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                                            DECISION DU COMMISAIRE

 

    VALIDITE, ELEMENT NOUVEAU: En vertu de l'article 36(1) et du Règlement 52.

 

    Dans un mémoire descriptif, il y a différence critique entre imperfection de

    rédaction et non conformité aux exigences prévues par l'article 36(1). Un

    mémoire ne peut être jugé invalide parce qu'un homme du métier peut être forcé

    de procéder à des essais ou épreuves en suivant les instructions du mémoire,

    ou en mettant en pratique une connaissance ou une technique répandue. Il est

    raisonnable de conclure que la définition de l'invention viendrait tout naturel-

    lement à l'esprit d'un homme versé dans le métier, et que le mémoire tel qu'il

    a été déposé n'est pas, au sens légal, invalide.

 

    DECISION FINALE: Infirmée.

 

                                   ***********************************

 

    La présente décision a trait à une demande de révision, par le Commissaire des

    brevets, de la décision finale de l'Examinateur portant le refus de la demande

    047,327, en date du 23 août 1972. La demande a été déposée au nom de Thomas A.

    Pilgrim et autres, et porte sur des "Composés de plâtrage".

 

    Lors de l'instruction, qui s'est terminée par la décision finale, l'Examinateur

    a rejeté la modification de la demande parce qu'elle apporte un élément nouveau,

    ce contrairement aux dispositions de l'article 52 des Règlements régissant les bre-

    vets.

 

    Dans la décision, l'Examinateur déclare notamment:

 

    Le refus de la demande amendée est maintenu et les raisons pour

    un tel refus sont les suivantes:

 

(1) les pages modifiées 3 (deuxième paragraphe) et 6 (deux

    derniers paragraphes) présentent un élément nouveau qui

    ne faisait pas partie du mémoire descriptif initial déposé

    le 31 mars 1969.

 

(2) Les revendications modifiées 2 à 5 définissent un élément

    nouveau que rien dans le mémoire descriptif initial, déposé

    le 31 mars 1969, ne supportait d'une manière adéquate.

 

    La présente demande, telle qu'elle a été déposée le 31 mars 1969,

    décrit nettement la portée de composés de plâtrage pouvant convenir

    à des substrats de forte absorptivité comportant de 50 à 90% de

    plâtre semi-éteint au sulfate de calcium et dont la surface spé-

    cifique varie entre 2500 et 5000 cm2 au gramme et dont le coefficient

    de dispersion est d'au moins 4.6. Le demandeur est invité à se

    reporter aux lignes 7 à 11 de la page 3 et aux revendications 1

 

     gramme, il a été établi que l'élément nouveau ne peut raisonna-

     blement être suggéré par le mémoire tel qu'il a été dépose le 31

     mars 1969.

 

Dans sa réponse du 23 novembre 1972 le demandeur déclare (notamment):

 

     Le demandeur fait les soumissions générales suivantes:

 

  1. Le modificatif que propose le demandeur correspond parfaite-

     ment à ses obligations envers le domaine public et est conforme

     à la responsabilité qui lui incombe aux termes de l'article 36

     de la Loi sur les brevets.

 

  2. Interprété correctement, le règlement 52 ne peut s'appliquer

     dans un cas où nul changement n'a été apporté à l'invention,

     mais où il y a tout simplement eu un changement dans la définition

     de l'invention fait par l'agent des brevets du demandeur.

 

  3. La jurisprudence en regard de redélivrance de brevets est con-

     cluante relativement à ce qui constitue élément nouveau aux

     termes du règlement 52.

 

  4. Les modifications proposées ne violent pas l'interprétation,

     même restreinte, du règlement 52 avancée par l'Examinateur.

 

     Au cours d'une discussion concernant la définition de l'invention,

     l'inventeur et son agent de brevets britannique décidèrent que le

     degré de dissolution dans l'eau était d'importance prépondérante,

     et il fut alors convenu que cette caractéristique devait être désignée

     par les termes "coefficient de dispersion" définis dans le présent

     mémoire. L'agent de brevets demanda à connaître la gamme de granu-

     lométrie du plâtre en composition sèche, ce qui fut fait. A Ce

     moment-là, l'agent de brevets ne s'était pas rendu compte qu'il y

     avait non seulement une gamme de granulométrie dans le matériau sec

     qui faciliterait le malaxage, mais que l'exigence d'un niveau élevé

     de rétention d'eau pourrait être attribuée à une granulométrie se

     situant au-dessous d'une limite donnée (ou, si exprimée en surface

     spécifique, se situant au-dessus d'une limite particulière).

 

     Afin de définir "coefficient de dispersion" il a fallu décrire un

     essai dans le mémoire et, pour démontrer l'invention, on fit la

     description d'une série d'essais à l'aide d'une matière type de

     3000 cm2 au gramme pour une surface spécifique. Les résultats de ces

     essais prouvèrent la nature critique d'un coefficient de dispersion

     établi à 4.6. L'inventeur était conscient que cette limite de 4.6

     ne s'appliquait qu'à une surface spécifique de 3000 cm écrivit à

     l'agent de brevets pour lui suggérer d'insister sur ce fait.

 

     Malheureusement, l'agent de brevets ne comprit pas toute la portée

     de cette suggestion et, craignant qu'une référence à une surface

     spécifique de 3000 cm2 dans la définition du coefficient de disper-

     sion exclurait l'application de l'invention revendiquée à des plâtres

     de valeurs de surface spécifique différentes, priverait de cette

     protection peut-être une plus grande variété de matériaux de mise

     en oeuvre. Dans sa réponse à l'inventeur, l'agent de brevets fit

     tout simplement remarquer qu'il préférait conserver une vaste gamme

     de matériaux de mise en oeuvre, et qu'il espérait que la valeur citée

     par rapport au coefficient de dispersion ne dépasserait pas trop la

de la relation étroite qui existe entre la gamme de surface

sèche spécifique des plâtres disponibles et le coefficient de

dispersion indispensable à l'utilisation correcte de l'invention,

prive le domaine public de l'information qui lui est due quant. à

l'emploi optimal de l'invention telle qu'elle a été conçue par

l'inventeur. Il est difficile d'imaginer qu'un règlement de la

Loi sur les brevets puisse être interprété de manière à priver le

domaine public d'une explication nette et lucide de l'invention.

L'article, en outre, prévoit que le demandeur doit "indiquer d'une

manière particulière et revendiquer de façon bien distincte la pièce,

l'amélioration ou la combinaison qu'il revendique comme invention".

L'article continue "le mémoire doit se terminer par une ou des reven-

dications établissant distinctement et en termes précis les éléments

ou combinaisons que le demandeur considère nouveaux et pour lesquels

il revendique propriété ou monopole exclusif". Il y va de l'intérêt

public comme de l'intérêt particulier de déterminer l'étendue du

monopole qui doit être accordé à une invention. Les modifications

présentées dans la présente demande sont compatibles avec la revendi-

cation de l'invention qui a été effectivement réalisée et qui constitue

un exemple typique de ce qui a été initialement exposé comme faisant

partie de la divulgation.

 

Il est inconcevable que le demandeur puisse réaliser, par voie de

redélivrance, ce qui ne lui est pas permis de faire lorsque la demande

est en suspens. La modification d'une demande en instance doit être

admissible conformément aux dispositions péremptoires de l'article 36.

Il convient d'interpréter que l'article 36, de concert avec l'article

28, peut s'appliquer à l'invention initiale et non à un modificatif ou

à un ajout quelconque apporté à une date ultérieure par l'inventeur.

C'est pourquoi le réglement 52 s'applique dans la mesure où il empêche

le dépôt de ce qui équivaudrait à une série de demandes de "continuation-

in-part", pour empurnter une expression au droit américain. Cependant,

l'article 52 ne doit sûrement pas avoir pour objet de priver le demandeur

du privilège de présenter son invention convenablement. Puisque le

tribunal a prévu, dans l'article 50, une réforme spéciale qui permet à

l'inventeur de décrire et de revendiquer son invention exactement comme

elle a été realisée, en dépit du fait que le brevet ait déjà été délivré,

il doit être évident que l'article 36, interprété de concert avec

l'article 32, autorise implicitement le demandeur à apporter des modi-

ficatifs analogues à la demande en suspens. A la lumière des faits ci-

devant exposés, il devrait être évident qu'il ne devrait y avoir aucune

difficulté à obtenir redélivrance cie la présente demande si elle avait

eu trait à la délivrance d'un brevet dans sa forme initiale. Par con-

séquent, le demandeur allègue qu'il est, à son avis, inconcevable que

le règlement 52 puisse l'empêcher de faire, par voie de modifications,

ce qui lui est permis de faire par procédures très spéciales de redéli-

vrance à la suite de la délivrance d'un brevet.

 

La présente invention a trait à des composés de plâtrage devant être posés sur

 

des matériaux de mise en oeuvre de forte absorbtivité. L'Examinateur ayant jugé

 

la revendication 1 acceptable, refusa les revendications 2 et 3 qui se lisent

 

comme suit:

 

Un composé de plâtrage comportant au poids, à l'état sec, de 50 à 95%

 

Nous remarquons tout d'abord que l'Examinateur n'avait pas, au moment du refus,

l'avantage de connaître la teneur d'un affidavit signé par G.P. Campbell et qui

fut soumis à la Commission le 4 janvier 1973. La teneur dudit affidavit sera

examinée plus tard dans la présente décision.

 

La présente invention a trait au problème de dispersion rapide de l'eau des com-

posés de plâtrage dans le matériau de mise en oeuvre, ce qui a pour effet d'ap-

pauvrir le plâtre. L'introduction d'une petite quantité d'éther de cellulose

dans le composé de plâtrage réduit considérablement la dispersion, mais restreint

en même temps la mouillabilité du produit ainsi que son gâchage à l'eau.

 

Le demandeur a résolu le problème en utilisant un plâtre semi-éteint au sulfate

de calcium, préparé par la cuisson appropriée de certains cristaux de gypse et qui,

au mouillage, se disperse promptement en engendrant un accroissement considérable

de la surface sèche spécifique (c'est-à-dire une réduction importante de la gra-

nulométrie). Le mémoire initial révélait que les plâtres semi-éteints au sulfate

de calcium ont une surface sèche spécifique variant entre 2500 et 5000 cm2 au

gramme, et un coefficient de dispersion au mouillage de 4.6, tel qu'il a été

établi dans la divulgation et répété dans les revendications initiales. Cependant,

dans tous les exemples, on s'est servi d'un plâtre serai-éteint au sulfate de

calcium ayant une surface sèche spécifique initiale de 3000 cm2 au gramme, et pour

lequel le coefficient de dispersion de 4.6 a été trouvé indispensable pour ob-

tenir des résultats satisfaisants.

 

Le 26 juin 1969 une modification fut apportée à la divulgation afin de préciser

que le coefficient de dispersion s'appliquait â une surface sèche spécifique de

3000 cm2 au gramme sans toutefois convenir à toute la gamme de surfaces sèches

spécifiques. Le demandeur indiquait que le point important à retenir réside dans

le fait que le plâtre serai-éteint au sulfate de calcium doit avoir une surface

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Afin de rendre une décision dans la présente affaire, il est opportun d'examiner

la position de la Cour dans la cause de Mineral Separations c. Noranda Mines Ltd.,

(1947) Ex. R.C. 306 où Thornson P. déclare à la page 309:

 

Lorsqu'il est dit qu'un mémoire descriptif doit être rédigé

de manière que, le délai de monopole étant échu, le public

puisse, en se reportant uniquement, au mémoire utiliser l'in-

vention avec autant de succès que l'inventeur lui-même, il

faut préciser que le public désigne ici les personnes versées

dans le métier touché par l'invention, puisque le mémoire

descriptif est destiné à ces personnes.

 

Il déclare également, plus loin à la même Page:

 

Il est indubitable que le mémoire est mal rédigé, mais il existe

une différence capitale entre imperfections de rédaction et non

conformité aux exigences prévues par la Loi. (soulignement

ajouté).

 

Voici donc comment se présente la question: il s'agit de déterminer, premièrement,

 

si la demande telle qu'elle a été déposée est conforme aux exigences de l'article

 

36 de la Loi sur les brevets, compte tenu du fait qu'il y a différence capitale

 

entre imperfections de rédaction et non conformité aux exigences prévues par

 

l'article et, deuxièmement, si la définition modifiée de la surface sèche spécifi-

 

que du plâtre après mouillage est recevable aux termes de l'article 52 des Règle-

 

ments régissant les brevets comme étant matière qui viendrait naturellement à

 

l'esprit des personnes auxquelles le mémoire est destiné.

 

Parmi les nombreuses antériorités qui pourraient être invoquées, il nous semble

 

pertinent, dans les circonstances, de citer la déclaration de Thornson P. dans

 

l'affaire de Ernest Scragg c. Leesone (1464) Ex. R.C. pages 649 à 747:        

 

Il est établi, selon la Loi, que le mémoire descriptif d'un

brevet n'est pas invalide du fait qu'un homme du métier puisse

être forcé de faire des essais ou des expériences qui ne sont

pas à proprement parler des inventions, et qu'un homme expéri-

menté puisse, en suivant les instructions du mémoire, obtenir

le résultat désiré. Le mémoire est valide s'il permet à cet

homme de réaliser l'invention, et lui fournit les instructions

adéquates indiquant quels essais ou quelles expériences il lui

faudra faire, et de quelles manières.

page 4 du mémoire, on peut livre: "Au moment de réaliser l'invention, il faut

vérifier si les plâtres disponibles se dispersent dans l'eau à un point tel qu'il

est possible de tirer plein profit des avantages de l'invention. Ceci peut être

accompli en mettant on pratique les méthodes d'essais susmentionnées."

 

Par conséquent, la Commission est convaincue que le mémoire descriptif contient

les instructions suffisantes pour permettre à un homme expérimenté ou versé dans

le métier des plâtres d'exécuter les instructions ou les essais décrits de manière

à faire plein emploi de l'invention, répondant. ainsi donc aux exigences de

l'article 36.

 

La Commission constate que le modificatif rejeté n'est autre qu'une définition

modifiée de la surface sèche spécifique du plâtre après mouillage, exprimée en

termes dur produit du coefficient de dispersion multiplié par la surface sèche

spécifique avant mouillage, soit 13,800 cm2 au gramme, et qui n'altère en rien

la nature de l'invention telle qu'elle est définie, mais fait plutôt ressortir

la limite critique inférieure de 13,800 cm2 au gramme plutôt que le coefficient

de dispersion de 4.6.

 

Oui plus est, il ne semble pas y avoir raison de douter de la déclaration de G.P.

Campbell qui dit, dans son affidavit: "Pour une raison inexpliquée, l'illogisme,

et je dirais même l'erreur, d'associer la gamme entière de granulométrie à une

valeur limite unique de "coefficient de dispersion" a dû passer inaperçu lors de

la rédaction de la revendication initiale à grande portée." Plus loin, il ajoute

"Je crois qu'il est tout à fait raisonnable et acceptable que la revendication

soit, à mon avis de chimiste en plâtres possédant une certaine expérience, jugée

conforme avec ce qui est nettement la teneur de l'ensemble du mémoire quant à

l'essence même de l'invention." (M. Campbell est un homme de sciences, au service

de BPB Industries (recherche et développement) et il est engagé depuis huit ans

à l'étude de la composition et des propriétés chimique du gypse, ainsi que de       

 

Par conséquent, la Commission est convaincue qu'aucun élément nouveau n'a été

ajouté et que le modificatif rejeté est recevable au titre d'une solution qui

viendrait tout naturellement à l'esprit d'un homme, versé en la matière, ayant en

main les indications énoncées au mémoire initial et possédant les connaissances et

aptitudes propres au destinataire d'un tel mémoire.

 

Etant arrivée aux conclusions susmentionnées pour les motifs énoncés, la Commission

ne voit pas la nécessité de discuter l'argument avancé par le demandeur quant à

l'article 50 de la Loi sur les brevets.

 

La Commission suggère que compte aurait dû être tenu de la portée de la reven-

dication 1, laquelle n'a soulevé aucune objection, en ce qu'une gamme de surface

sèche spécifique initiale allant jusqu'à 5000 cm2 au gramme pourrait peut-être

dépasser la portée de la réalisation spécifique prévue par la revendication. De

plus, la revendication 2, sans référence à l'objet de la revendication 3, semble

incomplète.

 

Par conséquent, la Commission recommande que la décision finale portant le refus

de la modification soit révoquée.

 

Le président adjoint de la

Commission s'appel des brevets

 

J.F. Hughes

 

Nous souscrivons aux constatations de la Commission d'appel des brevets et révoquons

la décision finale. La demande est retournée à l'Examinateur pour la reprise de

la procédure d'examen de la demande de brevet.

 

Telle est notre décision,

 

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