DECISION DU COMMISSAIRE
CONFORME AUX STATUTS: Agencement nouveau d'un texte imprimé ou d'un
dessin
NON EVIDENT: Compte tenu des diverses antériotés invoquées
Un agencement nouveau d'un texte imprimé ou d'un dessin qui apporte des
restrictions fonctionnelles aux éléments d'une combinaison réelle par
exemple, et dont la nouveauté ne nient pas uniquement aux connotations
intellectuelles du texte imprimé ou du dessin, peut être brevetable.
Le Commissaire est convaincu que l'agencement particulier de l'objet
revendiqué ne figurait pas dans la technique antérieure.
DECISION FINALE: Infirme; modification de la politique en cause.
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RELATIVEMENT à une requête de révision, par le
Commissaire des brevets, de la décision finale
de l'examinateur, aux termes de l'article 46 du
Règlement régissant les brevets
ET
RELATIVEMENT à la demande de brevet, numéro de
série 055,210 déposés le 24 juin 1969 au sujet
d'une invention intitulée:
JEU DE GOLF
Agents du demandeur
MM. Smart & Biggar
Ottawa (Ontario)
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Cette décision porte sur une requête de révision, par le
Commissaire des brevets, de la décision finale de l'examinateur du 27
juillet 1971, au sujet de la demande 055,210. Cette demande a été déposée
au nom de Louis Boileau et a trait à un "Jeu de golf".
Lors de l'instruction qui s'est terminée par la décision finale,
l'examinateur a refusé d'accepter la demande pour les motifs suivants:
a) Que la divulgation de cette demande porte sur un
jeu, qu'elle ne comporte aucune restriction relative
à de quelconques caractéristiques structurales nouvelles.
Que les jeux et plaques de jeux qui ne comportent aucune
structure nouvelle constituent un objet non statutaire, et
(b) que l'objet d'invention divulgué n'ajoute aucune
étape inventive aux antériorités suivantes.
Les antériorités invoquées sont:
Brevets américains:
1,529,598 10 mars 1925 Lee
1,638,365 9 août 1927 Ryan
2,180,049 14 novembre 1939 Hall
Dans sa décision, l'examinateur a déclaré notamment:
Le brevet Ryan décrit un jeu semblable dans lequel
une série de dés est utilisée au lieu d'un seul dé
comme dans le jeu de Lee, et comme dans le jeu en
cause, des dés différents sont utilisés pour chacun
des coups. De plus, Ryan prévoit à la fois des primes
et des pénalités, comme dans le jeu en cause, plutôt
que seulement des pénalités, comme dans le jeu de Lee.
Le seul concept absent des jeux de Leee ou de Ryan
consiste en des séries indivieuelles de symboles
adjacents au tee et au vert respectivement, ces séries
se distinguant visuellement les unes des autres.
Cependant, il n'existe aucune relation définie entre ces
séries de symboles autre que celle que créent les joueurs
eux-mêmes lorsqu'ils y placent les pièces conformément aux
règles du jeu. De toute manière, cet arrangement se
retrouve intrinsèquement dans le brevet Hall. Bien qu'il
soit admis qu'une combinaison réelle ne puisse être rejetée
sous prétexte d'une "mosai que" d'antériorités, il reste
qu'aucune combinaison de cette sorte n'est divulguée dans le
cas présent. Une plaque de jeu qui ne comprend pas d'éléments
mécaniques interreliés, mais seulement un nouvel agencement du
texte imprimé, n'est pas brevetable simplement parce qu'aucun
brevet antérieur ne contient pas toutes les caractéristiques
revendiquées. Il est possible d'enregistrer un dessin dudit
objet d'invention, mais non pas d'obtenir un brevet. Il est
soutenu que de combiner des caractéristiques bien connues d'une
plaque de jeu déjà existante pour former un texte imprimé
agencé différemment, ne tient pas de l'ingéniosité inventive
par le seul fait que l'objet devient différent des antériorités.
Dans sa réponse du 26 octobre 1971, le demandeur a déclaré notamment:
La présente invention porte sur un nouveau jeu qui
comprend la combinaison de trois composants qui
ensemble donnent un résultat unique, soit une plaque
de jeu comportant des symboles qui lui sont propres
des pièces de jeu conçues pour être déplacées à la
main d'une façon particulière, et une série de dés
spécialement adaptée au jeu de façon à donner un
résultat unique.
Le demandeur s'est également opposé à l'objection selon laquelle l'invention
ne porte pas sur une combinaison nouvelle et valable, parce que, selon lui,
les revendications portent sur une combinaison réelle donnant un résultat unique.
Le demandeur a également déclaré qu'il ne revendique pas une limitation d'un terrain
de folg et de ses symboles sous forme d'un texte imprimé, pas plus qu'une méthode de je~
Le demandeur a également prétendu que les éléments d'une combinaison
ne doivent pas obligatoirement être interreliés mécaniquement pour
donner un résultat unique et, en dernier lieu, il s'est vivement opposé
à la position adoptée par l'examinateur relativement au manque de démarche
inventive par rapport aux techniques antérieures.
Cette demande porte sur un "Jeu de golf". La revendication 1 se lit
comme suit:
Un jeu de golf résultant de la combinaison des
éléments suivants:
a) une plaque de jeu sur laquelle est reproduit
un "vrai" terrain de golf en modèle réduit,
et qui comporte, deux séries de symboles adjacents
au tee et au vert respectivement, les symboles
de chacune des séries se distinguant visuellement
les uns des autres, et ayant une caractéristique
commune qui les différencie visuellement des
symboles de l'autre série, de manière à assurer une
pluralité de positions bien marquées et prédé-
terminées, qui soient représentatives de celles
qu'occupe une balle de golf durant un "vrai" tour
de gold, et indiquant des positions uniques qui
permettent de placer toutes les pièces du jeu;
b) des pièces de jeu, imitant des balles de golf,
conçues pour être déplacées à la main vers l'une
des nombreuses positions marquées et prédéterminées
sur ladite plaque de jeu et agencées d'une manière
analogue à la disposition des balles durant un "vrai"
tour de golf; et
c) une série de dés, chacun comportant sur chacune
de ses faces un symbole différent de ceux d'un
dé ordinaire, mais identique à l'un des symboles
de ladite série reproduite sur ladite plaque;
l'unique dé jeté, choisi par le joueur, indiquant
la position où les pièces du jeu doivent être
déplacées à la main, comme pour un "vrai" coup.
Ayant pris connaissance du premier motif de rejet, soit que la divulgation
de cette demande porte sur un jeu, qu'elle ne comporte aucune restriction relative
à de quelconques caractéristiques structurales nouvelles, j'estime que cette
décision est conforme aux grandes lignes des principes directeurs du Bureau
des brevets en vertu desquels la décision finale a été rédigée. Cependant,
il a depuis été décidé qu'un agencement nouveau d'un texte imprimé ou d'un
dessin peut constituer un objet d'invention brevetable lorsque, par son utilisation,
une fonction mécanique est accomplie. Dans les circonstances, ce motif de rejet
n'est donc pas valable, étant donné que je suis convaincu que si l'agencement
nouveau d'un texte imprimé apporte une restriction fonctionnelle quelconque
dans une combinaison, de façon à donner un résultat unique qui peut être
utile dans son aspect pratique par opposition à des connotations purement
intellectuelles, littéraires ou artistiques, cet agencement peut être considéré
comme un objet d'invention brevetable.
Le deuxièmes motif de rejet est fondé sur la prémisse que l'objet
d'invention divulgué ne comporte aucune démarche inventive par rapport
aux antériorités citées. D'abord, je constate que le demandeur a revendiqué
un objet d'invention qui représente une combinaison réelle, et il est claire-
ment établi que l'essence de toute combinaison brevetable réside dans la
combinaison elle-même et non pas dans les éléments individuels qui la composent.
L'attention doit porter sur l'ensemble et non sur les parties constitutives.
En raison de ce qui précède, j'estime que l'examinateur n'a pas appliqué
une antériorité fondamentale, c'est-à-dire une antériorité qui décrit essentielle-
ment l'objet d'invention revendiqué. La référence à Lee ne décrit pas "une plaque
de jeu comportant deux séries de symboles adjacents au tee et au vert respective-
ment, les symboles de chaque série de distinguant visuellement les uns des autres".
De plus, Lee ne prévoit pas "une série de dés, chacun comportant sur chacune de
ses faces un symbole différent de ceux d'un dé ordinaire, mais identique à l'un
des symboles de ladite série reproduite sur ladite plaque".
Le brevet Ryan ne comprend pas, relativement à la plaque de jeu, "deux séries
de symboles adjacents au tee et au vert respectivement". Ryan ne prévoit pas
"une série de dés, chacun comportant sur chacune de ses faces un symbole différent
de ceux d'un dé ordinaire, mais identique à l'un des symboles de ladite série
reproduite sur ladite plaque". En outre, les dés sont utilisés en ordre séquentiel
contrairement au jeu de Ryan où les trois dés sont utilisés en même temps.
L'examinateur a déclaré que le seul concept absent des jeux de Lee ou Ryan
consiste en deux séries distinctes de symboles adjacents au tee et au vert
respectivement, les séries se distinguant visuellement les unes des autres. Il
est vrai que Hall décrit deux séries de symboles, cependant, il s'agit de
symboles du même genre, sauf que l'un est mesuré en verges à partir du tee et
l'autre en verges à partir du vert. Je suis donc d'avis que ce concept n'équivaut
pas aux séries distinctes de symboles utilisées dans la présente demande. Il
convient également de faire remarquer que le demandeur utilise des séries
différentes de dés pour les différents symboles, tandis que Hall utilise les
mêmes dés tout au long du jeu pour chaque série de symboles, autre indice de la
similitude des symboles.
Je suis convaincu que les antériorités ne présentent pas l'agencement
particulier de l'objet d'invention revendiqué. Je suis également d'avis que
la nouveauté de l'invention du demandeur ne tient pas uniquement aux
connotations intellectuelles du texte imprimé, étant donné que les restrictions
relatives à la manière de jouer, indiquées dans les revendications, apportent
une interaction fonctionnelle des éléments de la combinaison.
Je recommande que la décision de l'examinateur, de rejeter la demande
pour les motifs invoqués, soit réformée.
Le président de la Commission
d'appel des brevets,
R.E. Thomas
Je souscris aux conclusions de la Commission d'appel des brevets, réforme
la décision finale et renvoie la demande à l'examinateur pour repirse de
l'instruction.
Telle est ma décision,
Le Commissaire des brevets,
A.M. Laidlaw
Fait à Ottawa (Ontario)
le 22 décembre 1971