DECISION DU COMMISSAIRE
INADMISSIBILITE - A.2: Processus conceptuel; Formule mathématique
La méthode de conception d'un ajutage de vaporisation de débit donné
et d'angle d'ouverture du cône de diffusion connu, en actionnant
plusieurs ajutages, en mesurant les paramètres et en formulent des équations,
n'est pas une invention aux termes de l'article 2 de la Loi sur les brevets.
Tandis qu'un nouvel article peut ê-re reconnu en fonction du procédé de
fabrication, un tel procédé doit se distinguer par des démarches "matérielles
innovatrices", plutôt que par de simples "démarches de l'esprit", telle une
équation mathématique formulée avec un certain nombre de paramètre mesurés.
DECISION FINALE: confirmeé
**********************
La présente porte sur une demande de révision, par le Commissaire des brevets,
de la décision finale de l'examinateur du 29 mai 1973, au sujet de la demande
078,277, classe 299 - sous-classe 15. La demande a été déposée le 24 mars
1970 au nom de Frederick F. Polnauer, et est intitulée "Ajutages de vaporisation
à écoulement de fluide en spirale".
Lors de l'instruction, qui s'est terminée par la décision finale, l'examinateur
a rejeté la revendication 1 qui porte sur un ajutage de vaporisation, pour
manque de matière brevetable dans la technique invoquée. Il a'en outre rejeté
la revendication 2 qui porte sur un méthode de conception d'un ajutage de
vaporisation, pour manque de matière brevetable dans la technique invoquée et
le fait notoire, et parce qu'elle n'entre pas dans le cadre de la matière
brevetable aux termes de l'article 2 de la Loi sur les brevets.
La demande décrit des ajutages de vaporisation et la méthode de conception de
l'ajutage de diffusion ces fluides, tels que liquides, gaz et autres substances
pulvérisables, dans un pulvérisateur conique de gouttelettes très fines qui sont
déchargées selon un modèle uniforme. L'"abrégé de la divulgation" soumis par
le demandeur se lit ainsi:
Un ajutage à écoulement en spirale logarithmique pour la
vaporisation des fluides, dans lequel un alignement concentrique
est réalisé entre l'axe de la chambre dé tourbillonnement et
l'orifice de sortie. De plus, la réalisation et la méthode de
conception des ajutages à écoulement en spirale logarithmique sont
divulguées. Des rapports de paramètres d'ajutages sont maintenus
en-deçà de certaines limites, ce qui permet la fabrication des
ajutages selon un niveau élevé prévisible de rendement du
vaporisateur, et selon lequel l'indice de configuration des
ajutages peut être décrit et prédit.
Dans sa décision finale, l'examinateur a précisé, entre autres:
le rejet de toutes les revendications est maintenu, et les raisons
de ce rejet sont précisées ci-après.
Antériorités redéposées:
Brevet anglais:
760,972 7 novembre 1956 Breinl et al
Brevet américain
2,904,263 15 septembre 1959 Cl 234-494 Tate et al
La revendication 1 est rejetée car elle ne définit pas une
matière brevetable, eu égard à chacune des antériorités invoquées
séparément. Chaque antériorité fait état de la structure exposée
dans la revendication. La structure divulguée dans chacun des
brevets a un rapport débit/poids de fluide, un angle d'ouverture
du cône de diffusion, une entrée et une sortie d'ajutage. Les
deux premières variantes sont liées au rapport X des deux dernières
par la formule mathématique exposée dans la revendication 1. Celle-ci
ne décrit aucun ajutage de vaporisation, ni ne présente de résultats
inespérés inhérents à l'ajutage cité et, en conséquence, la revendication
1 ne cite aucune matière brevetable.
La revendication 2 est rejetée car elle ne définit pas de matière
brevetable, eu égard à chacune des antériorités invoquées et au fait
notoire, et parce qu'elle n'entre pas dans le cadre de la matière
brevetable aux termes de l'article 2 de la Loi sur les brevets. La
structure exposée est connue comme l'indique chacune des antériorités
invoquées. La structure divulguée dans chacun des brevets invoqués a
un débit réel et un angle d'ouverture du cône de diffusion liés au
rapport X de l'entrée de la chambre de tourbillonnement à la sortie
de l'ajutage. La méthode de détermination des paramètres pour un
ajutage de vaporisation est simplement la méthode scientifique bien
connue comportant l'expérimentation avec des dispositifs réels ou des
modèles, des mesures à variantes significatives, et enfin la détermination
des rapports recherchés découlant des données. L'étape de mise en marche
de plusieurs ajutages de paramètres différents, sous des pressions d'entrée
de fluide différentes, est analogue à la mise à l'essai de ventilateurs
pompes et autres éléments mécaniques et hyrauliques, et n'est pas non
évidente. L'étape de mesure du rapport débit/poids et de l'angle d'ouverture du
cône de diffusion est connue, puisque le demandeur reconnaît que les
"...deux critères sont habituellement précisés par l'acheteur pour qui
le modèle est conçu": La production des équations est une étape
scientifique bien connue. De plus, la méthode invoquée dans la
revendication 2 est considérée comme une méthode de non-fabrication
puisqu'elle ne fait que présenter des statistiques . Etant donné que
la méthode consiste à fournir des statistiques et non à présenter
un nouvel ajutage, et puisque la méthode ne traite pas d'un objet
physique pour le modifier de quelque façon que ce soit, ladite méthode
demeure étrangère a l'article 2 de la Loi sur les brevets. En outre,
la matière étant prescrite pour l'exercise d'une qualification
professionnelle, elle demeure dans le cadre d'une qualification
professionnelle, mais ne répond pas aux dispositions de l'article 2
de la Loi sur les brevets.
Dans sa réponse du 28 août 1973, à la décision de l'examinateur, le demandeur
déclare notamment:
Le demandeur soutient fermement que l'inventeur dans la présente
demande, le Dr Polnauer, fut le premier à reconnaître que le rapport
<IMG>
doit être pris en considération lors de la conception d'un ajutage,
pour les deux paramètres donnes du dédit (W act) et l'angle d'ouverture
du cône de diffusion (2.PSI.). A titre d'exemple, avant lui, il était de
pratique courante de modifier l'angle d'ouverture du cône de diffusion,
en modifiant simplement le paramètre D or (diamètre d'orifice). Cependant,
si seul ce paramètre était modifié, le débit en serait également modifié.
Dans un cas type pratique, il est bon de prévoir une série d'ajutages à
différents angles d'ouverture de cône de diffusion, qui fonctionnent tous
au même débit. Cela ne peut être réalisé immédiatement sans tenir compte
de l'interaction des paramètres qui forment le rapport X.
...
Le demandeur estime que la reconnaissance,du simple fait que l'écoulement
d' entrée en spirale logarithmique soit régi par le rapport X des surfaces
est unique et constitue une invention fondamentale qui ne peut pas
découler de l'expérimentation systématique. Au contraire, toute
l'expérimentation est fondée sur cette reconnaissance.
En outre, la méthode de sélection du rapport approprié
<IMG>
pour un angle d'ouverture du cône de diffusion (2.PSI.), et un rapport
débit/poids (W act) données, est également unique en son genre et
fait partie de l'invention. Par exemple, comme on peut le constater
d'après les tableaux, lorsque le diamètre d'orifice (D or) augmente, le
rapport X décroît et l'angle d'ouverture du cône de diffusion (2.PSI.) croît
Cependant, en même temps, le coefficient de décharge K décroît lorsque
le diamètre d'orifice croît,. et les paramètres 2.PSI.et W act ne peuvent pas
être maintenus: Une modification de BH s'impose alors pour rétablir 2
et W act.
De façon analogue, s'il faut modifier 2.PSI. seulement, en maintenant
W act, la fonction interactive du rapport des surfaces doit être mise
en oeuvre.
En conséquence, l'innovation de Dr. Polnauer réside dans la reconnaissance
de l'effet réciproque entre les paramètres B, H et D or de l'équation.
C'est-à-dire que, pour réaliser un ajutage de 2.PSI.et W act donnés, les
paramètres du numérateur et du dénominateur de l'équation doivent être
choisis.
En ce qui touche le rejet de la revendication 2 régie par l'article 2
de la Loi sur les brevets, une fois de plus, le demandeur ne peut pas
accepter la décision de l'examinateur. Les résultats obtenus par
l'application de la méthode revendiquée engendrent un avantage qui a
certainement une valeur commerciale ou économique, et qui se rapporte
à une forme de fabrication. Les résultats de cette méthode permettent
la fabrication adéquate du produit de la revendication 1. L'application
de la méthode de la revendication 2 donne un nouvel ajutage, notamment
celui de la revendication 1.
Il s'agit de décider (a) si la revendication 1 modifiée, qui porte sur un
ajutage de vaporisation, décrit une matière brevetable par rapport à l'antériorité
invoquée; et (b) si la revendication 2 modifiée, qui porte sur une méthode de
conception d'un ajutage de vaporisation, décrit une matière brevetable par
rapport à l'antériorité invoquée et au fait notaire, et si elle est peut-être
jugée brevetable aux termes de l'article 2 de la Loi sur les brevets. La
revendication 2 modifiée se lit ainsi:
La méthode de conception d'un ajutage de vaporisation ayant un
rapport débit/poids (W act) déterminé, ainsi qu'un angle d'ouverture
du cône de diffusion (2.PSI.) connu, ledit ajutage de vaporisation étant
du type formé d'un tube d'entrée pour recevoir le fluide à vaporiser
et d'un orifice, la chambre de tourbillonnement ayant une partie en
forme d'arc et un orifice d'entrée, ladite chambre de tourbillonnement
comportant aussi une admission servant de communication entre l'orifice
et ledit orifice d'entrée de ladite chambre de tourbillonnement, ladite
entrée ayant une partie ordinairement tangentielle à une partie d'un
arc de cercle de la chambre de tourbillonnement audit orifice d'entrée
et ledit orifice d'entrée de ladite chambre de tourbillonnement, ladite
entrée ayant une partie ordinairement tangentielle à une partie d'un
arc de cercle de la chambre de tourbillonnement audit orifice d'entrée
et l'orifice ayant une sortie en communication avec ladite chambre de
tourbillonnement, ledit ajutage, lorsqu'en fonctionnement, ayant aussi
un rapport débit/poids (W act) et un angle d'ouverture du cône de diffusion
(2.PSI.) et degrés, tous deux en corrélation avec la rapport X de la surface
d'entrée de la chambre de tourbillonnement (B.H.) à la surface de sortie
de l'ajutage
<IMG>
B représente la largeur de la partie de l'entrée tangentielle de
l'admission contiguë audit orifice d'icelle menant à la chambre
de tourbillonnement,
D représente le diamètre de l'orifice de sortie,
H représente la hauteur de la chambre de tourbillonnement,
Comprenant les étapes de fonctionnement de plusieurs ajutages
ayant des paramètres D, B et H différents, à des pressions d'entrée
du fluide différentes qui produisent des chutes de pression réelles
différentes à travers les différents ajutages correspondants,
mesurant le rapport débit/poids (W act) de chacun des ajutages actionnée
aux différentes pressions afin de déterminer le coefficient respectif
de décharge des ajutages en fonction des différentes pressions,
mesurant les angles d'ouverture du cône de diffiusion (2.PSI.) des différents
ajutages en fonction des différentes pressions, produisant à partir
des mesures prises, les fonctions f 1, f 2, f 3 et f 4 des équations ci-après:
(1) K ref f 1 (X)
(2) C P f 2 (.DELTA.P)
(3) 2.PSI. ref f 3 (X)
(4) C2 .PSI. f 4 (.DELTA. P)
et choisissant, selon au moins les équations (1) et (3), les paramètres
de la surface d'entrée de l'ajutage et de la surface de sortie de
l'ajutage, afin d'obtenir le rapport déterminé débit/poids et l'angle
déterminé d'ouvertue de dône de diffusion,
.DELTA. P représente la chute de pression réelle à l'ajutage,
K ref représente le coefficient de décharge de l'ajutage à une
chute de pression de référence,
C P représente un facteur de correction permettant de relier le
coefficient de décharge de l'ajutage sous une chute de pression
de référence (K ref), au coefficient de décharge sous une chute
de pression particulière,
2.PSI. représente l'angle d'ouverture du cône de diffusion à la
chute de pression de référence et,
C 2 .PSI. représente un facteur de correction reliant l'angle d
d'ouverture de cône de diffusion de l'ajutage sous une chute
de pression de référence, à une quelconque chute de pressionl
La revendication 1 porte sur un ajutage de vaporisation produit selon les
équations établies dans la revendication 2.
Il s'agit d'abord de déterminer l'étendue et la teneur de la technique
antérieure, et ce que l'on considère comme un fait notaire.
Le demandeur déclarait, dans sa divulgation, que "les ajutages de
vaporisation du type à écoulement du fluide en spirale logarithmique
et autres, sont connus dans l'antériorité". Il poursuit ensuite pour
discuter du brevet anglais 760,972 qui fut déposé par l'examinateur dans
sa décision finale. Ce brevet porte sur un ajutage comportant un corps
formé d'un tube d'admission, d'une chambre de tourbillonnement dont une
partie est en forme d'arc, d'un orifice d'admission tangentiel et d'un
orifice ayant une sortie communiquant avec la chambre de tourbillonnement.
La revendication 1 de cette antériorité se lit ainsi:
un ajutage de vaporisation comportant des joues formées
d'une chambre de circulation limitée par des organes extrêmes
dont au moins l'un d'entre eux dispose d'une sortie axiale, et
par une paroi périphérique munie d'une entrée tangentielle
quadrangulaire, dont la hauteur est sensiblement égale à la
hauteur de la paroi périphérique, ladite entrée ayant, à
l'endroit de l'ouverture qui donne accès à la chambre, une
largeur maximale de 2/9 du plus grand rayon de la chambre de
circulation, la hauteur de ladite chambre croissant sensiblement
de l'endroit de la paroi périphérique au bord de la sortie axiale,
de sorte que l'angle aérodynamique demeure sensiblement constant de
l'entrée à la sortie, ou aux sorties, de la chambre de circulation,
c'est-à-dire que le liquide s'écoule sensiblement selon un profil
de spirales logarithmiques de l'entrée à la sortie.
L'antériorité de Tate (E.-U. 2,904,263) porte sur un ajutage de vaporisation
qui a un rapport débit/poids de fluide, un angle d'ouverture du cône de
diffusion, une surface d'entrée et une surface de sortie d'ajutage. Les
deux premières variantes sont liées au "rapport X des surfaces" des deux
dernières variantes par les paramètres invoqués à nouveau dans les présentes
revendications.
Dans le règlement de la cause, il est intéressant de constater que l'explication
donnée par la Cour britannique, dans la demande de Lips 1959, R.C.P. 35, dans
laquelle le seul élément nouveau apporté dans une revendication relativement à
un objet (Hélice à vis pour bateaux), relevait du processus conceptuel, et non
des étapes matérielles et, par conséquent, ne pouvait être considérée un
procédé de fabrication particulier. A la page 37, Lloyd-Jacob J. déclare:
"Ce n'est sans doute pas un cas pouvant porter préjudice à la délivrance d'un
brevet, qu'un objet fabriqué ne puisse pas être distingué matériellement d'objets
analogues fabriqués antérieurement. En fait, il peut bien s'agir d'un
objet fabriqué selon un procédé moins onéreux et conçu de façon à
ressembler aussi étroitement que possible à un produit analogue connu,
fabriqué selon un procédé plus onéreux. Il est de pratique courante qu'une
description comprenne une revendication telle que: ...fabriqué selon le
procédé conforme aux revendications ... Mais dans un tel cas le procédé,
pour être admissible, doit caractériser les étapes matérielles qui constituent
une manière de fabriquer et, ainsi, il existe un test permettant de déterminer
si oui ou non le produit revendiqué est contrefait. Le test consiste à
réponder à la question suivante: un présumé objet contrefait (matériellement
indistinguible) a-t-il été fabriqué selon le procédé de fabrication invoqué
dans la revendication d'antériorité hypothétique? Un tel test ne s'applique
pas au cas qui nous occupe. Dès qu'il aura été décidé que l'hélice formant
l'objet de la réclamation 1 du demandeur est indistinguible (ici, il est
uniquement question des distinctions dimensionnelles) d'autres- hélices, il
semble que le seul élément nouveau présumable dans la revendication est le
processus conceptuel selon lequel les épaisseurs des lames de l'hélice à
diverses positions radiales, sont déterminées. En d'autres termes,on ne
peut pas dire que l'hélice est fabriquée au sens propre de la Loi. A mon
avis, en ce qui touche ma constatation que l'hélice faisant l'objet de la
revendication 1, se distingue uniquement par le procédé de calcul selon lequel
le profil de l'hélice est déterminé, la revendication ne peut être considérée
comme pour une invention au sens propre de la Loi.
Nous remarquons, toutefois, à la lumière du cas ci-dessus, que les paramètres
utilisés étaient des paramètres connus, alors que le demandeur, dans la
présente demande, prétend avoir utilisé des paramètres nouveaux, ou du moins
des rapports différents de paramètres. Cependant, nous estimons qu'il s'agit
là d'une autre méthode de calcul.
Considérons à présent l'objet des revendications. Comme nous l'avons déjà
signalé, en fait, la revendication 1 porte sur un ajutage dont les paramètres
sont choisis selon les équations de la revendication 2.
Le demandeur convient que "les deux antériorités semblent illustrer des
structures sensiblement pareilles à celles de la revendication 1. Cependant,
la revendication 1 décrit clairement un ajutage de vaporisation qui doit être
construit en-deçà des limites imposées par les rapports mathématiques définis
dans la revendication en question". Le demandeur poursuit en déclarant que
"ces rapports mathématiques définissent, selon toute évidence, l'ajutage en
des termes plus restrictifs que ne les divulguent l'une ou l'autre des
antériorités".
Toutefois, il est de notoriété qu'il convient de déterminer les paramètres
de tout dispositif, par l'expérimentation au moyen d'appareils réels ou
modèles, en mesurant les variantes pertinentes et, d'établir ensuite le
rapport matériel de telles données. Cependant, à moins d'une expérimentation
inventive (un résultat inattendu), il n'y a pas matière brevetable. Les
étapes de mise en oeuvre de plusieurs ajutages ayant des paramètres matériels
différents, sous des pressions différentes d'entrée du fluide, sont analogues
à la mise à l'essai des ventilateurs, pompes, etc. L'étape de mesure du
rapport débit/poids et de l'angle d'ouverture du cône de diffusion est connue
puisque le demandeur admet que les "deux critères sont habituellement précisés
par l'acheteur pour qui le modèle est conçcu". L'étape de formulation des
équations, à partir de données expérimentales, est également bien connue, et
nous la considérons comme n'étant qu'un "processus conceptuel".
Ce n'est sans doute pas un cas pouvant porter préjudice à la délivrance
d'un brevet, qu'un nouvel objet manufacturé ne puisse être distingué d'objets
fabriqués antérieurement selon des caractéristiques matérielles définies,à
condition qu'il puisse se distinguer d'une certaine manière car, dans
certains cas, un article peut être revendiqué en raison du procédé de fabrication
mais, dans un tel cas, le procédé, pour être admissible, doit caractériser les
étapes "matérielles de nouveauté". A notre avis, cependant, l'ajutage invoqué
dans la revendication 1 se distingue uniquement par la méthode de calcul selon
laquelle son profil est établi. Celui-ci peut aussi se concilier aux
circonstances selon lesquelles le progrès technique, tel que revendiqué, est
purement intellectuel, comme celui invoqué dans la cause britannique de la
Demande de Lips, supra.
Il est intéressait de constater la similitude d'approche dans la conception de
violons (C.M. Hutchins, The Physics of Violins, Scientific American, 1962, pp. 78-9~
qui indique que l'idée de formulation d'ensembles de règles matérielles empiriques,
pour la réalisation d'instruments de musique, était connue depuis au moins 1962,
si ce n'est avant. En conséquence, il semblerait que l'application de ce
principe à la fabrication de l'ajutage pourrait bien être évidente.
L'examinateur a aussi soulevé une objection à la revendication 2 en se reportant
à l'article 2 de la Loi sur les brevets "puisque la méthode ne traite pas
d'un objet matériel pouvant modifier ce dernier de quelque façon que ce soit".
L'article 2 de la Loi sur les brevets stipule notamment:
"Invention" signifie toute réalisation, tout procédé, toute
machine, fabrication ou composition de matières, ainsi qu'un
perfectionnement quelconque de l'un des susdits, présentant le
caractère de la nouveauté et de l'utilité.
La question, quant à savoir si l'objet d'une invention est une "technique"
ou un "procédé", a été traitée dans Tennessee Eastman c. le commissaire des
brevets (1970) 62 R.p.C. 117 à 128. Au cours de cette cause, "technique",
procédé" et "méthode" furent considérés comme une seule et même chose et, en
tout cas, il fut décidé qu'une "technique" peut comporter une méthode ou un
procédé, en invoquant Refrigerating Equipment Limited c. Waltham Systems
Incorporated (1930) Ex. R.C. pp. 154 à 166.
Une "technique", au sens de la Loi sur les brevets, doit réaliser un changement
quelconque dnas le caractère ou l'état d'objets matériels. Lorsque la mise en
pratique d'une présumée technique ne produit aucun effet matériel, mais ne
comporte que l'exécution d'un plan ou d'une théorie d'action, sans produire
des résultats matériels découlant directement de la mise en application de la
théorie ou du plan lui-même, ce n'est pas une technique au sens propre de la
Loi sur les brevets. En peu de mots, on peut dire qu'une "technique" est
l'utilisation de moyens pour produire un résultat.
C'est un fait que le procédé considéré ne soit pas admissible au sens
d'une "technique", car il ne consiste qu'à; mettre en activité plusieurs
ajutages ayant des paramètres matériels différents, mesurer le rapport débit/
poids sous différentes pressions, mesurer l'angle d'ouverture du cône de
diffusion sous différentes pressions, produire des équations à partir des mesures
prises, et ensuite choisir les paramètres des équations, tant de la surface
d'entrée que de la surface de sortie de l'ajutage, afin d'obtenir le rapport
débit/poids et l'angle d'ouverture du cône de diffusion voulus. Il n'y a
donc pas "emploi de moyens" pour produire un résultat.
Le demandeur soutient que "l'écoulement d'entrée simple en spirale
logarithmique régi par le rapport des surfaces, est unique en son genre
et constitue une invention fondamentale qui ne peut pas découler de
l'expérimentation systématique". Cela semble, toutefois, de l'ordre d'un
principe scientifique qui, en tant que tel, n'est pas brevetable. Par
ailleurs, une application pratique des "moyens matériels" rendant efficace
un nouveau principe, pourrait être brevetable.
Le Conseil est convaincu que les revendications déposées manquent de progrès
technique et recommande, en conséquence, que la décision portant refus soit
confirmée. De plus, les revendications modifiées proposées nie détruisent
pas les objections avancées dans la décision finale.
Le Président adjoint,
Commission d'appel des brevets,
J.F. Hughes
Je souscris aux constatations de la Commission d'appel des brevets et refuse
de délivrer un brevet pour les revendications déposées ou proposées. Le
demandeur dispose d'une période de six mois au cours de laquelle il
pourra interjeter appel de la présente décision aux termes de l'article 44 de
la Loi sur les brevets.
Telle est ma décision
Le Commissaire des brevets
A. M. Laidlaw
Fait à Hull (Quebec)
le 24 juillet 1974
Agent du demandeur
Alex. E. MacRae & Co.,
Ottawa (Ontario)