DECISION DU COMMISSAIRE
NON-EVIDENCE: Utilisation d'un matériau connu
Compte tenu de la preuve, le matériau non tissé qui existe depuis de nombreuses
années ne possédait pas les qualités spécifiquement requises pour la fabrication
de parachutes. On a découvert des avantages imprévus dans l'utilisation fructu-
euse du matériau pour la fabrication de parachutes à matériel jetables.
DECISION FINALE: Annulée
*******************************
La présente décision porte sur une demande de révision par le Commissaire des
brevets de la décision de l'examinateur datée du 21 novembre 1972 au sujet de la
demande no 010,866, déposée le 26 janvier 1968 au nom de Richard Kohnke, et qui
concerne une "voilure de parachute, surtout pour les parachutes à matériel". La
Commission d'appel des brevets a tenu une audience le 30 avril 1974 où M. G. Seaby
représentait le demandeur.
Cette demande s'applique à une voilure de parachute composée de matière non tissée.
Au cours de l'examen de la demande, auquel la Décision a mis un terme, l'examina-
teur a refusé la demande du fait qu'elle no comporte qu'une simple substitution
de matériaux par rapport à ceux décrits dans les brevets antérieurs suivants:
Brevet canadien
422,413 5 septembre 1944 Frieder
Brevets américains
2,134,362 25 octobre 1938 Frieder
2,167,571 12 janvier 1937 Jamison
1,618,613 27 février 1927 Turner
2,384,187 4 septembre 1945 Manson et al
L'examinateur a fondé (partiellement) sa décision en ces termes:
Pour ce qui est de cette technique, mentionnons brièvement que
Frieder (brevet canadien) et Turner préconisent des parachutes en
papier, tandis que pour Jamison et Manson, il s'agit de voilures
d'une seule pièce, et pour Frieder (brevet américain) d'une voilure
extensible dans tous les sens.
La demande est rejetée du fait qu'elle ne porte que sur une
simple substitution des matériaux.
Au sujet, l'étude de la jurisprudence montre que les critères
suivants ont été adoptées pour déterminer si une substitution
de matériaux est brevetable:
1. Lorsqu'un changement ou une modification dans la
construction d'un article s'impose par l'emploi
d'un nouveau type inédit de matériau;
2. lorsqu'on utilise pour un article déterminé un
matériau connu qui n'a jamais été utilisé dans ce but
et que cette utilisation est due à des propriétés
jusque là inconnues ou insoupçonnées;
3, lorsque l'adaptation du matériau connu pour l'article
en question ouvre la porte à de nouvelles possibilités
dans sa technique de production;
4, lorsque l'emploi, pour un article particulier, d'un
matériau connu mais qui n'a jamais été utilisé
antérieurement dans ce but, résulte en un avantage
économique inattendu.
...
Selon le demandeur le quatrième critère correspondrait à sa
demande. En effet, il argue du fait qu'on n'a jamais envisagé
l'emploi de non tissés pour des parachutes et que la découverte
de cette application résulte donc en des économies imprévues sur
le plan financier. Cela s'avère particulièrement vrai dans le
cas des parachutes à matériel,non-réutilisables.
Dans son mémoire descriptif, le demandeur reconnaît que l'on
sait fabriquer des voitures composées de différents matériaux
et les réalisations antérieures le confirment. Il est à remarquer
que le brevet canadien de Frieder préconise l'emploi d'un parachute
dont le coût de fabrication est faible et ne devant servir qu'une
fois. Il précise également que son parachute est conçu pour être
employé avec des fusées et des signaux, mais qu'il n'est pas limi-
té à ces applications puisqu'il "peut être utilisé à d'autres
usages en utilisant des tailles diverses". Par conséquent,
l'emploi de parachutes à faible prix de revient et qui ne ser-
vent qu'une fois n'est pas nouveau. La seule nouveauté réside
dans le choix de matières non tissées parmi les nombreux autres
matériaux de base qui peuvent être utilisés. Néanmoins, l'in-
venteur admet dans son mémoire (cf. page 2) que les propriétés
et les coûts des non tissés sont bien connus. Le demandeur n'est
donc pas le premier à concevoir un parachute constitué d'une
voilure d'un seul tenant et extensible dans tous les sens, qui
soit fabriquée d'un matériau si peu onéreux qu'on puisse ensuite
le jeter.
L'on maintient que le demandeur n'a fait que choisir qu'un
matériau connu parmi tant d'autres pour fabriquer un genre de
parachute connu et convaincre certaines compagnies qu'un tel
parachute serait utile lorsque l'on parachute des charges, et ce,
lorsque les normes de sécurité exigées sont moindres de sorte
qu'il est possible d'employer un matériau moins solide qu'il
ne l'était auparavant.
Pour appuyer sa demande, le demandeur ne s'est pas seulement
fondé sur le critère de substitution évoqué dans un cas de
substitution de matériaux pour la fabrication d'une hélice de
ventilateur, mais aussi sur la nouvelle construction exigée
par la substitution et les nouveaux résultats en provenant.
Par conséquent, il se fonde sur la nouveauté ou le caractère
accru de l'utilité du produit à la suite de cette substitution.
Dans cette demande, il n'est question d'aucune nouveauté
semblable, au tire de la construction, des résultats ou de
l'utilisation à la suite de la substitution. En raison de cet
exposé, de l'étude des cas de jurisprudence et de leurs liens
avec l'objet de la présente demande, il est jugé que cette
demande ne satisfait à aucun des quatre critères sus-évoqués
et ne porte que sur une simple substitution de matériau. Par
conséquent, la présente demande est rejetée.
Dans sa réponse datée du 21 février 1973, le demandeur déclarait notamment:
La seule question soulevée dans la Décision et qui n'avait pas
encore été mentionnée est que le matériau devant être employé
pour la voilure du parachute était de moindre qualité. Il est
allégué que l'affirmation de l'examinateur est purement spécu-
lative. Le demandeur a prouvé que l'emploi de matières non
tissées assurait une grande stabilité de vol que l'on ne soup-
çonnait pas, ce qui représente un avantage technique. De plus,
il ressort de cet avantage que la voilure est suffisamment utile
pour justifier la production commerciale.
Il est évident que le Bureau soutient toujours que l'invention
revendiquée dans cette demande repose essentiellement sur une
simple substitution de matériau. Il a bien été établi qu'il
s'agit ici de l'utilisation d'une nouvelle matière que les
spécialistes jugeaient antérieurement impropre à la confection
de voilures de parachutes, du fait de sa grande extensibilité
et de son peu de résistance. De l'avis des spécialistes, le
matériau dont sont faites les voilures de parachutes devaient
avoir des propriétés inverses, à savoir une faible extensibilité
et une grande résistance.
...
Le Bureau a déclaré à plusieurs reprises que la présente invention
ne consistait qu'en la simple sélection d'un matériau connu, parmi
tant d'autres, pour la fabrication d'un parachute de modèle connu.
Le premier paragraphe de la page 3 de la Décision avance l'hypo-
thèse que le demandeur a convaincu certains organismes de l'utilité
d'un parachute fabriqué dans ce matériau pour les charges exigeant
une norme de sécurité moindre. Une fois encore, il faut souli-
gner que ce n'est là que pure spéculation, et que le Bureau n'a
produit aucune preuve à l'appui de cette théorie; le demandeur
persiste à affirmer que l'emploi d'un non tissé pour un parachute
offre une grande stabilité de vol et que la preuve et les exposés
du demandeur doivent être acceptés en l'absence de preuve du
contraire.
La Décision actuellement en cour de rédaction fait longue-
ment référnece à l'affaire Sampson United (1). Naturellement
les détails de cette affaire ne sont exactement les mêmes qu'en
l'espèce et l'affaire Sampson United ne peut donc que servir
de guide. Indépendamment des conclusions de cette affaire,
la décision doit déterminer si l'allégation surprenante voulant
qu'un non tissé puisse être efficacement employé pour les
voilures de parachutes, constitue réellement une invention.
Le demandeur le prétend alors que tous les techniciens ont
déclaré que ce matériau ne pouvait pas être efficace à ce titre.
Au premier paragraphe de la page 4 de la Décision, l'examinateur
déclare: "Il appartient au fabricant ou à celui qui conçoit
les parachutes de choisir, en fonction de ses compétences
techniques, le matériau adéquat pour obtenir la résistance ou
les caractéristiques souhaitées." Cette affirmation est exacte
dans l'absolu. Toutefois, si l'on estime qu'un non tissé ne
peut servir à la fabrication d'une voilure de parachute du fait
de ses propriétés, le choix du matériau n'est plus une question
relevant des compétences techniques d'un fabricant ou de celui
qui conçoit les parachutes. Jusqu'à présent, il était estimé
que le matériau en question était inadéquat et inacceptable.
Il a été demandé à la Commission de juger si la trouvaille alléguée par le
demandeur se concrétisait en une amélioration technique brevetable. La revendi-
cation 4. dispose:
Dans,une voilure de parachute, un ensemble de fuseaux sans
couture, en matière fibreuse non tissée s'étire sensiblement
de la même façon dans toutes les directions, à la suite des
pressions qui s'exercent et des moyens qui sont mis en oeuvre
pour relier les fuseaux formant la voilure.
Le brevet Frieder (B. C. 422,413) traite de parachutes à employer avec des fusées
de magnésium et autres signaux. Le matériau employé pour la fabrication du
parachute est ainsi décrit: "... le papier employé est plus ou moins comparable
à un tissu de papier très résistant.'' Toutefois, le demandeur admet être au cou-
tant des essais effectusé pour fabriquer des parachutes en papier (cf. page 2 de
la divulgation). La revendication 1 du présent brevet dispose:
Un parachute ayant une voilure, ou une voile, consistant; en
une feuille de papier d'une pièce et essentiellement circu-
laire, cousue de fils de renfort qui s'étendent en rayons,
et d'un autre fil renforceur faisant le tour de ladite feuille,
le long du bord, et de cordes de suspente fixées à leur extré-
mité supérieure à la voilure, aux points où se rencontrent les
fils en rayons et celui de circonférence.
(1) (1939 D.C.E. 277)
La référence Turner touche un parachute-jouet également fait en papier utili-
sable aussi bien comme outil publicitaire à bon marché que comme jouet."
Les brevets Jamison et Manson proposent l'emploi de voilures constituées de
fuseaux d'une seule pièce.
Le brevet Frieder traite généralement de parachutes faits de voiles tissées qui
"sous la pression, s'étirent dans toutes les directions".
Le demandeur a souligné, surtout à l'audience que la brevetabilité ne dépend
d'aucune nouvelle structure. Par conséquent, il s'agit essentiellement de savoir
si la découverte qu'un "matériau non tissé" qui présente des avantages pour un
usage particulier, n'est qu'une simple substitution de matériau, ou constitue
un progrès caché pouvant être considéré comme une invention réelle.
Il s'ensuit donc que s'il y a "invention" ce ne peut être que par l'idée nouvelle
d'utiliser du "matériau non tissé". La nouveauté de l'idée est reconnue, mais
il reste à en prouver la valeur inventive. Il est bien établi dans la jurispru-
dence que le fait de reconnaître qu'une idée est nouvelle peut mériter la protec-
tion d'un brevet même si les moyens de mettre cette idée en application ne suscitent
aucun problème. Une affaire faisant autorité est celle de Hickton's Patent
Syndicate c. Patents and Machine Improvements Company Ltd. (1909) 26 R.P.C. 339.
A la page 347, Fletcher Moulton déclare qu'elle est sa position en ces termes:
Le juge déclare: "Une idée peut être nouvelle, originale et
très valable sans être brevetable à moins que sa concrétisa-
tion dans la pratique ne requiert un certain caractère d'inven-
tion". Avec tout le respect que je dois au juge, je dirai que
c'est parfaitement contraire aux principes des textes législatifs
sur les brevets et que cette décision priverait de leur récompense
un très grand nombre d'inventions valables. Pour autant que je
sache, je dois dire que cette opinion ne s'appuie sur aucun cas
et qu'aucun de ceux-ci n'a été cité pour justifier cette prise
de position... Priver un demandeur, en se retranchant derrière
les dispositions législatives applicables aux brevets, du droit
de se prévaloir d'une nouvelle invention au motif que l'appli-
cation est trop facile dès qu'on en a eu l'idée, et alors même
que l'on reconnçait par ailleurs qu'elle est valable dans sa
conception, qu'elle a un caractère inventif et qu'elle est
sans doute nouvelle et originale constitue, à mon avis, un
principe extrêmement dangereux que ni la raison, ni l'autorité
ne justifient ... D'après moi, l'invention peut résider dans
l'idée, ou dans la façon dont celle-ci est appliquée, ou dans
les deux à la fois.
Dans l'affaire Fawcett c. Homan (1896) 13 R.P.C., 398 à 405, le juge Lindley a
déclaré:
Le mérite d'un inventeur consiste très souvent à concrétiser
un désir utile particulier, ou, pour employer les termes du
Dr Hopkinson, "à percevoir des desiderata ". Si un inventeur
le fait, et montre également comment parvenir au résultat
espéré au moyen d'une nouvelle invention, alors son invention
est brevetable alors même qu'elle entraîne l'emploi de choses
ou d'élément déjà employés auparavant par d'autres personnes.
Dans le cas contraire, il ne serait pas possible d'accorder
un brevet pour une nouvelle trouvaille composée d'éléments
déjà bien connus. Il me semble que c'est ici le cas. Le
breveté a eu une idée à laquelle personne n'avait jamais pensé
et le mérite de son invention doit être attribué a cette cir-
constance. (Nous soulignons)
Cette doctrine est retenue aussi par la jurisprudence canadienne. On peut se
rapporter à ce sujet, à la déclaration suivante du juge Rinfrit dans Electrolier
Manufacturing Co. Ltd. c Dominion Manufacturers Ltd (1934) D.S.C. 436 à 442:
La valeur du brevet de Pahlow ne provient pas tellement de
la façon de concrétiser l'idée que de la conception de l'idée
elle-même (Fawcett c. Homan)...
Il s'agissait ici du "caractère ingénieux de l'application d'un matériau élastique
connu".
Cette idée ou ce concept de nouvelle application constitue un nouvel emploi pour
un matériau connu. La jurisprudence applicable établit les directives générales
suivantes comme critères servant à déterminer si la substitution d'un matériau à
un autre entraîne l'originalité. Celle-ci existe si:
1. un changement ou une modification dans la construction
d'un article ou d'appareil est rendu nécessaire par
l'emploi de matériaux d'un genre particulier jamais
utilisé auparavant dans le but envisagé;
2. l'emploi, dans un article ou appareil particulier,
d'un matériau connu qui n'a jamais été utilisé dans
ce but, est dû à des propriétés inconnues et insoup-
çonnées jusque là pour ce matériau;
3. l'adaptation du matériau connu à un article parti-
culier ou une pièce d'appareil, ouvre la porte à de
nouvelles possibilités dans la technique de production
de l'article ou de l'appareil;
4. un matériau connu est employé dans la fabrication d'un
article ou appareil pour lequel il n'a jamais été employé
et cet emploi dépend des propriétés déjà connues du
matériau, pourvu que le nouvel usage procure des avantages
inattendus ou pallie un inconvénient connu d'une façon
inattendue.
En ce qui concerne le premier critère, aucun changement ou modification dans
la construction du parachute n'est allégué, ni revendiqué.
Relativement au deuxième critère, le demandeur admet que la propriété du "maté-
riau non tissé", relativement au nouvel emploi revendiqué, n'était pas inconnue
jusqu'à présent.
Pour le troisième critère, nous remarquons qu'il n'y a pas d'utilisation d'une
technique nouvelle ou inattendue pour la production du parachute.
Quant au quatrième critère, il est légèrement différent de celui auquel l'exa-
minateur faisait allusion. Celui-ci mentionnait "un avantage économique inattendu".
Le cas du demandeur relève de cet "avantage inattendu" et il nous faut appro-
fondir cette question.
Dans sa réponse du 14 février 1972, le demandeur déclarait:
Ce n'est pas seulement "la recherche de l'emploi d'un maté-
riau non tissé pour un parachute" qui contribue à l'invention;
il s'agit plutôt de la découverte surprenante, au terme de
longues recherches, que le non tissé est non seulement utile
à la construction des parachutes, mais représente un produit
nouveau, peu onéreux et relativement facile à fabriquer
ET
Relativement au point (1), le fait que les propriétés des non
tissés soient bien connues démontre la prétention selon laquelle
le demandeur a réellement fait une invention. L'Aviation de la
République fédérale allemande et les compagnies produisant des
non tissés, par exemple "l'entreprise Freudenberg à Weinheim an
der Bergstrasse", doute fort de l'utilité des non tissés pour
les parachutes.
Apparemment, il n'existe aucune raison de doute de l'allégation du demandeur
selon laquelle la découverte de l'utilité des "matériaux non tissés" pour la
confection des parachutes s'oppose à ce qu'on pensait à ce sujet. De plus, ces
doutes sont provenus des fabricants du matériau et des usagers de parachutes
eux-mêmes.
Le raisonnement du tribunal est également logique dans l'affaire Van Heusen Inc.
c. Tooke Bros. Ltd. D.C.E. (1924) 84 à 97. Le jugement déclare:
Aucune invention ne réside dans la simple adaptation
d'une idée appliquée d'une façon et dans un but précis
bien connus, pour une technique qui l'est également, sans
qu'il y ait par ailleurs une certaine originalité...
Et à la page 99:
Un brevet qui consiste simplement à un nouvel emploi d'un
dispositif connu, sans qu'il y ait une originalité quelconque
qui surmonte de nouvelles difficultés, est mauvais et ne peut
être accepté. Si le nouvel emploi ne comporte aucune origi-
nalité, mais réside dans la manière ou dans des objectifs
analogues à l'ancienne utilisation, sans être absolument
identiques à ceux-ci, dans ce cas, il n'y a pas d'invention.
(nous soulignons)
La substitution de matériaux, lorsqu'il n'y a aucune fonction ou but différent de
l'ancien emploi, ne mérite donc pas l'octroi du monopole d'un brevet, à moins
que l'inventeur ne soit le premier à surmonter des difficultés pratiques (ou à
ajouter des avantages) à la suite de sa propre originalité. (Cf. également
Somerville Paper Boxes Limited c. Cormier D.C.E. (1941) 49). Dans la demande
citée, le but et les fonctions du "matériau non tissé" sont différents des emplois
qui ont été proposés auparavant, et la demande ne doit donc pas être rejetée
pour cette raison.
Il y a eu de multiples discussions, en particulier lors de l'audience, pour savoir
si un non tissé était aussi solide qu'une autre matière, le "nylon" par exemple.
Il s'agit là d'une question toute relative qui importe peu puisque le "matériau
non tissé" est suffisamment résistant pour l'emploi envisagé. Il suffit de dire
que les rapports d'essai fournis par le demandeur ont démontré que le parachute
donnait des résultats satisfaisants pour des charges allant jusqu'à 1200 kg.
(2652 lbs).
Le demandeur déclare également: "le matériau non tissé employé dans cette
invention est décrit dans le traité de C.M. Brandt, publié ent 1959..." Dans
ce travail, l'auteur montre que le matériau est connu depuis fort longtemps.
La page 3 dispose notamment; "L'un des non tissés les plus anciens a été fabri-
qué aux Etats-Unis en 1932". A la page 4, nous lisons: "Au début des années 50,
une compagnie, Pellon Corporation, a finalement mis sur le marché un non-tissé
de haute qualité pour les entre-doublures." De même à la page 75, figure une
liste de 70 produits comportant des non-tissés, mais il n'est jamais fait de
mention de parachutes. Par conséquent, il ne semble pas que ce soit de la part
du demandeur, une simple question de choisir un nouveau matériau, pour un usage
différent. Le matériau existait bien avant la date de la présente demande.
De plus, dans le brevet anglais 1,126,560 (cité par le demandeur), qui a une date
de priorité conventionnelle du 18 juin 1965, l'inventeur a fait le commentaire
suivant à propos des non-tissés:
Ces produits ont parfois été décrits dans la documentation
américaine sous le terme générique "non-tissé" et, pour
plus de simplicité, c'est le terme que nous employerons
dans ce mémoire descriptif. Ces produits non-tissés ne
sont disponibles sur le marché que depuis peu de temps, et
ont été mis à l'essai dans divers domaines. Par exemple,
on a suggéré de les employer comme sous-couches pour des
enductions ou des imprégnations dans la production de couver-
tures de livre ou de papier couché; pour remplacer les dou-
blures textiles dans la fabrication de chaussures ou de
vêtements; comme support pour une couche de résine synthéti-
que stratifiée; pour remplacer les revêtements de fibre de
verre; et même comme dossier pour les tapis touffetés,
c'est-à-dire de ceux dont le velours formant la couche
d'usage est constituée de fibres continues implantées par
piqûre en boucles, et à l'aide d'aiguilles sur le dossier.
L'on s'est maintenant aperçu que les draps non tissés pou-
vaient servir à la fabrication de produits comme les revê-
tements de sol ... (nous soulignons)
Sont également dignes d'intérêt les conclusions des rapports d'essai fournis par
le demandeur (D.P.L. Testing Station, du 20 mars 1967,), à propos de voilures "en
perlon non tissé":
Après avoir retrouvé et mis à l'épreuve tous les appareils
d'essai, lors d'unc réunion ultérieure les participants ont
été unanimes sur les points suivants:
On s'attendait à ce que les tests préliminaires de ce jour
ne soient pas positifs à 100% mais il ne fait aucun doute qu'un
textile non tissé en fibres de perlon convient parfaitement à la
confection de voilures pour les parachutes à matériel,également
de taille G 12 D.
Toutefois, afin de confirmer les propriétés démontrées par les
essais préliminaires, il semble souhaitable de les recommencer
en changeant la taille de la pointe et en y attachant des cordes
à la base, avant de commencer la construction d'une voilure de
parachute conçue pour correspondre aux propriétés particulières
d'un non tissé et avant de commencer les épreuves systématiques.
D'ores et déjà, on peut voir qu'en raison du prix relativement bas
des non tissés l'on peut s'attendre à une économie des coûts d'en-
viron 50% par parachute, lorsqu'ils sont achetés en grande quantité.
(Le demandeur a souligné)
Revenant à notre quatrième critère qui dispose: il peut y avoir originalité si:
un matériau connu est employé dans la fabrication d'un article
ou appareil lorsqu'il n'a jamais été employé, et cet emploi
dépend des propriétés déjà connues du matériau, pourvu que le
nouvel usage procure des avantages inattendus ou évite d'une
manière inattendue, un inconvénient connu.
et compte tenu de l'exposé précédent et de l'état de la Loi, nous estimons que
l'idée d'un emploi réussi de "matériaux non-tissés" pour la confection de para-
chutes représente un avantage inattendu. Bien que ce matériau ait été connu
depuis plusieurs années, rien ne prouve qu'il ait été déjà employé pour des
parachutes. Au contraire, la seule preuve qui a été fournie à la Commission
tendait à démontrer que cette substance ne convenait pas pour les parachutes.
Par conséquent, la Commission estime qu'il y a originalité, fondée sur la
réflexion et les expériences (cf. Crosley Radio Corporation c. Canadian General
Electric Company (1936) S.C.R. 551 à 556), et que le Commissaire ne doit pas être
satisfait de la décision voulant que le demandeur ne se voit pas autorité par
la loi à l'octroi d'un brevet.
Nonobstant ce qui précède, la Commission estime que les revendications 1 à 3
ne sont pas acceptables. La première ne revendique pas l'invention, mais simple-
ment un fuseau de parachute (L'article 36 de la Loi sur les brevets s'applique
ici). Les deuxième et les troisième revendications dépendent de la première et
sont donc discutables pour la même raison.
Une revendication semblable à la quatrième serait acceptable si elle était modifiée
de façon à exposer une voilure de parachute faite d'un "matériau synthétique orga-
nique non tissé". C'est là le seul matériau employé dans tous les rapports d'essai
qui nous ont été fournis, ainsi dans le brevet anglais, on ne dispose d'aucune
preuve que l'invention dépasse le cadre de ces essais.
Par conséquent, la Commission recommande le retrait de la décision de refus de
l'examinateur et que les revendications soient modifiées en conséquence.
Le président-adjoint de la
Commission d'appel des brevets
J.F. Hughes
Je suis d'accord avec les conclusions de la Commission d'appel des brevets. Par
conséquent, je retire la Décision, renvoie la demande à l'examinateur pour qu'il
termine l'instruction et fasse effectuer les modifications conformément aux
directives.
Le Commissaire des brevets,
A.M. Laidlaw
Fait à Hull, Québec
le 16 mai 1974
Agent du demandeur
Marks & Clerk