11. Avis aux professionnels des brevets
Décision du Commissaire
La présente décision du Commissaire a été rendue au cours des délibérations
de la Commission d'appel des brevets aux termes de l'article 46 du Réglement..
La demande nÀ 055,093 pour une invention intitulée: Appareil et méthode de
vaporisation, a été déposée le 23 juin 1969 par David B. Ericson, Goesta
Hollin et Roger L. Zaunere et le brevet nÀ 951,128 a été délivré le 16 juillet
1974.
DECISION DU COMMISSAIRE
NON-EVIDENT: Progrès technique par rapport aux réalisations antérieures.
PRECISION DES REVENDICATIONS: Définition de l'élément fonctionnel compte tenu
du résultat souhaité.
La méthode permettant de former de la neige grâce à la cristallisation d'une mince
pellicule lorsqu'elle quitte le bord de fuite des pales rotatives dont il n'est
pas fait état dans les réalisations antérieures. Les revendications modifiées
sont jugées définir, de façon explicite, les limites qu'il faut absolument
respecter pour atteindre le résultat souhaité.
DECISION FINALE: Objection rejetée à la suite des modifications.
**********************
La présente décision porte sur une demande de révision par le Commissaire des
brevets de la Décision finale de l'examinateur datée du 22 septembre 1972 au
sujet de la demande no 055,093. Celle-ci a été déposée le 23 juin 1969 au nom
de David B. Ericson et autres, et concerne un "Appareil et méthode de vapori-
sation". La Commission d'appel des brevets a tenu une audience le 12 septembre
1973 où le requérant était représenté par MM. P. Kirby et M. Cohen.
Au cours de l'examen de la demande, qui a abouti à la Décision finale, l'examina-
teur rejette les revendications 1 à 7, 9 à 14 et 16 à 19 pour absence de progrès
technique par rapport aux réalisations antérieures et pour imprécision. Les
antériorités dont il est fait état sont les suivantes:
Brevets canadiens:
1) 46,068 16 mai 1894 Anderson
2) 240,128 13 mai 1924 Kehoe et autres
Brevets américains:
3) 2,070,728 16 février 1937 Hanft
4) 2,671,650 9 mars 1954 Jauch et autres
5) 2,968,164 17 janvier 1961 Hanson
L'examinateur déclarait notamment dans sa décision finale:
Les revendications 1, 2, 3, 16 et 17 de la demande sont
rejetées parce qu'elles ne parviennent pas à établir qu'il
y a progrès technique par rapport aux réalisations antérieures
des brevets 1), 2), 3) ou 4). Toutes les structures définies
par ces revendications figurent dans les antériorités. La
méthode qui consiste à recouvrir les pales d'une pellicule
d'eau, telle qu'elle est expliquée par les revendications 16
et 17, n'est pas brevetable car elle fait partie intégrante
du fonctionnement des appareils faisant l'objet de ces brevets.
Les revendications 9 à 14, 18 et 19 sont rejetées car elles
ne parviennent pas à établir qu'il y a progrès technique par
rapport à l'un quelconque des brevets 1), 2), 3) ou 4) à la
lumière du brevet 5. L'emploi de surfaces rotatives pour
vaporiser de l'eau est de notoriété publique comme l'indiquent
les brevets 1) à 4). Se servir de ces vaporisateurs pour faire
de la neige n'est qu'une question de choix et d'ingéniosité
prévisible. Le brevet de Hanson (28, figure 2) montre
que l'utilisation de surfaces rotatives pour projeter
ou vaporiser de l'eau dans un jet d'air afin de faire de
la neige est une technique connue et ancienne. Il est
donc évident que le brevet de Hanson montre comment se
servir d'un appareil semblable à un vaporisateur pour faire
de la neige. Le fait de substituer un appareil connu au
vaporisateur de type Hanson et de faire de la neige ne
constitue qu'une simple substitution d'équivalents et une
question d'ingéniosité prévisible.
Les revendications 4 à 7 et 9 à 14 sont rejetées car elles
ne se distinguent pas sur le plan structurel de brevets
2), 3) et 5), particulièrement du brevet Kehoe et autres.
Rien ne s'oppose à ce que l'appareil de Kehoe fonctionne
de la même façon que celui décrit par les revendications
4 ou 9. La fonction d'un appareil et l'usage qu'il en est
fait ne constituent pas une distinction sur le plan
structurel et participe du résultat souhaité. Les revendi-
cations 5 à 7 et 9 à 14 ne proposent aucune structure qui ne
soit évidente à la lumière de la technique et elles sont donc
rejetées. Qu'elles prévoient des pales d'hélice alors que
le brevet de Kehoe mentionne des pales mues par l'eau ne
constitue pas une invention. L'expression "pales d'hélice"
ne peut signifier qu'un appareil qui ressemble à une hélice,
ce qui est le cas pour les pales mentionnées dans les anté-
riorités.
...
Les revendications 1 à 7, 9 à 14 et 16 à 19 sont rejetées
comme étant imprécises. Chacune de ces revendications
les éléments de formation de la pellicule et de vaporisation
qu'en termes vagues accompagnés d'une indication du résultat
souhaité. La forme précise des pales, leur surface, la
vitesse de rotation et le taux d'alimentation ne sont pas
expliqués pas plus que l'emplacement et la configuration
exacte des ouvertures d'alimentation qui servent uniquement
à former la pellicule. Ces caractéristiques sont essentielles
si l'on veut définir clairement la structure grâce à laquelle
la presque totalité du liquide pourra s'écouler de la pale
par les bords de fuite. Le présent rejet pour raison d'im-
précision n'a aucun rapport avec les réalisations antérieures
et ne s'appuie que sur les exigences de revendications claires
et précises de l'article 36 de la Loi sur les brevets.
Dans sa réponse du 14 décembre 1972 à la Décision finale, le requérant
déclarait:
Le coeur de l'invention du requérant est constitué par un
vaporisateur à pales rotatives au moyen duquel une mince
pellicule d'eau se dépose à la surface de la pale, est
entraînée vers les bords de fuite des pales pour ensuite
s'échapper, sous forme de fines gouttelettes, à angle droit
des pales en rotation sous l'action du jet d'air ainsi créé.
La principale caractéristique de l'appareil est la formation
d'une mince pellicule qui permet un refroidissement élevé de
l'eau par suite de l'évaporation à la surface des pales,
permettant ainsi à l'eau de se transformer en glace après
vaporisation. Un deuxième élément de l'invention consiste
à forcer la plus grande partie de l'eau à s'écouler
des pales par les bords de fuite, prolongeant ainsi le
temps de passage de l'eau sous forme de pellicule à la
surface des pales de façon à porter au maximum la
période de refroidissement par évaporation et par
conséquent, la réduction de température qui en résulte.
Enfin, l'eau s'écoule des pales sous forme de fines
gouttelettes qui se transforment rapidement en parti-
cules granulaires de glace qui constituent un excellent
substitut pour la neige.
Les antériorités sur lesquelles s'appuie l'examinateur
montrent l'un ou l'autre de ces aspects, mais aucune ne
montre la combinaison de facteurs nécessaire pour en
arriver au résultat obtenu par l'appareil du requérant.
Ainsi, par exemple, le brevet américain no 2,671,650
délivré à Jauch et autres, ne montre pas la formation de
la mince pellicule sur les pales rotatives qui permet de
porter à son maximum l'effet de refroidissement par évapo-
ration.
L'examinateur rejette les revendications 1, 2, 3, 16 et
17 comme nom brevetables, à la lumière des brevets délivrés
à Anderson, Kehoe et autres, Hanft ou Jauch et autres.
Anderson ne montre pas du tout la formation d'une pellicule
sur les pales C. Ce qu'Anderson montre, c'est l'utilisation
des pales C pour interrompre les jets et précipiter l'eau
vers l'extérieur en direction centrifuge. Il n'est donc
absolument pas question chez Anderson de la formation de la
pellicule en mouvement, comme dans les présentes revendica-
tions, et l'échappement de la plus grande partie de l'eau
sous forme de pellicule par les bords de fuite des pales
aux fins de vaporisation, comme dans les présentes revendica-
tions. Kehoe, comme nous l'avons déjà noté, ne prévoit pas
de vaporisation comme dans les présentes revendications et
projette les jets d'eau en direction centrifuge contrairement
aux dispositions des revendications. L'appareil de Hanft, comme
il a été dit, forme une pellicule, mais projette l'eau en
direction centrifuge contrairement aux dispositions des reven-
dications. L'appareil de Hanft, comme il a été dit, forme une
pellicule, mais projette l'eau en direction centrifuge et ne
sert pas principalement de vaporisateur. Enfin, celui de
Jauch et autres ne forme pas une pellicule qui s'échappe des
pales par les bords de fuite comme l'exigent les revendica-
tions. Donc, les revendications 1, 2, 3, 16 et 17 définissent
clairement l'objet brevetable par rapport aux antériorités 1),
2), 3) ou 4). L'examinateur déclare que la formation d'une
pellicule est inhérente au fonctionnement, mais cela est
contraire à ce que montre le brevet de Jauch et autres où l'on
forme des pellicules plutôt qu'une pellicule. En second lieu,
rien dans la structure des appareils dans les antériorités
n'exige qu'une grande partie du liquide s'écoule des pales par les
bords de fuite et, en fait, certains documents disent le contraire,
c'est-à-dire que le liquide s'écoule par les extrémités (voir
Hanft et Kehoe et autres). Nous demandons dond que les reven-
dications 1, 2, 3, 16 et 17 soient autorisées.
...
Dans le cadre du rejet de la demande, l'examinateur s'est dit
d'avis qu'il est impossible de s'appuyer sur les éléments
fonctionnels. Nous soutenons q'une telle prise de position n'est
fondée en droit. Il a été bien établi qu'il est permis de faire
une revendication fonctionnelle lorsqu'il s'agit de revendiquer
sur le plan du résultat souhaité.
La présente demande a trait en général à la cristallisation d'un liquide
et plus particulièrement à une méthode et à un appareil efficace de
fabrication de neige dans diverses conditions. La revendication 1 se lit
comme suit:
Un appareil de vaporisation de liquides comprenant:
un moyen rotatif à axe central,
plusieurs pales de ventilateur montées radicalement
sur le moyeu et qui peuvent tourner avec ledit moyeu
autour de l'axe central, chacune des pales ayant un
bord d'attaque et un bord de fuite,
un dispositif permettant d'appliquer le liquide à
vaporiser auxdites pales de façon à former une pellicule
en mouvement à la surface des pales lorsque celles-ci
sont en mouvement, l'écoulement se faisant en grande
partie vers les bords de fuite des pales, de façon à
permettre la vaporisation de la pellicule sur les bords
de fuite des pales.
La référence à Hanson porte sur une machine à fabriquer la neige où un
jet d'eau pulvérisée est propulsée par un courant d'air produit par un
ventilateur, les figures 2 et 3 montrant un défecteur 28 à ailette 29
frappée par l'eau. La référence à Jauch porte sur un atomiseur où une
pellicule liquide s'écoule sur un disque 32 pour être projetée par les
bords en direction des pales 44. Dans la référence à Hanft, un mécanisme
fait monter de l'eau dans un tube d'où elle s'écoule par 16, pour entrer
en contact avec un courant d'air produit par les hélices 15. La référence
à Kehoe a trait à un atomiseur où un jet d'eau, s'écoulant par les ouver-
tures 4 entre en contact d'abord avec les pales 6 à faible rayon, puis avec
les pales 8 à rayon plus grand. La référence à Anderson montre un atomiseur
où l'eau s'écoule des ouvertures A pour entrer en contact avec la pale C.
Une audience très instructive a eu lieu le 12 septembre 1973, au cours de
laquelle le requérant a consenti à présenter de nouvelles observations sur
la question du "caractère fonctionnel des revendications". Deux autres
points ont également été discutés; l'un avait trait à l'expression "appareil
de vaporisation" par opposition à "crystallisateur", et l'autre portait
sur l'effet réfrigérant sur la pellicule d'eau à la surface de la pale du
cristallisateur, à la lumière surtout du paragraphe 2 de la page 12 du
mémoire descriptif qui se lit comme suit:
A la suite des essais ci-dessus, on peut voir que cette
invention peut avoir de multiples usages. Lorsqu'il s'agit
de faire de la neige, il est possible d'en fabriquer avec
de l'eau à une température légèrement supérieure au point
de congélation et dans une atmosphère où la température est
plus élevée que la normale pour la création de neige. Cela
est possible parce que l'invention fonctionne de telle façon
que lorsque le refroidissement est au point maximum la
température de l'eau peut être portée jusqu'au niveau né-
cessaire à la conversion des particules pulvérisées en neige,
soit de 10ÀF (-12ÀC) à 15ÀF (-10ÀC). Pour fabriquer de la
neige rapidement, la température des gouttelettes pulvéri-
sées doit être abaissée à une température maximum se situant
entre 10ÀF et 1-ÀF. C'est à cette température seulement
qu'il pourra y avoir conversion rapide des gouttelettes
légères en neige.
A l'audience, le requérant a égalment indiqué qu'il était disposé à apporter
certaines modifications à ses revendications et, le jour suivant, on lui
a demandé de vive voix de soumettre ses modifications par écrit à l'étude
de la Commission.
Le 18 septembre 1973, toujours en réponse à la décision finale, le requérant
a présenté un mémoire où il examinait la jurisprudence à l'appui de "l'élément
fonctionnel des revendications" (dont on reparlera plus loin) et il a
proposé les changements suivants:
A la lumière des discussions qui ont eu lieu au cours de
l'audience, le requérant propose certaines modifications à ses
revendications. Celles-ci sont indiquées ci-dessous aux fins
d'examen par la Commission, dans l'espoir qu'elles seront
considérées comme offrant une meilleure définition de l'in-
vention et permettront d'autoriser les revendications.
Les modifications proposées sont les suivantes:
Revendications 1 à 8, première ligne, changer "appareil de
vaporisation de liquides" ou "appareil de vaporisation" pour
-cristallisateur-.
Revendication 1, ajouter à la fin de la revendication - une
bonne proportion appréciable du causant principal étant
au-dessous de la température de cristallisation lorsqu'il
quitte lesdits bords de fuite, de façon à se cristalliser
rapidement.
Revendication 9, ligne 13, changer "le liquide" pour -l'eau -,
et à la fin de la revendication 1, tout en changeant le libellé
de façon à parler d'une proportion appréciable de ladite "eau"
au-dessous de la température de "congélation", etc.
Revendication 11, ajouter à la fin de la revendication
le même texte que celui proposé pour la fin des revendi-
cations 1 et 9, soit "une proportion appréciable du
courant principal étant au-dessous de la température de
congélation".
Revendications 16 et 17, ligne 1, changer "vaporiser"
pour -cristalliser-.
Revendications 16 à 19, changer "pales d'hélices," pour
- pales d'hélice mue par moteur-; "de façon à" et changer
"appréciable" pour -importante-.
Revendications 16 à 19, ajouter à la fin de chaque reven-
dication à peu près le même texte que celui proposé pour
la fin de la première revendication, en employant l'ex-
pression "température de cristallisation" pour les reven-
dications 16 et 17, car ces revendications ne s'appliquent
pas seulement à l'eau, et l'expression "température de
congélation" pour les revendications 18 et 19, car celles-ci
s'appliquent uniquement à l'eau.
Les modifications proposées, c'est-à-dire l'emploi du mot "cristallisateur",
à la place de l'expression "appareil de vaporisation de liquides" et l'indi-
cation dans les revendications 1 à 8 que: "... une proportion appréciable
du courant principal étant au-dessous de la température de cristallisation
lorsqu'il quitte les bords de fuite de façon à se cristalliser rapidement..."
portent, selon la Commission, sur ce qui semble être l'essence même du
progrès technique que constitue l'invention par rapport aux réalisations
antérieures. Cela s'applique également aux modifications proposées pour les
revendications 9 à 19.
A la lumière de ces modifications, il s'ensuit que la seule réalisation
antérieure citée qui ait une importance quelconque est la référence à
Hanson où l'appareil produit un jet pulvérisé qui entre en contact avec le
courant d'air produit par ventilateur pour former de la neige ou des cristaux
de glace. La première revendication de cette référence se lit comme suit:
La méthode permettant de former, distribuer et déposer
de la neige sur une surface, notamment: produire
mécaniquement le déplacement d'un grand volume d'air
étant produit par une hélice mue par moteur, l'air étant
à une température ambiante d'au plus 30ÀF; et projeter
l'eau dans ledit déplacement d'air en quantité suffisante
et à un taux tel que la plus grande partie de l'eau ainsi
projetée se retrouve au moins partiellement cristallisée
avant de se déposer sur ladite surface.
Étant donné que rien dans cette référence n'indique que l'eau forme une
pellicule sur les pales d'hélice ou qu'une bonne proportion du débit est
à une température inférieure à la température de cristallisation lorsque
l'eau quitte les bords de fuite pour se cristalliser rapidement,
comme l'indique la présente demande, la Commission estime que les
revendications ainsi modifiées se distinguent des réalisations
antérieures.
Le second motif de rejet, qui touche à "l'imprécision des revendications"
est discuté à fond dans le mémoire présenté le 18 septembre 1973 à la
Commission. La Commission convient qu'il peut être possible dans
certains cas de définir l'élément fonctionnel d'une invention en fonction
du résultat souhaité, mais qu'il est néanmoins essentiel que les
revendications soient claires et distinctes, comme l'exige l'article 36
de la Loi sur les brevets. Quoi qu'il en soit, la Commission estime
également que la question de l'imprécision des revendications sera
résolue par les modifications proposées.
Par conséquent, la Commission recommande que le motif d'objection de la
décision finale, quant aux revendications 1 à 7, 9 à 14 et 16 à 19,
soit leur trop grande portée par rapport aux réalisations antérieures
citées, soit conformé et que les nouvelles revendications, compte tenu
des modifications proposées par le requérant, soient acceptées comme
répondant aux objections de la décision finale et annulant "tout doute
quant à la précision des revendications ".
Le président adjoint
de la Commission d'appel des brevets,
J.F. Hughes
Je suis d'accord avec les conclusions de la Commission d'appel des
brevets et confirme la décision portant refus des revendications
compte tenu des réalisations antérieures citées dans la décision finale,
mais j'accepterai les revendications modifiées conformément aux
recommandations de la Commission. Aux termes de l'article 44 de la Loi
sur les brevets, le requérant a six mois pour modifier ses revendications
ou interjeter appel de la présente décision.
Le commissaire intérimaire des brevets
J.A. Brown
Fait à Hull, Québec
le 29 octobre 1973
Agent du demandeur
Kirby, Shapiro, Curphey & Eades,
Ottawa, Ontario