Brevets

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                  DÉCISION DU COMMISSAIRE

 

   NON ÉVIDENCE: En raison de l'enseignement des faits antérieurs;

Succès commercial

 

Le succès de mécanisme supérieur du demandeur, offrant des avantages

jamais connus depuis l'invention antérieure, soit les fixations de

roue auxiliaire inventées il y a 60 ans, marque la présence d'un

degré d'ingéniosité provenant de l'intelligence et de l'expérience,

et l'élimination jusqu'à un certain point d'une lacune que n'arrivait

pas à combler l'ancien dispositif.

 

DÉCISION FINALE: Infirmée

 

La présente décision a trait à une demande de révision par le Commissaire

des brevets de la décision finale de l'examinateur prise le 9 juillet 1973

au sujet de la demande de brevet 048,296 (catégorie 301-36). La demande a

été déposée le 10 avril 1969 au nom de Léonard J. Verhoff et s'intitule:

"Eléments de fixation de roue auxiliaire."

 

La Commission d'appel des brevets a instruit le 11 septembre 1974, une

contestation du refus de brevet où MM. A.L. Grove et Kirk étaient mandataires

du requérant. L'inventeur, M. L.J. Verhoff, était également présent.

 

La présente demande de brevet fait état d'un appareil permettant de monter

de façon non permanente une roue auxiliaire sur le même axe qu'une roue

ordinaire de véhicule. Des éléments de serrage à déclenchement indépendant

fixent la jante de la roue auxiliaire à la jante de la roue du véhicule

et une bague d'espacement est insérée entre les jantes.

 

Lors de l'instruction qui s'est terminée par la décision finale, l'examinateur

a rejeté la demande en faisant valoir que la substitution était évidente

compte tenu des brevets suivants:

 

Brevets américains:

3,237,992   Kiesau et autres

3,223,455   Hammer

 

Brevets français

 

411,455     Lefaix

402,261     Savoye

 

Dans la décision finale, l'examinateur déclarait (extrait):

 

Kiesau et autres présentent un ensemble de jante double

composé d'une première jante fixée à l'essieu par des

taquets à crochet, d'une bague d'espacement et d'une jante

auxiliaire. Le brevet présente également des éléments de

fixation qui comprennent de nombreux dispositifs d'attache

à déclenchement indépendant et à réglage longitudinal qui

accrochent l'extrémité des éléments de fixation à crochet

et s'assujettissent d'une façon réglable au feuillard qui

accroche la jante auxiliaire.

 

La présumée invention telle qu'elle est révélée et revendiquée

diffère quelque peu du dispositif proposé par Kiesau et autres,

puisque les éléments de serrage du demandeur se prolongent jusqu'à

accrocher le rebord de la jante auxiliaire.

 

Cependant, les brevets français révèlent que les dispositifs

de fixation indépendants munis de crochets qui s'accrochent

à l'extrémité de la jante auxiliaire sont de pratique courante

dans le métier. I1 est tout à fait dans les règles de prolonger

les brides 42 à 45 du dispositif de Kiesau et autres de façon

qu'elles accrochent la jante de la façon indiquée dans les brevets

français.

 

A la page 1 de la lettre susmentionnée, le demandeur met

l'accent sur l'importance qu'il y a d'appuyer le feuillard

ou le crochet sur la jante auxiliaire. Ce montage ne

représente, à nos yeux, aucun avantage particulier mais

quoi qu'il en soit, les brevets Savoye et autres et Hammer

présentent déjà une jante auxiliaire qui supporte ces

dispositifs. I1 est vrai que les brevets français ne

présentent pas "de jantes dont les rebords sont orientés

vers l'extérieur suivant l'axe de rotation", mais il est

vrai aussi que le modèle de la jante n'est pas brevetable.

Le rebord extrême des jantes des brevets français est replié

vers l'intérieur mais les crochets jouent le même rôle quelle

que soit la forme des jantes.

Nous mentionnons le brevet Hammer pour montrer que les hommes

du métier connaissent le dispositif à levier de coincement;

aussi, nous maintenons que ce n'est pas faire preuve

d'ingéniosité que de substituer ce procédé à celui des boulons

et des écrous. De fait, les figures 8 et 9 de la demande instruite

contribuent encore à prouver que ces possibilités viendraient

promptement à l'esprit d'un homme du métier.

 

Dans sa réponse du 18 décembre 1973 à la décision finale, le demandeur

déclarait (extrait):

 

       La présente invention offre des avantages précis puisqu'elle

       représente un appareil simple et économique qui, tel qu'il

       est revendiqué, est nettement différent de celui du brevet

       Kiesau.

 

...

 

       RESUME DES DISTTNCTIONS ETABLIES ENTRE LA REVENDICATION 1

       ET LE DISPOSITIF DE KIESAU

 

            1. Les dispositifs d'attache du demandeur sont indépendants

       de la jante et les uns des autres. Ceux de Kiesau sont tous

       associés l'un à l'autre en ce qu'ils sont tous fixés à un gros

       cadre carré monobloc.

 

            2. Les éléments de fixation de la jante auxiliaire du

       demandeur comprennent un feuillard qui, d'après la revendication,

       entre en contact avec la jante auxiliaire alors que la solution

       proposée par Kiesau consiste en un gros cadre carré dont le

       rebord est soudé à la jante de façon à constituer un lien

       avec celui-ci tout à fait différent de celui revendiqué dans

       la demande.

 

       L'examinateur a étudié un deuxième brevet, soit le brevet

       américain numéro 3,223,455, accordé à Hammer. Ce brevet

       porte sur un sujet semblable mais présente un dispositif où

       les éléments de serrage sont rendus solidaires de la jante

       auxiliaire au moyen de fixations 60 qui sont, vraisemblablement

       soudés à la surface intérieure de la jante auxiliaire et

       qui supportent ainsi le dispositif à levier de coincement

       par lequel des crochets 48 peuvent accrocher des anneaux

       sur la roue principale du tracteur. Compte tenu de l'étude

       déjà citée du dispositif de Kiesau, les distinctions établies

       entre l'invention revendiquée dans le présent cas et celle

       présentée par Hammer seront évidentes.

 

       RESUME DES DISTTNCTIONS ETABLIES ENTRE LA REVENDICATION 1

       ET LE DISPOSITIF DE HAMMER

 

            1. Les dispositifs d'attache de la revendication 1 sont

       présentés comme étant indépendants de la jante de même que

       l'un de l'autre. Les dispositifs d'attache de Hammer ne

       sont pas indépendants de la jante puisqu'ils y sont assujettis

       et ils constituent un tout car ils sont soudés â un élément

       commun, à savoir la jante auxiliaire.

 

            2. L'élément (B) de la revendication 1 ne se retrouve

       aucunement dans l'invention de Hammer puisqu'il n'y existe

       aucun feuillard relié à la jante ou prolongeant l'axe de

       l'épaulement servant d'assise au talon du pneu; par ailleurs,

       l'invention de Hammer ne présente pas de crochet s'accrochant

       au rebord extérieur de la jante auxiliaire.

 

       En plus des deux brevets américains mentionnés, l'examinateur

       s'est reporté aux brevets français numéros 402,261 et 411,455

       afin de montrer que nous connaissons déjà des dispositifs ayant

       une fonction semblable et dont l'élément de serrage de la jante

       auxiliaire accroche l'extrémité axiale de la jante.

 

De fait, nous reconnaissons que les brevets français

présentent un tel dispositif. Cependant, aucun des deux

brevets français n'expose un dispositif qui pourrait être

combiné à l'invention de Hammer ou à celle de Kiesau; aussi,

puisqu'il est impossible de combiner les brevets, nous nous

expliquons mal la pertinence de la présentation isolée d'un

élément de la revendication du demandeur. Aucun brevet

français ne présente un dispositif qui pourrait être utilisé

sur des roues de tracteur du type à voile plein, qui font

l'objet des inventions revendiquées par Kiesau, Hammer et

le demandeur. Le dispositif du brevet français no 402,261

diffère à un tel point de celui de la demande en question

qu'il semble superflu de l'étudier. Outre le fait que le

dispositif cherche à solutionner un problème semblable, la

similarité est nulle. A notre avis, le dispositif du brevet

411,555 est irrémédiablement peu pratique et selon toute

probabilité, inefficace. Une étude de la figure 1 montre

qu'à mesure que l'écrou est serré pour fixer les deux jantes

ensemble il se crée un moment de flexion au niveau de

l'élément de serrage f qui tendra à se décrocher de la jante.

Dès qu'un véhicule muni de ce dispositif se mettrait en

marche, notamment sur une route raboteuse, nous croyons que

l'élément de serrage ne se décrocherait de la jante après

seulement quelques tours de roue.

 

D'après l'étude des divers brevets susmentionnés, nous ne

comprenons pas de quelle façon un refus pour cause

d'évidence peut être maintenu. Les dispositifs de serrage

ou d'attache des inventions de Kiesau et de Hammer ne sont

pas indépendants de 1a jante pas plus que l'un de l'autre,

contrairement à ceux proposés par le demandeur. Aucun

autre brevet ne présente un dispositif de fixation de jante

auxiliaire qui soit de même nature. Les particularités

énoncées à l'alinéa (B) de la revendication 1 ne se

retrouvent pas dans l'invention de Kiesau ni dans celle de

Hammer, pas plus que dans les deux brevets français.

 

Nous allons d'abord étudier la portée et le contenu de l'antériorité

mentionnée.

 

Tant le brevet de Kiesau que celui de Hammer se rapportent à des dispositifs

permettant de monter une roue auxiliaire sur le même axe qu'une roue de

tracteur de ferme. Une bague d'espacement est insérée entre les deux roues

et le dispositif de fixation comporte des boulons "J" allongés. L'extrémité

en crochet des boulons s'emboîte dans les anneaux de montage placés sur la

roue du véhicule et leur partie filetée reçoit les dispositifs de fixation

de la jante auxiliaire. Dans l'invention de Kiesau, la jante auxiliaire est

tenue en place par un cadre carré, soudé, pourvu de taquets d'attache en saillie

à chaque coin qui accrochent le dernier épaulement extérieur, étagé et annulaire

de la jante. La partie filetée des boulons de fixation "J" traverse

chaque coin du cadre afin de le maintenir en position de fonctionnement.

Le dispositif de Hammer emploie des taquets d'attache soudés à la face

intérieure de la jante auxiliaire qui fixent un dispositif â levier de

coincement vissé au bout fileté des boulons "J".

 

Les brevets français no 402,261 et no 411,455 accordés en 1909 et 1910

respectivement présentent un dispositif destiné à fixer une roue auxiliaire

à une roue de véhicule. Une bague d'espacement est placée entre les deux

roues et un ensemble de crochets sert à accrocher le rebord de jante replié

vers l'intérieur de la roue auxiliaire.

 

La vue en coupe de la jante visée dans ces brevets ressemble quelque peu à

un "C" modifié. Le pneu s'emboîte entre les extrémités du "C" et c'est à

cet endroit que les crochets s'accrochent.

 

La Commission doit donc déterminer si le demandeur a apporté une contribution

brevetable au progrès de l'art. La revendication 1 se lit comme suit:

 

En combinaison avec un ensemble de jante double d'un type

où une jante auxiliaire est séparée par un anneau d'une

roue de véhicule ayant de nombreux taquets d'attache portant

des crochets à proximité de la jante; ladite jante auxiliaire

comporte des rebords intérieur et extérieur orientés vers

l'extérieur suivant l'axe de la jante et entre lesquels

se situe une partie centrale bordée de chaque côté d'une

partie étagée comprenant un épaulement servant d'assise au

talon du pneu. L'invention consiste en de nombreux

dispositifs d'attache à déclenchement et à réglage

longitudinal indépendants de ladite jante et l'un de

l'autre, et en faisant le pont entre chaque crochet et

ladite jante. Chaque dispositif présente:

 

   A) un moyen d'attache muni d'une partie en forme

de crochet s'adaptant à l'un desdits crochets

sur la roue principale du véhicule,

 

   B) un feuillaxd qui relie ledit épaulement axial

servant d'assise au talon de pneu et qui est

supporté par la partie principale de la jante

auxiliaire et qui lui est parallèle; ledit

feuillard étant muni à l'une des extrémités

d'une partie en forme de crochet destiné à

s'accrocher au rebord extérieur axial ladite

jante auxiliaire, et

 

   C) un dispositif réglable assujetti audit élément

d'attache et solidaire de l'autre extrémité dudit

feuillard en vue de changer la longueur desdits

éléments d'attache.

 

Nous remarquons que le demandeur assujettit la jante auxiliaire à la

roue du véhicule au moyen de feuillards qui suivent le contour

de la jante et qui s'appuient sur la base de la jante, et également

au moyen d'un crochet qui accroche le rebord axial de la jante. Une

bague d'espacement est insérée entre la jante de la roue ordinaire du

véhicule et la jante auxiliaire. Les anneaux de montage placés sur la

roue du véhicule servent à ancrer les boulons "J" allongés qui retiennent,

en position de montage ou de fonctionnement, les feuillards au moyen d'un

écrou vissé sur leur-extrémité filetée.

 

A l'audience, le demandeur a mis l'accent sur trois particularités exposées

dans la revendication vue dans son ensemble qui, affirme-t-il, différencient

son invention de l'antériorité, à savoir:

(1) le feuillard ne se décrochera pas de la jante,

(2) le feuillard épouse la forme de la jante et y

prend sa résistance, et

(3) la résistance de la partie centrale de la jante

assure le maintien du feuillard.

 

Le demandeur soutient "que, vu les contraintes élevées engendrées par les

tracteurs modernes, ces caractéristiques sont essentielles pour donner la

force nécessaire à la roue auxiliaire." De plus, il maintient que "le

feuillard doit s'ajuster parfaitement à la jante afin d'empêcher que des

débris ne se logent dessous ce qui causerait un décrochage."

 

Nous constatons que la forme du type de jante utilisé par le demandeur diffère

de celle des dispositifs des deux brevets français.

 

Une coupe de la jante d'un tracteur moderne, vue du rebord à la

ligne centrale, entre que le bord est orienté vers l'extérieur et

qu'il est suivi d'un ou de deux anneaux étagés, le deuxième anneau

formant le fond horizontal de la jante. Ce type de jante est connue

sous le nom de jante "creuse".

 

Il est presque certain que le dispositif présenté dans les brevets

français ne transmet pas une charge aussi importante que celui du

demandeur. De même, puisque le rebord de la jante est orienté vers

l'intérieur, il semble que les crochets se décrocheraient si la roue

était soumise à un fort couple.

 

Les éléments de fixation de la jante auxiliaire présenté tant dans

l'invention de Kiesau due dans celle de Hammer représentent les

différentes façons d'envisager la question des deux inventeurs.

Contrairement aux brevets français, ces dispositifs peuvent transmettre

un fort couple au moyen d'un taquet soudé sur la roue auxiliaire ou

d'un cadre ajusté à la roue auxiliaire. La revendication 1 qui est la

plus générale, propose d'utiliser des dispositifs de serrage qui sont

"indépendants de la jante et l'un de l'autre" Le cadre de Kiesau exige

un élément de serrage unitaire. Hammer a soudé les taquets d'attache sur la

jante auxiliaire. De plus, la revendication propose d'utiliser "un

feuillard qui relie ledit épaulement axial servant d'assise au talon du

pneu et qui est supporté par la partie centrale de ladite jante auxiliaire

et qui lui est parallèle, ledit feuillard portant un crochet à l'une des

extrémités afin d'accrocher le rebord extérieur axial de la jante auxiliaire."

Aucun de ces brevets ne présente un feuillard ou le dispositif d'appui en

forme de crochet nécessaire.

 

Si le demandeur s'est inspiré des brevets français pour mettre au point

le présent dispositif, il a dû modifier cependant la configuration du

crochet pour l'adapter au bord des jantes utilisées actuellement. Il a

dû apporter d'autres modifications également à la partie intérieure de la

bande en forme de crochet afin que la base de la jante serve d'appui pour

donner la résistance nécessaire.

 

A cette fin, le demandeur a utilisé un feuillard qui s'accroche au bord

de la jante et qui s'adapte presque sans jeu à la périphérie de la

jante étant donné qu'il est en contact avec la base de la jante. La

largeur du crochet de même que le contact avec la base rend possible

la transmission d'un couple fort. Les inventeurs des dispositifs

français dont le jeu à la périphérie de la jante est considérable,

ne semblent pas avoir tenu compte du fait qu'un feuillard doit

s'adapter parfaitement à la jante afin d'empêcher que des débris ne

s'y logent ce qui pourrait décrocher le crochet.

 

A l'audience, le demandeur a souligné également que "son dispositif a remporté

un succès commercial" comme le prouvent les ventes; il attribue également

son succès au fait que son dispositif ait remplacé presque entièrement

l'invention de Hammer, qui, soit dit en passant, est aussi vendu par le distri-

buteur du demandeur. Même si le succès commercial ne constitue pas

nécessairement en soi une preuve d'invention, le dispositif du demandeur

révèle "qu'il a servi à combler jusqu'à un certain point une lacune depuis

longtemps ressentie" étant donné que les brevets français datent de plus de

60 ans.

 

Au sujet du succès commercial, P. Thorson a déclaré dans King c. American

Optical Co., 11 Fox, Cour des brevets 62, à la page 69 (C. de 1'ç. 1950):

"... Je conviens ... que son succès ment principalement

de ce que son invention était supérieure aux anciennes ...

Dans ces circonstances, je suis d'avis que le succès

commercial de ... (l'invention) prouve sans aucun doute

que sa production est le résultat d'un procédé ingénieux ...

(avec insistance).

 

La Commission est donc assurée qu'elle se trouve en présence d'un degré

d'ingéniosité provenant de l'intelligence et de l'expérience du demandeur.

La Commission recommande que la décision de l'examinateur de refuser la

demande soit retirée.

 

J.F. Hughes

Le président adjoint

Commission d'appel des brevets

 

Je me rallie aux conclusions de la Commission d'appel des brevets

et je retire la décision finale. Je renvoie la demande à l'examinateur

pour la reprise de l'instruction.

 

Le co-missaire des brevets,

 

A.M. Laidlaw

 

Fait à Hull (Québec)

le 24 octobre 1974

 

Mandataire du requérant

 

Ridout & Maybee

101 Richmond Street

Toronto (Ontario)

M5H 2J7

 

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