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                             DECISION DU COMMISSAIRE

 

REVENDICATION INSUFFISAMMENT ETAYEE - Art. 36(2): Défaut de faire la distinction

                                      avec ce qui s'était déjà fait dans le domaine.

 

La Décision finale a rejeté l'une de plusieurs revendications contradictoires

en vertu de l'article 45(4). L'utilisation de "joints pivotants" pour assurer

l'articulation des deux sections d'un châssis rectangulaire de wagon de chemin

de fer autour d'un axe diagonal, à l'aide de coussinets de caoutchouc

suffisamment rigides pour éviter les déformations excessives a été mise en

évidence dans la citation. L'examinateur a jugé que la revendication avait une

portée trop grande puisqu'en fait, la seule innovation brevetable, c'était

l'utilisation de coussinets en caoutchouc plus rigide qui assurent l'articulation

sans permettre une déformation excessive de la charpente rectangulaire. Il a

estimé que la revendication devrait donc être limitée à une "articulation faisant

appel à un joint à rotule offrant une certaine résistance à la déformation".

 

DECISION FINALE: Confirmée; modification autorisée.

 

                          ******************

 

La présente décision porte sur une demande de révision par le Commissaire des

 

brevets de la lettre du Bureau datée du 13 mars 1973 et écrite en vertu de l'arti-

 

cle 45(4) de la Loi sur les brevets afin de déterminer si le commissaire devait

 

refuser les revendications aux termes de l'article 42 de la Loi sur les brevets

 

durant la procédure de conflit. Le 16 janvier 1974, la Commission d'appel des

 

brevets a tenu une audience et M. G. Seaby représentait le demandeur.

 

La présente demande concerne un châssis de wagon de chemin de fer qui comprend

 

deux longerons et deux traverses fixées entre lesdits longerons. Une extrémité

 

de chacune des traverses est solidement fixée au châssis, l'autre étant rattachée

 

au châssis au moyen d'un joint de cardan aux points apposés sur la diagonale.

 

Cela permet à l'axe diagonal qui passe par le centre de chaque porteur situé au

 

joint de cardan de pivoter.

 

Au cours de l'instruction de la demande de brevet, le Bureau avait refusé la

 

revendication C1 parce qu'elle était imprécise et qu'elle n'apportait pas

 

d'amélioration brevetable au brevet délivré à Rossell.

 

La lettre du Bureau indiquait notamment:

 

Cas d'antériorité

 

Brevet américain

2,976,819        28 mars 1961         Rev. 105 à 138       Rossell

 

Nous rejetons à nouveau la revendication opposée C1 en raison

du brevet susmentionné.

 

.... 

 

Le demandeur doit donner suite à la présente lettre pour annuler

la revendication C1 qui a été rejetée ou pour démontrer comment

l'objet de son invention présente une amélioration brevetable

sur celui de l'antériorité. Il pourra s'appuyer sur les argu-

ments qu'il exposait dans sa lettre du 16 octobre 1972 ou en

fournir de nouveaux.

 

Si le demandeur soutient que l'objet desdites revendications

est brevetable, la Commission d'appel des brevets étudiera cette

possibilité avant que le commissaire ne rende sa décision. Le

demandeur doit donc exposer d'une façon complète les raisons

lui permettant d'affirmer que l'invention antérieure n'est pas

pertinente. Et s'il désire une audience devant la Commission

d'appel des brevets, il devra en faire la demande dans les 3

mois qui lui sont accordés pour donner suite à la présente lettre.

 

Dans sa réponse à la lettre du Bureau, le requérant soulevait entre autres les

points suivants:

 

Tel que mentionné dans ma réponse du 16 octobre 1972, la reven-

dication C1 porte sur le premier et le deuxième dispositifs

indépendants non flexibles qui relient la première section à

la seconde afin de permettre le déplacement vertical de l'une

des roues par rapport aux autres roues, tout en maintenant

solidement lesdits longerons en une solide charpente rectan-

gulaire pour éviter autant que possible les renversements la-

téraux des longerons.

 

Le brevet Rossell ne dévoile pas cette caractéristique de

l'invention qui inclue 5 coussinets de caoutchouc. Ces

coussinets ne sont pas flexibles. C'est l'essence même de

l'argument fournir dans la réponse du 16 octobre 1972 et aucun

élément nouveau n'y a été ajouté.

 

La question est de savoir si l'objet de la revendication C1 définit explicite-

ment les progrès techniques qui auraient été faits par rapport au brevet

Rossell. La revendication C1 se lit comme suit:

 Un châssis de wagon de marchandises comprenant les parties

 suivantes:

 

 (a) une première section formée d'un premier longeron et d'une

     première traverse fixée solidement audit longeron et

     s'étendant latéralement à partir de là;

 

 (b) une seconde section formée d'un second longeron et d'une

     seconde traverse fixée solidement audit longeron et

     s'étendant latéralement à partir de là;

 

 (c) les traverses de ces deux sections étant espacées sur la

     longueur du wagon;

 

 (d) l'ensemble des roues et essieux étant muni de tourillons

     dans lesdites sections aux côtés opposés du wagon, plaçant

     ainsi des roues à ce qui correspond généralement aux quatre

     coins du wagon;

 

(e) les premîer et deuxième dispositifs indépendants noir flexi-

    bles pour relier la première section à la seconde afin de

    permettre le déplacement vertical de l'une ou l'autre

    desdites roues par rapport aux autres, tout en maintenant

    solidement lesdits longerons en une solide charpente rec-

    tangulaire afin d'éviter autant que possible les renversements

    latéraux desdits longerons.

 

(f) les premier et second dispositifs de raccord comprenant un

    dispositif limitant les mouvements entre la première et la

    seconde section par rapport à un axe qui traverse le wagon

    en diagonale et qui est attenant aux extrémités desdites

    première et seconde traverses.

 

 Le brevet Rossell divulgue un châssis de wagon de marchandises formé de deux

 

 longerons indépendants raccordés de façon à permettre une certaine flexibilité

 

 en diagonale. Le châssis comprend deux longerons et deux traverses diagonales

 

 entre lesdits longerons. Une extrémité de chacune des traverses est solidement

 

 fixée au châssis et l'autre est reliée au châssis au moyen d'un raccord flexible

 

 aux points diagonalement opposés. Cela permet à l'axe diagonal qui passe par

 

 le centre du raccordement flexible de pivoter. La revendication 1 de ce brevet

 

 stipule:

 

 Un wagon de marchandises formé de deux longerons, deux

 traverses espacées raccordant lesdits longerons aux extrémités

 opposées des longerons, chacun de ceux-ci étant raccordé d'une

 manière flexible à l'une desdites traverses et fixé solidement

 à l'autre traverse, lesdites traverses et leurs raccords auxdits

 longerons étant solidement construits et maintenant lesdits

 longerons en une charpente rectangulaire, chacun des longerons

 étant muni d'une ouverture circulaire et d'un coussinet de palier

 dans chacune des ouvertures circulaires séparé des parois par

 un anneau de caoutchouc, et des essieux raccordand lesdits

 coussinets deux par deux.

 

D'aprés les dessins de Rossell, le raccord flexible se compose à l'extrémité

d'une pièce cylindrique (5) et fixée au longeron au moyen dune pièce cylin-

drique comprenant le couvercle (8); tous ces éléments cylindriques sont centrés

sur un axe commun perpendiculaire à la longitudinale du wagon, Cependant, l'axe

d'articulation inscrit, en diagonale, un angle de 40.degree. avec la traverse (2).

Lorsqu'une roue monte ou descent à une jonction de voie ferrée, les trois autres

roues ne montent ni ne descendent. La pièce terminale (6) n'est plus alignée

avec le couvercle (8) à cause de la flexibilité du coussinet de caoutchouc.

La piéce (6) tourne légérement par rapport au couvercle (8) en dilatant par

torsion le coussinet de caoutchouc (5).

 

Si l'on considère la revendication C1, on s'aperçoit que les parties a, b, c, d

et f utilisent presque la même terminologie que le brevet de Rossell. La partie

"e) est la seule qui diffère de l'antériorité. Le demandeur utilise l'expression

"dispositif non flexible" tandis que Rossell employait "dispositif flexible".

Par conséquent, nous devons essayez de déterminer si le "dispositif non flexible"

du demandeur présente explicitement les progrès invoqués de la technique.

 

Dans ses réponses aux lettres du Bureau, le requérant soutient qu'il s'appuyera

sur les arguments mentionnés dans sa réponse du 16 octobre 1972 pour expliquer

pourquou l'invention antérieure mentionnée n'est pas pertinente.

 

Le requérant affirmait, entre autres, que les coussinets du wagon de Rossell

permettraient plus que "le mouvement acceptable maximum des longerons du châssis

non maintenu en charpente rectangulaire". Le demandeur n'a pas indiqué comment

il avait déterminé que le mouvement devait dépasser 1/16" ni comment ce chiffre

devrait être utilisé. Une dimension acceptable serait un chiffre supérieur à

celui qui est généralement utilisé dans les wagons les plus courants, où les

deux longerons sont maintenus en ligne au moyen dune sellette coulissante.

Par exemple, aux rages 951 et 952 de la 9e édition de "Car Builder's Cyclopedia",

on retrouve les normes de l'A.A.R. pour la construction des châssis de wagons de

marchandises. D'après les normes, les différences d'écartement des essieux entre

un côté et l'autre du châssis peuvent dépasser le 1/16", On tolère, entre

les surfaces d'entretoisement, une distance de 1/8". L'espace lire entre

la boîte d'essieu et la demi-plaque de garde est d' 1/8". Le chiffre de 1/16"

donné par le demandeur pour la non perpendicularité, qui doit résulter de tous

les espaces libres et tolérances de dimension permises ne peut donc être

accepté comme étant convaincant. Il n'y a également aucune preuve qui ébranle

le crédit placé dans l'affirmation de Rossell aux lignes 16 et 17 de la

colonne (2) du brevet, voulant que "les coussinets ne soient pas assez flexi-

bles pour permettre une perte de perpendicularité visible". L'inventeur avait

également traité de cette question dans son affidavit du 15 novembre 1973.

Cependant, il est convenu que les coussinets doivent être suffisamment souples"

pour tolerer une flexibilité diagonale mais pas trop pour permettre une perte

de perpendicularité visible.

 

Le demandeur affirme que les longerons du châssis de Rossell ne peuvent être

maintenus en charpente rectangulaire parce que "les coussinets (5) de caout-

chouc du wagon de Rossell doivent être assez souples pour s'adapter aux

irrégularités de la voie ferrée..." Le demandeur soutient évidemment que les

traverses (2) ont un mouvement vertical ou radial au niveau du coussinet quand

une roue monte ou descent selon les différences de niveau de la voie ferrée.

Ce dernier argument ne semble pas tenir compte de la divulgation de Rossell,

lignes 16 à 20 de la colonne 2, qui décrit le même genre de mouvement de

charnière que le demandeur qualifie de mouvement pivotant. C'est donc dire

que l'action est presque entièrement un mouvement de rotation relative au niveau

du joint entre la traverse (2) de Rossell et le longeron (1) qui forme un

essieu diagonal pivotant et passant à travers les 2 joints flexibles.

 

Enfin, le demandeur affirme que "le résultat prévu" mentionné dans les 4

dernières lignes de la partie "e" de la revendication 1 définissaient des

dispositifs non flexibles. Le requérant n'a donné aucun argument pour appuyer

son affirmation voulant que le fonctionnement se transforme en fait en défi-

nition. Citons: "... dispositifs ... pour relier la première section à la

seconde afin de permettre le déplacement vertical de l'une ou l'autre desdites

roues par rapport aux autres tout en maintenant solidement lesdits longerons

en une solide charpente rectangulaire afin d'éviter autant que possible les

renversements latéraux desdits longerons". Cependant, il est facile de

reconnaître dans ces termes ceux que l'on utilise pour décrire une action;

mais, dans les circonstances actuelles, ils décrivent le résultat connu allégué

par Rossell.

 

Il peut être important, pour la présente décision, de citer l'exposé du tribunal

dans la cuase Cluett Peabody & Co. Inc. c. Dominion Textiles Co. (1938) D.C.E.

47 à 79 où M.J. MacLean déclarait:

 

Il est bien clair et précis, dans le manuel de Terrell

sur les brevets qu'on peut diviser les inventions en deux

catégories selon l'objet. D'abord, il y a les inventions

qui résident dans la découverte d'une méthode d'applica-

tion d'un nouveau principe - de fait c'est le nouveau

principe qui a été inventé, et en général, le tribunal

considèrera jalousement toute autre méthode mettant ce

principe en application car le titulaire du brevet n'était

pas obligé de décrire toutes les méthodes d'application de

son invention. Deuxièmement, il y a les inventions qui

constituent une nouvelle méthode particulière d'appliquer

un principe bien connu, et alors l'utilisation d'autres

méthodes n'est pas envisagée par le titulaire du brevet et

ne devrait pas être incluse dans la portée de sa revendica-

tion. Ceci décrit un principe qui est admis dans le droit

des brevets... Un brevet qui met, pour la première fois,

un principe en application protège le titulaire contre toutes

les autres méthodes d'application de ce principe (nous souli-

gnons).

 

Le nouveau principe mentionné ci-dessus partait sir une méthode de traitement

des tissus contre le rétrécissement.

 

Après étude de l'antériorité de Rossell, on s'aperçoit que le principe

général d'"un joint pivotant" n'est pas inconnu. Rossell expose un châssis

de wagon de marchandises ayant deux traverses, chacune étant solidement fixée

d'un côté à un longeron et de l'autre, d'une façon pivotante, à l'autre lon-

geron, produisant un effet de charnière diagonale.

 

Nous estimons que la présente demande porte sur la catégorie d'inventions qui

exposent un nouveau mode d'application d'un principe connu et auquel cas

l'utilisation d'autres principes n'est pas envisagée par l'inventeur et ne

devrait pas être incluse dans la portée de sa revendication.

 

Mentionnons également l'exposé du tribunal dans la cause Mecro Nordstrom Valve

Co. Comer (1942) D.C.E. 138 à 148 où M. J. Maclean soulignait:

 

Les revendications visent uniquement l'ensemble et ne

constituent qu'une méthode améliorée d'atteindre un objet

bien connu, auquel cas, l'utilisation d'autres méthodes

n'est pas envisagée par le titulaire et le monopole est

limité au seul mode particulier décrit.

 

Même si un progrès technique brevetable a été réalisé, nous croyons que cette

contribution ne justifie pas la portée du monopole couvert par la revendica-

tion C1. Dans les circonstances actuelles, toute revendication acceptable

doit être limitée au mode précis qui a été décrit, c'est-à-dire un connecteur

non flexible à joint sphérique. Voir Cluett Peabody c. Dominion Textiles (déjà

cité).

 

La Commission s'est dite d'avis que la revendication C1 était beaucoup trop

large et ne définit pas distinctement les véritables progrès techniques, compte

tenu à la fois de l'article 36(2) de la Loi sur les brevets et du principe

divulgué par Rossell.

 

La Commission recommande donc que le rejet de la revendication C1 soit

confirmé et qu'une modification à cette revendication tenant compte des

directives précédentes, soit acceptée afin de réfuter les objections formulées.

Cependant, cette revendication devra faire l'objet d'un autre examen et, le

cas échéant, d'autres objections. Par exemple, il faudra chercher à savoir si

la revendication C1 modifiée est sensiblement la même que C3.

 

Le président adjoint de la

Commission d'appel des brevets

 

J.F. Hughes

 

Je suis d'accord avec les conclusions de la Commission d'appel des brevets.

Par conséquent, je refuse d'accepter la revendication C1 mais tolérerai une

revendication C1 modifiée selon les directives suggérées et après avoir été

soumise à un autre examen. Le requérant a six (6) mois pour modifier ou

annuler la revendication C1 au interjeter appel de la présente décision en

vertu de l'article 44 de la Loi sur les brevets.

 

Le Commissaire des brevets,

 

A.M. Laidlaw

 

Fait à Hull, Québec

le 8 février 1974

 

Agent du demandeur

Marks & Clerk,

Ottawa, Ontario

 

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