DECISION DU COMMISSAIRE
NON EVIDENCE: En raison de la technique antérieure
L'utilisation du premier et du second moyen pour délimiter à l'avance l'empla-
cement de la pousse de semence discrète dans des clayettes de serre; les
emplacements de chaque moyen étant différents l'un de l'autre, et le second
étant utilisé lorsque le semis obtenu à l'aide du premier moyen a été récolté,
il y a non évidence par rapport à la technique antérieure d'ensemencement
aléatoire en terrain occupé, telle celui de la culture de chrysanthèmes entre
des oignons de jonquilles à l'état dormant.
DECISION FINALE: Confirmée en partie; la modification a été acceptée.
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La présente décision porte sur la demande de révision par le Commissaire des
Brevets de la décision de l'examinateur, datée du 16 janvier 1973, relativement
à la demande no 057,743 présentée le 23 juillet 1969 au nom de Yull G. Poon
pour un appareil qui accroît 1e rendement en serre. La Commission d'appel des
brevets a tenu une audience le 13 février 1974 à laquelle le demandeur était
représenté par MM. J.A. Enstone et C. Curphey.
La demande porte sur un appareil et une méthode pour faire pousser successivement
plusieurs cultures de plantes dans des plateaux de terre qui éliminent le besoin
d'aérer et de nettoyer la terre entre les cultures. La terre est d'abord
recouverte d'un papier perforé qui retient l'humidité et empêche la croissance
des mauvaises herbes. Au moment de semer, le papier est recouvert d'une feuille
rigide dans laquelle des trous sont percés d'après un plan précis. Les graines
sont ensuite plantées dans les trous et la feuille rigide enlevée; les plantes
grandissent à travers le papier puis sont coupées. On peut répéter l'opération
en se servant d'un nouveau papier et d'une autre feuille rigide dans laquelle les
trous sont percés différemment de la première. On peut répéter l'expérience
plusieurs fois en utilisant chaque fois des emplacements de culture différents.
Au cours de l'examen de la demande qui s'est terminé par la décision en question,
l'examinateur a refusé les revendications 1, 2 et 5 comme étant évidentes par
rapport aux références suivantes:
"Le potager", publication no 1059, Agriculture Canada,
1959, tableaux 1 et 2, p. 9.
"The Beginning Knowledge Book of Backyard Flowers"
Polly Hathaway, Rutledge Book, ind. 1965.
Celles-ci décrivent des méthodes de plantation et montrent différentes cultures
de plantes dans des jardins et autres endroits extérieurs (plutôt que dans des
plateaux de serre).
Dans sa décision, l'Examinateur affirme ceci:
Bien sûr les publications ne décrivent pas directement
la méthode ou l'appareil du requérant. Toutefois, les
revendications sont rejetées comme étant évidentes, à
la lumière des références précitées, puisque l'application
du même principe à des plateuax remplis de terre dans des
serres n'est pas vraiment différente sous le rapport de
la brevetabilité de la même méthode utilisée pour les
jardins ou les régions de reboisement. La méthode qui
consiste à planter successivement plusieurs cultures, la
seconde étant plantée après la récolte de la première,
mais dans des emplacements différents et en laissant les
racines de la première en terre, est connue dans les
régions de reboisement. Cette méthode semble être
également bien connu en jardinage. L'application de
cette méthode à des plateaux de terre utilisés dans des
serres est évidente et ne comporte pas de différences
brevetables. De la même façon planter des graines ne
constitue pas une invention par rapport à planter des plants
ou des bulbes, et le requérant ne peut s'appuyer sur ce
fait pour défendre sa brevetabilité.
Les lignes 10 et 12, de la page 9 de la publication no
1059, prouvent que planter des cultures successives après
la moisson de la première est une méthode connue, et les
tableaux 1 et 2 pourraient être utilisés pour faire une
sélection des cultures. Il est bien évident que la
deuxième culture ne doit pas être plantée exactement aux
mêmes endroits que la première, et il est peu probable
qu'elle le soit. Les racines de la premiére culture, à
moins qu'one ne les ait volontairement enlevées, demeurent
dans le sot; or, c'est une pratique courante de laisser les
racines de diverses cultures dans le sol.
La référence tirée du livre de M. Hathaway contient un
arrangement horticole montrant une rangée où les narcisses
alternent avec les chrysanthèmes. Les narcisses sont
plantés sont plantés à l'automne et fleurissent au début
du printemps. Les chrysanthèmes sont plantés en mai. Dans
l'arrangement on peut voir les chrysanthèmes placés entre
les bulbes de narcisses, ce qui montre bien qu'on les
plante tout en laissant les racines des narcisses en terre.
Ainsi, comme on l'a mentionné auparavant, planter des
graines au lieu de planter des bulbes ou le faire dans des
plateaux en serre plutôt qu'à l'extérieur, ne constitue pas
une invention.
Le requérant, dans sa réponse à la décision, en date du 12 avril 1973, déclare
notamment:
Pour ce qui est de la publication no 1059, l'examinateur
s'appuie sur les indications des lignes 10 et 12 de la
page 9. L'Examinateur affirme que cette partie de
l'ouvrage prouve que le fait de planter plusieurs cultures
successives après la moisson de la première est connue et
qu'on peut utiliser les tableaux I et II pour sélectionner
les cultures. Tout ce que prouve la référence à ce passage
isolé, c'est qu'on peut obtenir des récoltes successives de
laitue, de carottes, de betteraves, de radis, de cresson ou
d'épinards grâce à des ensemencements successifs, et que
celles-ci doivent être semées après des récoltes hâtives de
laitue, de radis, d'épinards ou de pois.
L'Examinateur en conclut qu'il est bien évident qu'il ne
faut pas planter la seconde récolte exactement aux mêmes
endroits que la première et qu'il est peu probable qu'elle
le soit. L'Examinateur en déduit également que les racines
de la première récolte, à moins d'avoir été intentionnellement
arrachées, restent en terre. Toutefois, la référence mentionnée
ne contient aucune recommandation véritable pour ce qui est de
laisser intentionnellement les racines en terre ou de choisir
des endroits différents pour les ensemencements successifs.
Le requérant s'interroge sur la façon dont, sans l'aide
de ses propres recommandations, et après avoir récolté une
première fois, on pourrait ensuite choisir de nouveaux empla-
cements de culture en étant bien sûr que ceux-ci sont différents
des premiers. Après qu'on a récolté une première culture à
l'extérieur, il est otut à fait impossible de savoir où se
trouvent les racines. Ainsi la publication no 1059 n'arrive
aucunement à suggèrer même vaguement la nouvelle méthode et
le nouvel appareil décrits et revendiqués par le requérant.
L'Examinateur se reporte également à l'ouvrage de M. Hathaway,
plus particulièrement à l'arrangement horticole qui montre une
rangée où alternent les narcisses et les chrysanthèmes.
L'Examinateur souligne que l'arrangement montre les chrysan-
thèmes placés entre les bulbes de narcisses et il conclut que
cela démontre que les chrysanthèmes sont plantés tout en
laissant les racines des narcisses en terre. Pourtant, il n'y
a absolument aucune recommandation qui puisse conduire à une
pareille conclusion. En outre, il n'y a pas non plus de
recommandation portant que les narcisses sont "récoltés " avant
de planter les chrysanthèmes. Si on ne les "récolte" pas, il
est très facile alors de savoir où planter les chrysanthèmes.
Tandis qu'une fois les narcisses coupées et leurs racines
arrachées, il serait très difficile de s'assurer que les
chrysanthèmes ont bien été plantés dans des trous différents.
A vrai dire, on ne pourrait pas affirmer avec certitude que
les chrysanthèmes ne sont pas plantés juste par-dessus les
racines et les bulbes de narcisses.
Lors de l'audience du 13 février 1974, plusieurs questions importantes ont été
étudiées, à la suite de quoi le requérant a exprimé le désir d'apporter certaines
modifications à ses revendications. L'une des questions en litige concernant le
fait que les revendications modifiées 8 et 9, qui devaient remplacer les reven-
dications 1 et 5, pourraient être interprétées d'une façon non souhaitée par
le requérant. Un deuxième point litigieux touchait le bien-fondé des
revendications 8 et 9. Le 18 février 1974, il a été demandé par téléphone au
requérant d'envoyer par écrit les modifications qu'il désirait soumettre à
l'attention de la Commission. Le 24 février 1974, le requérant présentait les
modifications suivantes:
Depuis l'audience, j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec
le président adjoint de la Commission d'appel des brevets
au sujet des questions soulevées à cette occasion. Par
suite de cet entretien, je vous soumets deux nouveaux
exemplaires des revendications avec les modifications ci-
après. Je crois que ces modifications résoudront les
difficultés soulevées à l'audience.
Revendication 1:
Cette revendication constitue une reformulation de la
huitième (concernant la méthode) qui a été numérotée
cette fois revendication 1 avec les modifications suivantes:
L. 3 La proposition "en utilisant de façon
appréciable la surface totale de chaque plateau"
a été ajoutée.
L. 6 (L. 1 du sous-paragraphe a))
La proposition "utiliser des moyens de sélection
pour choisir" a été ajoutée en remplacement du
mot "choisir".
Revendication 2:
L. 3 Les étapes décrites comme d), e) et f) à la
rievendication 1 ont été remplacées par e), f)
et g) par suite des modifications apportées à
celle-ci.
Revendication 3:
L. 1 L'étape a) de la revendication 1 a été remplacée
par b) par suite des modifications apportées à
celle-ci.
Revendication 4:
L. 1 Les étapes c), d) et f) de la revendication 3
ont été remplacées par les étapes d), e) et g)
par suite des modifications apportées à la
revendication 1.
Revendication 5:
Il s'agit de la reformulation de la revendication 9 (concernant
l'appareil) numérotée cette fois comme ia revendication 5 avec
les modifications suivantes:
L. 3 La proposition "utilisant de façon appréciable
la surface totale de chaque plateau" a été ajoutée.
Revendications 6 et 7:
Celles-ci n'ont pas été modifiées.
J'espère que les modifications proposées régleront les
premières difficultés soulevées à l'audience.
La première question qu'il s'agit d'étudier est l'étendue et le contenu de la
première antériorité citée.
La référence dans Hathaway indique un "Arrangement horticole" qui montre une
rangée de chrysanthèmes et de narcisses plantés en alternance. Les narcisses
sont plantés à l'automne et fleurissent au début du printemps. Les chrysanthèmes
sont plantés au printemps, après la floraison et la coupe des narcisses. Sur
l'arrangement, les chrysanthèmes sont placés entre les bulbes de narcisses, ce
qui montre que les chrysanthèmes sont plantés tout en laissant les racines des
narcisses en terre. Cette référence démontre que le principe de base qui
consiste à planter de nouvelles plantes entre les racines des anciennes est
connu en horticulture.
La référence à la publication no 1059 concerne la plantation de cultures succes-
sives après la récolte d'une première. Selon les tableaux 1 et 2, la deuxième
culture n'a pas besoin d'être plantée au même endroit que la première.
Le second point à solutionner consiste à savoir si les revendications 1 et 5,
telles que modifiées, représentent un progrès brevetable comparativement à
l'antériorité citée. La revendication 2, qui avait été rejetée, dépend maintenant
de la nouvelle revendication 1 et comporte de nouvelles étapes: elle sera
adoptée ou rejetée en même temps que la revendication 1. Les revendications 1 et
5 une fois modifiées, se lisent comme suit:
1. Une méthode pour faire pousser des plantes dans une
serre à partir de graines placées dans des plateaux de terre.
Grâce à celle-ci, on peut se servir de chacun des plateaux
pour au moins deux cycles de culture en utilisant de façon
appréciable la surface totale de chaque plateau et sans avoir
besoin de nettoyer celui-ci ou d'aérer la terre. Voici les
étapes à suivre:
(a) utiliser des moyens de sélection pour choisir
un premier et un second ensemble d'emplacements
de culture distincts dans au moins un plateau,
chacun des seconds emplacements de culture étant
différent des premiers;
(b) placer les graines dans le premier ensemble d'em-
placements de culture déterminé à l'avance;
(c) mener à terme la première culture dans le plateau
placé à l'intérieur de la serre dans des conditions
de croissance contrôlées;
(d) couper les plantes du plateau à la fin du cycle de
croissance tout en laissant les racines des plantes
en terre;
(e) placer les graines dans le second ensemble d'em-
placements de culture déterminé à l'avance;
(f) mener à terme la seconde culture dans un plateau
placé à l'intérieur de la serre dans des conditions
de croissance contrôlées;
(g) coupes les plantes du plateau à la fin du deuxième
cycle de croissance.
5. Un appareil pour faire pousser des plantes dans une serre
à partir de graines placées dans des plateaux de terre, grâce
auquel, chaque plateau peut servir à au moins deux cycles de
culture en utilisant de façon appréciable la surface totale
de chaque plateau, sans qu'il y ait lieu de nettoyer celui-ci
ou d'aérer la terre; cela comprend:
(a) des moyens pour choisir un premier et un second ensemble
d'emplacements de culture distincts dans au moins un
plateau, chacun des seconds emplacements de culture
étant différent des premiers;
(b) des moyens pour mener à bien la première et la seconde
culture séquentielle dans un plateau placé à l'intérieur
de la serre dans des conditions de croissance contrôlées;
et
(c) utiliser ledit plateau ainsi que des moyens pour
permettre de couper les plantes après chaque cycle de
croissance tout en laissant les racines des plantes
en terre.
On remarque que la méthode prévue par la revendication 1 comporte au moins deux
cycles de croissance sans nettoyer ou aérer le sol. La revendication comporte
également "des moyens de sélection pour choisir un premier et un second ensemble
d'emplacements de culture distincts...". Or, il n'y avait pas de moyens prévus
pour choisir les premiers et seconds emplacemnts prédéterminés dans l'antériorité
citée. La référence concernant l'Arrangement horticole" ne fait que suggérer
l'idée de planter sans enlever les racines de la culture précédente. Toutefois,
cela ne constitue pas une méthode d'ensemencement prédéterminée, mais se rapproche
plutôt du principe selon lequel il faut placer les plants dans un endroit découvert,
ce qui est une pratique courante dans la plupart des petits jardins. La méthode
décrite à la revendication 1 n'est ni démontrée, ni suggérée par l'antériorité
citée. Selon nous, la revendication 1 représente donc un progrès technique breve-
table. La revendication 2 qui dépend de la première est également jugée acceptable.
La revendication 5 modifiée, celle de l'appareil, a sensiblement la même teneur
que la revendication 1 modifiée, et se différencie de l'antériorité citée grâce
aux mêmes limitations de base. Ainsi, le même argument applicable à la revendi-
cation 1 s'applique ici, et la revendication 5 devrait être, elle aussi, acceptable.
La Commission est persuadée que les revendications modifiées renversent la décision
de rejet, et elle recommande l'adoption des revendications modifiées.
Le président adjoint
Commission d'appel des brevets
J.F. Hughes
Je me rallie aux conclusions de la Commission d'appel des brevets. J'accepte donc
les revendications modifiées et retourne la demande à l'examinateur pour la
reprise de la poursuite.
Le Commissaire des brevets
A.M. Laidlaw
Fait à Hull (Québec) Mandataire du demandeur
ce 5e jour de mars 1974
Mr. J.A. Enstone
Ottawa, Ontario