DECISION DU COMMISSAIRE
REDELIVRANCE: Manque d'intention d'obtenir des revendications plus larges.
La déclaration de principe, stipulant qu'un demandeur doit avoir eu l'intention
de revendiquer dans la demande originale ce qu'il revendique dans la redélivrance,
a été modifiée depuis la décision finale. Bien que les nouvelles revendications
soient plus larges que les revendications brevetées, elles sont de portée plus
limitée que les revendications annulées, parce que le breveté n'a pas réussi à
obtenir par son brevet la protection de l'invention réelle à laquelle il avait
droit et qu'il a tenté, sans succès, de revendiquer dans le brevet original.
DECISION FINALE :Révoquée
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Cette décision porte sur une demande de révision, par le Commissaire des brevets,
de la décision finale de l'examinateur en date du 26 avril 1972 au sujet de la
demande 100,628. Cette demande a été déposée au nom de Arthur J. Daugherty et
a trait à un "appareil imprimeur photographique pour tirer simultanément plusieurs
épreuves de formats variés".
Lors de l'instruction qui s'est terminée par la décision finale, l'examinateur a
rejeté la demande de redélivrance en s'appuyant sur les revendications 5 à 8
inclusivement en raison du manque d'intention d'obtenir la protection pour des
revendications plus larges.
La pétition se lit comme suit:
(1) QUE le pétitionnaire est le titulaire du brevet canadien
812,516 délivré le 13 mai 1969 pour une invention inti-
tulée: "Appareil imprimeur photographique pour tirer
simultanément plusieurs épreuves de formats variés".
(2) QUE le brevet est jugé défectueux ou inopérant à cause
d'un exposé ou mémoire descriptif insuffisant et parce
que le titulaire a revendiqué moins qu'il n'avait droit
de revendiquer à titre d'invention nouvelle.
(3) QUE les motifs pour lesquels le brevet est jugé défectueux
sont les suivants:
Dans la description du brevet, il n'a pas été expliqué
clairement que l'essence de l'invention est un appareil
imprimeur photographique comprenant deux lentilles
chacune projetant une image d'un formal différent sur le
papier sensibilisé. De même, l'appareil tire, de chaque
cliché d'une bobine de film exposée, au moins deux
épreuves de formats différents. La description n'établit
pas clairement que bien que la façon la plus efficace
d'utiliser le papier soit de tirer une grande épreuve et
deux petites épreuves simultanément, l'invention consiste
dans l'impression de deux formats différents simultanément.
Ainsi, il faut seulement deux lentilles pour appliquer le
principe de l'invention. Bien que le brevet mentionne
que "plusieurs images, d'au moins deux formats, sont proje-
tées simultanément", un énoncé précis de l'invention s'im-
pose.
La revendication 1 du brevet qui revendique la conception
suivante - plusieurs lentilles-objectif primaires d'une
première longueur focale et au moins une lentille-objectif
secondaire d'une deuxième longueur focale - est jugée trop
restreinte parce que l'appareil du titulaire pourrait
ne contenir que deux lentilles-objectif de longueur focale
différente.
En outre, la revendication 1 est jugée inutilement
restreinte par l'énumération de procédés spécifiques de
mise au point des lentilles.Dans une décision offi-
cielle en date du 20 juillet 1967, l'examinateur a
soutenu que la première revendication 1 se heurtait à
l'antériorité des brevets canadiens 275,660, 358,064 et
361,364 qui divulguent des systèmes à plusieurs lentilles.
A ce moment-là, il aurait été souhaitable d'inclure dans
la revendication 1 le procédé de mise au point des
lentilles, afin de distinguer cette revendication des
brevets antérieurs susmentionnés qui couvrent des
lentilles à filtre chromatique, mais la revendication 1
n'a pas été restreinte. Cependant, une décision offi-
cielle ultérieure en date du 24 mai 1968 a entraîné la
restriction inutile de la revendication 1 qui existe dans
le brevet. Dans la réplique en date du 30 septembre 1968,
il est souligné que dans l'antériorité supplémentaire invo-
quée - brevet américain 3,212,396 délivré à Schwardt - les
lentilles ne peuvent être réglées séparément pour corriger
les variations de longueur focale des lentilles. Elle
décrit plutôt un dispositif de réglage externe très en-
combrant: des supports installés à différentes hauteurs
sur les côtés de chaque unité de manière à varier la
distance entre le négatif et le diviseur optique dichroïque.
De même, il aurait été possible d'énumérer les procédés
généraux de mise au point des lentilles pour faire échec
aux brevets antérieurs individuels au lieu de restreindre
indûment la revendication 1 actuellement incluse dans le
brevet pour parer à la combinaison des antériorités in-
voquées.
Que l'erreur a été commise par inadvertance, accident ou
méprise sans intention de frauder de la façon suivante:
(4), QUE la demande qui a donné lieu au brevet susmentionné
correspond à la demande de brevet américain préparée par
l'avocat de brevets américain du demandeur. M. Martin
Farber, vice-président de la Film Corporation of America,
a été chargé par cette société dé s'occuper de la question
des brevets et comme ce dernier était mal informé de la
procédure d'obtention des brevets, il s'est fié entièrement
à son avocat américain et n'a examiné aucun document relatif
au brevet canadien. Bien que M. Farber ait fait un examen
rapide de toutes les lettres d'envoi relatives aux décisions
officielles du 20 juillet 1967, du 24 mai 1968 ainsi que
des répliques y,afférentes, il n'a pas saisi en quoi consis-
taient les modifications apportées aux revendications de
la demande de brevet. En outre, M.Farber n'a pas été con-
sulté au sujet de la teneur des revendications à présenter
en réplique à la décision officielle du 24 mai 1968. Un
mois à peine après la réception d'une copie des revendica-
tions 1 à 4, la procédure d'acceptation était déjà entamée.
M. Farber n'a pas su qu'il était possible d'obtenir des
revendications plus larges au Canada soit avant soit après
l'acceptation, en raison des divergences entre les lois
canadienne et américaine sur les brevets.
En examinant le brevet américain correspondant, il est
apparu que les revendications du brevet américain étaient
inutilement restreintes. Au moment de cette découverte, le
brevet canadien susmentionné a été également étudié et l'examen
des revendications et des antériorités invoquées a mené à la
conclusion que le demandeur avait, par inadvertance, revendi-
qué moins qu'il n'en avait le droit.
Au cours de la décision finale, l'examinateur a déclaré notamment:
Le paragraphe (b) concernant le mangue d'intention d'obtenir
une protection de revendications plus larges est maintenu
comme motif du rejet de la présente demande de redélivrance.
Par conséquent, l'acceptation de cette demande de redélivrnace
fondée sur les revendications 5 à 8 inclusivement, est refusée.
La redélivrance d'un brevet n'est pas autorisée pour réaffirmer
des revendications d'une portée analogue aux revendications
délibérément annulées au cours de l'instruction du brevet
original,de manière à remédier au manque de discernement dont
a fait preuve le demandeur quand il a décide qu'il reven-
diquerait comme son invention.
Les pièces "A" et "B" fournies par le demandeur (à l'appui de
la présente demande de redélivrance) n'ont apporté aucune
preuve touchant son intention d'obtenir des revendications
différentes de celles qui figurent dans le brevet 812,516.
Tout au plus, le demandeur s'appuie, semble-t-il, sur l'idée
générale que tout demandeur a l'intention au départ d'obtenir
la protection pour les revendications valides les plus larges
possible.
Dans sa réplique du 22 août 1972, 1e demandeur écrivait notamment:
En résumé, le demandeur souhaite obtenir la redélivrance du
brevet de base en y ajoutant les nouvelles revendications
5 à 8. Ces revendications ont une portée jamais revendiquée
dans la demande originale et sont effectivement plus limitées
que les revendications d'abord présentées dans la demande de
base, bien qu'elles soient un peu plus larges que les
revendications finalement acceptées et brevetées soit les
revendications 1 à 4. Par exemple, (a) la revendication 1
prévoit "plusieurs lentilles-objectif primaires ..." alors
que la revendication 5 précise des lentilles "primaires" et
"secondaires"; (b) la revendication 5 précise le format
relatif de l'image produite respectivement par les lentilles
"primaires" et "secondaires", alors que la revendication 1
ne mentionne pas le format de l'image. Ainsi, sur chacun de
ces points, la revendication 5 (et ses revendications su-
bordonnées) est de portée plus restreinte que la revendication 1.
Parmi d'autres différences, la revendication 1 précise (i) que
l'organe tubulaire a une extrémité filetée à l'extérieur, alors
que la revendication 5 ne contient aucune description analogue;
(ii) qu'un "adaptateur tubulaire" est également fourni avec des
"moyens sur ledit adaptateur pour fixer longitudinalement ledit
organe tubulaire", alors que la revendication 5 ne contient
aucune description analogue. Ainsi, sur ces points particuliers,
la revendication 5 est plus large que la revendication 1 et
impose une combinaison différente des éléments.
Il est mentionné de nouveau que les revendications 1 à 4
acceptées dans la demande de base concernent la réalisation
illustrée dans les figures 6 à 8 des dessins. La réalisation
illustrée dans les figures 1 à 5 est l'appareil vendu sur le
marché. Cet appareil n'est pas inclus dans les revendications
1 à 4. Simplement à titre d'exemple, la revendication 1 exige
"des compartiments incorporés audit organe tubulaire et isolant
les lentilles-objectif de focales différentes"; cette caracté-
ristique est clairement illustrée dans les figures 6 à 8.
Toutefois, la réalisation illustrée dans les figures 1 à 5 ne
contient pas de tels compartiments.
Comme il a été dit précédemment, M. Farber n'a aucune
expérience comme agent de brevets et s'est fié entièrement
à son avocat de brevets américain pour la rédaction,
l'instruction de la demande et l'obtention de l'acceptation
des revendications de l'invention, revendications énoncées
dans la demande de base, et il a commis l'erreur de croire
que les revendications acceptées, c'est-à-dire les
revendications 1 à 4, couvraient la réalisation commerciale
de l'invention. De toute évidence, cogne homme d'affaires,
sinon comme expert en brevets, M. Farber n'aurait jamais
consenti à n'accepter que quatre revendications s'il avait
su que ces dernières ne protégeaient pas la réalisation
commerciale de l' invention.
Ayant étudié la demande, la Commission considère que le motif de rejet, "Les
revendications 5 à 8 sont refusées en raison du manque d'intention d'obtenir
la protection pour des revendications plus larges", s'appuie sur une interpré-
tation stricte de la politique du Bureau selon laquelle: "... le demandeur doit
avoir eu l'intention de revendiquer, dans le brevet original, ce qu'il revendique
maintenant dans la redélivrance". Cependant, la politique sur ce point a été
modifiée dans le sens que toute preuve de manque d'intention, de la part d'un
demandeur, de revendiquer dans le brevet original ce qui est revendiqué dans la
redélivrance, ou toute preuve d'intention de frauder, empêche la redélivrance.
Le mémoire descriptif original et son instruction permettent de déterminer ce
qu'un demandeur avait l'intention de protéger par son brevet.
Une cause récente, non signalée, ne manque pas d'intérêt: Burton Parsons Chemical
Inc. c. Hewlett-Packard (Canada) Ltd transmise par la Cour fédérale du Canada,
division de première instance le 31 mai 1972, No de réf. T-390-71. A la page 43,
je juge Noël dit:
... on peut affirmer, je crois, que si une invention est
originalement divulguée, mais incorrectement décrite et
revendiquée dans la redélivrance (sic), cela suffit pour
admettre la demande de redélivrance pourvu, bien entendu,
que le demandeur se conforme aux autres prescriptions de
la Loi. (c'est nous qui soulignons)
Une autre cause pertinente au cas à l'étude, celle de Northern Electric Co. Ltd.
c. Photo Sound Corporation (1936) RCS 649, où 1e tribunal a jugé que:
... le brevet de redélivrance doit être limité à l'in-
vention que le titulaire a tenté de décrire et de revendiquer
dans son mémoire descriptif original, mais que par " innover-
stance, erreur ou méprise", il n'a pas décrite et revendiquée
correctement.... (c'est nous qui soulignons)
Cette déclaration a été également évoquée par le juge Martland de la Cour suprême
du Canada en cause Curl-Master Mfg. Ltd, c. Atlas Brush Limited (1967) RCS 527.
Pendant l'instruction de la demande originale, le demandeur a annulé les
revendications 1 à 4 telles que déposées, le motif invoqué par le demandeur
étant de ".., distinguer l'invention du demandeur des antériorités citées..."
La demande a lors été acceptée en vue de la délivrance d'un brevet.
Il est à remarquer que le demandeur cherche à obtenir dans la redélivrance une
protection plus large que celle accordée dans le brevet. Il existe un équilibre
d'intérêt entre le droit du public à l'égard d'un brevet abandonné et la perte
éventuelle des précieux droits de propriété du breveté par suite d'une revendi-
cation erronée. Dans la recherche de cet équilibre, le breveté est privilégié
en étant autorisé à revenir sur son abandon apparent, à certaines conditions
soigneusement définies. L'une de ces conditions stipule qu'il est interdit de
reprendre l'objet de l'invention abandonné par radiation d'une revendication
après un rejet spécifique au cours de l'instruction de la demande originale.
Dans le cas actuel,l'examinateur a établi, dans son exposé à la Commission
d'appel des brevets, que les revendications 5 à 8 à reconnaître par la redélivrance
sont de nouvelles revendications d'une portée plus restreinte que les revendi-
cations originales annulées. Mais il est aussi bien établi qu'un demandeur a le
droit de faire, au sujet de l'invention réelle divulguée, des revendications
aussi larges que le permet l'état antérieur de la technique, et dans ce cas-ci,
il a été établi également que les revendications 5 à 8 échappent à la technique
antérieure. Il s'ensuit que le brevet original n'offre pas au titulaire une
protection efficace pour l'invention divulguée, protection qu'il avait tenté
d'obtenir au moyen des revendications originales annulées, et que de plus, aucune
tentative n'est faite pour reprendre l'objet de l'invention abandonné au moyen
de revendications qui, par rapport à celles qui ont été annulées, seraient d'une
portée analogue ou plus large. En outre, rien ne permet au public de présumer
que l'objet supplémentaire de l'invention inclus dans les nouvelles revendications
5 à 8 a été abandonné.
En fonction de ce qui précède la Commission est convaincue que le demandeur,
par inadvertance, accident ou méprise, a revendiqué incorrectement l'invention
véritable qu'il avait le droit de revendiquer dans son brevet original. Par
conséquent, il est reconnu que le demandeur s'est conformé aux stipulations de
l'article 50 de la Loi sur les brevets et que la présente demande doit être
acceptée en vue de la délivrance d'un brevet.
Par conséquent, la Commission recommande que la décision finale soit réformée.
Le président
Commission d'appel ces brevets
R.E. Thomas
Je souscris aux conclusions de la Cour d'appel des brevets, révoque la décision
finale, et renvoie la demande à l'examinateur pour reprise de l'instruction.
Telle est ma décision,
Le Commissaire des brevets
A.M. Laidlaw
Fait à Ottawa
le 27 novembre 1972
Agents du demandeur
Moffat & Butler