Brevets

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                   DECISION DU  COMMISSAIRE

 

   REVENDICATION SUPERFLUE - ARTICLE 43 DU REGLEMENT: Utilisation commercial

                                    d'une nouvelle composition.

 

Les revendications pour un nouveau procédé et pour les compositions produites

à partir de ce procédé sont acceptées. Les revendications pour des articles

fabriquées avec la nouvelle composition ayant prétendument des avantages sur

les articles fabriqués auparavant de matières connues sont refusées parce

qu'elles sont superflues (art. 43 du Règlement), ambiguës (art. 36 de la Loi),

divisionnaires (art. 38 to la Loi), et parce qu'il s'agit de combinaisons "épuisées";

le demandeur soutient pour sa part que de telles revendications sont nécessaires

pour conférer une protection adéquate aux termes de l'article 43 du Règlement,

qu'elles ne sont pas entachées de vices par l'invalidation des revendications

portant sur la composition en vertu de l'article 46 de la Loi, si seule l'apparence

de la composition, mais non son utilité divulguée, est réputée manquer de nouveauté

 

DECISION FINALE: Confirmée

 

                                **************************

 

Cette décision porte sur une requête de révision, par le Commissaire des

brevets, d'une décision finale de l'examinateur relativement à la demande

131,656 (classe 402-318). La demande a été déposée le 4 janvier 1972 au nom

de Thomas E. Shepherd et Francis Gould et cédée à la National Patent Development

Corporation of Delaware. L'invention est intitulée "Polymères hydrophiles -

produits et méthodes de fabrication des produits". Lors de l'audience tenue

par la Commission d'appel des brevets pour étudier le rejet, M. Ian Brameld a

représenté le demandeur.

 

La demande a trait à de nouveaux polymères hydrophiles et à leurs procédés de

fabrication. Le polymère est utile en tant qu'excipient pour les substances

pharmacodynamiques et pour les essences naturelles et synthétiques. Aucune

objection n'a été faite relativement aux 12 premières revendications dans lesquelles

les nouveaux polymères et procédés ont été revendiqués. Cependant, les

revendications 13 à 31, qui portent sur diverses applications des nouveaux polymères,

telles que les sutures chirurgicales, les lentilles, les enduits de pare-brise,

les bases de prothèses dentaires, les compositions d'assaisonnement et les agents

pharmaceutiques ont été rejetées~-Dans sa réplique à la décision fianle, le

demandeur offre de réduire le nombre de revendications de 31 à 23 en éliminant les

revendications portant sur certains produits. Les recommandations de la Commission

tiennent compte de ces modifications possibles.

 

La Commission a également en main la demande complémentaire 131,655, cédée au

même demandeur, laquelle a été étudiée au cours de la même audience. Elle fera

l'objet d'une recommandation distincte, même si elle soulève essentiellement les

mêmes questions. Le demandeur y a inclus des revendications portant sur d'autres

produits comme les dispositifs intra-utérins, les vaisseaux sanguins artificiels,

les valvules cardiaques, les diaphragmes, les assaisonnements, les compositions

médicinales, les filtres, les lentilles, les coques d'embarcations, et les

progège-bouche. Quelles que soient les conclusions relatives a l'une ou l'autre

de ces demandes, elles auront un effet de réciprocité dont il faut tenir compte au

moment de prendre une décision.

 

Lors de l'instruction qui s'est terminée par la décision finale, l'examinateur

a refusé les revendications 13 à 31 (voir les revendications proposées 13 à 21

et 23) parce qu'elles sont inutiles à la protection de la composition, et superflues

aux termes de l'article 43 du Règlement régissant les brevets.

 

Les motifs de rejet qui suivent ont été tirés de la décision finale de l'examinateur:

 

Le rejet des revendications 13 à 31 est maintenu parce que ces

revendications sont inutiles à la protection de la composition,

compte tenu des revendications 1 à 12. Les revendications 13 à

31 sont donc superflues en vertu de l'article 43 du Règlement

régissant les brevets.

 

Dans le deuxième paragraphe de sa réplique, le demandeur a tenté

d'établir une distinction entre les revendications 1 à 12, portant

sur les compositions, et les revendications 13 à 31, portant sur les usages

commerciaux de ces compositions. Une telle distinction ne peut être

faite en vertu des dispositions de la Loi sur les brevets. Effectivement,

il est indispensable que ce qui est revendiqué dans chaque revendication

ait une utilité pour le commerce et l'industrie. L'acceptation des

revendications 1 à 12 est fondée, entre autres considérations, sur leur

utilité. L'importance de cette caractéristique est une question de

circonstances et ne nuit pas à la brevetabilité des revendications une

fois leur utilité établie. Les revendications portant sur les compositions

(revendications 1 à 12) assurent la protection relative à l'utilisation de

ces compositions. Il est donc inutile, en vertu de la Loi sur les brevets,

de rechercher une protection plus grande en présentant d'autres revendications

portant sur "des usages commerciaux importants".

 

Relativement su troisième paragraphe de la réplique du demandeur, il

y a, a priori, présemption de validité au moment de la délivrance d'un

brevet. Ce bureau ne peut prévoir les procédures qui suivront la délivrance,

avant qu'une demande soit acceptée.

 

       Le plaidoyer présenté par le demandeur, selon lequel les revendications

       13 à 31 devraient être acceptées sous prétexte que les revendications

       1 à 12 pourraient un jour être tenues pour invalides, ne peut être

       considéré comme étant un motif pour justifier l'acceptation desdites

       revendications 13 à 31.

 

       Le demandeur, dans sa réplique du 19 septembre 1973, a déclaré notamment:

       Le demandeur estime que toutes les revendications présentées sont

       suffisamment utiles pour être brevetables, et le plaidoyer du demandeur

       n'est pas essentiellement basé sur la possibilité que les revendications

       pour des compositions, par opposition aux revendications pour certains

       usages commerciaux de ces compositions (soit les revendications relatives

       aux compositions intéressantes pour le commerce), puissent être jugées

       comme n'étant pas suffisamment utiles pour justifier la protection

       prévue à l'article 2 de la Loi sur les brevets. Cependant, l'examinateur

       semble prétendre que les revendications relatives aux "usages commerciaux"

       étendent la portés du monopole, puisque dans la dernière phrase du

       troisième paragraphe de sa décision il mentionne que le demandeur tente

       "d'obtenir une plus grande protection en présentant d'autres revendications

       portant sur des "usages commerciaux importants". Afin de clarifier ce

       point préliminaire, le demandeur désire souligner que les revendications

       relatives aux "usages commerciaux importants" sont toujours, subordonnées

       aux revendications qui précèdent et par voie de conséquence, directement

       ou indirectement, aux revendications de composition que l'examinateur juge

       admissibles.

 

...

 

       Quelle que soit la signification de cette présomption de validiré, dans

       la pratiqua, au cours de la majeure pastis du siècle, les rédacteurs

       de brevets ont inclus un certain nombre de revendications de portée

       décroissante dans les demandes de brevets, et il convient également de

       souligner que le Bureau des brevets a eu coutume de les accepter. S'il

       était vraiment possible de compter sur cette présomption de validité,

       celle-ci s'appliquerait probablement tout autant aux revendications

       larges qu'aux revendications de portée restreinte, et le demandeur présentant

       une revendication large valable n'surait guère besoin de la protection

       conférée par une revendication subordonnée de portée limitée. Ainsi,

       l'argument de l'examinateur porterait à croire qu'il suffirait à quiconque

       pressnte une demande comme celle qui nous intéresse, d'inclure une seule

       revendication large portant sur la composition et une seule revendications

       large portant sur le procédé ou la méthode. La rédaction et la délivrance

       de brevets comportant si peu de revendications constituent l'exception

       plutôt que la règle, non seulement au Canada, mais aussi dans d'autres

       pays dont les lois sur les brevets, ainsi que le système de jurisprudence,

       sont comparables. Ainsi, il est courant de présenter une série de

       revendications de portée décroissante, non seulement au Canada, mais

       également eux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. I1 est facile d'expliquer

       une telle pratique: le demandeur craint, pour uns raison ou pour une

       autre, que ses rabendications larges soient plus tard jugées invalides, et il

soutient qu'une revendication plus limitée, portant sur des

réalisations prioritaires de son invention, court moins de

risques d'être tenue pour invalide qu'une revendication plus

large. Le demandeur ne s'attend pas à ce que le Bureau des

brevets étudie toutes ces questions en détail, mais demande

seulement qu'il admette que, pour le malheur du breveté, les

brevets sont souvent controversés, et les revendications, dans

de tels cas, sont souvent tenues pour invalides.

 

...

 

Cette considération mise à part, il est facile d'îmaginer des

situations où une composition de matière était déjà connue mais

était utilisée à une toute autre fin. Dans un tel cas, une

revendication ultérieure pour un usage particulier, comme la

fabrication d'un dispositif spécial en plymère, pourrait fort bien

non seulement avait un caractère de nouveauté mais aussi de non

évidence. Le demandeur estime qu'il a le droit d'insérer un nombre

raisonnable de revendications pour se protéger contre une telle

éventualité, et croit que l'article 43 du Règlement ne vise pas à

nier au demandeur le droit de présenter un nombre raisonnable de

revendications de portée différente qu'il juge nécessaires pour

assurer la protection adéquate de son invention. Le demandeur estime

plutôt que l'article 43 du Règlement vise à empêcher un demandeur de

présenter des revendications dont la terminologie diffère légèrement

niais dont la portée est essentiellement la même, ce qui à un certain

moment était pratique courante dans les mémoires descriptifs rédigés

aux Etats-Unis. Le demandeur croit que les revendications conservées

dans la présente demande ont toutes une portée différente et ne

devraient pas régulièrement être rejetées en vertu des dispositions

de l'article 43 du Règlement.

 

Ce rejet soulève une importante question: jusqu'où un demandeur peut-il

aller dans ses revendications en vue de protéger son invention? I1 s'agit

plus particulièrement de savoir si un demandeur ayant inventé un nouveau

procédé pour préparer une nouvelle composition de matière, et ayant revendiqué

ce procédé et cette composition, peut également présenter des revendications

qui introduisent divers dispositifs dans la fabrication desquels l'invention

peut être utilisée. M. Brameld soutient que le demandeur a le droit de

présenter un certain nombre de revendications de portée décroissante. I1 n'y

a aucun désaccord sur ce point. L'examinateur, par exemple, n'a fait aucune

objection contre 12 des revendications, de portée différente, dans lesquelles

le procédé et le polymère sont définis. I1 a également été soutenu que le

demandeur a le droit de soumettre un "nombre raisonnable" de revendications pour

se protéger contre la possibilité qu'il soit découvert ultérieurement que

les revendications de compositions de matière sont déjà connues pour une fin

différente, "dans un tel cas, une revendication ultérieure pour un usage particulier

comme la fabrication d'un dispositif spécial en polymère, pourrait fort bien

non seulement avoir un caractère de nouveauté mais aussi de non évidence."

A saur avis, l'article 43 du Règlement ne vise pas à empêcher la présentation

de telles revendications, mais seulement la présentation de revendications

dont la terminologie diffère légèrement mais dont la portée est essentiellement

la même.

 

Le rejet de l'examinateur est fondé surtout sur l'article 43 du Règlement

régissant les brevets, qui se lit comme suit:

 

I1 ne sera pas accepté un plus grand nombre de revendications

qu'il n'en faut pour protéger convenablement l'invention

divulguée; si deux revendications ou plus diffèrent si peu

qu'elles ne peuvent être acceptées comme comportant divers

brevets distincts, il peut être exigé du demandeur qu'il

choisisse celles des revendications qu'il désire faire accepter,

et qu'il supprime les autres.

 

La multiplicité abusive de revendications relatives à une demande a été examinée

par la Cour ne l'Echiquier an cause Schweyer Electric & Mfg. Co. c/ New York

Central Railroad Co. (1934) Ex. C.R. Le juge Maclean a déclaré à la page 35:

 

Je ne peux m'empêcher de faire certaines observations sur la

pratique qui s'est malheureusement répandue au Canada, d'insérer

dans le mémoire descriptif du brevet un nombre inutile de revendi-

cations, et cette pratique est illustrée par le nombre de revendications

relatives au brevet en cause, qui s'élève à cent vingt et une; je suis

convaincu qu'il est tout à fait inutile e présenter un si grand nombre

de revendications pour expliquer l'invention que Schweyer revendique,

et cette façon de procéder ne respecte pas, à mon avis, l'esprit de la

Loi sur les brevets en ce qui concerne l'obligation de revendiquer

distinctement. Cependant, ce n'est pas Schweyer qui me préoccupe

particulièrement. La multiplication inutile des revendications est devenue

une pratiqua beaucoup trop courante dans 1e domaine relevant de notre

compétence et il conviendrait de trouver un moyen d'y mettre fin.

Quiconque a réallement inventé quelque chose devrait savoir ce qu'il

a vraiment inventé, et devrait pouvoir énoncer clairement, en peu de

mots, la nature de l'invention qu'il revendique. Dans son excellent

ouvrage sur les brevets, Terrell traite précisément de cette question,

en ces termes:

 

Il faut se reppeler que l'objet de la revendication

est de décrire très clairement l'invention revendiqués.

Ces dernières années, une croyance s'est implantée selon

laquelle un brevet a de meilleures changes d'être valable

et de prévenir la contrefaçon si toutes les permutations et

combinaisons possibles des éléments faisant partie de

l'invention sont revendiquées séparément... une telle

prolixité n'aide en rien les tribunaux qui, lorsqu'ils

doivent déterminer la présence d'un objet d'invention,

d'une nouveauté ou d'une contrefaçon, se posent invariablement

la question suivante: "Qu'a inventé cet homme?"

 

I1 serait tout à fait juste et équitable d'appliquer ce commentaire aux

revendications de bon nombre de brevets délivrés au Canada, et il est

exact d'affirmer que ce n'est que pure superstition de croire qu'un

 

       brevet est plus valable parce que toutes les permutations et

       combinaisons possibles des éléments faisant partie de l'invention

       sont revendiquées séparément. En Angleterre, ce point a été examiné

       par les juristes de la Couronne quant à l'interprétation de l'article 4

       du Règlement régissant les brevets, 1905 (article 14, 1920), en cause

       J.S. Bancroft (1905) 23 R.F.C., page 89. Dans ce pays, le Règlement

       régissant les brevets stipule que les revendications doivent être

       exposées en termes clairs et précis. Le procureur général a souligné

       que certains genres d'inventions peuvent justifier la présence d'un

       grand nombre de revendications. I1 déclare:

 

       Pourvu que l'exposé de cheque revendication soit c3air

       et concis, et qu'il n'y ait pas de répétition dans les

       revendications distinctes, nous ne croyons pas qu'il

       y ait nécessairement violation de l'article... Cependant,

       dans le cas présent, nous estimons que la décision de

       l'examinateur en chef est juste... Le demandeur tente de

       parer à toute éventualité.

 

...

 

       A la page 36, le juge Maclean poursuit:

       ... Si les dispositions de la Loi sur les brevets ne sont pas

       suffisament claires pour permettre au Bureau des brevets de

       prévenir la multiplication inutiles et ambiguë des revendications,

       je propose très respectueusement que le Commissaire des brevets

       recommande que la Loi sur les brevets soit modifiée de façon que

       le Bureau des brevets soit investi des pouvoirs lui permettant

       de mettre un terme aux abus dont je parle...

 

       A notre avis, c'est pour répondre à de telles préoccupations et pour empêcher

       de tels abus que l'article 43 du Règlement régissant les brevets a été établi.

       Plus récemment, le pr-cureur Jacket a abordé la question des revendications

       multiples en cause Hercules Inc. c/Diamond Shamrock (1970) R.C.E. 574. Nous

       citons un passage de la page 596:

 

       Ayant ainsi décrit son "invention" ou découverte en des termes

       qui permettront à ses collègues ou à tout home du métier de

       l'utiliser, l'inventeur doit satisfaire aux dispositions de

       l'article 36(2) de la Loi selon lesquelles il doit exposer en

       termes "explicites" les choses ou combinaisons pour lesquelles

       il revendique une propriété exclusive. C'est à ce stade qu'il

       doit formuler la définition juridique du monopole qu'il revendique.

       S'il rédige sa revendication de telle sorte qu'elle ne couvre

       pas l'ensemble de sa découverte, d'autres pourront profiter

       de sa divulgation sans porter atteinte au droit de monopole qu'il

       demande. Ce problème oblige certainement l'inventeur et ses

       conseillers à exposer avec soin et précision ce qui a ou n'a pas

       été inventé, ou tel serait le cas, si l'article 38 de la Loi ne

       laissait pas au Commissaire la faculté implicite de permettre

       aux inventeurs de "revendiquer" d'autre façon. Ce qui se produit,

       avec le consentement du Commissaire, au moins dans certains cas,

c'est que, tout d'abord une revendication est rédigée en termes

aussi larges que possible en ce qui concerne l'objet d'invention

décrit dans le mémoire descriptif, puis en variant à l'infini,

semble-t-il, la terminologie de la première revendication, l'inventeur

présente des revendications supplémentaires qui décrivent l'invention

sous des angles divers par l'addition de nouveaux facteurs restrictifs

n'apparaissant pas dans la revendication initiale.

 

En cause Ridell c/ Patrick Harrison & Co. Ltd. 1956-1960 R.C.E. 213 à 253,

l'ancien président de la Cour de l'Echiquier a déclaré:

 

Ayant imaginé l'invention, il (l'inventeur) avait le droit

de la décrire dans les revendications de manière à se protéger

et à profiter du monopole de son invention. I1 était, en quelque

sorte, maître de ses revendications, dans les limites de la portée

de son invention, et avait le droit de les rédiger "en termes

suffisamment larges pour s'assurer la protection désirée..."

 

Cependant, il existe d'autres décisions dans lesquelles il est donné à entendre

qu'un demandeur doit aussi respecter certaines limites dans la rédaction de

ses revendications. Bien que les circonstances dans lesquelles ces restrictions

ont été appliquées ne correspondent pas nécessairement à celles qui nous

intéressent, ces décisions indiquent cependant les principes à respecter.

 

En cause Rohm and Haas c/ le Commissaire des brevets, 1959 R.C.E. 153, par

exemple, la juge Cameron a tenu compte de l'article 43 du Règlement (alors

l'article 53). Dans sa décision de refuser centaines revendications pour un

procédé, la tribunal a fait remarquer à la page 172 ce qui suit:

A mon avis. en vertu de notre Loi, nul n'est tenu de

présenter des revendications comme les revendications 10 à 13

pour qu'un brevet soit délivré. Un breveté est couvert pour

tous les usages auxquels son invention est susceptible de

s'appliquer. Dans la mesure où le cédant du demandeur a inventé

des composés pour lesquels des brevets ont été délivrés, le

demandeur jouit de toute la protection conférée par ces brevets.

 

En cause Gilbert c/ Sandoz 64 CPR (1971) 14 à 35, le juge Thurlow a tenu

pour invalides certaines revendications (10 et 11) pour une composition

pharmaceutique ".tant donné qu'aucune invention de compositions pharmaceutiques

n'a été faite, à l'exclusion de l'invention de la thioridazine, elle-même

intégralement revendiquée dans les revendications 1 à 9." Après une étude

détaillée, il a jugé que les revendications 10 et 11 étaient non recevables

étant donné que "les revendications 1 à 9 représentent toute la protection

è laquelle de défendeur a droit relativement à cette invention, et que par

report à l'ensemble des revendications, elles (10 et 11) cherchent à outrepasser

la protection à laquelle le défendeur a droit, en vertu des dispositions de

l'article 45 de la Loi sur les brevets, en ce qui concerne l'invention de la

thioridazine et à monopoliser, indépendamment des autres revendications, des

compositions contenant de la thioridazine, et ainsi à restreindre l'utilisation

de la thioridazine d'une façon particulière même par quiconque entre légalement

en sa possession en vertu d'une licence expresse ou implicite." La Cour

suprême (8.C.P.R. (2d) 1973, 210 à 212) n'a pas modifié cette conclusion.

 

En cause Hoffmann - La Roche c/ le Commissaire des brevets 1954 Ex. C.R. 52,

le demandeur désirait revendiquer certains aldéhydes connus restreints à un

nouveau procédé de fabrication. Le tribunal, lors de l'étude d'une allégation

que "une invention peut être revendiquée sous divers aspects". a conclu (à la

page 58):

 

...dans le cas d'un produit, il n'est pas obligatoire de

présenter une revendication subordonnée pour protéger

l'invention du demandeur car ce dernier a le droit d'obtenir

la même protection pour son procédé, que sa demande soit ou

non accompagnée d'une revendication pour un produit dérivé

d'un procédé. La protection conférée ne couvre que son procédé

car c'est là tout ce qu'il a inventé. Par conséquent, le

demandeur doit respecter les dispositions de l'article 53

(maintenant 43) du Règlement régissant les brevets (l'article

était alors cité). A mon avis, le Commissaire a probablement

pris cette décision en se basant sur la première partie de l'article...

 

En appel, la Cour suprême a confirmé le jugement rendu par le président de la

Cour de l'Echiquier (1955 S.C.R. 414).

 

Il convient de se reporter également aux conclusions de la Cour suprême en

cause le Commissaire des brevet c/ Farbwerke Hoechst, 1964 S.C.R. 49. Dans

cette cause, le demandeur a obtenu un brevet dans le cadre d'une demande

divisionnaire pour un procédé et un produit, et a tenté d'obtenir un autre brevet

pour le produit dilué au moyen d'un excipient. Après avoir jugé cette pratique

inadmissible étant donné que le demandeur essayait par là d'obtenir deux brevets

pour la mème invention, le tribunal a ajouté (à la page 53):

 

En outre, le défendeur a déjà reçu toute la protection conférée

par un brevet aux termes de la loi. L'invention réside dans

un procédé nouveau, utile et inventif pour produire une nouvelle

substance médicinale, et défendeur a déjà obtenu des brevets

et pour les procédés inventifs et pour le nouveau produit dérivé

de tels procédés. Dans ces brevets, les revendications pour le

procédé et les revendications pour les produits dérivés du procédé

représentent toute la protection à laquelle le défendeur a droit.

(C'est nous qui soulignons)

 

Voir également Sirdar Rubber c/ Wallington, XXII RPC (1905), 257 à 266,

où il est dit:

 

Lorsqu'il s'agit d'une intention portant uniquement sur une

partie d'un article ou d'une machine, laquelle partie est

revendiquée séparément comme invention, la portée du brevet

ne peut être étendue par la revendication de cette partie dans

chacune des combinaisons où elle est employée, aussi évidentes

soient-elles.

 

I1 faul aussi se demander si les revendications rejetées portent sur ce qu'il

convient d'appeler une "combinaison épuisée", et si, à cet égard, elles doivent

être tenues pour des revendications ne définissant pas l'invention comme le

stipule l'article 36(2). En cause Baldwin International Radio Co. of Canada

c/ Western Electric Co. Incorporated (1934) SCR 94 à 104, le juge Rinfret

s'est appuyé sur les citations suivantes tirées de la jurisprudence britannique:

 

La nouveauté réside dans la combinaison, et il suffit de

décrire convenablement la combinaison n'est pas nouvelle,

éventualité qu'a d'abord présentée Lord Selborne en cause

Moore c/ Bennett (1884) 1 R.P.C. 120, de sorts qu'un brevet

ne peut être délivré pour une combinaison, alors même si le

breveté la présente faussement comme étant une nouvelle

combinaison, chose que, par hypothèse, elle n'est pas, la

nouveautés doit faire partie de l'élément subordonné. La cause

Foxwell c/ Bostock (1864) 4 DeG. J & S 208 s'applique alors.

Le fait de la décrire comme une nouvelle combinaison serait,

dans un tel cas, la décrire faussement. L'invention dans un cas

comme celui-ci n'est que l'amélioration d'une partie précise d'une

ancienne combinaison, et cette partie doit être nommée par le

breveté.

 

et

 

...Si, effectivement, dans le mémoire descriptif, le breveté était

libre de revendiquer comme un tout, non seulement la combinaison

de toutes les parties. mais aussi certaines parties subordonnées

ou auxiliaires de la combinaison, sous prétexte que lesdites parties

subordonnées ou auxiliaires sont nouvelles et matérielles, comme

il avait été donné à entendre en cause Lister c/ Leather (1858) 8E1.

& B1. 1004, il serait alors inutile d'obliger le breveté à distinguer

soigneusement ces parties subordonnes ou auxiliaires, et à préciser

sans équivoque quelle revendication de parties, en plus de la revendi-

cation de combinaison, il souhaite faire valoir.

 

Relativement à l'invention à l'étude, il est reconnu que les polymères es les

résines sont utilisés dans la fabrication de bases de prothèses dentaires, de

lentilles, pour le revêtement des coques d'embarcations, comme filtres,

dispositifs médicinaux, etc. L'examinateur n'a pas cité d'exemples de ces

usages, mais certains sont mentionnés à la page 1 du mémoire, où il est

question de la technique antérieure.

 

I1 ressort de la jurisprudence mentionnée ci-dessus, de l'article 43 du

Règlement, et de l'article 36(2) de la Loi qui a engendré l'article

d'application du Règlement, qu'un demandeur a le droit de présenter un

nombre raisonnable de revendications de portée décroissante pour définir

son invention. I1 est également clair qu'il ne dois pas outrepasser

l'inventions, ni rédiger ses revendications de manière à rendre l'invention

obscure ou son identification ambiguë. I1 ne doit pas étendre la portés de

son brevet au-delà de sa véritable invention. I1 ne peut pas multiplier ses

revendications en présentant des combinaisons présumées ne se distinguent

de l'invention véritable que par l'exclusion d'éléments utilisées dans la

technique antérieure, et ne remplissant aucune fonction nouvelle. I1 ne peut

inclure dans les revendications d'anciens éléments inutiles qui pourraient

induire le public en erreur quant à la portés réelle de l'invention. Ses

revendications doivent décrire précisément et revendiquer clairement l'invention.

 

Bien que nous ne considérions pas automatiquement que le nombre de revendications,

dans le cas présent, soit excessif, nous croyons que les revendicatins qui ont

été refusées sont inadmissibles pour les autres motifs invoqués. A notre avis,

les revendications 1 à 12 sont caractéristiques des revendications multiples que

les tribunaux ont jugées admissibles.

 

Le demandeur nous a prié d'approuver des revendications pour des objets d'invention

secondaires sous prétexte que ce qui est couvert par ses revendications principales

peut ne pas être inventif et, qu'en ce cas, les objets d'invention secondaires

pourraient être tenus pour des inventions distinctes de l'objet d'invention

principal, et lui conférer la protection pour ces inventions différentes. Si

une telle assertion est juste, les deux groupes d'objets constitueraient des

inventions distinctes, que l'objet d'invention principal soit valable ou non,

et les objets d'invention secondaires devraient faire l'objet de demandes

distinctes pour satisfaire aux dispositions de l'article 38 de la Loi. I1

incombe au demandeur de déterminer quelle invention il désire revendiquer dans

cette demande, et de limiter ses revendications à cette invention. La logique

de cette opinion est corroborés par une récente décision de la Cour suprême

de l'Allemagne de l'Ouest sur requête Farbenfabriken Bayer, en date du 27 juin

1972, comme il est signalé à la page 419 du volume 4 de l'International Review of

 

Industriel Property and Copyright Law où il est dit en conclusion que

lorsqu'un demandeur revendique une nouvelle teinture de même que le procédé

de fabrication et le procédé d'utilisation s'y rattachant, les revendications

supplémentaires portant sur le papier, les pâtes d'imprimerie, les tampons

encreurs, les crayons feutres, le poli à chaussures, et les stylos à bille

contenant ladite teinture contrevienment au principe d'unité d'invention.

 

Nous estimons également que des revendications comme les revendications proposées

13, 14, 16 18 et autres rendent inutilement ambigu l'objet revendiqué. La

revendication 13 par exemple, as lit comme suit:

 

13. Une poudre de polymère hydrophile telle que revendiquée

dans la revendication 12 dans laquelle le polymère comprend

uns substance pharmacodynamique à titre de composante

recouvrant une suture chirurgicale.

 

Le lecteur ne sait pas vraiment si la revendication porte sur une suture ou

sur une poudre hydrophile. Si la revendication porte uniquement sur la poudre,

elle est superflue compte tenu de la revendication 12 dont elle découle; elle

indique simplement les usages possibles du polymère de la revendication 12.

De telles revendications ne précisent pas clairement la protection désirée.

Nous croyons qu'elles donnant prise à la critique formulée en cause Natural

Colour Kinematogragh c/ Bioschemes 32 R.P.C. 256 à 266 contre la rédaction de

revendications dont l'interprétation ses très large de façon à prendre les

contrefacteurs à leur propre jeu, quoique se prêtant à des interprétations plus

limitées de façon à les restreindre à des dimensions sûres si elles faisaient

l'objet ds poursuites.

 

Pour les motifs indiqués, nous recommandons que le rejet des revendications 13

à 31 (ou 13 à 23 de la revandication proposée) soit confirmé.

 

Le président de la Commission

d'appel des brevets,

Gordon Asher

 

Je souscris aux conclusions de la Commission d'appel des brevets et refuse

les revendications 13 à 31, ainsi que les revendications 13 à 23 proposées.

Le demandeur dispose de six mois pour interjeter appel de cette décision,

en vertu des dispositions de l'article 44 de la Loi sur les brevets.

 

Telle est ma décision.

 

Le Commissaire des brevets,

A.M. Laidlaw

 

Fait à Hull (Québec)

le 27 janvier 1975

 

Agents du demandeur

 

Smart & Biggar

Ottawa (Ontario)

 

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