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                       DECISION DU COMMISSAIRE

 

      STATUT DIVISIONNAIRE: Non-conformité aux dispositions des articles 38(2)

                              et 36(1)

 

  Il ne saurait y avoir de seconde invention sur laquelle fonder la distinction

  divisionnaire d'après le procédé décrit et revendiqué dans le mémoire original

  et protégé par brevet; les revendications divisionnaires définissent l'appareil,

  qui y est décrit dans ses grandes lignes et illustré schématiquement, et

  comprennent des moyens connus de mener à bien chacune des phases du procédé

  breveté; le demandeur ayant soutenu que l'exposé de ce procédé était suffisant

  pour permettre à un homme de métier d'utiliser l'invention dudit procédé. Les

  revendications pour un second brevet relativement à un tel appareil, portant

  inévitablement atteinte au procédé déjà breveté qu'il utilise, étendraient la

  portée du monopole déjà accordé.

 

  DECISION FINALE: Confirmée

 

                ****************************

 

  Cette décision porte sur une demande de révision, par le Commissaire des brevets,

 

  de la décision finale de l'examinateur en date du 22 février 1972 au sujet de

 

  la demande 055,271. Cette demande a été déposée le 24 juin 1969 au nom de

 

  Neophytos Ganiaris et a trait à une "Concentration de thé". La Commission d'appel

 

  des brevets a tenu une audience le 20 juin 1973 à laquelle M. H. O'Gorman a

 

  représenté le demandeur.

 

  Lors de l'instruction, qui s'est terminée par la décision finale, l'examinateur

 

  a refusé la demande pour les motifs suivants: a) la demande divisionnaire n'est

 

  pas conforme aux termes de l'article 38(2) de la Loi sur les brevets et b) la

 

  demande ne respecte pas les dispositions de l'article 36(1).

 

  Dans la présente décision, l'examinateur a déclaré notamment:

 

  Le 23 juin 1969, des revendications pour un appareil

  ont été ajoutées à la demande 994,721 afin de servir

  de base à la demande divisionnaire déposée le 24 juin

  1969. Ces revendications pour un appareil, ajoutées à

  la demande originale, à titre de demande divisionnaire,

  ont été annulées volontairement le 27 juin 1969, avant

  que l'examinateur prenne une décision pour déterminer

  si ces revendications étaient bien étayées par le

  mémoire original, étant donné que l'article 38(2)

  prescrit clairement que la demande originale doit aussi

  décrire autant que revendiquer toute invention qui

  devient l'objet d'une demande divisionnaire.

 

  ...

 

Il est bien établi en droit jurisprudentiel que le

  mémoire doit décrire l'invention et son application

  de façon exacte et complète de sorte qu'à l'expiration

  du brevet, les hommes du métier puissent utiliser

  l'invention en se basant sur le seul mémoire descriptif.

  En ce qui a trait à la demande principale, pour laquelle

  un brevet a été délivré le 7 juillet 1970, et compte

  tenu de la déclaration susmentionnée du demandeur,

tout homme du métier pourrait assembler le système tel qu'il

a été revendiqué. Par conséquent, il est soutenu que les

revendications pour un procédé et les revendications pour

un produit subordonné à un procédé décrit dans un brevet déjà

délivré confèrent au demandeur toute la protection à laquelle

il a droit. Accepter les revendications pour le système faisant

l'objet de la présente demande ne ferait qu'étendre la portée

du monopole de l'invention déjà brevetée et aurait pour effet

d'empêcher le public d'utiliser librement celle-ci pendant une

période prolongée, si un brevet était délivré à la suite de

cette demande. En bref, le demandeur n'a droit qu'à un brevet

pour une invention.

 

La demande est également rejetée parce qu'elle ne respecte

pas les prescriptions de l'article 36(1) qui dit notamment:

"... le demandeur doit décrire d'une façon ... complète ...

Il doit particulièrement indiquer et distinctement revendiquer

la partie, le perfectionnement ou la combinaison qu'il réclame

comme son invention". (C'est nous qui soulignons). Il n'y

avait aucune indication du système d'appareil revendiqué

comme faisant partie de l'invention ou étant d'une seconde

invention, dans la demande originale, et le deuxième paragraphe

de la décision antérieure en fait état.

 

Dans sa réplique du 23 mai 1972, le demandeur a déclaré notamment:

 

L'examinateur rejette la demande en ces termes parce qu'elle

ne respecte pas les prescriptions de l'article 36(1) (voir

décision finale, paragraphe 3, page 2): -

 

"L'article 36(1) dit notamment: "... le

demandeur doit décrire d'une façon .. complète...

Il doit particulièrement indiquer et distinctement

revendiquer la partie, le perfectionnement ou la

combinaison qu'il réclame comme son invention".

(C'est nous qui soulignons) Il n'y avait aucune

indication du système d'appareil revendiqué comme

faisant partie de l'invention, ou d'une seconde

invention, dans la demande originale, et le

deuxième paragraphe de la décision antérieure en

fait état."

 

A propos des phrases citées ci-dessus, il convient de

remarquer d'abord que la demande en cause et la demande

originale 994,721, bien que liées par le statut divi-

sionnaire de la présente demande, doivent, par ailleurs,

être considérées comme des demandes distinctes. Lorsque

le mémoire d'une demande originale ne décrit pas l'invention

revendiquée dans la demande divisionnaire, cette dernière

est irrecevable. Cependant, cette irrecevabilité ne tient

pas aux termes de l'article 36(1), mais plutôt aux dispo-

sitions relatives au statut divisionnaire de la demande

divisionnaire, aux termes de l'article 38(2) ou autres.

 

 ...

 

Aux paragraphes 3 et 4 de la lettre officielle du 9 juin

1971, il est fait mention du rapport entre la demande en

cause et la demande originale 994,721. Il y est question

des dispositions de l'article 38(2) de la Loi sur les

brevets, mais la lettre officielle ne fait aucune opposition

spécifique en vertu de l'article 38(2) de la Loi sur les

brevets.

 

Nonobstant le défaut d'un rejet formel aux termes de

l'article 38(2) de la Loi sur les brevets, le demandeur

soutient que la demande en cause est tout à fait conforme

à cet article de la loi. L'article 38(2) de la Loi sur

les brevets stipule que le demandeur peut déposer une

demande divisionnaire "si une demande décrit et revendique

plus d'une invention". Ainsi, conformément à l'article

38(2), il suffit que la demande originale décrive et

revendique l'invention à revendiquer dans  la demande

divisionnaire. Que la demande originale 994,721 ait

revendiqué l'invention décrite dans les revendications

de la présente demande n'est pas mis en doute. Que la

demande originale décrit l'invention revendiquée dans la

demande divisionnaire est un fait évident par la comparaison

des revendications de la demande en cause et le mémoire de

la demande originale 994,721. Une telle comparaison révèle

que chacun des éléments des revendications de la demande en

cause figure dans le mémoire de la demande initiale.

 

Il convient de remarquer que les termes "décrit et revendique"

sont ceux-là même de l'article 38(2) de la Loi sur les brevets.

Le sens du mot "décrit" n'est aucunement restreint, et il est

respectueusement soumis que le texte de la loi ne fournit pas

le moindre fondement à l'assertion de l'examinateur qui, dans

sa décision finale, prétent apparemment que la demande

originale doit précisément indiquer comme une invention

l'objet revendiqué dans la demande divisionnaire. Il peut

être admis que la demande originale 994,721, telle qu'elle

a été déposée à l'origine porte surtout sur un procédé et

que l'objet de l'invention tel qu'énoncé dans cette demande

concerne le procédé seulement. Cependant, ces faits n'em-

pêchent certainement pas le demandeur d'obtenir l'acceptation

des revendications pour un appareil. En énonçant dans le

mémoire original de la demande 994,721 les moyens d'exploiter

le procédé revendiqué, le demandeur a décrit un système

d'appareil servant à l'exécution du procédé. Le système

d'appareil qui y est décrit étaye parfaitement les reven-

dications de la demande divisionnaire en cause, et puisque

les dispositions de l'article 38(2) sont pleinement respectées,

le statut divisionnaire de la demande en cause est tout à fait

légitime.

 

 ...

 ...A l'expiration du brevet relatif à la demande originale

994,721, le grand public aura toute liberté d'utiliser le

procédé revendiqué dans ce brevet. Toutefois, en utilisant

ce procédé, il ne pourra impunément porter atteinte aux

revendications de tout autre brevet canadien, y compris tout

brevet qui pourrait être délivré à la suite de la demande

en cause. Cela ne signifie pas que le public ne pourra pas

utiliser le procédé revendiqué dans le brevet expiré, mais

simplement qu'il ne pourra pas utiliser dans l'application

de ce procédé, le système d'appareil spécifique revendiqué

dans la demande en cause, si un brevet est délivré relativement

à ladite demande. Par conséquent, il n'est pas question ici

d'un double brevet.

 

   Cette demande a trait à un appareil pour concentrer par congélation une solution

 

   aqueuse de thé. La revendication 1 se lit comme suit:

 

   Un appareil pour concentrer par congélation une solution

   aqueuse de thé comprenant:

 

      a) un refroidisseur adapté à ladite solution pour

   former un précipité;

 

      b) un dispositif d'extraction du précipité de ladite

   solution, et un dispositif d'amenée dudit précipité

   vers une première cuve.;

 

      c) un dispositif d'alimentation en eau de ladite première

   cuve, et un dispositif de mélange dudit précipité dans

   ladite eau;

 

      d) un dispositif d'amenée de la solution, débarrassée du

   précipité, dudit dispositif d'extraction à un cristallisoir,

   muni d'un dispositif de refroidissement de ladite solution

   clarifiée, pour former un mélange de glace et de solution

   plus concentrée;

 

      e) un dispositif d'amenée dudit mélange à un dispositif

   d'élimination de la glace, qui sépare cette dernière de

   ladite solution plus concentrée;

 

      f) un dispositif d'amenée de la solution plus concentrée à

   une seconde cuve; un dispositif d'amenée de l'eau, qui

   contient le précipité provenant de ladite première cuve,

   vers ladite seconde cuve, cette dernière étant munie d'un

   dispositif de mélange permettant la formation d'une solution

   de thé concentrée à partir de son contenu après dissolution

   du précipité provenant dudit dispositif d'extraction.

 

   Un autre point intéressant: la revendication 1 de la demande originale (brevet

 

   actuel 846,128 en date du 7 juillet 1970) qui dit:

 

   Les phases du procédé de concentration de la solution aqueuse

   de thé sont les suivantes:

 

      a) le refroidissement de la solution de thé à une température

   de moins de 75 F pour former un précipité dans la solution

   aqueuse de thé;

 

   b) la séparation du précipité et de la solution aqueuse de thé;

 

   c) le refroidissement secondaire de la solution de thé pour

   former une solution de thé plus concentrée mêlée de glace;

 

d) la séparation de la glace et de la solution aqueuse de thé

   concentré; et ensuite

 

      e) la réunion du précipité séparé à la phase (b) et de la solution

   aqueuse de thé concentré.

 

   Tel que susmentionné, l'examinateur a refusé la demande sous prétexte que les

 

   dispositions de l'article 38(2) et de l'article 36(1) de la Loi sur les brevets

 

   n'ont pas été respectées.

 

   L'article 38(2) dit notamment: "Si une demande décrit et revendique plus

 

d'une invention, le demandeur peut.... restreindre ses revendications à une

 

invention..." La demande originale (le brevet actuel 846,128 en date du 7

 

juillet 1970) portait uniquement sur une description du procédé, et la page 1

 

du mémoire dit notamment: "Ainsi, cette invention fournit un procédé de

 

concentration par congélation d'une solution de thé, grâce auquel la solution

 

de thé concentrée ne perd pas son arôme," et "La figure est la représentation

 

schématique d'un appareil qui peut être utilisé pour l'application de cette

 

invention." (c'est nous qui soulignons) Les revendications originales portaient

 

sur un procédé seulement, et il semblerait, d'après le mémoire descriptif de la

 

demande originale, que le demandeur ne considérait pas "l'appareil" comme étant

 

une seconde invention, ni même comme un aspect de l'invention faisant l'objet

 

de la demande originale.

 

Le demandeur a souligné, à l'audience principalement, que la description générale

 

des éléments du système d'appareil revendiqué est bien connue dans la technique,

 

et qu'au moment du dépôt, elle aurait été suffisante pour qu'un homme du métier

 

puisse utiliser l'invention. Il est sûr que l'opinion du demandeur, jointe à

 

l'exposé de la demande originale sur la "représentation schématique de l'appareil"

 

indique qu'un homme du métier pourrait installer l'appareil de façon à appliquer

 

le procédé original, à l'aide des seules descriptions de la demande originale

 

telle qu'elle a été déposée, et il ne semble pas y avoir de seconde invention

 

pour laquelle fonder des revendications pouvant faire l'objet d'une demande

 

divisionnaire, aux termes de l'article 38(2) de la Loi sur les brevets.

 

Quant au second motif d'irrecevabilité aux termes de l'article 36(1), cet article

 

dit notamment: ".., le demandeur doit décrire d'une façon .., complète ... Il

 

doit particulièrement indiquer et distinctement revendiquer la partie, le per-

 

fectionnement ou la combinaison qu'il réclame comme son invention." (C'est nous

 

qui soulignons). Sur ce point, le demandeur prétend que: "Lorsque le mémoire

 

d'une demande originale ne décrit pas l'invention revendiquée dans la demande

divisionnaire, cette dernière est irrecevable. Cependant, l'opposition ne tient

 

pas aux termes de l'article 36(1)..." Tandis que l'article 38 de la Loi sur les

 

brevets dit: "Si une demande décrit et revendique plus d'une invention,..." il

 

est bien établi qu'un "nouvel objet d'invention" ne peut être ajouté à quelque

 

demande que ce soit, et parallèlement, toute invention figurant dans une demande

 

divisionnaire doit être décrite en entier dans la demande originale telle qu'elle

 

a été déposée. C'est-à-dire que les deux articles de loi ne peuvent être consi-

 

dérés séparément dans le cas de demandes originales et divisionnaires.

 

Un point intéressant a été relevé dans la décision en cause Riddell c. Patrick

 

Harrison and Company Ltd. (1956-1960) R.C.E. 213 où le tribunal a jugé que:

 

"... c'est une règle fondamentale du droit en matière des brevets qu'aucune

 

invention ne peut être validement revendiquée sans avoir été décrite dans le

 

mémoire descriptif de la façon prescrite par la loi. Les obligations à cet

 

égard sont énumérées dans l'article 36(1) de la Loi sur les brevets..." Les

 

circonstances de la présente demande sont analogues à celles de la cause susmen-

 

tionnée, sauf que dans ce cas-là, l'appareil était correctement décrit comme une

 

invention, mais non le procédé, et la revendication relative au procédé a été

 

tenue pour invalide. Par conséquent, la Commission estime que dans la demande

 

originale, il n'y avait aucune indication de "l'appareil" revendiqué actuelle-

 

ment comme faisant partie de l'invention, ou d'une seconde invention.

 

Le demandeur a également avancé l'opinion qu'à l'expiration du brevet relatif

 

à ce procédé, seule l'application du procédé au moyen de l'appareil "spécifique"

 

revendiqué ici serait refusée au public. Il est difficile de voir, toutefois,

 

comment ou à quel moment le système peut avec exactitude être qualifié de

 

"spécifique" puisque la portée de la revendication du demandeur est très large,

 

englobant tous les dispositifs permettant de mener à bien les phases du procédé

 

entier, et conséquemment, il est clair que quiconque appliquerait le procédé

 

revendiqué dans la demande originale contreferait, est-il soutenu, l'appareil

 

revendiqué ici. Accepter des revendications portant sur l'appareil, bien qu'il

 

s'agisse seulement de l'utilisation naturelle d'un appareil connu pour appliquer

 

le procédé, ne ferait qu'étendre la portée du monopole de l'invention, déjà

 

brevetée à titre de procédé dans le brevet canadien 846,128, en date du 7 juillet

 

1970.

 

La Commission est donc convaincue que, dans les circonstances, le demandeur

 

n'a pas le droit de déposer des revendications portant sur l'appareil, aux

 

termes de l'article 36(1) et de l'article 38(2) de la Loi sur les brevets, car

 

il est clair que la description relativement aux appareils est rédigée en termes

 

succincts et larges de manière à simplement décrire et étayer des revendications

 

pour un procédé.

 

Le président adjoint

Commission d'appel des brevets

 

J.F. Hughes

 

Je souscris aux conclusions de la Commission d'appel des brevets et refuse

 

de délivrer un brevet relativement à l'objet d'invention de la demande.

 

Le demandeur dispose de six mois pour interjeter appel de cette décision,

 

aux termes de l'article 44 de la Loi sur les brevets.

 

Telle est ma décision,

 

Le Commissaire des brevets

 

A.M. Laidlaw

 

Fait et signé

le 6 septembre 1973

 

Agents du demandeur

 

Smart & Biggar

Ottawa

 

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