DECISION DU COMMISSAIRE
REDELIVRANCE: - Pour une invention autre que celle du mémoire initial;
- Inadvertance, etc., et intention de revendiquer.
Les revendications modifiées portent sur une autre invention que celle que le
breveté a tenté de décrire et de revendiquer dans le mémoire descriptif initial,
en raison de l'omission d'un élément essentiel et de l'élargissement des reven-
dications pour qu'elles englobent d'autres formes du propulseur rotatif. Il
était suffisamment évident que le demandeur avait l'intention de revendiquer
l'invention en des termes différents. L'omission de caractéristiques non
essentielles est admise.
DECISION FINALE: Confirmée en partie.
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RELATIVEMENT à une requête de révision, par le Commissaire
des brevets, de la décision finale de l'examinateur, aux
termes de l'article 46 du Règlement régissant les brevets.
ET
RELATIVEMENT à la demande de brevet, numéro de série
104,168, déposée le 1er février 1971 au sujet d'une invention
intitulée:
COLLECTEUR D'ORDURES
Agents du demandeur
MM. Meredith & Finlayson
Ottawa (Ontario)
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Cette décision porte sur une requête de révision, par le Commissaire
des brevets, de la décision finals de l'examinateur en date du 28 octobre 1971,
au sujet de la demande 104,168. Cette demande a été déposée au nom de Herbert
O. Vinyard et a trait à un "Collecteur d'ordures".
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La pétition qui contenait des précisions relatives aux défauts suivants
est reproduite en entier dans la décision:
Premièrement, les dessins sont défectueux et n'illustrent pas
clairement et distinctement l'invention, et plus particulière-
ment, ils sont incompatibles avec le mémoire; et
Deuxièmement, les revendications sont défectueuses parce
qu'elles ne définissent pas l'invention réelle; d'une part
elles sont trop restrictives dans leur définition de la
structure qui n'est pas de première importance pour l'invention,
et d'autre part, elles sont trop larges dans leur
description de la structure indispensable pour retirer
les bénéfices de l'invention; plus particulièrement le
rapport entre la carcasse, la bouche d'alimentation,
le propulseur mécanique, et la descente; les caractéristi-
ques essentielles et les buts visés par l'invention étant
énoncées en détail.
La pétition explique en détail comment l'erreur s'est produite par
manque d'appréciation réelle des caractéristiques importantes, en regard des
techniques accessibles, parce que le pétitionnaire s'y connaît peu en matière
de brevets et qu'il a été incapable d'exposer clairement et de définir sa véri-
table invention. Une pétition pour obtenir la redélivrance de son brevet
américain a été jugée acceptable.
L'instruction s'est terminée par la décision finale de rejeter la
demande pour les motifs suivants, en bref:
Premièrement, les revendications modifiées de redélivrance
ne s'appliquent pas à la même invention que les revendi-
cations du brevet, ces dernières portant sur des combinaisons
d'éléments différents, puisqu'aucune des revendications
indépendantes de la demande n'est de portée plus large que
celles du brevet, étant donné que les revendications modi-
fiées ont élargi certaines des restrictions des revendica-
tions du brevet, et ont ajouté de nouvelles restrictions;
Deuxièmement, le demandeur n'a pas démontré qu'il avait
l'intention de revendiquer l'invention définie dans les
revendications modifiées, et
Troisièmement,les revendications modifiées ne sont pas
brevetables étant donné les deux brevets canadiens antérieurs.
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Le demandeur, dans sa réplique du 27 janvier 1972, maintient que les
revendications contournent les techniques antérieures citées par l'examinateur,
et plus particulièrement en ce qui concerne la bouche d'alimentation et d'autres
caractéristiques spéciales de la descente. Le demandeur maintient également qu'il
existe suffisamment de preuves de son intention de revendiquer, et a joint une
déclaration sous serment et d'autres documents à sa pétition afin d'étayer son
intention de revendiquer son invention telle qu'elle est énoncée dans la revendi-
cation 1.
Le demandeur a également déclaré notamment:
Le demandeur prétend qu'il cherche à obtenir la
redélivrance de son brevet initial, pour la MEME
INVENTION DE BASE que ce dernier, et que les
présentes revendications s'appliquent également
à la même invention. Le demandeur savait que la
portée de son invention était plus large que ce qui
a été défini, sans son consentement, dans la reven-
dication 1. Il connaissait également les autres
caractéristiques qui, bien que décrites d'une façon
large ou indirecte dans la revendication 1 initiale,
étaient indispensables pour définir convenablement et
exactement son invention, et il les a incluses dans la re-
vendication 1 de redélivrance. L'examinateur a souvent cité
la revendication 1 initiale et la revendication 1 de redéli-
vrance pour démontrer apparemment que ces deux revendications
ne concernent pas la même combinaison d'éléments. Bien au
contraire, le demandeur prétend qu'elles se rapportent toutes
deux à la même combinaison fondamentale d'éléments et concer-
nent donc la même invention de base.
Cela suppose que la redélivrance n'est possible que si un
demandeur désire modifier la portée de ses revendications,
alors qu'il est clairement admissible, en vertu de l'article
50(1) de la loi, et comme en font foi les causes susmentionnées,
qu'un demandeur peut rectifier son "mémoire descriptif" pour le
rendre plus clair et distinct. Les "revendications" d'un brevet
font partie du mémoire descriptif, et il est possible de les
modifier pour rendre l'invention d'un breveté plus claire et
plus distincte. Lorsqu'il cherche à rendre ses "revendications"
plus claires et plus distinctes, le breveté est tout à fait
libre de modifier les termes desdites revendications et c'est
exactement ce que le demandeur a fait dans le cas présent. Le
demandeur a supprimé les restrictions portant sur les dégorgeoirs,
mais, pour ce qui est du reste, il a simplement modifié sa for-
mulation de façon à rendre le rapport entre la carcasse, la
bouche d'alimentation, le propulseur, et la descente plus clair
et lus distinct. L'application rigoureuse de l'article 60 du
Règlement, implicite dans la décision de l'examinateur, n'influe
aucunement sur les pétitions de redélivrance si la pétition est
déposée parce que l'avocat initial n'a pas su comprendre et
décrire parfaitement l'invention pour laquelle il avait été
chargé d'obtenir un brevet et que le breveté cherche à corriger
cette erreur en établissant clairement la nature de l'invention
de base, par le truchement d'une redélivrance.
Le premier motif de rejet, selon lequel "les revendications présentées en
même temps que la demande ne concernent pas la même invention que les revendications
du brevet", est bien-fondé dans la mesure où il est essentiel que la redélivrance
concerne la même invention que le brevet initial. En essayant de définir les termes
"même invention" en matière de redélivrance, le tribunal a jugé en cause, Northern
Electric Co. Ltd. c. Photo Sound Corporation (1936) SCR 649 que: "... le brevet
redélivré doit porter exclusivement sur l'invention que le breveté a cherché à
décrire et à revendiquer dans son mémoire descriptif initial, mais que par
"inadvertance, erreur ou méprise" il n'a pas réussi à faire convenablement; il ne
lui sera pas délivré un nouveau brevet, mais plutôt un brevet rectifié." (c'est
nous qui soulignons) Cette déclaration a aussi été citée par le juge Martland de
la Cour suprême du Canada (en cause) Curl-Master Mfg. Co. Ltd. c. Atlas Brush Limited
(1967) R.C.S. 527.
Lors de l'instruction portant sur le brevet, le demandeur a déclaré: "La
revendication 1 établit particulièrement que les pales du propulseur ont des bords
extérieurs libres qui effleurent les parties inférieures incurvées des parois
supérieure et inférieure de la descente lorsque le rotor fonctionne. Cette structure
n'est pas décrite dans le brevet délivré à Marr..."
Selon la Commission, il s'agit 1à de la nouveauté essentielle de cette invention
par rapport aux techniques antérieures, et de plus, il semble que celle-ci soit
essentielle au fonctionnement de l'invention puisque le demandeur déclare (pièce A):
"De plus, cette caractéristique permet de charger des matières sans se préoccuper
de leur teneur en humidité puisque cette machine peut prendre un chargement de
matières liquides, boueuses ou sèches." Sans cette caractéristique particulière,
l'appareil ne pourrait pas le faire. Il est donc certain que le demandeur l'avait
considérée comme une partie essentielle de l'invention et toute nouvelle reven-
dication de redélivrance doit inclure la caractéristique suivante ou l'équivalent:
"lesdites pales ayant des bords extérieurs libres qui effleurent lesdites parois
incurvées lorsque le rotor fonctionne...".
Nonobstant ce qui précède, les caractéristiques des revendications initiales
relatives aux dégorgeoirs peuvent être supprimées, étant donné que la Commission
est convaincue, par l'étude des pièces justificatives et de la déclaration sous
serment, que les dégorgeoirs sont censés être facultatifs, comme le précise la
description initiale de l'invention adressée par le demandeur à son agent de
brevet, en date du 14 février 1966, dont voici un extrait: "Cet appareil nettoie
une bande de six pieds de large. Les dégorgeoirs ont chacun deux pieds de large;
l'espace de deux pieds qui les sépare au centre est réservé aux chargeurs. Ces
données varient selon la largeur des bandes à nettoyer (sic) et les dimensions
de la carcasse à charger. Si la carcasse est aussi large que les bandes à nettoyer,
les dégorgeoirs sont inutiles (en anglais: their (sic) is no need for augers)."
(c'est nous qui soulignons). La Commission est également convaincue que la largeur
de la descente n'a aucun rapport particulier avec l'invention de base et compte
tenu de la déclaration susmentionnée du demandeur, il semble qui si les dégor-
geoirs étaient retirés, la descente aurait la même largeur que les chargeurs, et
implicitement, elle aurait sensiblement la même largeur que la carcasse; il ne
semble donc pas nécessaire de prévoir de restriction relativement à cette caracté-
ristique.
Le deuxième motif de rejet selon lequel: "Le demandeur n'a pas clairement
démontré qu'il avait l'intention de revendiquer l'invention définie dans la re-
vendication indépendante présentée en même temps que cette demande de redélivrance"
est fondamentalement légitime. Cependant, la détermination faite relativement au
premier motif de rejet influe sur cette décision. Tel qu'il a été soutenu, puisque
les présentes revendications portent sur une invention différente de celle du
brevet initial, il n'est donc pas nécessaire de tenir compte de la détermination
relative aux présentes revendications en ce qui concerne l'intention. Nonobstant
ce qui précède, la Commission est convaincue que suffisamment de preuves, soit
les pièces justificatives et la déclaration sous serment, ont été soumises en
réplique à l'objection, pour démontrer que le demandeur avait l'intention de re-
vendiquer l'invention en des termes différents de ceux utilisés dans le brevet;
ainsi, de l'avis de la Commission, un brevet rectifié de façon appropriée peut
être délivré.
Le troisième motif de rejet, selon lequel: "Les présentes revendications ne
sont pas brevetables étant donné les brevets canadiens délivrés à James et Laten-
dresse", est fondamentalement légitime, parce que la revendication 1 ne contourne
pas les techniques antérieures en ce qui concerne l'invention de base. Que la
revendication 1 évite ou non d'imiter certains détails, antérieurs non essentiels
de la construction de la descente, laquelle ne constitue pas le concept inventif
de base, est secondaire puisque, comme il a été dit aux termes du premier motif
de rejet, pour qu'une revendication soit acceptable, il est indispensable
d'inclure une caractéristique essentielle, soit: "... lesdites pales ayant des
bords extérieurs libres qui effleurent lesdites parois incurvées lorsque le rotor
fonctionne...". Un demandeur a le droit d'obtenir un brevet rectifié pourvu qu'il
satisfasse à certaines conditions bien précises; l'une étant que le brevet
rectifié porte sur l'invention qui a été revendiquée par le brevet initial, parce
qu'un demandeur ne peut présenter une revendication de redélivrance qui contourne
1s techniques antérieures par des restrictions complètement différentes de celles
qui sont énoncées dans les revendications du brevet initial. En tout état de cause,
rien n'indique dans le brevet ou les documents complémentaires que le demandeur
avait l'intention de compter sur l'agencement précis des dimensions de la carcasse
et de la descente qu'il revendique maintenant pour contourner les techniques anté-
rieures.
La Commission n'est pas en désaccord avec le demandeur lorsqu'il affirme
que l'article 50 de la Loi sur les brevets permet au demandeur de rectifier son
mémoire descriptif afin de le rendre plus clair et plus distinct, ou que le
demandeur a le droit de revendiquer plus ou moins que dans le brevet initial,
pourvu, bien sûr, que toutes les autres exigences de cet article soient remplies.
Le demandeur s'en rapporte à la décision en cause Curl-Master pour revendiquer
de façon différente, quoique les nouvelles revendications portent sur la même
combinaison de base des éléments; une fois de plus, la Commission n'est pas en
désaccord, cependant, exception faite de toutes les autres considérations afféren-
tes à cette décision, il ne s'agit plus de la même combinaison de base des éléments
quand le brevet revendique un chargeur muni d'un dégorgeoir; des pales centrales
d'un propulseur; d'une descente centrale; et du mouvement spécifique des pales,
soit l'effleurement; comparativement aux revendications de redélivrance qui
englobent d'autres genres de rotors, y compris un chargeur à fléau muni d'une
descente pleine largeur dont les détails sont particuliers à ce genre de chargeur.
A titre de renseignement, consulter le brevet canadien 704,877 délivré le 18
septembre 1964.
La Commission est convaincue, hors de tout doute, que le demandeur a satis-
fait à l'esprit de l'article 50 de la Loi sur les brevets en ce qui concerne
l'inadvertance, l'accident ou la méprise. En résumé, la Commission estime toute-
fois: (a) que les présentes revendications ne sont pas acceptables dans leur
forme actuelle pour les raisons susmentionnées, et (b) que les revendications du
brevet initial ou toute revendication de même portée peuvent être jugées accepta-
bles même si elles omettent les caractéristiques concernant les dégorgeoirs et
la largeur précise de la descente.
La Commission recommande que la décision de l'examinateur, de refuser la
demande dans sa forme actuelle, soit maintenue.
Le président de la Commission
d'appel des brevets,
R.E. Thomas
Je souscris aux conclusions de la Commission d'appel des brevets et je refuse
d'accorder un brevet à la suite de la demande de redélivrance dans sa forme actuelle.
Le demandeur dispose de six mois pour interjeter appel de cette décision, aux
termes de l'article 44 de la Loi sur les brevets. Telle est ma décision.
Le Commissaire des brevets,
Fait à Ottawa (Ontario) A.M. Laidlaw
le 10 mars 1972