DECISION DU COMMISSAIRE
DOUBLE BREVET: Aucun fondement pour une seconde invention.
COMBINAISON: Des éléments connus fonctionnent en ordre séquentiel.
Demande rejetée parce qu'il s'agit d'un double brevet. Dans leur version
originale, ie mémoire et les revendications ne s'appliquent qu'au procédé
qui fait actuellement l'objet d'une demande divisionnaire. La demande en
cours contient des revendications ne concernant qu'un systéme d'appareil.
Le demandeur n'a pas considéré "l'appareil" comme étant une seconde invention
parce qu'un homme du métier pourrait utiliser un autre appareil connu
pour appliquer le procédé décrit dans le mémoire original.
L'objection pour défaut de mention d'une combinaison brevetable a été rejetée.
DÉCISION FINALS: Modifiée
RELATIVEMENT à une demande de révision, par le Commissaire des brevets,
de la décision finale de l'examinateur en vertu de l'article 46 du Réglement
régissant les brevets.
ET
RELATIVEMENT à une demande de brevet portant le numéro de série 976,750
déposée le 29 novembre 1966 pour une invention intitulée:
APPAREIL DE CONCENTRATION
Agent du demandeur
MM. Smart & Biggar
Ottawa (Ontario)
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Cette décision porte sur une demande de révision par le Commissaire
des brevets de la décision finale de l'examinateur, datée du 9 juin 1971
au sujet de la demande no 976,750. Cette demande a été déposée au nom de
Richard George Reimus et d'Antonio Saporito et a trait à un "appareil de
concentration". La Commission d'appel des brevets a tenu une audience le
8 novembre 1971. M. J.D. Kokonis représentait le demandeur.
Au cours de la procédure d'examen qui s'est terminée par la décision
finale, l'examinateur a rejeté la demande en vertu des articles 25 et 52
du Réglement régissant les brevets, des articles 36(1) et 39 de 1a Loi sur
les brevets et du fait que les revendications ne mentionnent pas une combinaison
brevetable.
Dans cette décision, l'examinateur a déclaré: (notamment)
Il est à noter que le mémoire déposé au début ne concernait pas un
appareil mais un procédé. C'est un procédé qui faisait l'objet
explicite de l'invention; ce procédé était expliqué et le mémoire
se terminait par des revendications relatives à un procédé uniquement.
Il n'a été fait mention d'un appareil qu'indirectement, en relation
avec la description du procédé. Depuis son dépôt original, cette
demande a été modifiée à maintes reprises pour élargir la portée des
revendications et pour interpréter et changer une description originale
d'un procédé dans le but de justifier l'addition de revendications pour
un appareil.
Il est donc soutenu que cette demande ne respecte pas les dispositions
des articles 36(1) et 39 de la Loi sur les brevets et de l'article 25
du Règlement régissant les brevets en ce qui concerne les détails
justificatifs pour les revendications relative à un appareil, pour les
raisons indiquées ci-dessous. L'article 36(1) stipule que le mémoire
doit "décrire d'une façon exacte et complète l'invention et son applica-
tion ou exploitation, telles que les a conçues l'inventeur" ce qui
signifie que le mémoire doit contenir au moins une description adéquate de
l'interaction spécifique des éléments de l'appareil revendiqué. Aucun
des éléments particuliers du système revendiqué n'est décrit ni identifié
de façon suffisante pour expliquer une telle interaction. Par exemple,
le cristallisoir à glace n'est que vaguement mentionné tandis que les
moyens de lavage ne le sont que de manière implicite dans le mémoire tel
qu'il a été déposé. En outre, cela prouve aussi qu'aucun homme du métier
ne pourrait utiliser le présent mémoire pour fabriquer l'appareil revendiqué.
L'examinateur s'est aussi opposé aux revendications 1 à 5 parce qu'elles
ne mentionnent pas une combinaison brevetable des éléments, en raison du fait
que chaque élément est bien connu et fonctionne indépendamment.
Dans sa réponse du 9 septembre 1971, le demandeur a déclaré:
Dans le premier paragraphe de la page 2 de la décision finale,
l'examinateur fonde son objection sur les termes de l'article
36(1), et affirme que "le mémoire doit contenir au moins une
description adéquate de l'interaction spécifique des éléments de
l'appareil revendiqué".
Le demandeur souligne qu'une telle "interaction spécifique des
éléments" est décrite en page 9 du mémoire original tel qu'il a
été déposé. I1 dit aussi que, contrairement aux prétentions de
l'examinateur, les éléments du système revendiqué sont suffisamment
décrits et identifiés dans le mémoire. La lettre souligne que
la demande de brevet correspondante introduite par le demandeur
aux Etats-Unis, comprenant un mémoire essentiellement pareil à
celui de la demande en cause n'a pas été trouvée défectueuse en
ce qui concerne la pertinence du mémoire et qu'elle a donné lieu à
l'émission du brevet américain no 3,474,723, avec des revendications
identiques à celles qui font l'objet du rejet final de la présente
denande.
La lettre affirme que le mémoire du demandeur est suffisamment explicite
pour permettre "aux hommes du métier de fabriquer un appareil tel qu'il
est revendiqué dans les revendications 1 à 5", et que l'absence de
descriptions détaillées des éléments qui constituent la combinaison
revendiquée st de dessins détaillés de cas éléments est sans conséquence
et n'implique pas que le mémoire est inadéquat. Les divers éléments de
l'appareil du demandeur décrits dans le mémoire et illustrés dans les
dessins sont des articles courants et connus de tous les hommes du métier
qui pourraient se les procurer et les assembler pour fabriquer l'appareil
revendiqué. Dans ces conditions, le demandeur affirme qu'une description
ou une illustration détaillée de ces articles est non seulement inutile
mais superflue.
Le demandeur s'est aussi élevé contre le rejet, en vertu de l'article
39 de la Loi sur les brevets, du fait que tous les éléments sont connus et que
cette section n'exige aucune illustration superflue. En outre, le demandeur
a indiqué que le rejet en vertu des articles 25 et 52 du Réglement régissant
les brevets n'est pas étayé. La demandeur s'oppose aussi à l'absence d'objet
brevetable dans les revendications, invoquée par l'examinateur, étant donné que
celui-ci n'a pas démontré que la combinaison manquait de nouveauté ou d'ingéniosité.
A l'audience, l'agent des brevets a présenté un dossier fort bien préparé pour
tenter de faire échec au rejet de l'examinateur. Cependant, aprés avoir étudié
les raisons du rejet exposées par l'examinateur, ainsi quo les arguments écrits
et verbaux du demandeur, je suis d'avis que le rejet n'est fondé qu'en partie
seulement.
Cette demande a trait à un "appareil de concentration". La revendication
no 1 se lit comme suit:
Un système d'appareil pour la coantration d'extrait de café ou de
thé liquide comprenent des dispositifs de refroidissement préalable
et de retenue, un dispositif de séparation du précipité, une première
conduite transportant l'extrait refroidi desdits dispositifs de
refroidissement préalable et de retenue audit dispositif de séparation,
un cristallisoir à glace, une deuxième conduite transportant l'extrait
séparé dudit dispositif de séparation audit cristallisoir, un séparateur
de glace centrifuge, une troisième conduite transportant un coulis de
glace dans un extrait liquide concentré audit séparateur de glace centrifuge,
à partir dudit cristallisoir, une quatrième conduite transportant
l'extrait concentré dudit séparateur de glace centrifuge, des
dispositifs pour retirer la glace dudit séparateur de glace
centrifuge, et des dispositifs pour laver ladite glace.
Il est noté que les revendications originelles avaient trait à un
procédé. Plus tard, des revendications ont été déposées pour un système
d'appareil. Les revendications pour le procédé ont alors été déposées
dans une demande divisionnaire. Je suis d'avis que le mémoire original n'a
divulgé qu'une invention et qu'il n'y a aucune raison d'accorder des brevets
séparés pour cette demande ni pour toute autre demande divisionnaire basée
sur cette demande.
Après étude de cette demande, il apparaît clairement d'après le mémoire
original que le demandeur ne considérait pas "l'appareil" comme étant une
seconde invention, ni même comme un aspect important de l'invention, ni même
comme un aspect important de l'invention faisant l'objet de la demande. Le
mémoire original ne comprenait qu'une description du procédé, l'objet de
l'invention était énoncé comme un procédé, les revendications n'avaient trait
qu'à un procédé uniquement et les exemples donnés étaient décrits comme
"illustrant le procédé de cette invention". Ce fait est confirmé par la
déclaration sous serment déposée par le demandeur au nom de M. I.-N. Ganiaris,
dans laquelle il est précisé: "...étant donné que je connais ce genre
d'équipement et que je n'aurais aucune difficulté à obtenir les éléments
necessaires et à les assembler de la manière requise pour fabriquer le système
d'appareil revendiqué". Il est évident que cela s'applique aussi, au procédé
décrit à l'origine dans cette demande oùla seule différence dans le système
revendiqué est la simple mention des moyens (dont certains sont connus) pour
mettre le procédé en oeuvre, sans limitation relative à l'appareil. Il s'ensuit
donc que M. I.-N. Ganiaris, homme du métier, pourrait assembler l'appareil
d'après les descriptions de cette demande telle qu'elle a été déposée. Par
conséquent, selon moi, il n'y a pas une deuxième invention sur laquelle baser
les revendications pouvant faire l'objet d'une deuxième demande aux termes de
l'article 38(2) de la Loi sur les brevets. En résumé, le demandeur n'a droit
qu'à un brevet pour une invention.
Étant donné les faits sur lesquels est basée la conclusion ci-dessus,
les dispositions de l'article 36(1) de la Loi sur les brevets ne donnent pas
matière à rejet en ce qui concerne certaines raisons invoquées relativement à
l'insuffisance de l'exposé. Dans la cause Mineral Separation c/Noranda Mines
(1947) C.E. 306; 12 C.P.R. 99, il a été conclu que: "le mémoire doit décrire
l'invention et son application de façon exacte et complète de sorte qu'à
l'expiration du brevet, les hommes du métier puissent utiliser l'invention en se
basant sur le seul mémoire". En ce qui a trait à la demande présente (demande
principale) telle qu'elle a été déposée et compte tenu de la déclaration sous
serment ci-dessus, je suis convaincu qu'un homme du métier a tous les renseignements
pour ce procurer les éléments nécessaires à la fabrication d'un système pour
mettre en oeuvre le procédé mentionné dans le mémoire original. Bien entendu cela
est basé sur l'opinion qu'il n'y a qu'un seul concept inventif et qu'en outre
le système d'appareil n'est rien de plus que des dispositifs (dont certains sont
connus) et un processus, sans aucune limitation relative à l'appareil et que,
selon le demandeur, l'appareil est bien connu dans le domaine de cette
technique.
Je partage l'avis de l'examinateur fondé sur certaines autres dispositions
de l'article 36(1). Je cite 36(1) en partie: "... Le demandeur doit ...
décrire d'une façon exacte ... particulièrement indiguer et distinctement
revendiquer la partie, le perfectionnement ou la combinaison qu'il réclame
comme son invention". (C'est moi qui souligne). Je constate qu'il n'y avait,
dans la demande originale, aucune indication du système d'appareil revendiqué
comme faisant partie de l'invention, ou étant une seconde invention et le
deuxième paragraphe de la décision finale en fait état. Dans la cause Riddell
c/ Patrick Harrison & Company Ltd.(1956-60) C.E. 213, la cour a rendu le jugement
suivant: "...c'est une règle fondamentale de la loi sur les brevets qu'aucune
invention ne peut être validement revendiquée sans avait été décrite dans le
mémoire de la façon prescrite par la loi. Les obligations à cet égard sont
énumérées dans l'article 36(1) de la Loi sur les brevets...". Les circonstances
de la présente demande sont analogues à celles de la cause citée ci-dessus, sauf
que dans ce cas-là l'appareil était décrit de façon exacte mais non le procédé,
et la revendication relative au procédé a été jugée irrecevable. C'est pourquoi
je juge la revendication du demandeur pour le système d'appareil irrecevable aux
termes de l'article 35(1) de la Loi sur les brevets. Les motifs de rejet fondés
sur l'article 39 de la Loi sur les brevets et sur les articles 25 et 52 du Régle-
ment régissant les brevets sont compris dans les objections faites relativement
à l'article 36(1) de la Loi sur les brevets et ne nécessitent pas d'autres
explications.
L'examinateur a déclaré que la revendication no 1 omet de mentionner une
combinaison brevetable. Cependant, pour prendre une telle décision, il faut
procéder à des essais prouvant le manque de nouveauté et d'ingéniosité inventive,
et cela ne peut se faire que par référence à l'état de la technique; dans le
cas qui nous occupe, ces essais n'ont pas été effectués. Nonobstant ce qui
précéde, je crois qu'une association d'éléments connus fonctionnant ensemble
pour produire un nouvel ensemble unitaire qui n'est attribuable à aucun des
éléments en particulier est une véritable combinaison, parfaitement brevetable
en tant que non évidente, même si les éléments ne fonctionnent qu'en ordre
séquentiel. En réponse à une objection de la part du demandeur, la Commission
ne conteste pas le fait que les éléments d'une combinaison brevetable peuvent
être déjà connus puisque le concept inventif doit résider dans la combinaison
comme telle.
Le demandeur a fait référence dans son mémoire à certains brevets et à
certaines décisions de la Commission d'appel des brevets pour faire valoix
qu'il y avait des précédents où des revendications en instance avaient été
acceptées en appel. La Commission a pour principe d'évalues chaque demande au
mérite en prenant en considération chacun des points particuliers. Le demandeur
a aussi déclaré que des demandes similaires ont été acceptées aux Etats-Unis.
Bien que cela présente un certain intérêt, cela n'est pas nécessairement
convaincant puisque les lois et les situations peuvent être tout è fait différentes.
Je recommande que la décision de l'examinateur de rejeter la demande
pour les raisons exposées ci-dessus soit maintenue.
Le président de la Commission d'appel des brevets
R.E. Thomas
Je souscris aux conclusions de la Commission d'appel des brevets et je
refuse d'accorder un brevet. Le demandeur a six mois pour interjeter appel de
cette décision, aux termes de l'article 44 de la Loi sur les brevets.
Telle est ma décision
Le commissaire des brevets
A.M. Laidlaw
Fait à Ottawa (Ontario)
ce 22e jour de décembre 1971