DECISION DU COMMISSAIRE
INUTILITE - Article 2. Inopérant parce qu'impuissant à réaliser le
résultat recherché.
La présente invention alléguée, soit un moteur pouvant fonctionner "sans
aucune perte d'énergieç est contraire aux principes scientifiques. Le
but pour lequel ledit moteur a été conçu n'ayant pu être atteint par des
personnes versées dans le métier, le domaine public n'a par conséquent aucun
avantage à en tirer.
DECISION FINALE: confirmée
***********************
La présente décision a trait à une demande de révision, par le Commissaire
des brevets, de la décision finale de l'Examinateur en date du 10 avril 1973,
concernant la demande numéro 142,930. La demande a été déposée le 25 mai 1972 au
nom de Haptain R. Wongh et porte sur un "Moteur pneumatique".
La présente demande a trait à un moteur qui fonctionne à l'air comprimé stocké
dans un réservoir. Le réservoir est rechargé au moyen de pompes commandées par
le moteur, de sorte que le moteur, selon l'allégation n'appelle aucune énergie
externe pour entretenir le fonctionnement.
Lors de l'instruction, qui s'est terminée par la décision finale, l'Examinateur
a rejeté les revendications en raison de la technique antérieure, et aussi prace
que le dispositif est irréalisable et par conséquent inutile.
Dans sa décision finale l'Examinateur déclarait notamment:
Antériorité redéposée
Brevet canadien
119,556 27 juillet 1909 Cl. 60-30 Dessins, 2 feuilles Pittman et autres
La présente demande révèle un moteur qui fonctionne à l'air comprimé
emmagasiné dans un réservoir, lequel est rechargé par des pompes
commandées par le moteur qui, fonctionnant conformément à la "Loi
d'Haptain sur l'introduction de l'énergié" (loi dont le demandeur est
l'auteur), n'exige aucune énergie externe pour entretenir le
fonctionnement.
L'antériorité redéposée susmentionnée décrit un moteur qui fonctionne
à l'air comprimé stocké dans un réservoir, lequel est rechargé par une
pompe d'air qui peut être commandée par le moteur. La seule différente
fondamentale qui existe entre le moteur du demandeur et celui qui fait
l'objet de l'antériorité réside dans le fait que le moteur de demandeur
est allégué ne pas exiger l'apport d'une énergie externe pour entretenir
le fonctionnement, alors que le moteur de l'antériorité doit recourrir
à une source externe d'air comprimé pour se recharger périodiquement, ce
afin d'entretenir le fonctionnement. La présente demande n'a pas tenu
compte des pertes dues au frottement, inhérentes à toute machine, et qui
rendent impérieux l'apport d'énergie en provenance d'une source externe
afin d'entretenir le fonctionnement. La présente demande est par conséquent
rejetée par manque de montrer un perfectionnement brevetable par rapport
à l'antériorité susmentionnée. Nous faisons également remarquer que
même si la présente demande pouvait être modifiée de manière à prévoir
un apport d'énergie en provenance d'une source externe, elle ne réussirait
pas à montrer un progrès technique par rapport à l'antériorité.
...
Pour ce qui est de la lettre du demandeur, en date du 15 décembre 1972,
il est out à fait inutile de discuter de la "Loi d'Haptain sur l'intro-
duction de l'énergie". La demande doit fournir tous les renseignements
requis par l'article 36 de la Loi sur les brevets. L'article 28 (3) de la
Loi sur les brevets stipule que tout concept scientifique abstrait ne peut
donner lieu à la délivrance d'un brevet.
La présente demande est par conséquent refusée parce qu'elle divulgue et
revendique un moteur dépourvu d'utilité et de perfectionnement brevetable
par rapport à la technique antérieure.
Le demandeur dans sa réponse à la décision finale, en date du 26 juin 1973
déclarait notamment:
(1) Le pétitionnaire est fermement convaincu qu'il est autorisé à faire
une revendication auprès du Commissaire des brevets au titre de la
décision de l'Examinateur parce que ce dernier n'a pas reconnu la
validité d'un moteur pneumatique, et parce que ladite requête tombe
sous le coup des dispositions de l'article 46(2) de la Loi sur les
brevets, et parce que l'Examinateur a refusé la présente demande en
vertu de deux illogismes.
(i) L'Examinateur prétend que ledit moteur pneumatique n'offre aucun
perfectionnement par rapport au moteur de l'antériorité, partant
de l'idée fausse qu'il s'est faite que l'effort de friction entraîne
une perte d'énergie, l'effort de friction inhérent à tout moteur
n'est pas la cause de pertes d'énergie. L'effort de friction est
un phénomène subordonné au degré de rendement. De plus, l'Examinateur
n'a pas mentionné le mécanisme qui actionne le moteur et qui est le
facteur de rendement le plus important. Par conséquent, la première
objection de l'Examinateur est un illogisme.
(ii) L'Examinateur prétend que le moteur est dépourvu d'utilité en
partant de l'idée fausse qui le porte à croire que les deux
pompes de rechargement branchées sur le moteur en consommeraient
toute la puissance utile, tandis qu'en réalité ces deux pompes
n'exigent qu'une puissance d'entrée de 10 hp, et qu'en enlevant
les autres éléments de frottement d'un moteur à combustion au
cours de sa conversion en un moteur pneumatique on en accroît
la puissance d'environ 18 hp. Par conséquent, l'objection de
l'Examinateur est un illogisme.
Il s'agit donc de déterminer si l'objet de la demande constitue un progrès
technique brevetable par rapport à l'antériorité. La revendication 1 se lit
comme suit:
Le moteur pneumatique est le fruit de la simple transformation d'un
moteur à combustion interne, et sert aux mêmes fins et applications
que ce dernier. Cependant le moteur pneumatique est actionné par un
mécanisme différent de celui du moteur à combusion interne. Le moteur
pneumatique est dépourvu de combustion et fonctionne par énergie de
transition, ou air comprimé, dans un système fermé à mouvement perpétuel
sans consommer aucune substance, parce que l'énergie ne peut être ni
engendrée, ni détruite. L'énergie devient donc nécessairement un apport
et du fait même elle est communiquée de façon quantitative. Le moteur
pneumatique fonctionne en vertu de son principe mécanique et est doué
d'une grande puissance utile. En outre, sa puissance et ses dimensions
peuvent être augmentées ou réduites proportionnellement aux besoins. De
plus, la puissance d'entrée qu'il nécessite, afin de fournir un rendement
maximal, est minimale. Il possède des caractéristiques uniques comparativement
au moteur à combustion interne, en ce qu'il n'engendre pas de pollution
parce qu'il ne consomme aucun combustible. Le moteur pneumatique est, de
nos jours, le moteur le plus économique au monde parce qu'il ne consomme
aucune substance. Par conséquent, il devient indispensable aux industries
de toutes sortes ainsi qu'à tous les modes de transport.
Le brevet de référence de Pittman divulgue un moteur qui peut être entrainé
ou actionné à l'air comprimé. A la page 1 dudit brevet, on peut lire, une
description de l'invention, énoncée comme suit:
...Dans l'application particulière de l'invention à des moteurs
de locomotives, ces dernières sont munies du mécanisme habituel
de bielles et de cylindres fonctionnant de concert avec les pompes
un certain nombre de ces pompes étant actionnées uniquement par les
éléments mobiles de la locomotive et le reste étant actionné
manuellement et utilisé seulement afin de mettre le moteur en marche
et, étant raccordé à un réservoir d'admission communiquant au moyen
de tuyaux appropriés avec les réservoirs de stockage, ces derniers
étant rattachés par des conduits au réservoir de distribution à la
manière de la chaudière conventionnelle de locomotive.
Egalement à la revendication 1 dudit brevet on peut lire:
Dans un moteur pneumatique du type décrit, un réservoir de
distribution conçu pour être rempli à intervalles réguliers à
partir de postes d'air comprimé, des réservoirs de stockage
reliés au réservoir de distribution, un réservoir d'admission
muni d'un tuyau aux fins de raccordement aux réservoirs de
stockage, ledit tuyau de raccordement étant doté de robinets
d'arrêt et de purge, un mécanisme d'entraînement composé de
cylindres et de pompes, des raccords d'alimentation tubulaires
entre les cylindres et le réservoir de distribution, des raccords
tubulaires entre les pompes et les réservoirs d'admission et de
stockage, ainsi que des pompes à main pour remplir le réservoir
de distribution advenant le cas ou la pression deviendrait basse
à l'intérieur dudit réservoir.
Après avoir examiné la revendication 1, nous constatons qu'elle porte
fondamentalement sur un moteur qui peut être entraîné ou actionné par l'air
sous pression. La seule différence de base qui existe entre le dispositif
révélé par la présente demande et celui de l'antériorité réside dans le fait que
lorsque le présent dispositif est censé ne pas appeler un apport d'énergie
externe, celui de l'antériorité doit, afin d'entretenir le fonctionnement,
avoir périodiquement recours à une source externe de réapprovisionnement en
énergie.
C'est un fait bien établi que les pertes dues au frottement sont inhérentes
à toutes les machines et que, par conséquent, il est nécessaire de prévoir
un apport d'énergie externe afin de remplacer l'énergie ainsi perdue. Cependant,
puisque dans le moteur décrit et revendiqué, aucun moyen d'apport d'énergie
externe n'a été prévu afin d'entretenir le fonctionnement, ledit moteur
continuera de débiter une quantité limitée d'énergie seulement aussi longtemps
que l'approvisionnement en air comprimé durera. De plus, le fait d'utiliser
des pompes commandées par le moteur pour recharger les reservoirs de stockage
ne sert qu'à réduire l'énergie utilisable disponible dans les réservoirs de
stockage.
Le demandeur a divulgué et revendiqué ce qu'il appelle "un système fermé
à mouvement perpétuel" sous la forme d'un moteur lequel, prétend-il, pourra
fonctionner sans aucune perte de l'énergie emmagasinée. Ceci est énoncé de
manière succinte à la page 3 de l'appendice à la réponse à la décision finale
et se lit comme suit: "De plus, ce moteur pneumatique est d'usages multiples
et, par le fait même a le pouvoir de récupérer cette petite quantité d'air
comprimé qui peut s'être échappée à l'air libre par les pièces et les joints
dudit moteur, parce qu'il y a toujours suffisamment d'air comprimé disponible pour
faire le plein. Ainsi donc, à la fin de chaque période de fonctionnement, la
quantité d'énergie emmagasinée dans le réservoir est inchangée, et par conséquent
le moteur pneumatique offre une utilité optimale parce qu'il n'entraîne pas de
frais d'exploitation.
Le demandeur a argumenté que "l'Examinateur fait erreur dans son évaluation
de l'invention". Il est toutefois établi que les pertes causées par le
frottement dans une machine quelconque doivent être compensées, et qu'aucune
machine dont le fonctionnement est assujetti à une source d'énergie externe
ne peut fonctionner sans aucune perte d'énergie. Ainsi donc, nous sommes
d'avis que, sur ce point les arguments du demandeur, ne sont pas fondés sur
le principe scientifique touchant les pertes d'énergie dues au frottement.
Par conséquent, nous devons conclure que la théorie du demandeur est inexacte.
Il est intéressant, au cours de la présente procédure d'examen, de citer
l'exposé raisonné de la décision de la Cour de l'Échiquier dans l'affaire
de Minerals Separation c. Noranda Mines Ltd. (1947) Ex. R.C. 306, où l'on
peut lire, à la page 316, la déclaration suivante de Thorson P.:
Le mémoire descriptif d'une invention doit faire état de
deux choses, l'une étant l'invention même, et l'autre
étant le fonctionnement ou l'utilisation de l'invention
tel que l'envisage l'inventeur, et en regard de chacune
de ces deux choses, la description doit être exacte et
complète. Le but sous-jacent de cette exigence est de
permettre au domaine public, lorsque la période de
monopole est échue, de faire le même plein emploi de
l'invention que pouvait en faire l'inventeur au moment
de la demande.
Et, à la page 317, il poursuit:
Lorsqu'il est dit qu'un mémoire descriptif devrait être
rédigé de manière telle que, la période de monopole étant
échue, le domaine public, uniquement à l'aide de ladite
description, puisse faire même plein emploi de l'invention
que l'inventeur lui-même pouvait en faire, il faut se
rappeler que par domaine public on entend les personnes
versées dans le métier, parce qu'un mémoire descriptif
s'adresse spécifiquement à ces personnes.
Dans les circonstances présentes, ce qui nous intéresse particulièrement,
c'est "le fonctionnement ou l'utilisation de l'invention tel que l'envisage
l'inventeur". Le demandeur a promis que l'invention qu'il allègue aurait
comme résultat "un moteur qui fonctionne sans aucune perte d'énergie". Le
résultat promis doit pouvoir être obtenu par des personnes versées dans le
métier. Si tel n'est pas le cas, le dispositif manque d'utilité sur le plan
brevetabilité, parce qu'il est irréalisable, c'est-à-dire qu'il ne peut
produire le résultat pour lequel il a été conçu. Voir, par exemple
l'affaire Northern Electric c. Browns Theatre (1940) Ex. R.C. p. 36 à 56,
où il est dit:
Pour être brevetable, une invention doit conférer un avantage
au domaine public. L'utilité, telle qu'elle doit être définie
du point de vue invention, se traduit par valeur commerciale.
Une technique ou un agencement sans valeur ne peut donner lieu
à un brevet. Ce qui est décrit et revendiqué ici manque d'utilité
pour manque de réaliser le but pour lequel l'appareil a été conçu.
Il est également intéressant de noter ce qui est énoncé dans l'affaire
Raleigh Cycle c. Miller (1946) 63 R.C.P. 113 à 140:
En d'autres mots, la protection s'achète au prix d'une
promesse de résultats. Elle ne peut ni ne doit subsister
à la non réalisation prouvée de la promesse de résultats.
Dans l'affaire Union Carbide c. Trans-Canadian Feeds (1967) 49 R.C.P. 29,
la Cour a décidé ce qui suit:
Nous concluons que le brevet est mauvais parce que l'objet
revendiqué par le mémoire n'est pas utile sur le plan
brevetabilité.
Dans la cause Le Rosair Appollo (1932) 49 RCP 49, la Cour a conclu que
lorsque la théorie sur laquelle est basé un brevet est fausse, l'invention
est sans objet ou utilité.
Il faut, bien entendu, établir un distinction entre "le résultat promis"
et un simple exposé inexact des fins auxquelles ce qui a été obtenu peut
être destiné, et entre une promesse de résultats et ce qui se résume à
une légère exagération des résultats escomptés. Qui plus est, lorsque
plusieurs résultats sont suggérés, l'invention ne peut être jugée manquer
d'utilité parce qu'un de ces résultats anticipés s'avère avoir été trop
optimiste, pourvu que la non réalisation ne concerne pas l'utilisation
spécifique à laquelle l'inventeur envisageait en faire l'application.
En résumé, pour qu'une invention alléguée réponde au critère d'utilité,
il faut qu'il soit possible de réaliser les résultats promis par l'inventeur,
en suivant simplement les directives énoncées dans le mémoire descriptif.
En d'autres mots, si le résultat obtenu est celui qui était recherché,
et est pour ainsi dire utile au moment de la délivrance du brevet, l'invention
satisfait au critère d'utilité.
Cependant, dans le cas présent, la Commission est convaincue que
l'invention alléguée rejoint l'antériorité du brevet de Pittman (avec
la différence que Pittman prévoit un apport d'énergie de provenance
externe), et que ce qui est décrit et revendiqué dans la présente demande
ne présente aucune utilité parce qu'impuissant à réaliser le résultat
en vue duquel l'appareil a été conçu, soit "un dispositif pouvant
fonctionner sans aucune perte d'énergie". Par conséquent, les dispositions
des articles 2 et 36 de la Loi sur les brevets n'ont pas été respectées.
Par conséquent, la Commission recommande que la décision de l'Examinateur,
portant le refus de la présente demande en raison de son manque d'utilité,
soit confirmée.
Le Président adjoint
de la Commission d'appel des brevets
J.F. Hughes
Nous souscrivons aux constatations de la Commission d'appel et refusons
la délivrance d'un brevet. Le demandeur dispose d'une période de six
mois au cours de laquelle il pourra interjeter appel de la présente
décision aux termes de l'article 44 de la Loi sur les brevets.
Telle est notre décision
Le Commissaire des brevets
A.M. Laidlaw
Fait à Hull (Québec)
le 20 février 1974
Sans mandataire