DECISION DU COMMISSAIRE
NON EVIDENT: Combinaison d'éléments connus
L'avantage visant à accroître la durée sans que la couleur ne perde de son éclat,
en donnant de l'intensité à la couleur du plancher grâce à l'utilisation d'un liant
transparent de même que de particules bouche-pores transparentes colorées, n'est
pas démontré'comme dans la technique antérieure. Une étape essentielle exigée
dans la technique antérieure a été supprimée, et la transparence du liant ne cons-
tituait pas un élément essentiel de la technique antérieure.
DECISION FINALE: Rejetée.
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La présente décision porte sur une demande de revision par le Commissaire des
brevets de la Décision de l'examinateur datée du 2 mars 1973 au sujet de la demande
no 013,747, déposée le 1er mars 1968 au nom de M. Charles R. Lea et qui concerne
un "Couvre-sol à remplissage décoratif".
La présente demande a trait à un couvre-sol de résine polymère contenant des
granules décoratifs de couleur. La première revendication porte sur des granules
translucides, enduits d'un composé céramique insoluble et pigmenté, et répartis
de façon homogène à l'intérieur d'un agglomérant synthétique transparent.
Après l'examen de la demande, qui a abouti à la Décision finale, l'examinateur a
rejeté la demande pour cause d'évidence de son objet par rapport aux réalisations
antérieures, notamment:
le brevet anglais
no 934,628 le 21 août 1963 Monaghan
le brevet américain
no 1,486,208 le 11 mars 1924 Weber
L'examinateur déclarait notamment dans sa Décision:
Le brevet de Monaghan et autres fait mention de composés pouvant
être utilisés comme revêtements pour plancher et autres surfaces,
composés faits d'un agglomérant de résine liquide auquel est incor-
porée une matière de remplissage appropriée comme le quartz,
laquelle possède une couche superficielle dérivée d'un
silicate organique ou d'une autre substance semblable;
ledit brevet indique également que la grosseur des parti-
cules de la matière de remplissage est de 10 à 240 mailles,
selon la norme britannique no 410 (1943) soit de 1,676 à 0.066
mm.
Le brevet de Weber décrit une méthode pour colorer les couvre-
sols de revêtement de terrazzo, et l'article ainsi produit.
Selon Weber, la composition du couvre-sol est la suivante: un
coulis de ciment ou une autre base, auquel sont incorporés des
éclats de n'importe quelle substance naturelle transparente ou
semi-transparente comme le quartz, le marbre, le spath de mica
ou autre substance du même genre, lesdits éclats étant enduits
d'une peinture ou d'un mélange pigmenté approprié. Le but visé
par le brevet de Weber est de conserver l'aspect de profondeur
par transparence du couvre-sol ou revêtement de terrazzo ainsi
obtenu.
....
L'utilisation de granules minéraux translucides et enduits de cou-
leur dans un liant fluide pour créer un couvre-sol décoratif
continu et sans joint est donc connue et a été décrite par les
inventions de Monaghan et autres et de Weber.
Le fait d'enrober de couleur des granules minéraux ou autres
particules du même genre n'est pas nouveau. Les brevets de Mona-
ghan et autres et de Weber mentionnent tous deux l'enrobage de
couleur des granules minéraux par un enduit siliceux et adhérent
dérivé d'un silicate organique, d'un polymère incomplètement
polymérisé ou d'une substance semblable. Le demandeur souligne,
à la page 4, lignes 19 à 23 de son exposé, que "les granules
mineraux de la base sont préparés et enduits selon les techniques
traditionnelles...".
L'utilisation de polymères organiques synthétiques et transparents
comme agglomérant dans les composés pour revêtement de sol est
connue. L'invention de Monaghan et autres mentionne un agglomé-
rant réticulé de résine liquide comme les résines polyesters non
saturées, les produits intermédiaires du polyuréthane et les résines
époxydes. Le demandeur souligne, au dernier paragraphe de la page 1
de son exposé: "les couvre-sols de résine, plus particulièrement
les revêtements continus séchés sur place à base de résines polymères,
connaissent depusi peu un usage fort répandu". Plus loin, à la
page 3, lignes 8 à 11, il est mentionné que "la préparation et la
composition des résines, tout comme leur utilisation dans un couvre-
sol, sont bien connues des hommes du métier."
Des granules minéraux translucides ont déjà été utilisés dans la
fabrication de couvre-sols. Le brevet de Monaghan et autres fait
mention de matières de remplissage types comme le quarty, le sable,
la diatomite, etc. Certaines sont translucides. Le brevet de Weber
précise que, "toute substance naturelle transparente ou semi-
transparente peut être utilisée, notamment le marbre, le quartz, le
spath de mica, ou toute autre substance semblable." La grosseur des
particules de la matière de remplissage dépend de l'épaisseur désirée
pour le revêtement; ce choix est habituellement laissé à l'homme
du métier. En outre, le brevet de Monaghan et autres indique la
grosseur des particules employées i.e. entre 0.066 et 1.676 mm. ce
qui englobe l'écart proposé dans la revendication et la divulgation
du demandeur, soit de 0.4 à 1.7 mm, comme cela a été dit plus haut.
Dans sa réponse datée du 4 juin 1973 à la Décision finale, le demandeur
déclarait notamment:
Il est en outre souligné que le brevet britannique cité,
Monaghan et autres, no 934,628, ne révèle pas ou ne rend pas
évident le composé de couvre-sol décoratif revendiqué par le
demandeur. En premier lieu, étant de nature plus générale,
cette invention ne requiert pas l'utilisation d'un pigment
(voir page 2, lignes 34 à 54). Dans les exemples'qui y sont
mentionnés, un pigment est ajouté à l'élément de remplissage
mélangé au silicate organique. Cependant, les matières de
remplissage dont il est fait mention sont très fines (i.e. du
silice de 200 mailles dans l'exemple I et de la barytine de
la même grosseur dans l'exemple II): donc, la masse de rem-
plissage est trop fine pour être recouverte d'un enduit de
silicate coloré (i. e. pigmenté). En outre, il semble clair
que le sable, le silice, la poudre d'émeri, la barytine, etc.
mentionnés dans les exemples n'ont aucune fonction décorative
mais sont probablement ajoutés simplement pour augmenter la
résistance à l'usure. Les méthodes de mélange et de combinai-
son décrites dans le brevet britannique ne font pas que le
pigment de l'enduit de silicate organique recouvre les parti-
cules de la masse de remplissage. Contrairement à l'invention
du demandeur, un composé de silicate pigmenté n'est pas ajouté
aux granules minéraux. Les particules de remplissage men-
tionnées dans le brevet britannique, même si elles ont un
enduit discret de silicate ne sont pas séchées et/ou cuites de
façon à fixer le pigment dans le silicate. Il faut présumer
que le pigment de vert de chrome (exemple I) ou d'oxyde de
fer (exemple II) se déplace vers l'agglomérant de résine ou s'y
additionne. Ce raisonnement est confirmé par le fait que
l'exposé et les exemples généraux du brevet britannique ne
mentionnent pas explicitement la présence d'un granule possé-
dant un enduit de couleur fait d'un composé céramique pigmenté.
Le déplacement des pigments n'est pas précisé (dans le silicate
seulement? dans l'agglomérant? dans les deux~). Dans l'inven-
tion du demandur l'agglomérant de résine est transparent et
pratiquement incolore. Dans le premier exemple de couvre-sol
de l'antériorité citée, la masse de remplissage, tout comme
l'agglomérant, sembleraient verts, tandis que dans le second
exemple, ceux-ci paraîtraient plus ou moins rouges, la
coloration rouge étant quelque peu modifiée par le bioxyde
de titane.
...
Ainsi de l'avis de demandeur, aucune des antériorités citées
ne correspond à l'objet de l'invention revendiquée. Il ne
convient pas non plus de rejeter les revendications du demandeur
par-e qu'elles constituent une combinaison de ces références,
puisque l'idée de combiner la matière de ces deux réalisations
antérieures ne provient pas de celles-ci mais ne devient évidente
qu'à la lumière de l'exposé du demandeur. Nulle part dans les
références n'est-il suggéré que le composé nouveau et unique
pour couvre-sols revendiqué par le demandeur peut être obtenu
par l'emploi d'un polymère organique synthétique et transparent
qui enrobe des granules minéraux translucides enduits d'un
composé colorant de céramique insoluble et pigmentée.
Il s'agit donc d'établir si l'invention revendiquée par le demandeur constitue
un progrès brevetable par rapport aux réalisations antérieures. La revendication
1 se lit comme suit:
Un couvre-sol décoratif et résistant comprenant un sous-
plancher auquel adhère une couche continue d'un polymère
organique synthétique et transparent à laquelle sont
incorporés de façon homogène des granules minéraux trans-
lucides de moins de 2 mm. de diamètre recouverts d'un enduit
coloré, lequel est fait d'un composé céramique insoluble et
pigmenté.
Le brevet de Weber a trait à des méthodes de coloration des éclats de marbre, de
silice, ou d'une substance semblable, blanche et transparente pour en faire du
marbre coloré, du terrazo ou tout autre produit semblable.
L'un des éléments de l'invention de Weber consiste à: ".., conserver l'effet de
profondeur par transparence ..."; pour ce faire toutefois, il faut au préalable
racler la surface du couvre-sol pour enlever la partie supérieure colorée des
éclats. C'est le fait d'enlever cette pellicule colorée sur le dessus des éclats
qui donne un effet de "profondeur" au revêtement. On n'obtient aucun des résultats
souhaités si les éclats ne sont pas taillés de façon à faire apparaître leur
transparence. Les éclats colorés, qui peuvent être transparents ou serai-transparents
sont noyés dans une base de ciment opaque, qui peut être colorée si désirée. La
revendication 1 du brevet de Weber se lit comme suit:
La méthode ici décrite consiste à mouler des éclats séparés
et artificiellement colorés dans une forme quelconque et à
apprêter la surface en enlevant la couleur de la face supé-
rieure des éclats.
L'invention de Monaghan qui porte sur: "...des matériaux de remplissage améliorés
et des composés contenant ces matériaux'' traite surtout du problème de la charge
maximum d'éclats nécessaire pour obtenir une durabilité maximum. La description
de l'invention, à partir de la ligne 60, colonne 2, page 1, se lit comme suit:
"En général, toute masse de remplissage peut être traitée de façon à lui donner
un enduit siliceux et adhérent. Les matières de remplissage courantes sont le
sable, le quartz, le tripoli, la diatomite et l'amiante, bien que le carbone sous
forme de carbon-black, de coke ou de charbon ainsi que d'autres masses de remplis-
sage comme la farine de bois, le liège, les fragments de noix de coco concassées
puissent également être traitées". Bien que certaines formes de quartz soient
translucides, la transparence de la matière de remplissage n'a aucune importance
ans l'invention de MOnaghan.
De plus, dans l'invention de Monaghan, l'enduit siliceux des éclats est tout à
fait nécessaire pour absorber l'eau des éclats et pour assurer une durabilité
maximum. En outre, il n'est fait nulle part mention d'éclats possédant un
enduit coloré fait d'un composé céramique insoluble et pigmenté, que'l'agglomé-
rant réticulé soit clair ou opaque. De toute façon, la transparence de l'agglo-
mérant n'est pas propre à l'objet de l'invention de Monaghan. Il est également
probable que les pigments de verts de chrome (exemple 1) ou d'oxyde de fer (
exemple II) se déplacent vers l'agglomérant de résine, ou s'y additionnent. La
première revendication de ce brevet se lit comme suit:
Un composé servant à recouvrir les planchers, les terrasses,
et autres surfaces semblables qui comprend un agglomérant
réticulé de résine liquide auquel sont incorporées des
particules d'une masse de remplissage recouvertes d'un enduit
siliceux et adhérent dérivé d'un silicate organique et d'un
polymère incomplètement polymérisé de cette substance.
Le demandeur affirme avoir trouvé une solution à un défaut caractéristique des
revêtements antérieurs du même genre. La divulgation, page 1 à partir de la
ligne 25, se lit comme suit: "Toutefois, lorsque ces granules sont utilisés
pour former un agrégat servant de couvre-sol, l'enduit de couleur peut être usé
par frottement là ou il y a beaucoup de va-et-vient, rendant ainsi visible la
roche foncée qui lui sert de base, ce qui donne un revêtement couvert de plaques
foncées dans les zones de grande circulation."
En fonction de quoi, l'objet de la présente demande est établi à la page 2, à
partir de la ligne 7, dans les termes suivants:à
A mesure que les planchers sont usés ou érodés jusqu'à
laisser paraître la roche de base des granules, le couvre-
sol ne noircit pas, mais il a plutôt tendance à conserver
sa couleur originale grâce à la transmission à travers la
roche transparente ou translucide de reflets colorés prove-
nant des c~és noyés dans l'agglomérant des granules. Ceci
augmente grandement la durabilité des revêtements, tout en
préservant l'éclat des couleurs. La stabilité dimensionnelle,
la résistance chimique et la stabilité des coloris sont
beaucoup améliorés par l'utilisation de ce genre de granules
au lieu de fragments de plastique, par exemple. L'effet
décoratif des granules utilisés dans cette invention est
supérieur lorsque les granules sont incorporés à des couvre-
sols faits de résine transparente, aussi les préfère-t-on.
Répétons ici la première revendication:
"Un couvre-sol décoratif et résistant comprenant un sous-
plancher auquel adhère une couche continue d'un polymère
organique synthétique et transparent à laquelle sont incor-
porés de façon homogène des granules minéraux translucides
de moins de 2 mm. de diamètre recouverts d'un enduit coloré,
lequel est fait d'un composé céramique insoluble et pigmenté.
Cette revendication précise bien qu'il s'agit d'un agglomérant polymère organique,
synthétique et transparent, auquel sont incorporés de façon homogène des granules
minéraux translucides d'une grosseur particulière et recouverts d'un enduit de
couleur fait d'un composé insoluble et pigmenté à base de céramique.
Dans la présente demande, il n'est pas exigé, ni d'ailleurs nécessaire, de tailler
ou de meuler le revêtement, étape obligatoire pour rendre fonctionnelle l'invention
de Weber. Tel que mentionné précédemment, dans l'invention de Weber ce sont les
"éclats ou granules taillés" qui donnent au revêtement un "effet de profondeur".
Dans la présente demande, l'effet de profondeur" est obtenu instantanément lors
de la fabrication, et est produit par le reflet des granules colorés à travers
l'agglomérant transparent. De plus, les granules sont enrobés d'un enduit de
couleur fait d'un composé insoluble et pigmenté à base de céramique. Au fur et à
mesure que le couvre-sol décrit dans la présente demande s'use, le dessus de
certains granules devient élimé, et ce n'est qu'à ce moment qu'il peut paraître
semblable au revêtement de Weber. Néanmoins il s'en distingue toujours puisque la
couleur est transmise à la fois par l'agglomérant transparent et au travers des
granules érodés.
Le brevet de Monaghan ne dit rien ou presque sur la façon de résoudre le problème
des "plaques foncées causées par l'usure", qui a été résolu par le demandeur.
Un des objectifs de la réalisation de Monaghan était d'utiliser le plus de matière
de remplissage possible dans son revêtement afin d'obtenu une durabilité maxi-
male. Une des matières mentionnées était le quartz et l'on sait que certaines
formes de quartz sont translucides. De plus, la couleur du quartz varie du blanc
au noir, voir "Lange's Handbook of Chemistry", neuvième édition (1956) à la page
186. Si Monaghan choisissait le quartz comme matière de remplissage, il est
certain qu'il s'y trouverait des granules translucides, masqués toutefois par
les granules de quartz non translucides. Il n'obtiendrait donc pas le résultat
revendiqué par le demandeur puisque la présence de quartz non translucide ne
donnera pas le résultat escompté. D'autre part, le demandeur a volontairement
choisi et revendiqué des granules translucides, et seulement ceux-ci, comme
matière de remplissage, notamment le quartzite ou d'autres variétés de quartz
translucide.
Dans le revêtement de Monaghan, il est possible d'utiliser un agglomérant trans-
parent dans le produit fini (ce point a déjà été examiné), mais l'antériorité
n'indique pas ni ne reconnaît, le besoin d'un agglomérant transparent, et il
n'est pas essentiel que les granules soient opaques ou translucides.
Dans la présnte demande, le demandeur a spécialement choisi un agglomérant par-
ticulier et une gamme particulière de granules comme matière de remplissage.
Il n'est pas nié que l'agglomérant et les matières de remplissage utilisés par
le demandeur figurent séparément dans les brevets cités, et puissent, dans cer-
tains cas, s'y trouver réunis partiellement, mais il est clair que l'utilité
pratique obtenue grâce à la combinaison particulière propre au couvre-sol du
demandeur n'est nulle part suggérée dans l'un ou l'autre de ces brevets.
Le demandeur revendique le fait d'avoir augmenté la "durabilité des revêtements
tout en préservant l'éclat des couleurs." Les preuves déposées devant la
Commission d'appel des brevets, tant dans la demande et dans l'affidavit, que
grâce aux photographies couleur qui illustraient sa réponse, indiquent que
cela a bel et bien été réalisé. La décoloration causée par l'usure est réduite,
ce qui prolonge la durée d'utilisation du couvre sol. Ceci est clairement
établi dans la documentation photographique présentée par le demandeur. Pour
les besoins de la cause, quatre échantillons identiques, sauf pour ce qui est
de granules de remplissage, ont été fabriqués. Dans l'échantillon A, qui
constitue l'objet de la demande, on a utilisé des granules de quartzite trans-
lucides et un agglomérant transparent. On y observe que la durabilité est
augmentée et l'éclat des couleurs beaucoup mieux conservé que dans les autres
échantillons.
La Commission estime que l'objet de la première revendication constitue un
progrès technique brevetable par rapport à l'exposé et aux enseignements des
brevets cités, pris séparément ou ensemble. Les revendications 2 et 11, qui
découlent de la première revendication, sont également acceptables pour les
mêmes raisons.
La Commission recommande donc que la Décision finale,de l'examinateur soit
rejetée.
Le président-adjoint de la
Commission d'appel des brevets
J.F. Hughes
Je suis d'accord avec les conclusions de la Commission et annule la Décision
de l'examinateur. Celle-ci sera retournée à l'examinateur pour qu'il en
reprenne l'examen.
Telle est ma décision.
Le Commissaire des brevets
A.M. Laidlaw
Fait à Hull, Québec
le 28 janvier 1974
Agent du demandeur
Smart & Biggar
Ottawa, Ontario