DECISION DU COMMISSAIRE
STATUT DIVISIONNAIRE: L'élément nouveau est contestable.
Le statut divisionnaire ne peut être invoqué, étant donné que les déclarations
énoncées dans le mémoire initiai indiquaient clairement que le demandeur n'a
pas tenté, ou a fait défaut, de révéler l'exacte réalisation décrite dans la
demande divisionnaire..
DECISION FINALE: Confirmée.
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La présente décision porte sur une demande de révision par le Commissaire des
brevets de la Décision de l'examinateur datée du 18 août 1972 au sujet de la
demande no 120,389, déposée au nom de la compagnie Black Clawson et qui concerne
une "machine à papier à table verticale". La Commission d'appel des brevets a
tenu une audience le 15 mars 1973 où le demandeur était représenté par M. D.
Watson, c.r.
Après examen de la demande, qui a abouti à sa décision, l'examinateur a rejeté
la condition divisionnaire pour cuase d'addition de nouvelle matière à la demande,
qui ne faisait pas partis de celle-ci à l'origine; cette adjonction est la
suivante: "Les déflecteurs successifs impriment ainsi un parcours en serpentin
aux toiles combinées et à la feuille qui se forme progressivement."
L'examinateur déclarait notamment dans sa Décision:
L'invention porte sur la fabrication de papier
entre deux toiles métalliques sans fin, se mouvant
verticalement. Les toiles sont munies de chaque côté
d'une série de déflecteurs en quinconce qui guident
les toiles en les faisant converger et en même temps
raclent l'eau coulant de la pâte à papier à travers
les toiles. Selon le requérant, le nouvel objet
qui est inhérent au mécanisme réside dans le fait
que les déflecteurs guident les toiles selon un
tracé en serpentin.
out d'abord, il faut préciser que les dessins
n'esposent ni ne suggèrent ce que le requérant a
ajouté à la divulgation de sa demande.
Il est indiqué à la page 2, lignes 22 et 23, que "les
déflecteurs le long de la surface extérieure de la zone
de production ont pour seule tâche de faire converger les
toiles et de racler l'eau". Il n'est fait aucune allusion
ici à un tracé en serpentin, simplement à deux toiles
convergentes. Par "convergentes" il faut entendre "venant
chacune d'une direction différente, pour se rapprocher
l'une de l'autre, à la façon des rayons d'un cercle qui
convergent vers le centre." C'est exactement ce qu'illustre
la figure 3.
Il est indiqué en outre à la page 4, lignes 13 à 15, que
"l'orientation des toiles 16 et 17 immédiatement au-dessous
des rouleaux de tête est telle que celles-ci forment, en
convergeant, une zone de production 20 de section triangu-
laire". La figure 1 soumise par le demandeur dans sa
réponse du 9 juin 1972, ne montre rien de tel; il s'agit
donc d'une conception différente de celle qu'a présentée le
demandeur à l'origine.
Le requérant poursuit, à la page 6, lignes 1 à 3: "Les
déflecteurs inférieurs 40 sont espacés, de préférence, de
manière à ce que les toiles convergent vers leur point
d'espacement minimum à égalité du déflecteur inférieur 40
de la toile droite 17." Ainsi qu'il a été divulgué ci-
dessus, cette disposition suggère une forme triangulaire.
Il est indiqué, à la page 7, lignes 24 à 27, que "l'utili-
sation de déflecteurs disposés suivant la figure 3 produit
des résultats des plus satisfaisants, mais on peut employer
d'autres dispositions, et il est possible de se passer des
déflecteurs si l'on peut répondre autrement aux conditions
essentielles de l'invention." Cela laisse entendre qu'il
s'agit de la même conception avec ou sans déflecteurs, sans
lesquels, évidemment, il ne saurait y avoir de tracé
sinueux.
Il est révélé à la page 8, lignes 1 à 3, que "le rôle de
soutènement des déflecteurs ajoute donc à la tension de la
toile, mais si la tension est assez forte un tel support
n'est plus nécessaire". Cela indique clairement que les
tracés des toiles convergent des rouleaux de tête au point
d'espacement minimum en délimitant une forme triangulaire.
Dans la troisième partie de la revendication 1, le demandeur
mentionne plusieurs déflecteurs généralement alignés en
quiconce et disposés successivement en aval dudit vide dé-
limitant entre eux un tracé vertical et sinueux " Il n'y a,
bine entendu, aucune preuve de cela dans la demande initiale.
Les dessins montrent clairement qu'une ligne reliant les
pointes des déflecteurs, d'un côté des toiles, passerait
sur un plan unique, et il ne pourrait donc avoir un tracé
sinueux.
Dans sa réponse du 16 novembre 1972, le requérant déclarait notamment:
La présente demande, ainsi que les précédentes
également en attente, réfère à la première installation
commerciale par la compagnie requérante de l'une de ses
machines "Verti-Forma" qui ont commencé à fonctionner
à l'usine de la Compagnie Canadienne Internationale de
Papier à Trois-Rivières (Québec), au début de 1968.
Cette machine réunissait les caractères particuliers
de l'invention qui fait l'objet de la présente demande;
les déflecteurs étaient ajustés de façon à donner un
tracé légèrement en "S" (en serpentin) aux toiles qui
délimitent, en convergeant, la zone de production.
Le deuxième fait important est que le requérant Justes,
indiqué comme étant l'inventeur dans le brevet canadien
no 877,961, délivré à la Beloit Corporation, a visité
l'usine de Trois-Rivières peu après que la machine
Verti-Forma y a été installé et qu'à la suite de cette
visite, il a déposé plusieurs demandes de brevets pour
des machines ressemblant beaucoup à celle du cas présent.
Il ne fait aucun doute que Justes a copié le tracé
"sinueux" mentionné dans son brevet sur la machine de
Black Clawson.
Si nous passons maintenant à la décision prise le
18 août 1972 par le Bureau, il semble que les faits
précisés ci-dessous n'ont pas été suffisamment expliqués
à l'examinateur; or l'on estime que lorsqu'ils auront
été étudiés, il ne fera aucun doute que la demande
constitue une division de la demande no 044,262. Il
est également utile de préciser que l'examinateur
américain a tout d'abord rejeté la demande divisionnaire
pour cause d'addition de nouvelle matière, mais est
ensuite revenu sur sa décision.
Naturellement, il faut reconnaître que dans le cas d'une
demande de brevet portant sur un sujet aussi vaste que
celui-ci, les dessins ne peuvent être que schématiques.
La signification du terme "convergeant" tel qu'employé
ici, semble être un autre objet de confusion. En fait,
les toiles partant de directions différentes tentent
de se rencontrer dès qu'elles quittent la surface des
deux rouleaux de tête, mais leur degré de convergence
est en partie contrôlé par la position des déflecteurs
et surtout par la présence de la pâte entre elles. A
un certain niveau de la zone de production les toiles
sont pratiquement parallèles dans la mesure où cette
condition est établie par la feuille fraîchement produite.
Ainsi, dans le schéma 1, s'il n'y avait pas de fibres dans
la pâte, les toiles se toucheraient effectivement au
niveau du déflecteur 40b, ou juste au-dessus, et reste-
raient en contact jusqu'en bas.
En ce qui concerne la conclusion de l'examinateur voulant
que la clause 3 de la revendication 1 ne soit pas prouvée,
il semble que nous n'ayons pas encore suffisamment éclairci
les points discutés en rapport avec les citations de la
page 2 de la divulgation de la modification précédente.
D'après le schéma 2, les toiles pourraient effectivement
former un triangle, tel qu'illustré, à la seule condition
que leur tension soit suffisamment forte pour résister
aux pressions internes qui auraient tendance à le faire
fléchir et s'éloigner l'un de l'autre. Autrement dit,
la partie de la toile 17 située au niveau du déflecteur
40a, aurait tendance à se courber vers la droite sous
la pression hydraulique interne, De même pour la portion
de la toile 16, face au déflecteur 40b, qui se courberait
vers la gauche d'une manière encore plus prononcée à
cause de la pression hydraulique accrue et de l'augmen-
tation de la résistance au drainage due au dépôt initial
de fibre sur la surface intérieure de la toile. Il en
serait de même pour la partie de la toile 17 au niveau
du déflecteur 40c, et ainsi de suite jusqu'à la fin de
la zone de production.
Par conséquent, même en donnant l'interprétation la
plus étroite à la divulgation, c'est-à-dire en restrei-
gnant celle-ci à une conception ou les bords des deux
ensembles de déflecteurs délimitent des plans qui
convergent dans l'espace, les conditions de fonctionnement
obligeraient forcément chacune des toiles à suivre un
parcours comprenant une série de courbes renversées,
et le qualificatif qu'on appose à ce parcours n'a vrai-
ment aucune importance, qu'on le décrive comme formant
un "serpentin", un "S" ou autre chose. Il n'en résultera
pas moins que la zone de production aura une forme
triangulaire, mais que chaque coté sera formé d'une suite
de courbes renversées. Toutefois, le "plan unique" auquel
fait allusion l'examinateur ne pourrait se présenter que
s'il n'y avait pas de pâte, car il est peu probable que
les toiles puissent résister au fléchissement si le seul
matériau dans la zone de production était de l'eau pure.
I1 est à espérer que l'on admettra que le mouvement de
chaque partie de la toile qui "ne subit que la contrainte
de la tension" doit maintenir les conditions essentielles
d'espacement, de volume et de pression au sein de la
zone de production. Au début, ce mouvement se fera vers
l'extérieur, tel que décrit plus haut, et se produira
même si tous les déflecteurs de chaque toile sont ajustés
afin de définir veux plans espacés convergents.
La présente demande porte sur la fabrication de papier entre deux toiles
métalliques sans fin, se mouvant verticalement, et munies de chaque côté d'une
série de déflecteurs en quinconce qui les guident. Revendication 1:
Dans un mécanisme pour former une toile fibreuse à
partir de fibres entremêles, diluées et en suspension
dans l'eau, sortant vers l'aval d'une règle, sans
forme d'un mince jet unidirectionnel combiné aux
éléments suivants:
(1) Les deux premiers rouleaux de tête montés pour
tourner sur un axe horizontal et délimitant un
intervalle vertical,
(2) des dispositifs surplombant les deux premiers
rouleaux et projetant des fibres entremêlées en
suspension dans l'eau vers le bas, dans ledit inter-
valle, sous forme de jet unidirectionel à haute vitesse,
plus mince que l'épaisseur de l'intervalle,
(3) Un ensemble de déflecteurs alignés en quinconce
placés successivement en aval dudit intervalle, déli-
mitant entre eux un tracé vertical et sinueux,
coïncidant avec la direction du jet,
(4) les deux premières toiles métalliques se déplacent
approximativement à la même vitesse que le jet,
(a) par-dessus les deux premiers rouleaux de
tête respectivement à travers l'espace
initialement étroit dudit intervalle recevant
le jet et, b) convergent ensuite directement
à travers une zone de production parallèlement
à la toile fibreuse humide, prise entre elles,
pendant tout le trajet vers le bas, c) au-dessus
desdits déflecteurs.
(5) Chacun desdits déflecteurs possédant une surface
lisse et fixe présentant un bord à l'une desdites toiles
métalliques afin de la pousser, parallèlement, contre
une partie opposée l'autre toile, libérée de tout
contact restreignant, afin d'évacuer l'eau de l'autre
toile.
La question est de savoir si l'objet décrit et revendiqué maintenant a
été suffisamment divulgué dans la demande telle qu'enregistrée à l'origine.
Fondamentalement, l'objet ajouté à la divulgation est le suivant: "Les
déflecteurs successifs impriment ainsi un parcours en serpentin aux
toiles combinées et à la feuille qui se forme progressivement;" et il est
déclaré dans la partie 3 de la revendication 1: "Un ensemble de déflecteurs
alignés en quinconce, placés successivement en aval dudit intervalle,
délimitant entrer eux un tracé vertical sinueux."
Tout d'abord, le premier paragraphe de la page 4 définit l'objet de la
divulgation en ces termes:
On parvient aussi aux résultats souhaités en ajoutant
un nombre relativement restreint de déflecteurs de
support pour les toiles qui délimitent la zone de
production, et aussi par la disposition en quinconce
de ces déflecteurs de sorte qu'aucun d'entre eux n'est
directement au même niveau que celui de l'autre toile;
celle-ci n'est donc contrainte dans cette région que
par la tension et peut se déplacer autant qu'il le
faut pour maintenir les conditions désirées de pression
entre les deux toiles au niveau du déflecteur.
Et à la page 7, lignes 11 et suivantes:
De plus, chaque déflecteur 40 étant centré sur le point
milieu de l'espace délimité par les deux déflecteurs de
la toile opposée, lorsque la toile dépasse le bord d'un
déflecteur, elle sera fermement attirée contre le
déflecteur, mais l'autre ne subira que sa pression et
pourra donc bouger autant qu'il le faut pour conserver
l'espacement et le colume nécessaires entre les toiles.
(c'est nous qui soulignons)
Il est déclaré plus précisément à la page 2, ligne 15 et suivantes, de la
divulgation originale: "Un autre trait significatif de l'invention réside
dans le fait que les déflecteurs situés aux bords de la zone de production
ont pour seul but de soutenir les toiles dans un-axe convergent et de râcler
. l'eau tout en offrant une tendance minimale à 1'expulser des toiles. (c'est
nous qui soulignons)
De plus, à la page 6, lignes 1 à 4: "La paire inférieure de déflecteurs 40
opposés est généralement disposée de manière à ce que les toiles convergent à
leur point d'espacement minimum tandis qu'elles s'approchent du déflecteur
40 inférieur de la toile de droite 17 et le dépasse;" et, au bas de la page 7
jusqu'à la page 8: "L'objet principal des déflecteurs est de maintenir le
point de convergence des toiles dans la zone de production de façon à
conserver les conditions de pression requises sur la pâte dans la zone.
L'action de soutènement des déflecteurs s'ajoute donc à la tension des toiles,
et si la tension est suffisamment forte, un tel soutien devient inutile:"
(c'est nous qui soulignons).
Il semble donc clair que la seule fonction des déflecteurs soit de soutenir
les toiles dans un axe convergent. Si les déflecteurs devaient former un
tracé sinueux, il semble qu'il's auraient plus qu'une "tendance minimale" à
écouler l'eau et l'action de soutènement des déflecteurs ne serait pas super-
flue, mais nécessaire pour former un tracé sinueux.
Par conséquent, il est clair que le requérant n'a dessiné qu'un front de
déflecteurs décalé par rapport à un second front qui ne font que maintenir les
toiles en plans convergents. Ainsi qu'il a été déclaré dans la divulgation
originale, quand une toile est attirée fermement contre un déflecteur, la
deuxième toile ne subira au même niveau que sa propre tension, et pourra se
déplacer afin de maintenir l'espacement et le volume nécessaires entre les
toiles.
Il en résulte donc que s'il se produti une légère déviation dans le tracé du
parcours, c'est uniquement dû au fonctionnement de la machine et à la pression
de la pâte à papier entre les toiles, qui peut être suffisante pour les faire
légèrement dévier du tracé rectiligne tandis qu'elles dépassent chaque
déflecteur.
La Commission estime que les seuls objets divulgués étaient les déflecteurs
en quinconce disposés sur des plans convergents, et la description ne
saurait définir une réalisation où les déflecteurs successifs impriment un
tracé sinueux aux toiles et à la feuille qui se forme progressivement. Le
tracé pourrait légèrement dévier à cause de la pression de la pâte à
papier passant au niveau du déflecteur.
Il semble donc que le requérant essaie de revendiquer une réalisation qui
n'a pas été divulguée dans la description originale. Toutes les citations
précédentes tendent à s'écarter de l'idée d'un tracé sinueux entre les
déflecteurs. Rien n'indique que les déflecteurs de chaque toile aient eu
une fonction autre que celle de faire converger les toiles, sur un même plan.
Cela concorde avec la déclaration du demandeur; "Il est à espérer que
l'on admettra que le mouvement de chaque partie de la toile, qui "ne subit
que la contrainte de sa propre tension" doit maintenir les conditions
essentielles d'espacement, de volume et de pression, au sein de la zone de
production. Au début, ce mouvement se ferait vers l'extérieur, tel que
décrit plus haut, et se produirait même si tous les déflecteurs de chaque
toile étaient ajustés afin de définir deux plans convergents." Il résulte
donc que c'est là l'unique idée divulguée et décrite dans le mémoire
original.
Par conséquent, la Commission s'est dite d'avis que le requérant n'avait
pas, à l'origine, l'intention de divulguer les caractéristiques de l'invention
qu'il souhaite maintenant revendiquer (ou y a totalement échoué), et la
nouvelle matière ne peut être ajoutée à la divulgation. Elle ne peut donc
être revendiquée.
Cela n'empêche pas, toutefois, le demandeur de revendiquer ce qui est
divulgué, à savoir les déflecteurs en quinconce et la variation du tracé
vertical due au passage de la pâte au niveau d'un déflecteur.
La Commission recommande que le refus touchant le statut divisionnaire soit
maintenu, sauf si l'élément contestable est radié de la demande.
Le président adjoint de la
Commission d'appel des brevets
J.F. Hughes
Nous souscrivons aux constatations de la Commission d'appel des brevets et refu-
sons de reconnaître le statut divisionnaire de la présente demande. Le demandeur
dispose d'une période de six mois au cours de laquelle il pourra soit radier
l'élément nouveau de sa demande, soit interjeter appel de la présente décision
aux termes de l'article 44 de la Loi sur les brevets.
Telle est notre décision,
Le Commissaire des brevets,
A.M. Laidlaw
Fait à Ottawa (Ontario)
le 26 avril 1973
Mandataire du demandeur
Gowling & Henderson
Boîte postale 466, Station A
Ottawa (Ontario)
K1N 8S3