DECISION DU COMMISSAIRE
EVIDENT: Adaptation du mode de fonctionnement d'un appareil connu.
Le fait d'arrêter les aspirateurs après l'arrêt des ventilateurs de
façon à maintenir les fibres en glace sur le transporteur et de résoudre
ainsi le problème que posait la dispersion des fibres dans l'appareil
quand les aspirateurs et ventilateurs étaient arrêtés simultanément,
est une opération évidente parce qu'elle n'est rien d'autre qu'une
adaptation du fonctionnement de l'appareil, que peut faire tout homme
du métier intelligent qui se penche sur le problème.
DECISION FINALE: Confirmée.
Cette décision porte sur une requête de révision, par le Commissaire
des brevets, de la décision finale de l'examinateur en date du 31 mai 1972
au sujet de la demande 063,607. Cette demande a été déposée au nom de
Charles A. Amos et al et porte su un "dispositif de commande pour séchoir".
Lors de l'instruction qui s'est terminée par la dérision finale,
l'examinateur a refusé les revendications de la demande en raison de
l'absence d'ingéniosité inventive.
Dans la décision finale, l'examinateur a déclaré notamment:
Le rejet des revendications est maintenu, la raison de
ce rejet étant l'absence d'ingéniosité inventive. Les
revendications ont trait à une méthode pour arrêter
momentanément et remettre en marche un séchoir comprenant
une bande transporteuse perforée, un ventilateur et un
aspirateur. La méthode revendiquée prévoit une serie
d'operations en trois temps pour arrêter successivement le
transporteur, le ventilateur et l'aspirateur, puis inverser
ces étapes pour reprendre l'opération. Ces étapes de
fonctionnement, qui consistent à arrêter et à remettre en
marche les divers éléments de système, sont exécutées par
l'ouverture et la fermeture d'un mécanisme conventionnel
ou d'un circuit électrique approprié, comme il est
divulgué aux pages 6 et 7 de la demande.
Les étapes d'ouverture et de fermeture des circuits pour
relancer ou arrêter le fonctionnement des éléments de
l'appareil dans l'ordre désiré sont des étapes exécutées
par des travailleurs dans nombre d'usines et, compte tenu
de la nature évidente de telles étapes de fonctionnement,
les revendications sont rejetées pour absence d'ingéniosité
inventive.
Dans la réponse du 28 août 1972, le demandeur a déclaré notamment:
Aucune technique antérieure de quelque sorte que ce soit n'a
été citée par l'examinateur. En effet, le demandeur estime qu'il
n'y a aucune technique antérieure à citer, que ce soit sous
forme de mémoires descriptifs de brevet, de manuels ou revues
techniques. Dans les circonstances, il est respectueusement allégua
que le rejet des revendications ne peut être validement maintenu
en l'absence d'une citation pertinente pour étayer un tel
rejet, étant donné qu'une telle décision viendrait à l'encontre
de tous les jugements connus portant sur l'absence d'ingéniosité
inventive. Il a été répété tant et plus que le degré réel de
génie inventif démontré est secondaire lorsqu'il est question
de brevetabilité. En d'autres termes, aussi simple qu'une
invention puisse paraître, elle sera brevetable s'il y a eu
exercice de génie inventif.
Ouvrir et fermer des circuits pour mettre en Marche ou
arrêter des appareils, sont des activités qui peuvent
très bien paraître évidentes, mais ce n'est pas ce que le
demandeur revendique. Le demandeur revendique l'arrêt de
l'opération d'une manière et dans une séquence particulières
au cours du séchage de fibres ordinaires et d'autres matières,
ce qui permet d'empêcher une perte du produit par dégradation
ou séchage excessif du produit. L'invention du demandeur facilite
donc le fonctionnement ininterrompu de l'appareil.
Cette demande porte sur le fonctionnement amélioté d'un séchoir en
continu. La revendication 1 se lit comme suit:
Une méthode améliorée permettant d'arrêter temporairement
un séchoir de matières humides amenées par un dispositif
d'alimentation, transportées sur une courroie perforée et
séchées par un gaz chauffé projeté vers le bas au moyen d'au
moins un ventilateur, à travers ladite transporteuse, et
évacué de sous ladite bande transporteuse au moyen d'au moins
un aspirateur placé sous celle-ci, et comprenant les étapes
suivantes:
(i) arrêt presque simultané de la bande transporteuse
et dudit dispositif d'alimentation;
(2) arrêt du fonctionnement dudit ventilateur dès
que ladite bande transporteuse est arrêtée, et
(3) arrêt dudit aspirateur dès que l'action dudit
ventilateur est fortement ralentie.
Après examen de l'instruction, la Commission convient avec le
demandeur que ia question d'évidence ou d'absence d'ingéniosité inventive
doit être jugée en fonction de l'état de la technique antérieure; cependant,
l'examinateur a fait Ie point de l'état de la technique antérieure par
référence à la divulgation. La divulgation, de la ligne 10 do la page 2
à la ligne 3 de la page 3, reconnaît que l'appareil est conventionnel;
c'est-à-dire qu'il existe un appareil à sécher qui comprend une bande
sans fin, perforée, qui transporte les fibres humides. dans une zone de
séchage, un dispositif d'alimentation qui dépose les fibres sux la
courroie, un dispositif de ventilation qui fait circuler de l'air chaud
à travers les fibres que transporte la courroie, et un dispositif de
ventilation qui aspire l'air sous la courroie.
En pratique, l'opération doit parfois être interrompue à cause
d'une panne de l'appareil et pour d'autres raisons (page 2, dernier
paragraphe). De plus, en pratique, la ligne de conduite habituelle pour
éviter d'endommager la matière par exposition excessive à la chaleur
consistait à couper le chauffage et à ouvrir les portes et les évents,
tout en laissant les ventilateurs en marche pour refroidir le séchoir.
Cependant, lorsque tous les ventilateurs étaient fermés en même temps, il
y avait des déplacements d'air qui dispersaient les fibres dans tout
l'appareil. Le demandeur a choisi une façon de procéder dans laquelle,
après que les dispositifs d'alimentation et de transport ont été arrêtés,
les ventilateurs soit arrêtés avant les aspirateurs. Étant donné qu'il
n'est pas fait mention des dispositifs de chauffage, l'objectif visé semble
être de prévenir la dispersion des fibres; l'essence de la prétendue
invention résiderait donc dans l'ordre de fonctionnement des ventilateurs.
La question est donc de savoir si le demandeur a fait preuve
manifeste d'ingéniosité dans la mode de fonctionnement d'un appareil connu
de la façon revendiquée, mode qui comporte les trois étapes suivantes:
(1) arrêt presque simultané de la bande transporteuse
et dudit dispositif d'alimentation;
(2) arrêt du fonctionnement dudit ventilateur dès que
ladite bande transporteuse est arrêtée, et
(3) arrêt dudit aspirateur dès que l'action dudit
ventilateur est fortement ralentie.
Le tribunal, en cause Somerville Paper Boxes Limited et al c / Cormier
(1941) Ex. C.R. 49, a jugé que: "Pour qu'une nouvelle utilisatipn d'un
dispositif connu constitue un objet d'invention, il est indispensable que
le nouvel usage soit tout à fait distinct de l'ancien et porte sur des
difficultés pratiques que le breveté a, grâce à son ingéniosité inventive,
réussi à surmonter; si le nouvel usage n'exige pas d'ingéniosité, mais
qu'il est en quelque sorte analogue à l'ancien usage, bien qu'il ne soit,
pas exactement le même, il n'y a pas invention."
De plus, il a été établi que l'adaptation d'un dispositif connu
pour effectuer un travail analogue ne constitue pas un objet d'invention
brevetable, même si l'adaptation est utile et comporte un certain degré
de nouveauté, à moins qu'il n'y ait des difficultés à surmonter ou des
avantages à retirer, et qu'il y ait ingéniosité dans le mode d'adaptation.
(Burt Business Forms c/ Autographic Register 1932 Ex. C.R. 39). Etant
donné qu'un homme du métier saurait comment adapter l'appareil existant
pour assurer l'arrêt des ventilateurs en succession, une fois la suggestion
faite, le mode d'adaptation ne saurait être qualifié d'invention.
Comme il a été précisé auparavant, le demandeur a fermé les ventilateurs
avant les aspirateurs afin d'empêcher les fibres de se disperser. Les
circonstances dans le cas qui nous intéresse, sont donc analogues à la
question d'évidence avancée en cause Siddell c/ Vickers, Sons & Co. (1890)
7 R.P.C. 292, "L'invention est-elle si évidente qu'elle viendrait
immédiatement à l'esprit de tout homme du métier désireux de mener son
travail à bonne fin?"; et en cause Savage c/ Harris (1896) 13 R.P.C. 364
à 370 dans laquelle il s'agit de savoir si la prétendue découverte s'éloigne
à ce point de ce qui était déjà connu ou qui n'était pas susceptible de
venir à l'esprit de quiconque se penchait sur la question. Elle ne doit
pas être la suite évidente ou naturelle de ce qui existait déjà." (c'est
nous qui soulignons)
L'inconvénient à surmonter est la dispersion des fibres. Le fait
de résoudre ce problème en maintenant les fibres en place grâce à des
aspirateurs jusqu'à ce que les ventilateurs soient arrêtés est considéré
comme étant une simple utilisation rationnelle d'un appareil connu
susceptible de venir à l'esprit de tout travailleur compétent conduisant
un tel appareil et désireux de mener son travail à bonne fin. De l'avis
de la Commission, cela ne mérite pas d'être qualifié d'ingéniosité inventive
justifiant une revendication de monopole. La Commission a pris cette
décision en considérant que, bien qu'il soit important d'encourager les
inventions à cause de leur influence possible sur le commerce et l'industrie,
il est néanmoins également important que les fabricants ou les
commerçants ou le public en général ne soient pas gênés par l'octroi
de brevets lorsqu'il n'y a pas eu activité inventive, (Crossley Radio c.
C.G.E. (1936) S.C.R. 551). Si quelqu'un pouvait monopoliser toutes les
variations possibles d'une méthode, d'un procédé, d'une fabrication ou
d'une machine, uniquement parce que cela n'a pas été fait auparavant,
l'activité industrielle serait entravée de façon inadmissible.
La Commission estime que la solution revendiquée par le demandeur
serait venue naturellement à l'esprit de personnes d'intelligence moyenne,
familières avec l'objet d'invention, qui se seraient attardées au problème.
En d'autres termes, il est reconnu qu'il s'agit du simple exercise
d'aptitudes normales, même si l'idée peut être méritoire, chez une personne
connaissant à fond le fonctionnement des ventilateurs, pour empêcher la
dispersion des fibres, et qui entre dans la même catégorie qu'un brevet
dont la Cour suprême a eu à connaître dans la référence susmentionnée de
Crossley Radio c/ C.G.E.
En conséquence, la Commission est convaincue que le demandeur n'a pas
droit à un brevet en vertu de la loi et recommande que la décision de
l'examinateur de refuser les revendications de la demande soit maintenue.
De plus, comme il semble ne pas y avoir objet d'invention brevetable, elle
recommande que la demande soit refusée.
Le président suppléant de la
Commission d'appel des brevets,
J.F. Hughes
Je souscris aux conclusions de la Commission d'appel des brevets et
refuse de délivrer un brevet. Le demandeur dispose de six mois pour interjeter
appel de cette décision, aux termes de l'article 44 de la Loi sur les brevets.
Telle est ma décision,
Le Commissaire des brevets,
A.M. Laidlaw
Fait à Ottawa (Ontario)
le 12 octobre 1972
Agents du demandeur: McCallum, Brooks & Co.