DECISION DU COMMISSAIRE
NON EVIDENCE: L'antériorité qui s'applique
INSUFFISANCE: La caractéristique essentielle n'est pas définie dans les
revendications.
Dans sa décision finale, l'Examinateur n'a pas tenu compte du fait que l'anté-
riorité décrivait des mélanges servant de substituts au tabac renfermant des
protéines et des hydrates de carbone transformés par la chaleur. Les nouvelles
revendications proposées ne parviennent pas à préciser que la composition
renferme des protéines ajoutées aux hydrates de carbone transformés.
DECISION FINALE: Modifiée
_____________________
La présente décision porte sur une demande de révision par le Commissaire des
brevets de la décision finale de l'examinateur, datée du 13 septembre 1973,
relativement à une demande déposée par Robert C. Anderson et Robert A. Hall
et intitulée: mélange amélioré de tabac.
L'invention vise un substitut de tabac se composant d'un hydrate de carbone
modifié, constituant le combustible fumigène, auquel sont ajoutées des protéines,
dans un rapport variant entre 1:1 et 1:60.
Après l'examen de la demande, qui a abouti à la décision, l'examinateur a
rejeté les revendications pour absence d'originalité par rapport aux brevets
suivants:
Brevets américains
2,576,021 le 21 novembre 1951 Koree
3,369,551 le 20 février 1968 Carroll
Dans sa décision, l'examinateur déclarait notamment:
La revendication 1 est rejetée pour absence d'originalité
par rapport aux brevets de koree et dt Carroll, qui visent
un substitut de tabac se composant d'un combustible fumigène
tel la bagasse, la laitue traitée, etc. et d'une quantité
de protéines pouvant, par rapport su poids du combustible
fwnigène, s'élver jusqu'à 5% chez Koree et varier entre 9
et 22% chez Carroll. Selon les renseignements de Koree,
le combustible fumigène se compose d'un mélange de gommes,
graisses et cires, dans des proportions très semblables à
celles que l'on retrouve dans une feuille de tabac séchée.
La caractéristique évoquée dans la revendication 1 : un
"hydrate de carbone modifiée" en lieu de combustible,
ne constitue pas un apport original à la lumière des
enseignements de Carroll, qui prévoit la modification
d'une base d'hydrate de carbone soumise à un procédé
d'extraction par eau ou par solvant.
Les caractéristiques énoncées dans les revendications
dépendantes 2 à 6 et 10, portant sur le matériau de
combustion, et les revendications 7 à 9, portant sur les
protéines, ne constituent pas un apport original à l'objet
de la revendication 1, à la lumière des techniques connues
figurant dans les références et admises dans l'exposé de
la demande.
Le choix de compositions précises, figurant dans les reven-
dications 2 à 10, ne constitue pas une idée inventive, mais
fait plutat partie des connaissances d'un homme du métier
qui est versé en matière des combustibles des substituts de
tabac, comme la cellulose dégradée ou les produits de conden-
sation figurait dans le brevet britannique no 1,113,979 et le
brevet canadien no 907,452 délivrés antérieurement au deman-
deur, et tous deux mentionnés à la page 3 de la description
du brevet.
Dans sa réponse du 20 novembre 1973, le demandeur déclarait notamment:
La référence Koree peut être facilement rejetée, car il n'y
est aucunement question de protéines. Le chiffre maximal de
"jusqu'à 5% s'applique aux acides aminés (glycine), qui sont
des composés chimiques beaucoup plus simples que les protéines,
les acides aminés étant des composants des molécules d'une
protéine. De plus, les protéines et les acides aminés ne
modifient nos de la même façon la saveur de la fumée. En der-
nier lieu, Koree ne fait pas mention des hydrates de carbone
modifiés figurant dans la revendication 1 modifie. A cette
fin, veuillez vous en remettre au bas de la colonne 1 du brevet.
Les hydrates de carbone modifiés de la réclamation 1 modifiée
ne figurent pas plus dans le brevet Carroll. Veuilles vous en
remettre aux lignes 62 à 70; version anglaise) de la colonne 1
du brevet. Le traitement auquel Carroll soumet les feuilles
de laitue, etc. n'a pour objet que d'extraire les matières
solubles, tout en laissant un résidu de cellulose et de nitro-
gène.
Les références Koree et Carzyoll ne décrivent donc pas le mélange
de tabac énoncé à la réclamation 1 modifiée. Par conséquent,
l'objection de l'examinateur se fondant sur l'antériorité ne
semble pas être valable. Comme la revendication 1 propose une
idée nouvelle et que les revendications subordonnées en sont
dévendantes, il s'ensuit que toutes les réclamations constituent
une nouveauté.
Pour ce qui est de l'allégation de manque de capacité inventive,
le demandeur est de l'avis que la référence Koree n'est pas
directement pertinente, car elle ne fait aucunement mention d'un
mélange de tabac se composant d'hydrates de carbone et de
protéines.
Par conséquent, le demandeur ne s'attaquera qu'aux objections
se fondant sur la référence Carroll, brevet des Etats-Unis no
3,369,551.
Les mélanges revendiqués dans les revendications modifiées
ne sont pas les mêmes que ceux figurant dans le brevet des
Etats-Unis no 3,369,551, car ils sont le produit de méthodes
différentes. Ces mélanges ne peuvent être tirés de produits
à l'état naturel. L'on doit plutôt soumettre un hydrate de
carbone pur à une réaction chimique, qui change sa nature,
puis le mélanger 3 des protéines pures.
Ainsi, la cigarette contenant de la cellulose dégradée par
voie thermique est techniquement supérieure à celle contenant
de la cellulose, justifiant donc l'affirmation du demandeur
que les revendications modifiées constituent une invention
brevetable. L'antériorité n'avance aucune raison justifiant
le mélange de protéines et d'hydrates de carbone modifiés et
la nature de ce progrès technique n'était pas prévue.
Il importe également de noter que la présence de petites
quantités de protéines dans un mélange de tabac, obtenu
d'hydrates de carbone modifiés, modifie très peu la fumée se
dégageant des produits chimiques reconnus comme nuisibles à la
santé. Une analyse comparée de la fumée de cigarette se
dégageant d'un mélange de tabac, comportant de la cellulose
dégradée par voie thermique et d'un mélange identique auquel
est ajouts de la caséine sans graisse, montre que la fumée
se dégageant de l'acide sulfhydrique, du bi-oxyde de carbone,
de l'oxyde de carbone, des matières entièrement volatiles,
des phénols, de l'acide formique, de l'acide acétique et de
l'aldhyde acétique ne diffère pas de façon appréciable. Une
augmentation peu importante d'hydrogène cyanuré et d'acroléine
dans la fumée se dégageant du mélange contenant de la caséine
a été remarquée. Cependant, ces hausses sont infimes compte
tenu de la grande quantité de ces produits chimiques contenus
dans la fumée de tabac.
A la lumière da ces faits, le demandeur affirme que les mélanges
de tabac qu'il revendique, sont non seulement nouveaux mais font
également preuve de capacité inventive car il n'est aucunement
mention dans l'antériorité de ces mélanges ni des avantages
qu'offrent ces propriétés.
Nous avons noté que le brevet Koree vise un substitut de tabac comportant des
fibres de bagasse. Cette canne à sucre a été choisie car elle simule la saveur,
l'arame et les caractéristiques de combustion du tabac naturel. La composition
chimique des ingrédients non volatils de ce mélange, soit la cellulose, les
gommes, les graisses et les cires, se rapproche de beaucoup, proportionnellement,
de la plante de tabac. Après en avoir extrait le jus de sucre, la bagasse est
lavée, défibrée, traitée, battue et finalement mise en feuilles. Une composition
chimique est ajoutée afin de simuler le goût, l'arôme et la couleur du tabac
naturel lors de la production des feuilles.
Le bre-et Carroll porte sur un substitut de tabac fabriqué de résidu de plantes
feuillues traitées, comme la laitue, le chou, le brocoli, etc. Ces plantes
sont traites avec des additifs pour leur donner le goût, l'arôme et la saveur
voulus. Les feuilles sont soumises à un procédé d'extraction par eau pour en
extraire les sels et autres matières solubles dans l'eau afin d'en tirer ce
résidu. Elles sont ensuite séchées afin d'obtenir la teneur en humidité voulue
et le produit séché est placé dans un atmosphère à humidité contrôlée. La teneur
en hydrogène du produit peut être haussée en badigeonnant les feuilles d'ammo-
niaque anhydre avant le séchage. Les feuilles sont alors soumises à un procédé
d'extraction par solvant organique, comportant deux étapes, pour en extraire les
huiles et matières qui y sont soluble . Les résidus du solvant sont alors
extraits à l'aide d'un traitement à la chaleur, puis les feuilles sont rôties
jusqu'à ce qu'elles soient d'un brun doré. On les traite alors avec des additifs
appropriés pour leur donnr la saveur, la teneur en humidité, l'arôme et le taux
de combusion voulus.
La Commission doit établir si le demandeur est à l'origine d'un progrès technique.
Comme il a été mentionné auparavant, la présente demande porte sur un substitut
de tabac pouvant servir à la fabrication de cigares, de cigarettes et de tabac
à pipe. Il se compose d'un combustible à base organique auquel on ajoute des
protéines dans un rapport variant entre 1:1 et 1:60. D'autres additifs employés
normalement dans la préparation d'un mélange de tabac, pour lui donner les
propriétés physiques et les caractéristiques de combustion voulues, lui sont
également ajoutés. La revendication 1 modifiée se lit comme suti:
Un mélange de tabac à base de substituts de tabac se
composant d'une protéine et d'un hydrate de carbone mo-
difié, en lieu de combustilbe fumigène, choisis parmi
les suivants: hydrates de carbone dégradés par voie
thermique, hydrates de carbone oxydé, hydrates de carbone
d'éther ou produits solides de condensation obtenus as
moyen de la condensation, par catalyse acide ou basique,
d'un des composés de la formule R1COCH2 - CH2COR2(I) (ou
d'un de ses précurseurs), R1 et R2 pouvant être différents
ou identiques, chacun représentant un atome d'hydrogène
ou un groupe alkyl, hydroxyalkyl ou formyl, le rapport
protéine-poids du combustible fumigène variant entre 1:1
et 1:60.
Dans le procédé Koree, les fibres de bagasse sont traitées à 100 C pendant
deux heures dans l'hydrate dt sodium ou du mono-sulfure de sodium. Par consé-
quant, cela place le produit ainsi obtenu dans la catégorie des hydrates de
carbone modifiés choisis dans un groupe comprenant les hydrates de carbone
dégradés par voie thermique", tel qu'énoncé dans la revendication 1 du demandeur.
Koree montre que la composition des additifs donnant le goût, la couleur, l'arôme,
etc. à la feuille de bagasse fabriquée contient jusqu'à 5% d'acides aminés
(glycine). Bien que les acides aminés soient les composants essentiels des
molécules complexes des protéines, les acides aminés et les protéines constituent
deux éléments différents. Nous en concluons que les protéines ne figurent pas
dans le brevet de Koree et que cette référence n'est pas valable.
Dans le brevet Carroll, le rôtissage du produit sec jusqu'à ce qu'il soit d'un
brun doré produit un "hydrate de carbone modifié" qui est un "hydrate de carbone
dégradé par voie thermique". Carroll déclare que si on enduit les feuilles
d'ammoniaque anhydre, après l'extraction de l'eau, mais avant le séchage, cette
opération a pour effet de hausser la teneur en nitrogène du produit. Toutefois,
les protéines sont des "composés chimiques dont les poids moléculaires sont
élevés et elles contiennent du carbone, de l'hydrogène, du nitrogène, et, à
peu d'exceptions près, du souffre". L'addition d'ammoniaque anhydre et
l'addition de protéines ne sont pas des procédés identiques.
Les lignes (64 à 75; version anglaise) de la colonne 6 du brevet Carroll se
lisent:
Ainsi se décrivent les procédés d'extraction et les composi-
tions d'additifs particuliers permettant d'appliquer les
principes de la présente invention, afin d'obtenir, à partir
de plantes feuillues, un substitut de tabac à fumer et à
chiquer. Comme il a été mentionné auparavant lors de l'appli-
cation de ces procédés, le matériau de base employé, avant le
traitement aux additifs, se compose essentiellement de protéines,
de composés de nitrogène connexes et d'hydrates de carbone. Une
analyse des produits typiques obtenus au moyen de ces procédés
montre la composition suivante: 9 à 22% de protéines et de
composés de nitrogène connexes, 76 à 90% d'hydrates de carbone
et 1 à 2% d'acides et de sels végétaux.
Cela montre que le rapport protéines -hydrates de carbone (1:5 à 1:10) correspond
sensiblement à celui proposé par le demandeur. Toutefois, le demandeur ajoute
des protéines aux hydrates de carbone, après les avoir modifiés, dans le but
de conférer au mélange les caractéristiques voulues de saveur, d'après-saveur et
l'élément "satisfaction du fumeur". A l'exemple #26, le demandeur montre comment
on obtient un meilleur produit en pulvérisant une feuille de laitue hydrolisée
d'enzymes, d'une solution se composant de 0.2 partie de protéine à la caséine
mélangé à 10 parties d'ammoniaque aqueuse.
L'un des éléments importants dans l'industrie de la cigarette est la "satisfaction"
que le fumeur tire d'un mélange. Dans son exposé, le demandeur déclare que
l'addition de protéines, après la modification, confère au mélange un "pouvoir
de satisfaction" que l'on ne retrouve pas dans les mélanges non traités. Aucune
des références ne fait mention d'addition de protéines au mélange de la façon
préconisée par le demandeur, cette addition donne un produit nouveau et amélioré,
supérieur au produit antérieur. Nous ne voyons aucune objection pertinente à
cette affirmation.
Un autre élément important est la saveur. Comme la saveur constitue un élément
insaisissable et imprévisible, il est possible que l'addition de protéines à
certains hydrates de carbone modifiés, après la modification, donne au mélange
des propriétés particulières le rendant acceptable à titre de substitut. De
nouveau, nous sommes d'accord pour accepter l'affirmation du demandeur.
Il va de soi que le demandeur devra apporter certaines restrictions à ces revendi-
cations afin de s'en tenir aux compositions qu'il a adéquatement énoncées et qui
ont pour objet d'améliorer le produit. Ces restrictions sont nécessaires afin de
ne pas tomber dans l'antériorité de Carroll. A cette fin, le demandeur devra
s'en tenir aux compositions relatives au mélange de tabac figurant dans la reven-
dication 1 proposée. Il devra également faire mention que les protéines sont
ajoutées au mélange de tabac après la modification des hydrates de carbone (afin
d'éviter les techniques mentionnées dans la référence Carroll).
La Commission s'accorde pour dire que le rejet, par l'examinateur, des revendications
versées su dossier est fondé, car les restrictions proposées n'ont pas encore été
apportées. La Commission convient également que les modifications proposées par
le demandeur ne vont pas assez loin. Toutefois, si le demandeur apporte les res-
trictions proposées par la Commission, nous recommandons que sa demande soit re-
tournée à l'examinateur pour qu'il reprenne l'examen. La revendication la plus
large sera acceptée si elle se lit:
Un mélande de tabac à base de substituts de tabac se
composant d'un hydrate de carbone modifié, en lieu de
combustible fumigène, choisi parmi les suivants: hydrate
de carbone dégradé par voie thermique, hydrate de car-
bone oxydé, hydrate de carbone d'éther ou produits
solides de condensation obtenus au moyen de la conden-
sation, par catalyse acide ou basique, d'un des composés
de la formule R1COCH2.CH2.COR2 (ou un de ses précurseurs),
R1 et R2 pouvant être différents ou identiques, chacun
représentant un atome d'hydrogène ou un groupe alkyl,
hydroxyalkyl ou formyl, auquel on ajoute une protéine,
dans un rapport de poids variant entre 1:1 et 1:60.
La Commission recommande le rejet des revendications déjà versées au dossier et des
revendications proposées. Toutefois, nous recommandons que, si le demandeur
apporte à ses revendications les restrictions proposées par la Commission, la de-
mande soit retournée à l'examinateur pour qu'il en reprenne l'examen.
Le président de la
Commission d'appel des brevets
G.A. Asher
Je suis d'accord avec les conclusions de la Commission d'appel des brevets et
rejète toutes les revendications. Conformément à l'article 44 de la Loi sur les
brevets, le demandeur a six mois pour déposer la modification proposée ou interjeter
appel de la présente décision.
Décision rendue.
Le Commissaire des brevets
A.M. Laidlaw
Fait à Hull, Ouébec
ce 27 novembre 1974
Agent du demandeur
J.M. Noonan
c/o Canadian Industries Limited
Box 10
Montreal 101, Québec