. Toutefois, cela n'a rien de surprenant
puisqu'il s'agit de l'invention. Néamoins, on ne voit pas quel
rapport cela a avec le vêtement à taille unique du demandeur.
Au paragraphe 3 de la page 2, l'examinateur déclare que le
"tricotage rotatif continu" du vêtement est inhérent au brevet
de Garrou. C'est faux. Si quelque chose décrit l'exact
contraire, c'est bien la méthode de Garrou qui, pour obtenir
un vêtement satisfaisant, doit utiliser plus que la seule méthode
de tricotage rotatif continu. En fait, l'antériorité de Garrou
s'éloigne encore plus de l'invention de demandeur si on l'étudie
en fonction du brevet antérieur de Garrou.
Dans le même paragraphe, l'examinateur doit se tromper lorsqu'il
déclare que le demandeur a passé sous silence certaines étapes
de la méthode de Garrou, ce qui a donné comme résultat une omission
correspondante. On prétend, au contraire, que le demandeur a
remplacé les étapes non évidentes de la méthode Garrou pour obtenir
un résultat totalement nouveau, utile et inattendu.
Le but de l'invention du demandeur est essentiellement d'obtenir
un bas-culotte à taille unique et bon marché, qui soit de fabrication
extrêmement simple et par conséquent peu coûteuse. (Voir à la page
2, les lignes 21 et 28 de la divulgation.)
D'un autre côté, le but de l'invention de Garrou et al est d'améliorer
les vêtements à deux jambes, tels que les bas-culottes, dans le sens
de pouvoir changer la largeur du vêtement par l'adjonction des rangs
complets à la culotte, entre les jambes.
L'invention de Garrou est une amélioration par rapport à son brevet
américain antérieur no. 2,962,884. Les deux brevets nécessitent,
comme étant une partie essentielle à la fabrication du vêtement, une
part important de tricotage alternatif.
D'une autre part, l'invention du demandeur exige que tout le tricotage soit
rotatif.
Garrou ne cherche donc pas particulièrement à rendre son bas-culotte
bon marché; il ne s'intéresse pas au vêtement à taille unique (en
fait, il vise davantage le contraire), pas plus qu'au vêtement simple
et bon marché, car autrement il ne passerait pas constamment d'une
méthode de tricotage à une autre. Ces changements sont une perte de
temps et d'argent. Au contraire, il cherche à confectionner des bas-
culottes sans couture et à diminutions, qui puissent être fabriqués
en différentes tailles.
Le brevet de Garrou porte sur un vêtement destiné à couvrir le bas du corps
et les jambes, et fait en tricot sans couture, comme des collants, ainsi que
sur une méthode de fabrication. Elle consiste à tricoter l'ébauche du
vêtement en forme de tube sur une machine à tricoter, les jambes étant faites
par tricotage rotatif continu et gousset et la culotte par tricotage alternatif.
Quand la pièce est terminée, on pratique une fente pour la taille, l'utilisation
du tricotage alternatif au niveau de la culotte permet de faire des "diminutions "
afin que le vêtement puisse s'adapter à de nombreuses formes et tailles. Le
revendication 1 du brevet de Garrou se lisait comme suit:
Un bas- culo-te ou un article semblable tricoté sans couture,
comprenant deux jambes tubulaires sans couture, de longueur
essentiellement égale, avec des prolongements confectionnés
en tricot d'une seule pièce au-dessus de chacune desdites
jambes tubulaires, et un gousset confectionné en tricot d'une
seule pièce et relié auxdites jambes tubulaires sans couture
et auxdits prolongements, ledit gousset ayant une partie
centrale se prolongeant entre lesdites jambes tubulaires sans
couture et délimitant la fourche.
Comme il est déclaré ci-dessus, la présente demande porte sur un bas-culotte
comprenant la partie supérieure de la culotte qui s'adapte à la taille et au
bassin, et deux jambes tricotées, rattachées intégralement à la culotte. Pour
le fabriquer, il s'agit de tricoter l'ébauche du vêtement sur une machine
circulaire, suivant un mouvement rotatif et continu, en allant d'une extrémité
à l'autre. On pratique une ouverture dans la partie médiane afin de former
la taille. Le vêtement est alors soumis à "un traitement de relâchement à la
chaleur et à l'humidité qui développe l'élasticité du fil et les propriétés
extensibles des vêtements et leur permet de reprendre leur forme initiale."
La question à résoudre est de savoir si la demande représente un progrès
brevetable comparativement à l'antériorité.
A l'audience, le demandeur a insisté sur le fait que l'emploi de son tricotage
rotatif continu sur toute la longueur de l'ébauche du vêtement constitue un
progrès qui n'avait pas été envisagé par Garrou. Dans sa décision, l'examinateur
déclarait: "Le fait que Garrou ait suivi un procédé plus raffiné et, par conséquent,
plus compliqué ne signifie pas que son procédé n'est pas facilement adaptable
à une technique plus simple si on le désire." En examinant le brevet
de Garrou, nous voyons que le tricotage rotatif continu est utilisé pour les
jambes du vêtement. Lorsque la culotte est formée, le tricotage passe au
mouvement alternatif pour faire des "diminutions " et obtenir différentes
tailles. Dans la description de Garrou, rien n'indique que l'emploi du
tricotage rotatif continu se limite à la fabrication de l'ébauche du vêtement
au complet.
Le demandeur a présenté quatre déclarations d'experts reconnus de l'industrie
du tricot, provenant de plusieurs pays. Chacun des signataires indiquait que
personne n'avait imaginé antérieurement qu'un tube droit et sans couture fabriqué,
sur toute sa longueur, par tricotage circulaire continu pouvait servir à la
confection de bas-culotte, tel que l'envisageait le demandeur. Figurait
également la copie d'un accord présumément conclu avec les propriétaires du
brevet Garrou, leur permettant d'utiliser cette invention.
Une question a été soulevée quant à la continuité des côtes dans le brevet Garrou.
Les côtes sont comparables à la trame d'un tissage plat. Dans sa décision,
l'examinateur déclarait que, dans le brevet Garrou, les côtes s'étendent
tout le long de la jambe, traversent la partie culotte pour faire ensuite toute
la longeur de l'autre jambe. Dans l'illustration 4 du brevet Garrou, les
hachures indiquent le sens des côtes. Or, elles marquent des interruptions aux
lignes 24 et 35, à l'endroit du godet, afin d'indiquer la limite des parties
du vêtement tricotées alternativement. Au point no 35 de la culotte, il se peut
que les côtes soient continues et, sans doute, certaines le sont-elles à l'endroit
numéro 36, mais cela ne représente qu'un faible pourcentage de la totalité.
Le demandeur insistait sur le fait que la fabrication des ébauches de vêtements
était beaucoup plus rapide par tricotage rotatif continu qu'avec la méthode
de tricotage alternatif pratiquée par Garrou. Le demandeur en a tiré un succès
commercial considérable, soit environ 5 millions de ventes et $160,000 en redevances.
En outre, 31 sociétés dans douze pays ont obtenu une licence du demandeur.
Il est à remarquer que les revendications 1 à 46 faisaient partie de la
demande au moment du rapport final. Elles ont été annulées et remplacées
par les revendications 1 à 36 dans la réponse faite le 8 janvier 1975 par le
demandeur à la décision de l'examinateur. A l'audience, le demandeur à
présenté de nouvelles revendications 1 à 43 pour remplacer les précédentes.
La dernière revendication 1 se lit comme suit:
Une méthode permettant de fabriquer un tube continu sans couture
et de la transformer en vêtement à deux jambes, le vêtement ayant
une partie culotte et deux jambes, la partie culotte recouvrant le
bassin et passant sous la fourche de l'usager, et deux jambes se
terminant chacune par un pied fermé au orteils, la partie culotte
ayant une ouverture au niveau de la taille; la méthode est la
suivante:
a) tricoter sur une machine rotative, d'une façon continue, trois
parties tubulaires solidaires, à savoir: une partie formant
la première jambe terminée par une partie pour les orteils
est tricotée de façon continue, unepartie intermédiaire
destinée plus tard à la culotte, est tricotée entièrement de
façon continue et enfin la seconde jambe terminée par une
partie pour les orteils qui est tricotée de façon continue,
le tube sans couture ayant été tricoté en côtes, tout le
travail s'effectuant suivant un mouvement continu sur toute
la longueur du tube sans couture; et
b) fermer les parties du tube sans couture destinées aux orteils.
En considérant la différence entre l'antériorité et ce que couvre la revendication
proposée, nous trouvons: "une partie formant la première jambe terminée par
une partie pour les orteils est tricotée de façon continue, une partie
intermédiaire destinée plus tard à la culotte, est tricotée entièrement de
façon continue et enfin la seconde jambe terminée par une partie pour les
orteils qui est rricotée de façon continue, le tube sans couture avant été tricoté
en côtes, tout le travail s'effectuant suivant un mouvement continue sur toute
la longueur du tube sans couture"; Garrou se sert du tricotage continu pour
les jambes, mais le gousset de la culotte est tricoté par mouvement alternatif.
Par conséquent, la majorité des côtes s'interrompent au niveau du godet ce qui
montre que les côtes ne se prolongent pas toutes de façon continue tout le long
du tube sans couture. Le demandeur a reconnu que la technique simplifiée du
tricotage continu tout le long de l'ébauche lui a permis de fabriquer un
vêtement de qualité satisfaisante en moins du temps qu'il ne faut avec la
méthode antérieure.
Dans sa décision, l'examinateur déclarait que "la revendication 1 est
considérée comme incomplète. Cette revendication, qui indique une méthode
de fabrication d'un vêtement, établit simplement une méthode permettant
d'obtenir un tube à l'état brut ou fermé." Cette observation s'applique à
la revendication proposée no. 1. A l'audience, le demandeur a indiqué qu'il
accepterait, pour répondre à cette objection, d'incorporer la revendication
subordonnée no 2 comme faisant partie de la revendication indépendante no 1.
Puisque l'étage qui consiste à pratiquer une ouverture pour la taille est un
élément essentiel dans la production du vêtement à deux jambes que l'on trouve
dans le préambule de la revendication 1, cette condition doit être incluse
dans la revendication.
De l'avis de la Commission, une revendication constituée par les revendications
proposées 1 et 2 aurait raison de l'invention. Nous sommes entièrement d'avis
que les revendications présentées à l'examinateur au moment de sa décision
étaient discutables et qu'elles ont été rejetées à juste titre. Toutefois, la
Commission a reçu des preuves supplémentaires sous serment, témoignant des
résultats imprévus de l'invention du demandeur (quand elle est complètement
définie). Cette invention a reçu un accueil très favorable, et comme on l'a
mentionné précédemment, trente et une licences ont été accordées à des concurrents.
Cette invention a obtenu un succès commercial rapide et considérable. Toutes
ces considérations nous ont persuadé qu'il y a eu ingéniosité inventive.
Comme nombre des revendications proposées dépendent de la revendication no 1
et que l'examinateur n'a pas eu l'occasion d'en faire l'évaluation, nous ne
nous y attarderons pas plus longtemps. Puisqu'au moment de la rédaction de la
décision, l'examinateur n'avait pas pris connaissance des déclarations et des
articles présentés à l'audience, il devra les étudier quand il évaluera les
autres revendications.
La Commission est convaincue qu'une revendication qui se composerait des
revendications proposées 1 et 2 ne devrait pas être refusée, du fait de
l'antériorité de Garrou. Nous recommandons que soit retiré le rejet de la demande
dans son ensemble (qui se distingue du rejet des revendications originals) du
fait de l'antériorité et que la demande soit renvoyée à l'examinateur afin qu'il
termine l'étude de la brevetabilité des dernières revendications proposées.
Gordon A. Asher
Président
Commission d'appel des brevets
Je suis d'accord avec les conclusions de la Commission d'appel des brevets
et refuse d'admettre les revendications au dossier. En vertu des dispositions
de l'article 44 de la Loi sur les brevets, le demandeur a six mois pour
interjeter appel de la présente décision ou modifier les revendications
conformément aux suggestions de la Commission.
Le Commissaire des brevets
A.M. Laidlaw
Hull, Québec
le 16 juin 1975